Copyright © 2009
Demandez l'accord des Auteurs avant toute diffusion


Erotisme torride

Tendre Amour

Bon Scénario

Belle Ecriture

Plein d'Humour

Votre appréciation
Pour apporter des commentaires ou des notations importantes à un texte,
cela se fait désormais en cliquant sur le lien ci-dessous.
Il faut par contre être inscrit.

Commenter et noter le texte

Revebebe - Histoires érotiques
Revebebe - Une histoire
Notation public
Une Histoire sur http://revebebe.free.fr/

n° 13109Rêveur solitaire15/01/09
En ce matin de juin...
critères:   fh jeunes école 69 pénétratio init
55641 caractères      
Auteur : Bertrand D

En ce matin de juin, le soleil déjà chaud illumine la salle de classe, incitant à la paresse. Mais les élèves n’y prêtent pas attention, ils écoutent le professeur de mathématiques qui leur donne les derniers conseils avant le bac.



Ils sont sortis, se rassemblant par affinités, formant déjà les groupes. Vincent, un garçon assez grand, sait avec qui il va bosser. Francine, déjà sortie, le regarde arriver en souriant. Enfin maintenant ils vont pouvoir se retrouver à la vue de tous, ce sera normal.


Ils se sont connus à leur entrée en seconde. Tombés tous deux dans la même classe, il a vite remarqué cette fille assez mince, avec un visage sympathique. D’un naturel timide, ne faisant pas de bruit, restant discrète. Elle avait le même type de caractère. Du fait de leur timidité, ils n’ont jamais osé se parler, se rapprocher, n’ont échangé que des propos anodins.


Vincent ne voyait qu’elle. Mais il ne trouvait pas le courage de lui dire ce qu’il éprouvait. Discrètement, il est allé voir du côté de sa maison. L’arrière est bordé par un chemin piétonnier permettant d’accéder sans danger à l’école primaire voisine. Une haie de cyprès cachait la villa des parents de son amie. Pourtant, en prêtant attention, il a remarqué qu’entre les pieds des arbres existait un trou qui pourrait permettre à un animal ou à quelqu’un d’habile de pénétrer dans le terrain.


Comme par hasard, il en a fait la remarque à Francine qui n’y a pas prêté attention.


Le dernier été, pendant les vacances, il a cogité, réfléchi : c’est leur dernière année ensemble, il devait se jeter à l’eau. Le jour de la rentrée en terminale, il a pénétré le premier dans la classe, a posé sa serviette sur la place à côté de lui, indiquant que l’endroit était réservé. Quand Francine a franchi la porte, elle a vu le regard de Vincent qui semblait la chercher. Elle s’est dirigée rapidement vers lui, qui a immédiatement libéré l’endroit. Elle s’est assise, ils ont souri. Quand Bruno, son voisin habituel, est arrivé, il leur a dit :



En souriant, Bruno s’est éloigné.

Le lendemain, Francine est venue en jupe, tenue assez inhabituelle dans leur classe. Vincent a été heureux de voir ses jambes. En s’asseyant, par inadvertance, elle a remonté l’étoffe bien au-dessus des genoux, chose qu’il a remarquée, lui adressant un sourire de remerciement.

Quelques instants après, son crayon est malencontreusement tombé. Se baissant pour le ramasser, il a appuyé ses lèvres sur la peau douce découverte, s’y est attardé un instant. Quand il a voulu se relever, un coude l’a maintenu en place quelques instants de plus.

Personne dans la classe, sauf sa voisine, n’a remarqué combien il était rouge quand il a enfin émergé. Son cœur battait à tout rompre.

À la sortie, Francine lui dit, innocemment :



Vincent a compris l’invitation, il allait vérifier s’il pouvait passer.

Le soir, il a emprunté le chemin et s’est glissé par la petite brèche, a avancé la tête, craignant d’être surpris. Face à lui, assise adossée à un mur, sa copine, un livre à la main, lui a fait signe de venir. Rapidement, sans faire de bruit, il l’a rejointe.

Elle a souri en le voyant si craintif.



Pour toute réponse, il a pris sa tête à deux mains et l’a embrassée comme il l’a lu dans les livres, avec la langue. C’était la première fois pour lui, et au comportement de sa partenaire il a compris qu’elle non plus n’avait aucune expérience en la matière.

Longtemps ils se sont bécotés. Elle a dû apprécier, car elle lui a indiqué comment ils pourraient se retrouver.



Sur un dernier baiser, ils se sont séparés.

Dès le lendemain, il est revenu. La porte arrière du garage était entrouverte, Francine l’attendait derrière. Après le baiser, les mains de l’intrus sont parties à la recherche des trésors cachés. Il a caressé cette poitrine tant admirée et a voulu la débarrasser de son carcan. Il a fallu l’intervention de Francine pour y parvenir. Ses mains ont pu enfin toucher les seins. Elles ont également palpé les fesses enfermées dans un jean serré. Il avait touché le corps d’une fille.

Ils ont attendu quelques jours avant de se donner rendez-vous, il ne fallait pas prendre trop de risques. Un jour, en classe, elle lui a discrètement suggéré de venir le soir. Il s’est faufilé, est rapidement entré dans le garage obscur. Elle l’attendait en robe de chambre. Lorsqu’elle l’a ouverte, il a eu la divine surprise de la sentir nue. Estimant qu’ils perdaient trop de temps à se débarrasser de toutes les contraintes, elle avait préféré prendre les devants.

Ainsi, ils ont progressé dans la connaissance sexuelle commune. Il a découvert le goût de son intimité, elle en a d’abord ressenti le plaisir, puis elle a apprécié la saveur des lèvres de son partenaire. Il lui a enseigné comment, en agitant son sexe, elle pouvait le mener au ciel.


Mais tout cela ne les a pas empêchés de travailler au lycée, se glissant subrepticement des renseignements lors des interrogations. Ils veulent poursuivre des études, même s’ils doivent provisoirement se séparer. Vincent a décidé d’aller suivre une prépa puis une école d’ingénieur à Toulouse où habite sa sœur. Elle le logera, elle possède un appartement suffisamment grand. Francine ira en fac. Toutefois ils se retrouveront le plus souvent possible.

Maintenant, le professeur leur a donné l’occasion de se rencontrer ouvertement devant les parents qui n’y verront aucun mal, sauf… sauf qu’il existe un problème. Et c’est la raison qui les empêchait d’afficher publiquement leur amitié.


Vincent est un garçon au visage aimable, brun comme beaucoup de gens du midi. Mais il s’appelle Ben Soussan. Son grand-père a été mobilisé à 18 ans, en 1943 en Algérie. Il a participé à toutes les batailles : débarquement d’Italie, Monte Cassino, toute la campagne de France jusqu’au Rhin. Et là, il a été grièvement blessé. Rapatrié sur un hôpital de Belfort, il a survécu grâce aux soins attentifs d’une jeune infirmière. Ils se sont plu, se sont mariés et ont eu quatre enfants. Le dernier d’entre eux, le père de Vincent, après un BEP est descendu dans le midi. Embauché dans une entreprise de travaux publics, il a travaillé sur divers chantiers. Et c’est sur l’un deux qu’il a rencontré son épouse, une Ardéchoise. Vincent n’est donc qu’un quarteron, mais il a hérité du nom patronymique. Il n’en rougit pas. Mais…


… Mais Francine Hernandez est de famille pied-noir. Son père, encore gamin, a eu l’esprit marqué d’une façon indélébile. La veille de leur départ pour la métropole, son père a été assassiné dans la rue, devant chez eux. Sa mère n’a même pas pu s’occuper de l’enterrement. Depuis, il voue une haine féroce aux Nord-Africains. Il a juré qu’aucun d’eux n’entrerait jamais chez lui.


Les deux amoureux ont décidé qu’ils iraient l’un chez l’autre, simplement Francine ne citerait que le prénom, Vincent, bien français.


Le mercredi après-midi, il est allé chercher Francine chez elle. La maman l’a reçu gentiment, enchantée de voir un jeune homme aussi poli, et beau en plus, être l’ami de sa fille.


Chez Vincent, pas de problème. Il avait expliqué à ses parents dans quelle situation il se trouvait, et ceux-ci ne voyaient pas d’inconvénient à cette relation. Aussi, quand tous deux sont arrivés, ils ont été bien accueillis par la maman qui a embrassé Francine. Vincent lui a dit qu’ils allaient travailler et surtout qu’on ne les dérange pas.


À peine dans la chambre, Vincent a fermé la porte à clef. Puis il s’est approché de Francine et lentement l’a déshabillée. Elle s’est laissé faire, un peu craintive, mais il l’a rassurée. Au fur et à mesure que les vêtements tombaient, il était ébloui devant tant de beauté. Car il avait touché, senti, goûté ce corps, sans l’avoir jamais vraiment contemplé. Puis lui aussi s’est mi nu. Francine elle aussi découvrait ce garçon mince mais musclé.


Allongés côte à côte, ils s’embrassent. La tête de Vincent glisse le long de ce corps pour la première fois entièrement disponible. Il arrive au mont de Vénus, et l’expérience acquise dans l’obscurité du garage lui permet d’amener rapidement le plaisir chez Francine. Il s’est retourné. Elle a vu arriver devant son visage ce morceau qu’elle a souvent manipulé, mais qu’elle ne connaît pas. Comme à l’ordinaire, ses mains s’en sont emparées mais aujourd’hui ce cône rose qui apparaît semble la provoquer. S’armant de courage, elle avance les lèvres et le goûte. Enhardie, elle l’a peu à peu absorbé, a agité la tête comme elle le faisait avec ses mains. Elle sent par ailleurs monter un plaisir ineffable.


Brusquement, Vincent lui a retiré cette sucette, est venu contre elle. Elle a compris qu’il avait voulu la protéger.



Vincent désirait cela depuis longtemps, mais il avait peur. Aujourd’hui, Francine le lui demande, il va franchir le pas.


Il est venu au-dessus d’elle, plaçant sa flèche au centre de la cible. De la main elle a bien déterminé l’endroit. Il s’est abaissé, jusqu’à ce qu’il sente une résistance, a hésité, mais c’est elle qui appuyant sur ses fesses l’a incité à descendre. Et ils se sont retrouvés, pubis contre pubis. Immobile, il a regardé son amour. Deux larmes perlaient sur les joues, mais elle souriait.



Alors il se met en mouvement. C’est une sensation formidable, un plaisir physique extraordinaire, et surtout la fierté d’être enfin un homme. Mais ces sensations sont trop fortes, il éclate rapidement en elle.


Francine sent son amant s’épancher. Elle est contente pour lui. Et c’est une délivrance pour elle, que ce frottement blessait.


Allongés sur ce lit, ils se regardent, heureux d’avoir franchi le pas ensemble.

Ils sont allés dans la salle de bains, la maman chantonnait dans la cuisine. Ils se sont alors mis au travail. Quand sa mère leur a apporté un morceau de gâteau, elle a trouvé deux jeunes en train de discuter math.


Le samedi après-midi suivant, Vincent se rend chez Francine. Dès son coup de sonnette la porte s’ouvre. Francine était à l’affût. Elle l’amène dans la salle de séjour où son père, installé dans un fauteuil, semble lire le journal. Vincent le salue poliment, ce qui plaît à l’homme.



Toute l’après-midi ils révisent. Plusieurs fois ils sentent une présence derrière l’entrebâillement de la porte, mais ils ne bronchent pas. Quand Vincent repart, les parents paraissent enchantés de leur visiteur.



Foudroyé, José Hernandez n’a rien dit, rien laissé paraître. Toute l’après-midi il a ruminé ce qu’il venait d’apprendre. Il est entré en trombe chez lui, sa fille travaillait.



Elle a compris qu’il savait tout et qu’elle devait tenir tête.



Le lendemain matin, il est allé à l’entreprise où travaille le père de Vincent. Il a saisi le premier ouvrier qu’il a vu dans la cour et lui a demandé :



Beaucoup de monde autour du comptoir, pas moyen de se renseigner. Au fond du couloir, il voit une porte marquée « Chef de chantier ». Il frappe et entre sans attendre la réponse. Un homme grand, en costume, consulte un plan avec un ouvrier en bleu de travail.



Se tournant vers l’ouvrier, son chef lui dit :



Le père de Francine est stupéfait. Un Arabe chef de chantier, et lui qui n’est qu’ouvrier !



Il est parti, plus aussi fier qu’à son arrivée.

Il a interdit à sa fille de sortir seule, de revoir aucun de ses camarades. Elle ne lui adresse plus jamais la parole.


Le 15 octobre, Francine a 18 ans. Sa mère, désespérée de voir leur fille unique leur en vouloir à ce point-là, a décidé de réunir la famille pour tenter une réconciliation. Ils savent qu’elle veut s’acheter un ordinateur portable pour la fac, tous ont décidé de lui offrir de l’argent, elle pourra faire son choix. Ils ont fait preuve de générosité.


Pendant le repas, elle n’a pas desserré les dents, sauf pour dire merci aux cadeaux de la parenté. Puis elle est montée dans sa chambre.

Le lendemain vers midi, ne la voyant pas descendre, sa mère est allée frapper à la porte de sa chambre. Sans réponse, elle a ouvert. Le lit n’était pas défait, les armoires étaient vides. Sur le bureau une feuille de papier.


Je pars.

Vous ne me reverrez plus jamais

Votre pute de fille.


Le père en rentrant a trouvé sa femme en larmes. Elle lui a tendu le papier.

L’après-midi, il est allé trouver le père de Vincent dans son bureau.




- o-O-o-



Il est dix heures et le soleil est déjà haut dans le ciel. L’ombre d’une branche vient taquiner le visage de Vincent, lumière, ombre. Dans sa tête quelqu’un frappe, peut-être une bière qui veut sortir.


Il ouvre les yeux, décor inhabituel. Soudain il réalise qu’il est dans le lit de Béatrice. Hier au soir a eu lieu le bal de la promotion d’ingénieurs. Ils y sont allés en couple, ils ont obtenu tous deux leur diplôme avec un très bon classement. Et ils ont abondamment arrosé ça. Le retour a été un peu difficile, la voiture hésitant sur l’itinéraire à suivre. Aussi ont-ils jugé préférable de ne pas aller plus loin. Vincent a encore sa chemise de la veille, Béatrice ses sous-vêtements.

Un besoin pressant l’oblige à quitter la couche. Un passage à la salle de bains pour avaler un verre d’eau avec une aspirine. Il en profite pour en préparer autant pour sa voisine de lit.


La terre lui semblant encore un peu agitée, la meilleure solution est de regagner la couche. L’affaissement du matelas sous son poids éveille la dormeuse. Les yeux papillotants, elle cherche un point de repère.



Le verre d’eau bu, elle s’affaisse à côté de lui, se tourne pour le regarder.



Et ils éclatent de rire.


Ils sont entrés ensemble en prépa, ont réussi le même concours de l’école d’ingénieurs. En trois ans, ils ont eu le temps de s’apprécier en travaillant ensemble, et accessoirement de faire l’amour.


Car Béatrice est une belle fille. Oh, pas un mannequin, bien qu’elle en ait la taille, mais un physique de vraie femme avec des arrondis là où il faut. Dès les premières séances de travail en commun, ils ont estimés que, pour satisfaire leurs besoins sexuels, autant avoir le même partenaire que dans le domaine professionnel. Ils s’aiment bien, mais ils ne s’aiment pas vraiment d’amour comme ils le reconnaissent eux-mêmes.



Céline, sa cousine germaine, a un an de plus qu’elle. Fille unique, elle a toujours été proche de Béatrice, elles se considèrent comme sœurs. D’autant qu’elles n’ont qu’un an de différence. Et, coïncidence, elle est née un an et quatre jours avant Vincent.


Les deux cousines ont décidé de fêter les deux anniversaires en même temps, et par la même occasion le départ de Béatrice aux USA où elle va poursuivre ses études pendant deux ans. Ils organiseront ça dans la vieille maison familiale, une propriété héritée de leurs ancêtres paysans, à une cinquantaine de kilomètres. Elles vont y aller à la fin de la semaine. Ce sera l’occasion d’inviter quelques copains, dont Daniel qui a fait ses études avec Céline. Ils travaillent dans la même banque.


Daniel, au début de l’école de commerce, a été attiré par Céline. Mais timide et peu entreprenant auprès des filles, il n’a jamais osé le lui dire. Depuis, il a trouvé une copine, il est beaucoup moins timide avec les femmes. Il regrette maintenant de ne pas l’avoir draguée en premier, mais c’est trop tard.


Vincent est allé passer quelques jours chez ses parents, leur faire part de sa joie pour le titre qu’il vient d’obtenir et surtout les remercier. C’est grâce à eux qu’il est arrivé jusque-là. Il compte revenir à Toulouse, chercher un appartement et rejoindre l’emploi qu’il a décroché.



Le vendredi matin, les deux cousines sont parties préparer le week-end pendant lequel doit se dérouler la fête. Le trajet est rapidement accompli, la voiture emprunte un petit chemin qui mène jusqu’à la propriété.


La ferme est grande, en forme de U. Un bâtiment central avec un étage où logeaient propriétaires et ouvriers, sur le premier côté une grande « remise », endroit destiné à abriter les charrettes et le matériel agricole, aujourd’hui presque vide. Lui faisant face, l’écurie et au-dessus la réserve à foin. Mais tout cela ne sert plus depuis longtemps.


Il est entendu que Daniel va venir cet après-midi avec sa copine qu’elles n’ont jamais vue. À l’écouter, c’est une fille magnifique, sensationnelle, de leur âge et qui, en plus, est sympathique.


Le couple est arrivé, attendu avec impatience par les deux filles.



Aussitôt tous se mettent au travail. Céline a voulu rester avec Daniel. Il lui est très sympathique et elle aurait bien aimé qu’il s’intéresse à elle quand ils ont débuté dans leur école. Mais devant son manque d’empressement elle a trouvé d’autres partenaires. Car, contrairement à lui, elle a eu plusieurs aventures. Le fait qu’il soit depuis deux ans avec Francine semble indiquer que c’est une relation durable. C’est dommage.



Céline est surprise de ce que lui dit Daniel, mais surtout heureuse de le savoir libre et surtout qu’il s’intéresse à elle.


Dans la cuisine, les deux filles ont de suite sympathisé. Béatrice a téléphoné à Vincent. Ce dernier viendra demain matin par le train et retournera chez ses parents dimanche soir.


Quand les deux autres sont revenus, ils les ont trouvées en train de rire. La soirée a été joyeuse et s’est prolongée assez tard.

Le lendemain matin, Daniel est parti chercher Vincent. Les trois filles ont commencé à préparer les festivités du lendemain. Céline est intriguée par ce que lui révélé Daniel. Elle ne voyait pas Francine sous ce jour-là. Elle n’en a rien dit à sa cousine.



Cette réplique les laisse stupéfaites. Céline se dit au fond d’elle-même qu’au moins elle est honnête.



Francine s’assied, reste un moment silencieuse.



Je suis venue à Toulouse pour essayer de retrouver… enfin, pour être loin de chez moi. Mais il me fallait travailler. Le premier jour, j’ai trouvé un hôtel minable qui me coûtait vingt-cinq euros la nuit. Dès le lendemain, je suis allée à la recherche d’un emploi. Je savais que dans la restauration on manquait de personnel car les salaires ne sont pas très élevés et les horaires impossibles. Mais ces contraintes m’importaient peu, il me fallait arriver à vivre. J’ai donc fait le tour des restaurants et hôtels, prospectant partout, mais sans succès. Partout on me disait de repasser. Et, un jour, le patron d’un restaurant du centre ville m’a proposé une place de serveuse. Trois jours à l’essai, non payés, et si je faisais l’affaire un CDD d’un mois, tarif horaire du SMIG, trente heures par semaine, cinq jours de onze heures à quatorze heures et dix-neuf heures à vingt-deux heures. Ce n’était pas le rêve.

Il m’a gardée, et même au bout d’un mois m’a renouvelé mon contrat. Entre-temps, j’avais trouvé un studio meublé dans un vieil immeuble pour 500 euros par mois. Heureusement que j’étais nourrie. C’était un restaurant où venaient manger tous les employés ou ouvriers des environs. Pas un établissement de luxe, mais la nourriture était bonne. Par contre, le travail était dur, il fallait aller très vite. Pendant un an je suis restée là, mais je cherchais un emploi meilleur.

Lors d’une visite au camion de la médecine du travail j’avais rencontré une serveuse comme moi, et nous avions sympathisé. Elle était dans un établissement chic. Je lui ai dit que c’était un emploi comme ça que je voulais. Un jour, elle est venue me voir. Elle était mariée et se trouvait enceinte. Son patron cherchait une remplaçante. Je lui avais indiqué que je parlais parfaitement l’espagnol et correctement l’anglais. Je suis allée me présenter et j’ai été embauchée.

Je travaille donc à présent dans un restaurant relativement chic, fréquenté par des hommes d’affaires, des touristes fortunés, etc. Il y a une clientèle d’habitués, avec leur place, leurs routines. Rapidement, je les ai repérés et j’ai essayé de les satisfaire. Souvent nous échangions des mots aimables. Parmi ces habitués, un bel homme dans la cinquantaine, quelquefois accompagné d’un jeune homme. Saisissant des bribes de conversation, j’ai compris que c’était un veuf et son fils.

Un jour le fils m’a dit « À demain ». Je lui ai indiqué que le lendemain je ne serais pas là, j’étais de repos. Il m’a demandé si j’en profitais pour sortir faire des les boutiques ou aller au cinéma. Je ne peux pas, lui ai-je répondu, mes moyens ne me le permettent pas. Il m’a proposé d’aller au cinéma avec lui. J’ai accepté, sous le regard amusé de son père. Nous nous sommes retrouvés devant le cinéma. Naturellement, pendant la séance il a essayé de me peloter et m’embrasser. Je l’ai laissé faire, il y avait trop longtemps que j’étais seule. Il m’a raccompagnée jusque devant chez moi.

Plusieurs fois, il m’a encore proposé de sortir. À chaque fois, séance de pelotage. Mais pendant quelque temps nos rapports se sont limités à ça. Je ne voulais pas qu’il monte.

Puis, un jour, lassée de me retrouver toujours seule, je lui ai permis quelques privautés nouvelles. Ce jour-là, nous sommes sortis enlacés, il m’a ramenée à mon studio. Et il est monté.

Je n’étais pas pucelle, mon… enfin, j’avais fait une fois l’amour. Nous avions été heureux de l’avoir fait, mais je n’avais eu aucun plaisir, cela avait été même désagréable lorsqu’il m’avait pénétré. Mais… j’étais amoureuse…


Ce jour-là, j’avais décidé de me laisser aimer. Daniel, car c’était lui, a été très gentil, très doux. Je le sentais bouillir d’impatience mais il a su se maîtriser. Il m’a déshabillée lentement, m’admirant au passage. Puis il s’est mis nu. Nous nous sommes allongés. Il m’a embrassée. J’étais novice en amour, mais je crois qu’il l’était encore plus que moi. Certes, il m’a embrassé les seins, est venu me lécher entre les jambes sans trouver le point sensible. Puis il s’est allongé sur moi et a essayé de me pénétrer. J’ai dû le guider. Cela n’a pas été douloureux, simplement un peu gênant. D’ailleurs, cela n’a pas duré longtemps, il a joui en gémissant. Pour lui faire plaisir, j’ai émis quelques soupirs de satisfaction.

Après, il était très fier de m’avoir séduite, sans se rendre compte que c’était pour le remercier de me sortir de ma solitude que j’avais accepté. Allongés, nous avons parlé un moment. Il était emballé d’avoir une maîtresse. Toutefois, en partant il a remarqué combien mon logis était petit, triste. Il n’a rien dit, mais j’ai compris qu’il était surpris, choqué même.

Au restaurant, son père était souvent seul. Il avait naturellement rapidement compris la nature de nos relations. Il avait l’air heureux que ce soit avec moi que son fils s’émancipe.


Daniel et moi nous sommes revus la semaine suivante, mais en sortant il m’a proposé de m’amener chez lui. Il m’a expliqué qu’il avait naturellement une chambre dans la maison, mais qu’en plus il s’était réservé « au grenier » comme il disait, un coin pour lui. C’est là qu’il voulait que nous allions.

En arrivant au troisième étage, nous avons débouché sur un couloir desservant ce qui était autrefois des chambres de bonnes. Il a ouvert une porte et nous avons pénétré dans un magnifique petit appartement, mansardé, mais tout de même beaucoup plus vaste que le mien. Deux pièces aménagées avec goût, salle de bains et une vue magnifique sur la ville. J’étais éblouie, je lui ai dit combien il avait de la chance de disposer de ce nid.

Comme la fois précédente, nous avons fait l’amour, mais j’ai un peu participé. Je l’ai guidé vers mon clitoris. Puis je me suis retournée et j’ai pris son sexe en bouche. Il était ébloui. Quand il m’a pénétrée, j’étais déjà plus excitée que la fois précédente. Il a commencé son galop désordonné, mais je l’ai freiné, mais mains sur ses hanches le bloquant en moi. Il a compris et cette fois cela a duré plus longtemps. Il a pris son plaisir, et pour moi cela n’a pas été désagréable. Dans ces conditions, je voulais bien baiser, c’était l’occasion d’avoir quelqu’un contre moi, qui s’intéresse à moi. Ainsi, de temps en temps, quand nous étions libres tous les deux, nous nous retrouvions.

Un jour, après avoir fini leur repas, quand je leur ai apporté le café, ils m’ont retenu, et son père s’est adressé à moi :



Daniel avait trouvé un moyen de me faire plaisir mais surtout de m’avoir sous la main chaque fois qu’il le désirerait. J’avais un peu peur du montant du loyer, mais ils l’avaient fixé à trois cents euros. J’ai accepté avec joie.

Le week-end suivant, Daniel est venu me prendre avec ma valise et j’ai intégré mon nouvel appartement. Je lui ai versé une caution en nature, faire l’amour ne me coûtait rien et j’appréciais toujours d’avoir quelqu’un qui s’intéresse ne serait-ce qu’à mon corps. Ce jour-là, il est resté plus longtemps, renouvelant son exploit, il partait pour quelques jours.


Le lundi, en sortant du restaurant, j’ai regagné mon nouveau domicile et je me suis douchée longuement dans la jolie petite salle d’eau. J’étais en peignoir de bain quand on a frappé à ma porte. Tiens, me suis-je dit, Daniel est resté, il vient me voir. Je suis allée ouvrir, c’était son père. Me voyant comme ça, il s’est excusé, voulait partir, mais je l’ai retenu, m’excusant pour ma tenue. Il venait voir si j’étais bien installée, si je n’avais besoin de rien. Je l’ai remercié et lui ai proposé un café qu’il a accepté. Pendant que je faisais le nécessaire, nous avons parlé. Mon peignoir était assez court, il m’arrivait à mi-cuisses, quand je me baissais il devait voir mes fesses. En le servant sur la table basse, mon vêtement baîllait, dévoilant mes seins. J’ai senti son regard dirigé sur eux. Je ne me suis pas redressée de suite, enchantée qu’un homme de son âge apprécie mes appas. Quand je me suis redressée, il a réalisé que j’avais surpris son regard. D’un sourire, je lui ai fait comprendre que j’avais apprécié sa curiosité. Il s’est redressé, gêné, ne sachant que dire. Je ne sais pas ce qui m’a poussée, le plaisir d’être admirée sûrement, mais j’ai tiré sur la ganse de la ceinture du peignoir. Il s’est ouvert, les côtés se sont écartés, dévoilant mon corps nu. Il y a eu un long silence. J’ai fait un pas vers lui. Il a tendu les bras, peut-être pour me repousser, mais il m’a enlacée. J’ai rejeté les épaules en arrière, le peignoir est tombé, j’étais nue contre lui.


Je l’ai amené dans la chambre et me suis allongée en travers du lit, les jambes pendantes. Il s’est baissé, a embrassé mon sexe. Et il l’a véritablement honoré, d’une manière inoubliable. Il avait la technique des hommes expérimentés. Je suis partie dans une extase extraordinaire, comme je n’en n’avais jamais connue jusque-là.

Il était toujours habillé. Il m’a regardée longuement en souriant et s’est tourné pour partir. J’ai saisi son bras pour l’arrêter, me suis mise à genoux devant lui, enserrant ses jambes. J’ai libéré son sexe gros, long, épais, dur comme l’acier, comme on l’imagine dans les rêves de jeune fille. Je l’ai pris en bouche. Plus qu’un geste de remerciement, c’était le plaisir de saisir, de posséder cet homme qui m’avait donné tant de plaisir. À un moment, il s’est brutalement arraché de ma bouche, a éjaculé sur le sol et est allé dans la salle de bains.

Quand il en est sorti, j’étais dans la pièce principale devant le café froid.



Il m’a embrassée sur les deux joues, comme une petite fille, il est parti. J’étais follement heureuse et, si j’avais eu le choix, j’aurais troqué le fils pour le père. Mais ce n’était pas possible.

La semaine suivante, quand Daniel est rentré, j’avais un peu peur lorsque je me suis dirigée vers leur table. Le père m’a souri de façon tout à fait normale. Daniel semblait heureux comme tout.



J’étais impatiente de savoir, certes, mais aussi inquiète. Ils avaient dû parler et j’espérais que le fils ignorait tout.



C’était le remerciement du père. Pour moi c’était merveilleux : trois cent euros de plus par mois ! Je comptais bien accorder aussi des acomptes au père !

Il ne se passait pas de semaine sans que Daniel vienne me retrouver. Toutefois, je ne voulais pas qu’il dorme avec moi, invoquant le travail qu’il avait. Je ne voulais surtout pas qu’il s’attache, que l’on forme un couple.

Jacques, le père, ne manifestait pas de désir de revenir me voir. Quelques semaines après, vous êtes partis en Espagne pendant une dizaine de jours. Dans la maison, il n’y avait plus que Jacques, maintenant je pensais « Jacques », et moi.

Le samedi, il était seul à sa table pour manger. Quand je lui ai apporté le café, je lui ai indiqué que j’avais un problème dans mon logement et que j’aimerais qu’il passe. Si j’ai le temps, me dit-il. Il avait compris le sens de mon invitation mais ne voulait pas y répondre.

Pourtant, dans l’après-midi, on a frappé à ma porte. Il était là, devant moi. Je lui ai sauté au coup et l’ai embrassé à pleine bouche. Il a essayé de me repousser, mais a rapidement cédé. Et cet après-midi-là, pour la première fois, j’ai véritablement fait l’amour.

J’étais en peignoir, je l’ai amené dans la chambre et je l’ai déshabillé. J’avais calculé comment je devais faire, aller lentement, ranger soigneusement ses habits, l’amener au lit.

Il a apprécié, me laissant libre d’agir. Simplement, il a fait glisser le peignoir quand j’ai eu fini. Nous nous sommes allongés côte à côte, il m’a embrassée. Pleinement, totalement, jamais je n’avais connu ça, même avec… non, rien. Puis il a exploré mon corps d’une manière complète, parfaite. Me retournant pour apprécier mon dos, mes fesses. Je voulais lui rendre la pareille. Sans que j’aie eu le temps de bouger, il s’est retourné pour me lécher à nouveau et j’ai retrouvé son sexe. Comme la première fois, j’ai mis toute ma science, le prenant longuement au fond de ma gorge.

Il m’a arrachée à ma proie, s’est retourné, est venu au-dessus de moi. Son sexe s’est placé et lentement il est entré. Je ruisselais du plaisir qu’il était en train de me donner. J’ai senti un bien-être agréable d’avoir cette présence en moi. Et il a commencé à me baiser. En quelques minutes, j’ai joui. Encore plus éblouissant que la fois précédente. Mais il a continué. J’ai accepté, voulant que lui aussi prenne son plaisir. Mais mon désir est revenu et à nouveau il m’a fait exploser, lui-même se vidant en moi.

Nous étions côte à côte, allongés sur le lit quand j’ai véritablement repris conscience. Alors, c’était ça le plaisir ! C’était vraiment le paradis, le bonheur complet. Merci, lui ai-je dit, je n’avais jamais connu d’orgasme jusqu’à aujourd’hui, tu m’as révélée.



Quelque temps après, il est venu au restaurant avec une femme d’une quarantaine d’années, très belle. Quand je les ai servis, il m’a présenté comme sa locataire, occupant le grenier de Daniel, avec un petit sourire.

À midi, il arrivait assez souvent qu’il soit avec cette dame, et Daniel se joignait à eux. J’ai compris qu’elle devenait la compagne officielle. Je le regrettais, je n’aurais plus jamais le plaisir de faire l’amour avec lui. Mais par ailleurs j’étais soulagée, plus de danger.


Un jour, je suis arrivée devant l’immeuble en même temps que le couple. Nous avons discuté un instant. J’ai ainsi appris qu’elle s’appelait Aline. Elle m’a dit qu’elle aimerait bien voir mon appartement, si cela ne me dérangeait pas trop. J’ai naturellement accepté et les ai invités pour l’après-midi même, Daniel étant absent pour quelques jours.

Quand on a frappé à ma porte, j’étais prête, vêtue d’une petite robe que je venais de me payer. Bien qu’elle ne soit pas provocante, elle me mettait quand même en valeur. Je voulais être au moins aussi bien que cette femme.

Elle était seule, Jacques avait reçu un coup de fil au moment où ils montaient. Elle ne l’avait pas attendu. Je lui ai fait visiter mon logis, lui précisant comme je me trouvais bien ici.



Je me doutais qu’elle savait que Daniel était mon amant, aussi ai-je pris la remarque avec un sourire.



Entendant ces paroles, je me suis immédiatement demandé si elle était au courant de mon aventure avec Jacques. Si c’était le cas, je risquais d’avoir une ennemie dans la maison. À moins que… qu’elle soit adepte de plaisirs plus compliqués. Je restais sans voix.



Là, plus aucun doute, Jacques avait parlé. Elle était au courant et s’amusait de moi.



Elle a ouvert ma robe et m’a retiré le sous-vêtement. J’étais paralysée, ces mains féminines qui me palpaient déclenchaient un plaisir trouble.



En parlant, elle me touchait les seins, la caresse de ses doigts me donnait des envies d’amour. Pour mieux m’admirer, elle a rabattu tout le haut de ma robe, sortant mes bras des manches. Elle a desserré la ceinture et ma robe est tombée. J’étais en culotte devant elle. Elle me regardait avec envie. Doucement, elle m’a poussée sur le lit. Sans rien dire, elle a fait glisser mon dernier vêtement, j’étais nue, à sa disposition, et cela me plaisait.

Levant la tête, j’ai aperçu Jacques dans l’embrasure de la porte, qui nous regardait. J’étais perdue. Était-il l’instigateur, le complice ou ignorait-il tout des intentions de son amie ?

Celle-ci maintenant m’embrassait comme seule une femme sait le faire. Sans se retourner elle dit :



J’ai fermé les yeux, submergée par le plaisir. Quand ses lèvres m’ont abandonnée, j’ai regardé. Jacques était là, devant moi, tout nu, son désir dressé. Je voulais qu’il me prenne, de suite, je ruisselais. Mais une tête apparut entre mes jambes et s’empara du sceptre. Elle l’engloutit en entier, j’étais jalouse d’elle. Quelques instants après, elle s’est redressée, s’est allongée tête-bêche avec moi. Elle m’a attirée sur elle, me présentant son sexe, prenant le mien. Je n’avais jamais connu les plaisirs lesbiens, mais je les appréciais en ce moment. Nous nous sommes caressées un moment, je ruisselais de plus belle. Et puis un sexe s’est introduit dans mon vagin. Jacques est très bien monté, mais il s’est enfoncé tout en douceur tant j’étais mouillée.

Combien de fois j’ai pris mon plaisir, je ne le sais pas. C’était une succession de bonheurs, et Jacques continuait inlassablement. Puis il s’est retiré sans avoir joui. Mon sexe a été abandonné par la bouche féminine. J’ai entendu un bruit de succion. Je me suis redressée.

Aline avait sa tête entre mes jambes, le sexe était enfoncé jusqu’à la racine. Il tenait sa tête à deux mains et j’ai compris qu’il se vidait en elle.

Nous nous sommes retrouvés tous les trois sur le lit, j’étais entre eux deux, leurs mains me caressaient doucement. Je venais de vivre un rêve, de ressentir des plaisirs extraordinaires.

Ils se sont redressés, m’ont aidée à me lever.



Tous trois nous sommes descendus, j’étais toujours nue. Elle m’a amenée dans une salle de bains avec une vaste baignoire. De l’eau tiède coulait. Elle m’a allongée au fond. Le niveau montait lentement, j’étais au paradis. Aline est venue à côté de moi et avec une éponge très douce m’a savonnée tout le corps. Elle m’a aidée à me lever pour atteindre le dos et les fesses. Je croyais rêver. Jacques m’a aidée à sortir de la baignoire, m’a séchée avec une grande serviette douce. Puis, me prenant dans ses bras, il m’a remontée chez moi, dans mon lit, m’a bordée et embrassée sur le front. J’ai sombré dans un sommeil délicieux.


Quand je me suis réveillée le lendemain matin, j’ai pensé avoir rêvé. Mais ma robe sur le lit, mes sous-vêtements sur la chaise me montraient que j’avais vraiment vécu ce moment merveilleux.

Vers midi, on a frappé à ma porte. J’étais encore en robe de chambre. Je suis allé ouvrir, c’était Jacques.



Je n’ai pas pu répondre, mais mon regard devait être éloquent.



Nous sommes descendus. Une table était dressée avec de la vaisselle magnifique, de l’argenterie. Aline est entrée, m’a embrassée doucement, comme un enfant.

Rien dans leur attitude n’indiquait que la veille nous avions eu des débordements incroyables. Pendant le repas, nous avons discuté calmement, ils m’ont demandé ce que je pensais de Daniel. Ils voulaient que je le sonde pour savoir s’il acceptait leur liaison, j’étais la plus proche de lui. Et ils souriaient. Jamais pourtant ils ne m’ont demandé de ne rien dire, j’étais entrée dans leur monde de débauche. Et, le plus terrible, c’est que j’étais prête à recommencer.


Daniel est rentré deux jours après, impatient de me faire l’amour. Inutile de vous dire combien j’ai trouvé fade sa prestation après ce que j’avais connu.


Vous comprenez maintenant pourquoi je suis une salope et je ne peux pas rester avec Daniel, j’aurais trop la tentation de renouer des rapports avec son père et Aline.



- o-O-o-



Elles sont restées silencieuses après cette confession. Ce qu’elle venait d’entendre dépassait tout ce qu’elle aurait pu imaginer de Francine. Par contre, Céline était émue de sa franchise.

Elles ont repris le travail, sans un mot, chacune réfléchissant. Pour rompre le silence un peu pesant, Francine dit :



Francine, s’est immobilisée, toute pâle. À un tel point que les autres se sont effrayées.



Et elle est sortie, laissant les deux autres commenter les révélations qu’elle venait de leur faire.


Le bruit de la voiture pénétrant dans la cour les a interrompues dans leurs réflexions. Les deux hommes sont arrivés tout joyeux, porteurs du pain pour la journée. Avant de passer à table, ils ont pris un moment de détente en buvant l’apéritif.

Puis Vincent a interpellé Daniel :



Quelques minutes plus tard, Daniel redescend, l’air soucieux :



Les uns après les autres, ils sont revenus bredouilles une demi-heure plus tard : impossible de la retrouver. Elle ne peut pas avoir eu d’accident, pas de route proche, pas de rivière ou de mare à proximité. En fin de compte, ils ont décidé de manger car les plats sont froids maintenant.

Au cours du repas, Daniel demande la cause de ce malaise ; les cousines ne peuvent le renseigner.



Le visage de Vincent semble se décomposer. La voix enrouée, il leur dit :



Vincent respire profondément, comme s’il s’étouffait. Deux larmes perlent à ses yeux.



Et longuement il leur raconte leur amour, et comment ils ont été séparés.

Quand il se tait, un long silence pèse sur le groupe. Tous comprennent que Vincent l’aime toujours et que Francine a eu peur de le rencontrer après ce qu’elle venait de leur raconter.

Daniel est immédiatement allé chez lui, espérant la retrouver. À son retour, il leur a dit qu’elle était passée rapidement, son père l’avait croisée mais elle ne lui avait pas parlé. Elle était repartie incognito. Le restaurant où elle travaille était fermé, congés annuels.


Les autres invités pour l’anniversaire sont arrivés, la fête a été animée. Les quatre participants n’ont rien révélé, excusant Francine qui travaillait, ont-ils dit. Vincent est reparti avec les deux cousines. Il est resté muet pendant tout le parcours. Il les a quittées sans fixer de nouveau rendez-vous et est rentré chez ses parents.



- o-O-o-



Le parking devant la mairie du petit village est encombré, des voitures sont même garées sur le trottoir. Mais personne ne proteste, c’est jour de joie, un mariage ! Il y avait deux ans qu’on n’en avait pas célébré ici.


Daniel épouse Céline. Depuis un an ils vivent ensemble. Après le week-end, elle a voulu le consoler du départ de Francine, il se sentait un peu coupable. Mais quel meilleur lieu d’écoute qu’un endroit calme et isolé, une chambre par exemple. Venu pour un moment, Daniel n’est reparti que le lendemain matin. Le soir, ils ont déménagé dans le grenier.


Naturellement, le repas aura lieu dans la propriété familiale, tous les amis sont invités. Béatrice est revenue d’Amérique passer les vacances en Europe. Vincent est son cavalier aujourd’hui.

Dès son arrivée, elle a téléphoné chez la sœur de ce dernier. Celle-ci lui a donné ses coordonnées.

Un peu inquiète, redoutant de tomber sur une voix féminine, Béatrice a téléphoné.



Cette voix, elle l’aurait reconnue parmi mille autres, ça lui a donné un coup au cœur.



Le ton est amical, mais désabusé. Le moral doit être bas, se dit-elle.



Elle a agi le plus rapidement possible, prenant une bonne bouteille dans la cave familiale, achetant une pizza et un gâteau au passage.

Moins d’une heure après, elle sonnait chez Vincent.

Il l’attendait car la porte s’est ouverte rapidement. Ils se sont embrassés, ont refermé la porte, mais il l’a gardée dans ses bras, la tête sur son épaule.



Dans les bras l’un de l’autre, dans une stricte étreinte amicale, Béatrice l’a interrogé.



Ils ont passé la soirée ensemble, ont couché dans le lit, en amis. Béatrice aurait aimé retrouver la virilité et la fougue d’autrefois, mais il l’a simplement enlacée, cherchant refuge entre ses bras.

Elle s’est réveillée la première. Soulevant le drap, elle s’est aperçue que, si la tête de Vincent refoulait le désir, la queue, dans le sommeil, n’obéissait pas. Le mât était dressé, triomphant. Alors, avec toute la douceur dont elle était capable, elle l’a gobé. La tenant d’abord au chaud dans la bouche, peu à peu elle l’a humectée avec la langue puis a commencé le mouvement de va-et-vient. Deux mains ont saisi sa tête avec l’intention de la retirer. Mais elles aussi n’ont pas obéi, elles ont seulement caressé cet instrument de plaisir.

Béatrice est heureuse d’être parvenue à tirer Vincent de sa léthargie, de réveiller sa libido. Elle poursuit son œuvre, il reste inerte. Soudain, il tire la tête en arrière et la ramène vers lui. Béatrice s’allonge sur lui et prend l’initiative. D’une main elle met en place le mandrin, et elle commence la danse érotique. Elle ressent un double bonheur, le plaisir physique à l’état pur avec cet amant qu’elle connaît si bien, et surtout le fait de l’avoir ramené à la vie. Car maintenant il l’enserre dans ses bras, baise sa bouche, retrouve les gestes autrefois familiers.

Tous deux éclatent simultanément, restent enlacés un moment puis retombent côte à côte.



Ils se sont retrouvés plusieurs fois Elle abandonnait ses parents, mais en cachette, compte tenu de son engagement officieux.

Et aujourd’hui ils sont venus ensemble à la noce. La petite salle de la mairie était bondée, mais la plupart des amis ou curieux attendaient les nouveaux époux à l’église. Cérémonie accompagnée de l’harmonium poussif.

Puis les mariés ont descendu l’allée en premier entre les bancs des invités, les témoins derrière. Brusquement, Béatrice a quitté le cortège, se précipitant vers l’allée latérale. Vincent, surpris, s’est écarté pour laisser passer le reste du cortège. Sa compagne est revenue, tirant par la main une femme qui protestait.



L’encadrant, chacun lui prenant la main, ils la font sortir de l’église, l’amènent devant le couple nuptial. Elle est assaillie par Daniel et Céline qui lui font fête.

Elle est repartie entre ses ravisseurs jusqu’à la ferme. Toute la soirée ils l’ont choyée. Quand a commencé le bal, Vincent lui a accordé la première danse, puis Béatrice, lui montrant ainsi qu’elle lui rendait son homme.

Tous deux ont quitté rapidement la fête, laissant Béatrice souriante, contente de voir Vincent enfin heureux.


Ils n’ont fait l’amour ensemble qu’une seule fois, mais ils en gardent un souvenir inoubliable, pas seulement pour le plaisir qu’ils en ont eu. Mais ce soir, forts de leur expérience, ils vont vraiment se connaître.





Copyright © 2009
Demandez l'accord des Auteurs avant toute diffusion


Erotisme torride

Tendre Amour

Bon Scénario

Belle Ecriture

Plein d'Humour

Votre appréciation
Pour apporter des commentaires ou des notations importantes à un texte,
cela se fait désormais en cliquant sur le lien ci-dessous.
Il faut par contre être inscrit.

Commenter et noter le texte

Revebebe - Histoires érotiques
Revebebe - Une histoire
Notation public
Une Histoire sur http://revebebe.free.fr/

n° 13123bouldegom24/01/09
Marthe
critères:   fh inconnu danser amour ffontaine fellation préservati pénétratio fdanus init humour
53186 caractères
Auteur : Bouldegom

Marthe, jusque-là




Je m’appelle Marthe. Quarante-et-un ans. Éducation catholique plutôt stricte, bonne élève sans excès, je suis devenue prof de maths au collège d’un petit bourg près de la ville.


Je ne suis pas très grande, un mètre soixante-deux, brune, des yeux marron de loin et vert sombre de près, pas un canon, mais bien faite de tous les côtés. Un nez aquilin, une peau mate et plutôt sombre qui me donnent un petit air du sud. Des seins pas bien gros, mais fermes, aux tétons foncés. Mon corps est mince, sans être maigre. Je n’aime pas me maquiller, et je ne me suis jamais épilée. J’ai peu de goût pour les beaux vêtements et les dessous chics. Pour être franche, je passe un peu inaperçue, et j’essaie de me convaincre que ça me plaît.


Ma vie affective est carrément terne. L’éducation prodiguée par mes parents avait produit une « oie blanche » typique. D’une part j’étais très surveillée, d’autre part j’étais ma meilleure geôlière, vu que j’étais persuadée, quand j’étais ado, qu’on faisait les bébés en s’embrassant sur la bouche. Mon côté trop rigoureusement cartésien n’a jamais trébuché sur cette incongruité. Si j’ai eu des cours d’éducation sexuelle, soit ils n’ont jamais abordé explicitement cette question, soit je l’ai refoulée comme incroyable ou insupportable.


C’est à dix-sept ans que j’ai compris que la fécondation pouvait se jouer à un autre niveau. J’étais une jeune fille très sage extérieurement, mais au-dedans j’étais un petit animal joueur, sauvage, curieux et indépendant. J’étais allée en Angleterre pour un échange linguistique (où il n’était, Dieu merci, pas question à priori d’échanges de langues), bien sermonnée par ma mère sur la moralité british, représentée par Barbe-Bleue. Le premier samedi, une boum était organisée par tous les correspondants. À ma grande stupeur, presque toutes les filles étaient « mini-jupetées », peinturlurées, décolletées, et des couples s’embrassaient et se caressaient dans tous les coins. Moi, j’avais l’impression d’être Bécassine avec ma jolie jupe longue bleue à volants et mon corsage à col fermé. Une chaleur d’enfer, et uniquement des boissons alcoolisées…


Pour ne pas paraître trop nunuche, j’ai bu un peu de punch, croyant avec mauvaise foi que c’était surtout du jus d’orange. J’ai fait banquette un moment, me demandant sur quelle planète j’avais atterri. Ma correspondante Carolyn était accaparée par son boy-friend et, vu les pelles qu’ils se roulaient, elle allait être enceinte de triplés ! Son frère, Bert, beau gosse roux et boutonneux de dix-huit ans, m’a fait danser quelques rocks endiablés et diablement agréables. Il a bien fallu que je boive encore du punch. Je peux dire que je commençais à en avoir, du punch ! J’étais sur un petit nuage, très très loin de mes parents et de Monsieur le curé. Lorsque les slows sont arrivés, Bert m’a gentiment invitée. Il avait les mains résolument baladeuses, mais c’était une sensation nouvelle et infiniment agréable, malgré l’autre sensation, de péché mortel, qui m’envahissait. Je me sentais comme Milou, déchiré entre le devoir représenté par son chien-ange gardien et un magnifique os proposé par son chien-diable gardien. Mais bon, il ne cherchait pas trop à m’embrasser sur la bouche, donc tout allait bien.


On s’est assis dans un coin, et quelqu’un a fait passer une cigarette roulée main. J’ai pensé que c’était une coutume autochtone. Moi, je n’avais jamais fumé, mon père nous empestant toute la journée avec ses clopes et sa pipe. Mais ce tabac anglais sentait vraiment bon, une odeur entêtante de foin brûlé, et pour ne pas trop paraître Bécassine, j’ai inhalé une grosse bouffée, non sans tousser, chaque fois que le pétard passait. Je commençais sérieusement à planer. Un petit refrain me courait dans la tête : « Les mains de Bert sur la peau de Marthe, les mains de Berthe sur la peau de Mart… »


Un ou deux slows plus tard, j’étais émue, nom d’un petit bonhomme (pour pasticher l’ami Brassens), et, même si cette idée m’aurait paru absolument inimaginable deux heures avant, j’avais une envie irrésistible que Bert caresse ma peau plutôt que les étoffes qui me couvraient et me faisaient suer à tout point de vue. Comme les deux mains de Bert semblaient avoir le même objectif, nous avons dérivé vers une chambre très sombre. Sur le lit, il y avait un couple très peu habillé et très emmêlé, qui ne se préoccupait vraiment pas de nous. Dans un coin au fond de la chambre, un tapis moelleux nous tendait ses longs poils de laine. L’absence de lumière m’arrangeait bien, dans la mesure où je n’avais jamais laissé voir à personne la moindre parcelle de mon corps que je trouvais moche, et où, dans la nuit, le péché me paraissait moins visible. Et puis, au fond, ce tapis me permettait opportunément de ne pas être « au lit » avec un homme…


Il m’a d’abord déshabillée en haut, du moins ouvert mon corsage et relevé mon soutien-gorge que j’avais obligeamment décroché. Là-haut sur mon petit nuage, j’avais un sacré vertige, et mon cœur battait plus fort que Big Ben en pleine forme ! Les mains de Bert sur mes seins m’hypnotisaient complètement. Leur fine peau sensible, subjuguée, les guettait, les écoutait la révéler, comme si elles avaient dévoilé une statue longtemps cachée. Mes seins auraient dansé au rythme de ses doigts toute la nuit. Mais, sans attendre la fin de la nuit, et même bien trop tôt, il a commencé à me caresser l’entrejambe, sans grande douceur. C’était un mélange de sensations nouvelles et géniales et de sensations très désagréables, comme un gâteau à la crème qui aurait été poivré et salé. Je l’ai laissé enlever ma culotte en me soulevant même un peu. J’avais un tourbillon dans la tête, dans un état second. C’était comme si mon corps n’avait jamais existé avant que ces mains courent dessus. J’aurais voulu qu’il m’enlève tous mes habits et qu’il continue à me caresser comme pendant les slows, mais il a enlevé son jean et son slip. C’est alors que dans la pénombre j’ai aperçu son sexe. Bien sûr, je n’en croyais pas mes yeux ! Je me suis dit : « Tu es complètement pétée, c’est trop gros, ça ne peut pas être son zizi ». À tel point que j’ai avancé la main pour tâter et constater la réalité. Bien sûr, il s’est mépris sur mon geste qui l’a encore excité. Il a entrepris de m’écarter les jambes, avec douceur d’ailleurs, puis de me pénétrer.


Là, en même temps que je pensais impossible qu’un aussi gros machin puisse entrer dans mon sexe, j’ai eu la brusque et éclatante révélation de la méthode pour faire les bébés ! J’en ris encore (jaune), de ces deux pensées tellement incongrues. J’ai eu brutalement une telle frousse que j’ai serré tout ce que je pouvais, cuisses, petites et grandes lèvres, vagin, yeux, dents, bouche, pour empêcher toute intrusion. Quant à lui, il était tellement excité, et sans doute en manque, qu’il a éjaculé sur mon ventre, avec des grognements, puis des « sorry » sincères. Inutile de préciser que je ne comprenais rien à ce liquide chaud et visqueux dans mes poils et sur ma peau, et au fait que sa verge (je ne connaissais même pas le mot à l’époque) était à nouveau « normale ».


Bert était tout gêné et tout tendre, pensant avec raison qu’il avait fait une piètre prestation, dans son inexpérience. Moi, je ne planais plus et j’avais un peu dessoûlé. On s’est rhabillés et j’ai rejoint Carolyn, sans rien raconter. Bref, je suis restée pucelle sans gloire.



Quand j’ai eu dix-neuf ans, mes parents m’ont mariée, sans vraiment me demander mon avis, à un cul-bénit que je ne connaissais pratiquement pas. Un homme grand, beau, vingt-six ans, plutôt riche, un peu autoritaire, un excellent parti, qui saurait calmer mon caractère indépendant.


Grand mariage avec beaucoup de monde, messe, orgues, cadeaux (surtout ménagers et électro-ménagers, pas de Kamasoutra ni de vibromasseur), repas pantagruéliques. Pour ma nuit de noces, je peux dire que je n’ai pas été à la noce ! Pierre était sans doute vierge, en tout cas sans expérience, et je le soupçonne fort d’avoir étudié la sexualité grâce à des films pornos. Quand nous nous sommes couchés (dans la chambre de ses parents, prêtée pour l’occasion !), nous étions aussi crevés l’un que l’autre. Mais il tenait bien sûr à « faire le devoir conjugal », comme il disait. Je me suis déshabillée pendant qu’il allait aux WC, j’ai mis une nuisette offerte par ma belle-sœur (moi, d’habitude, je dormais toute nue, ou avec un T-shirt), j’ai retiré ma petite culotte après mûre réflexion, et je me suis mise au lit. Lui, après de longues ablutions, est arrivé en pyjama, a éteint la lumière et m’a rejointe. Je n’en menais pas large, et lui non plus.


Il m’a d’abord embrassée sur la bouche, et j’ai mis un moment à comprendre qu’il ne fallait pas serrer les dents. Je ne trouvais pas ça désagréable. Pierre a bonne haleine, et il embrasse bien. Nous n’avons pas échangé un mot. Il m’a embrassé les seins, trop rapidement, mais Dieu, qu’est-ce que c’était doux, puis, sans autres préliminaires, il s’est couché sur moi et a entrepris de me pénétrer, et donc de me déflorer.


Ça n’a pas été sans mal. J’avais gardé de mon expérience anglaise un réflexe de fermeture, et j’étais quasiment sèche. J’étais sur le dos et je dois avouer que j’attendais que ça se passe (du genre « serre les dents, écarte les jambes et pense à la Reine d’Angleterre »), en essayant tout de même de faciliter les choses. Il a enfin eu l’idée de se mouiller le gland, sans aller jusqu’à toucher mon sexe avec ses doigts, et, après quelques poussées fortes, presque violentes, son sexe est entré en moi. À cet instant, j’ai ressenti une brusque douleur qui m’a rappelé un claquage que je m’étais fait dans le mollet quelques années avant. Ma belle-mère m’avait offert le livre « S’aimer corps et âme » deux jours avant le mariage et, l’ayant timidement feuilleté, je savais que ce serait en principe douloureux, mais je ne m’attendais pas, à côté de cette douleur vite oubliée, à cette géniale sensation simultanée d’être occupée comme une maison neuve accueillant ses habitants. Malheureusement, Pierre a immédiatement joui, s’est aussitôt retiré, et s’est endormi sur le champ et sur mon ventre (c’est lourd).


Une routine s’est vite installée. Le devoir conjugal deux ou trois fois par semaine, toujours tard le soir, sans lumière. Pierre, malgré ses efforts (mais dans ce domaine les efforts sont à mon idée nuisibles) resta un éjaculateur plus ou moins précoce. Mon vaginisme s’est un peu atténué mais, hormis ce plaisir d’être remplie, je n’avais jamais le temps d’avoir vraiment des sensations, et encore moins de jouir. En plus, il croyait qu’un bon amant doit « limer » sa partenaire le plus vite possible et, ce qui est pire, je n’étais pas sûre qu’il ait tort !


Un mois après le mariage, j’ai su que j’étais enceinte. Dès que Pierre l’a appris, il n’a plus voulu faire le « devoir conjugal », de peur de faire du mal au bébé, et parce que le but du devoir conjugal était d’abord de faire des enfants ! Malgré tout, comme je voyais bien que son sexe avait des raisons que la religion ignore, j’ai appris à le caresser avec mes mains, à le branler. Je pense que j’étais une bien piètre branleuse, mais j’étais d’une redoutable efficacité pour le résultat recherché : l’éjaculation. Mes malheureuses tentatives de le sucer, ou d’allumer la lumière, furent repoussées méchamment, comme vicieuses. Dans la nuit et manuellement, ça devait pouvoir se dissoudre sans trop de culpabilité dans la sauce onctueuse du confessionnal.


Après la naissance de Sophie, je me suis fait mettre un stérilet sans le dire à Pierre, et je me suis consacrée à l’éducation de mon bébé, qu’il négligeait (zut, ce n’était pas un garçon !).


Une collègue m’avait prêté « Venus Erotica » d’Anaïs Nin. Je le lisais en douce et je le cachais bien. Ces textes me choquaient énormément et me plaisaient infiniment. Mais pour moi c’était comme de la science-fiction, comme si Elena ou Bijou n’appartenaient pas au même monde sexuel que moi. J’en suis venue à me caresser doucement en lisant les nouvelles. La première fois où j’ai atteint l’orgasme, je ne m’y attendais pas du tout, et je me suis demandé ce qui m’arrivait. Sans blague, j’ai même vérifié dans le dictionnaire médical de la médiathèque que je n’étais pas épileptique ou quelque chose comme ça ! Ce qui me rassurait, c’est que ça ressemblait tout à fait (en vrai !) à l’orgasme décrit dans « S’aimer corps et âme ». Mais comment aurais-je pu imaginer cette explosion des sens à partir des mots lénifiants du livre ? Par contre, la masturbation était manifestement un grave péché, et je portais une grave culpabilité. Heureusement, tout en faisant semblant de croire, je n’ai bientôt plus cru, et j’ai commencé à décider que Dieu n’existait pas, et que j’étais assez grande pour décider du bien et du mal, pour et selon mon bon plaisir.


Après six ans de mariage, Pierre a rencontré une fille de vingt ans, sans doute plus malléable que moi, dont il est tombé amoureux, malgré toute sa morale. On a divorcé d’un commun accord, et Sophie est restée avec moi.


Bien du temps a passé. J’ai eu quelques brèves aventures, mais il faut croire que j’attire les éjaculateurs précoces et les limeurs endiablés, et je finis par me dire que j’y étais pour quelque chose. Peut-être devrais-je faire une psychothérapie.


Il y a deux mois, mon père est décédé d’un cancer des poumons. J’ai beau me dire qu’il ne l’a pas volé, c’est une mort atroce, et je n’ai pas un bien gros moral. Ma fille est partie faire ses études au Québec. J’ai quelques amies avec qui je joue au tennis ou bien randonne en été, mais peu d’amis, et j’ai peur d’oublier le sexe, j’ai peur de ne plus exister en tant qu’être sexué. Je me sens souvent bien seule. Bouh ouh ouh.




Marthe, premier jour




Ce soir, Martine et son mari Roland m’ont invitée à un repas dans un restau où on danse. Ils voient bien que je ne pète pas la forme et ils savent que j’aime danser. J’ai un peu la sensation qu’ils se dévouent, mais c’est gentil.


C’est drôle, je me rends compte que je suis vêtue presque comme pour la boum anglaise : jupe à petites fleurs bleues, avec trois volants (j’aime bien quand ça tourne) et un corsage uni bleu sombre et marron, un peu comme mes yeux. Je ne parle pas des dessous, mode Petit Bateau en coton blanc…


C’est tout près du centre ville et j’y vais à pied. Eux arrivent de la périphérie en voiture. Après les bises d’usage, on s’installe, pas trop près de la piste. La salle est grande, avec une grande piste en parquet. Il y a beaucoup de monde, mais je ne connais pratiquement personne. Il y a des tables uniquement d’hommes, et des tables uniquement de femmes, sans doute des repas entre collègues de travail. Ils se jettent des regards discrets mais ne se mélangent pas.


Le repas est plutôt bon, et la conversation est agréable. Après le café, Roland et Martine se lèvent pour un paso. Je n’aime pas trop le paso, et personne d’ailleurs ne m’invite. Après une série de tangos, Roland m’invite pour des javas. Il est gentil de s’occuper un petit peu de moi, mais ces deux-là sont un joli couple qui ne fait pas trop semblant, et bientôt il m’abandonne avec un mot amical. Je patiente un moment en observant les couples qui virevoltent. En fait, relativement peu de personnes dansent. Ils préfèrent discuter. Un jeune aux cheveux blonds gominés en houppe m’invite pour des rocks. Il danse mal, mais je m’en fiche. Il est joyeux et drôle et je sais bien m’adapter à tous les cavaliers. Pour une série de tangos, un jeune beau (de mon âge !) m’invite et me serre, avec des passes qui sentent à deux lieues l’école de danse pas trop digérée. Ma danse plus spontanée ne lui convient pas trop et il m’abandonne lâchement. Du coup, je ne danse pas beaucoup, et j’ai un peu le bourdon. Je pense à partir et je cherche mes amis quand, pour une série de valses, un homme de la table voisine vient m’inviter.


Il danse bien. Il doit avoir cinquante balais, mais il est simplement élégant en jean et T-shirt, des cheveux bruns qui commencent à grisonner et à se clairsemer au-dessus de la tête. Pas très grand, peut-être un mètre soixante-dix, sans embonpoint, pas de montre ni d’alliance (eh oui, je regarde) ou autres bagues. Il me dit :



Je suis un peu prise de court. Ça tourne rond, j’adore valser, je me vois dans « le Guépard ».



Et la conversation continue sans gêne, facile, drôle. Je me laisse tournoyer dans ses bras. Il me tient fermement, corps contre corps, sans me serrer. Je suis bien, comme ça ne m’est pas arrivé depuis une éternité. À la fin des valses, il y a un petit arrêt. On attend, comme s’il était entendu qu’on est ensemble. C’est « Rock around the clock » qui suit.



En fait, il rocke assez bien. C’est sûr, ce n’est pas académique, il n’a pas appris, mais il a le sens du rythme et c’est génial, un peu dans le genre auto-scooter… On se fait un peu de « rentre-dedans » innocent (ou presque) et accidentel (ou presque). « Ainsi que des bossus tous deux nous rigolâmes »…

Pour nous reposer, le DJ lance une série de slows. « I put a spell on you »… Il n’a pas besoin de me demander si je veux. Il m’entoure de ses bras et danse lentement. Ses mains, presque sans bouger, deviennent le complément indispensable de mon épaule, de ma hanche. Elles ont trouvé leur place instantanément. Il me regarde et me sourit. J’ai envie de poser ma tête contre son épaule. J’ai un peu honte d’être aussi bien.



Devant cette question si directe, je ne sais que lui sourire bé(a)tement, je me serre un peu contre lui et j’en profite pour poser ma tête sur son épaule. Il me caresse à tout petits gestes très lents, plutôt une série de minuscules massages. Sa main effleure un sein. Nous sommes dans une bulle de sensations. Incroyable ! Je sens le désir dans mon bas-ventre, comme une bouillotte. Je ne me rappelais plus cette sensation. Contrairement à beaucoup de mecs, il ne danse pas les fesses en arrière, et je sens son érection contre moi. Je me sens rougir. Je n’ai pas l’habitude !



Je ne comprends pas le jeu de mot du premier coup, mais il a un petit mouvement du bassin qui m’évite une cruelle méprise. Sans répondre, je lui fais un bisou (presque) pudique dans le cou. J’ai envie de ses caresses, j’ai envie de son humour, j’ai envie de son regard, j’adore son sexe bandé contre mon ventre. J’ai honte d’avoir une envie physique si violente d’un homme. Je réalise que c’est la première fois, à quarante-et-un ans ! « Night in white satin »… Je vais mourir de bien-être. Je respire son odeur dans son cou où je pique à nouveau un timide bisou. Lui passe sa joue sur mes cheveux. Mes seins veulent traverser les étoffes vers sa peau. Ses mains me racontent d’immenses voyages sur des minuscules bouts de peau. Mes mains, comme si de rien n’était, courent très lentement sur ses hanches, ses épaules, se risquent sur la peau nue de son cou.



Je comprends cette fois sans hésitation. J’en brûle d’envie.



Je suis loin de me sentir envahie, je veux être envahie, j’ai une frénétique envie d’être envahie, mais va pour l’hôtel. Je dis au revoir à Martine et Roland qui ne font pas de réflexion, mais ils sont ébahis et sans doute ravis de me voir partir avec un homme.


Sur le chemin, nous marchons côte à côte, sans nous tenir la main, mais nous nous heurtons tendrement et comme distraitement tous les deux pas. Il me dit :



Il y a longtemps que ma morale est devenue ultra-tolérante. Quant à souffrir, je vis beaucoup dans le présent et, jusque-là, mon présent n’était pas folichon.



Je ne sais pas si je dois le croire, mais je suis trop tentée.


L’hôtel est propret, la chambre chaude, petite, mais chaleureuse.



Il me sourit gentiment et disparaît dans la salle de bains. Trois minutes après, il ressort tout habillé et pieds nus. Je vais sous la douche. Mon cœur bat la chamade comme si j’étais une ado à son premier rendez-vous. Je regarde mon corps avec perplexité en me demandant s’il est acceptable. Bon, je n’en ai pas d’autre, et les défauts sont tout de même mineurs. Comme lui, je me lave vite et je me rhabille, sans remettre le soutien-gorge ni le collant.


Il n’a laissé qu’une petite lumière douce et un peu rose. Il vient à ma rencontre et me prend dans ses bras comme pour le slow. J’entends quasiment la musique : « … une fille qui tangue et qui se tait, c’est extra… ». Il me regarde dans les yeux en souriant. J’aime qu’on me caresse comme ça avec les yeux. Ses mains caressent mes tempes et mes cheveux. J’ai envie de peau. Je passe ma main sous son T-shirt et je remonte jusqu’à son cou. Je lui pique un petit baiser sur les lèvres. Je ne me reconnais pas : je lui enlève son T-shirt et je frotte doucement mon visage et mes cheveux contre sa poitrine. Je voudrais qu’il soit déjà tout nu. Je voudrais, je voudrais, mais il prend son temps, ce sadique. Je n’ai pas l’habitude, je suis en manque, de tendresse, de gentillesse, de caresses, de contact, au secours, c’est trop bon, cette torture !


Il explore mon dos en appuyant par-ci par-là, il a dû sentir que j’ai enlevé mon sustinge. Il n’a pas touché mes seins. Peut-être qu’ils ne lui plaisent pas. Il masse mes hanches et descend doucement sur les fesses. Je réalise que j’ai des fesses ! Je vois Bardot « Et mes fesses, tu les aimes, mes fesses ? » Il prend ma tête entre ses mains et m’embrasse voluptueusement. Je ne sais pas embrasser, mais je vais être la reine des autodidactes du baiser, je le sens. Son baiser est chaud et doux. Le lâche, il en profite pour déboutonner mon corsage, et il le balance au loin, n’importe comment. Mes seins contre sa poitrine, sa peau chaude contre mes seins, ses lentes mains qui chantent, si douces sur mon dos, qui descendent et cherchent l’attache de la jupe. Je le laisse chercher et moi je défais sa ceinture, le bouton de la braguette, la fermeture éclair, c’est facile (et tendu). Je baisse son jean qu’il envoie, d’un coup de pied, rejoindre ma jupe qui l’a précédé de peu. Ils font un beau couple. Sa verge dépasse du slip et semble bien comprimée. Je n’écoute que mon courage et je la libère. Je dis bien mon courage, parce que je n’ai jamais vu d’homme nu avec de la lumière ! C’est beau, émouvant et impressionnant. Elle est un peu arquée à la base, avec un gland violacé tout lisse. La peau de la hampe est sombre, comme bronzée. J’ai envie de l’embrasser, cette bite, mais que penserait-il de moi ? Lui a glissé ses mains sous ma culotte, qu’il abaisse tout doucement en s’agenouillant devant moi. Lorsque la culotte est à mes pieds, je suis la nouvelle tradition et l’envoie balader au loin en riant. Ses mains sont remontées sur mes fesses, et il pose sa bouche juste sur mon sexe, au milieu des poils encore un peu humides. Des petits bécots éclatent comme des bulles de savon dans mes poils… Mais qu’est-ce qu’il fait ? Sa langue m’a effleurée. C’est sale ! Oh, oui, c’est salement bon. Il souffle de l’air chaud dans ma toison, et c’est comme si une vague tiède me parcourait le corps. Ses doigts doux, sous les boucles brunes, ouvrent délicatement ma vulve craintive, et sa langue et ses lèvres jouent avec mes petites lèvres. Je me lève sur la pointe des pieds et je caresse ses cheveux. Ô temps, suspends ton vol !


Il se relève et m’entraîne doucement vers le lit. Bon, les bonnes choses sont finies. Je me couche bêtement sur le dos, mais lui s’étend à côté de moi et regarde mon corps avec ses yeux rieurs et ses mains langoureuses.



J’ai tellement peu d’expérience des caresses que je n’imagine pas qu’on puisse n’en pas aimer certaines. Je lui dis que non, et je glisse en rougissant comme une pivoine que je n’ai pas une grosse expérience sexuelle.



Bien sûr que je n’en ai pas. Avant de venir, j’étais à des années-lumière d’imaginer ne serait-ce que plaire à un homme, et puis, jamais un de mes amants ne s’est préoccupé ni de contraception, ni de protection. Je me dis « zut, ça va être fini », il ne voudra pas faire l’amour, pour une fois que j’en ai envie !



Il a une manière simple et directe de dire les choses qui m’effarouche et me plaît. D’accord, bien sûr.


Il me demande de me coucher sur le ventre, de fermer les yeux et d’écarter les jambes. Commence une délicieuse désescalade sensuelle de mon corps. Il lisse mes cheveux et les étale sur ma peau, il me masse le cuir chevelu avec douceur et lenteur. J’ai envie de ronronner. J’oublie le sexe. C’est comme quand je suis bien fatiguée par une rando et que je glisse avec volupté dans le sommeil. Mais je ne dors pas ! Je glisse dans la caresse. Ses doigts parcourent mon cou et mes épaules avec des massages progressifs qui enlèvent ma fatigue. Il est sur moi, au-dessus de moi, les genoux entre mes jambes. Quand il se penche, je sens son sexe qui effleure mes fesses (très émues). Deux mains chaudes randonnent dans mon dos comme dans un paysage de collines. Il renouvelle le massage des hanches, puis ses doigts piétinent la région du coccyx où j’ai toujours un peu mal. Comment devine-t-il ce qui me plaît ? Il me caresse les fesses, les palpe, les écarte, les serre, joue avec. Mon sexe recommence à s’émouvoir et appelle ses mains, mais il l’évite et passe aux cuisses. La simple sensation d’être cuisses ouvertes et totalement offerte à son sexe est pleine d’une étrange sensualité, terriblement douce et violente. Pourvu qu’il ne remarque pas les poils de mes jambes. Et mes mollets de sportive, que va-t-il en penser ? Il les presse doucement et fermement de bas en haut, et ça aussi ça me défatigue. Et les pieds, il est fou, il me masse les pieds en n’oubliant aucun orteil. Je suis un piano sur lequel il joue ses arpèges. Jamais je n’aurais imaginé qu’on puisse prendre son pied comme ça !


Il me retourne sur le dos. Je me laisse faire, lourde, gênée et désirant avidement son regard, et je garde les yeux fermés. Peut-être pour qu’il ne me voie pas avec mes yeux trop critiques. Le paradis c’est comme ça ?


Je ne sais pas où il est, mais je joue le jeu. Je sens sa bouche sur la mienne, mais à l’envers ! C’est rigolo, nos langues sont toutes râpeuses. Son baiser est une pénétration humide et délicate. Ses mains me remplissent de voluptueux vertiges mais, cette fois, sa bouche, qui a quitté la mienne, et m’a chatouillée dans le cou, s’est posée sur mon sein gauche. Ouf ! Je sens l’aréole et le téton se contracter sous sa langue alors que sa main dorlote tendrement l’autre sein. Cette andouille d’homme resserre mes deux seins et dit qu’il n’arrive pas à joindre les deux bouts ! Je suis prise d’un fou-rire proche de la douleur. Moi qui ne connaissais que des relations sexuelles sérieuses et presque dramatiques ! On est loin du « devoir conjugal ». Heureusement, ses lèvres ont saisi mon autre téton et je replonge aussi sec (encore que…) dans mon trip de plaisir, noyée dans ses caresses.


Maintenant, il a posé sa joue sur mon ventre, et il me dit qu’il entend mon cœur. Ça doit faire un sacré raffut. Je ne peux pas m’empêcher de poser mes mains sur sa tête pour la caresser et l’accompagner.


Il dit : « Marthe, tu es douce » ou « Marthe, tu es belle ». Sa voix me fait un prénom de velours. Il parle très peu, mais ses paroles sont des caresses intimes et divines.


Cette fois, il est descendu entre mes cuisses et me demande de relever un peu mes jambes. Je peux ouvrir les yeux si je veux. Il met un oreiller sous mes fesses, et mon sexe est complètement exposé à sa bouche. J’ai honte, parce qu’on m’a toujours dit que le sexe, c’était sale, mais décidément le plaisir ankylose ma honte, et sa tête qui me sourit entre mes cuisses, je trouve ça choquant, drôle, gentil, beau à pleurer. C’est si inimaginable qu’un homme cherche mon plaisir. J’aime le voir me caresser.


Il pose la paume de sa main sur ma toison et remue doucement avec le bout des doigts sur mon ventre. Ce petit mouvement de sa main chaude tire et relâche tout doucement mon clitoris. Je relève le bassin pour être plus accessible. Il embrasse doucement là tout en haut de mes cuisses, près de la vulve, puis je sens sa langue qui crisse sur les poils qui cachent les grandes lèvres. Il masse précautionneusement mes grandes lèvres un peu brunes. Les sensations de plaisir ruissellent dans mes cuisses et dans mon ventre. Puis ses doigts écartent délicatement les poils, et son majeur qu’il a mouillé de salive remonte suavement sur la peau lisse et un peu violacée et redescend en promenade de l’autre côté. Ses doigts jouent à explorer tous les petits replis de mes petites lèvres et le bout de sa langue vient les humecter. C’est horriblement intime et génialement tendre d’être observée, détaillée et léchée comme ça. Mes mains accompagnent sa tête, sans oser la guider. Je ne suis plus qu’un sexe béant et attentif, qui observe amoureusement l’itinéraire des doigts et de la langue d’Étienne. Mon plaisir, tellement différent de celui que je peux me donner, gonfle, gonfle comme un ballon de baudruche. Ses doigts font une pause. Il me soulève un peu et relève carrément mes jambes, qu’il enserre avec ses bras. Il commence à me lécher délicatement les petites lèvres, l’orifice du vagin, et le clitoris. Je lui retire un peu la tête par les cheveux, c’est trop fort. Je n’ai vraiment pas l’habitude de sensations aussi extrêmes. Sa langue revient plus bas, et, oh non ! Il me lèche le trou de balle (d’accord, c’est vulgaire, mais comment vous dites, vous ?) ! Je n’ose pourtant pas dire stop, et c’est si étrangement bon. Une nouvelle sensation d’excitation toute différente irradie autour de l’anus, mais c’est trop, et je lui tire à nouveau les cheveux. Sa langue reprend son ballet à l’entrée du vagin, et je me dis que la baudruche va éclater. Il mouille son majeur droit, mais c’est bien inutile, et l’introduit tout doucement dans mon vagin. Je sens qu’il appuie la pulpe du doigt sur la face antérieure du vagin. C’est comme si j’avais là un petit coussin. J’ai l’impression qu’il fait signe à mon orgasme de venir vers lui. « Petit, petit, petit… Viens, n’aie pas peur ! » Une langue chaude et mouillée vient alors se poser presque sans bouger sur mon clitoris. J’explose. Il me titille encore un peu avec son doigt et je rebondis sans fin. C’est exactement le bouquet final d’un feu d’artifice.


Je mets longtemps à rassembler mes morceaux. Il s’est allongé contre moi. Je mets ma tête sur son épaule, et j’éclate en sanglots. Il ne dit rien et me caresse les cheveux avec plein de petits bécots. Mes sanglots se calment et nous partons tous deux dans un nouveau fou-rire.


Je m’aperçois alors qu’il bande encore comme un cerf. À vrai dire, je n’ai jamais vu de cerf bander, mais puisqu’on le dit…


Mon envie d’embrasser sa verge me reprend. Vu ce qu’il m’a fait, je doute maintenant qu’il soit choqué, mais je lui demande quand même si je peux. Son étonnement me vexe un peu.



J’ai bien sûr vaguement entendu parler des pipes et autres pompiers, mais pour mon ex, donc pour moi, c’étaient des trucs de prostituée. À ma demande, il m’explique un peu comment on fait, ce qui est agréable et désagréable, et je l’étends autoritairement sur le dos. Il me demande si je veux qu’il me prévienne avant d’éjaculer. Sans réfléchir, je lui dis que non. J’ai une folle envie de le lécher un peu partout et même ailleurs, mais on n’évacue pas quarante années de culpabilisation sur le sexe en une soirée.


Je me mets à genoux entre ses cuisses et je prends délicatement le gland entre mes lèvres. Je passe la langue dessus, c’est merveilleusement lisse.



Je fais un bond en arrière, toute coupable, bien sûr. Cet imbécile rit comme un âne. Ça rit, les ânes ? J’ai bien envie de le mordre. Qu’est-ce que c’est bon aussi, de rire. Je me remets à glander avec délectation…

Je tourne un peu autour en faisant des petits bisous. Je le lape comme un petit chat. Je réalise tout à coup que ça ressemble à un joystick et j’échappe de peu au troisième fou-rire en pensant à la signification du mot joystick ! Sans rien brusquer, je fais pénétrer sa verge de plus en plus profondément dans ma bouche. C’est gros ! Mais je jette un coup d’œil à Étienne, attentif et souriant, qui se relève un peu pour me caresser les cheveux et me regarder. J’ai constaté tout à l’heure comme c’est excitant, de regarder. Je reprends un lent va-et-vient prudent, en lui caressant les couilles de ma main libre. Je sens sa tension qui monte régulièrement et je me prends à jouer en sortant de temps en temps son sexe de ma bouche et en le léchottant doucement. Puis je le reprends. Je ne sais pas s’il faut aspirer mais, quand je masturbais mon mari, ça fonctionnait bien sans pomper. Ça ne doit donc pas être utile. En essayant d’obtenir une « grande longueur en bouche » sans me mettre à rire, je m’étrangle à moitié, mais je commence à bien sentir la technique. Il m’accompagne doucement en ondulant du bassin. Il semble particulièrement apprécier lorsqu’il est bien profond dans ma bouche et que j’entortille ma langue autour de la hampe, et aussi les entrées et sorties du gland entre mes lèvres. J’expérimente avec jubilation. Je ralentis dès que je sens qu’il approche de l’orgasme, puis je repars tout doucement. Quel plaisir d’avoir un homme ainsi abandonné à moi en toute confiance. Tout d’un coup, je le sens se crisper, il pousse une sorte de feulement bas, et je reçois les giclées de sperme chaud et un peu fade dans ma bouche. La consistance est bizarre, mais le goût n’est pas désagréable. J’avale sans aucun dégoût, et en bonne ménagère je lui lèche bien délicatement et bien complètement le gland qui rétrécit à toute allure. Je suis très fière de moi !


Étienne m’attire à son côté et, emmêlés, nous échangeons un long baiser tendre (et spermeux).


Bien que cette pipe m’ait à nouveau fortement excitée, je tombe instantanément dans les bras de Morphée qui passait par là.


Lorsque je me réveille, Étienne dort également. Je vois qu’il est deux heures du matin. Il faut que je rentre chez moi, sinon ce sera trop dur demain pour partir en cours. Étienne propose de me raccompagner. Cette marche, enlacés dans la nuit froide et déserte, est un nouveau petit bonheur.


Étienne viendra demain chez moi quand il pourra, vers dix-neuf heures.




Marthe, seconde journée




J’ai dormi comme une souche. À ma grande surprise, après cette brève nuit, je me réveille en forme. Sous la douche, je me découvre un nouveau corps, tout neuf ! Comme si on m’avait livré une nouvelle bagnole, avec de la reprise, des gadgets inconnus, un toit ouvrant, des vitres plus grandes. C’est étonnant comme le regard d’un homme peut me donner de la réalité.


La journée de travail passe vite et pourtant si lentement ! Deux collègues féminines me disent que j’ai vraiment bonne mine aujourd’hui. Je passe un coup de fil à Martine, qui sent bien ma jubilation sous mes propos sibyllins et s’en réjouit gentiment. Les élèves sont géniaux et drôles, pour une fois. À cinq heures, j’ai fini. Je fais quelques courses et je rentre. Je tourne chez moi comme un bourdon.


Il arrive bien avant sept heures, avec son sac de voyage. Le patron de l’hôtel a trouvé un autre client et a accepté qu’il rende sa chambre. Je jubile. Il va dormir avec moi ! Après un long baiser (je fais vraiment des progrès), je lui fais visiter mon trois pièces. Il regarde partout sans gêne, s’intéresse à mes livres, essaie (sur lui) mes quelques colliers. Il me fait rire et c’est super. Quand on arrive à ma chambre (j’ai changé les draps et tout bien rangé), il sort de sa poche une boîte de préservatifs et la pose sur la table de nuit. Incroyable comme ce seul geste m’excite ! Il sort aussi un petit sachet qu’il m’offre : deux boucles d’oreille toutes simples, juste comme je les aime, des mains de Fatma en argent. J’espère que ça ne tue pas, l’excès de gentillesse, sinon, je suis mal barrée !



Je ne réussis qu’à piquer un fard de première catégorie… Je raffole des jeux de mots. Celui-là est comme une caresse au fin fond de mon ventre…



Cette fois, j’en ai vraiment envie, d’autant plus que je comptais me doucher avant son arrivée.

Nous nous déshabillons mutuellement. Je suis émue comme une gosse. Il sent un peu la sueur mais, loin de me déplaire, ça m’émoustille. Lui aussi a l’air d’aimer mes odeurs. Il m’embrasse le cou et même sous les aisselles.



Qu’est-ce qu’il est bête ! On se retrouve vite… à poil. Sous la douche, on décrète unanimement que chacun doit laver l’autre sans l’exciter le moins du monde. Tu parles ! Il bande joyeusement et j’ai le sexe trempé… et pas seulement à l’extérieur. Il commence et je suis épatée de l’habileté dont il fait preuve pour rester entre la caresse et le lavage. J’ai un peu peur quand il arrive à ma foufoune, mais il a une délicatesse étonnante. Il me dira plus tard qu’il a appris en lavant ses trois bébés, il y a bien longtemps. C’est un plaisir magique ensuite de passer le gant en douceur partout sur lui. J’ai trop envie de lui lécher le sexe, mais je respecte la règle du jeu. Pour le trou du cul, je suis salement gênée, mais lui m’a lavée avec tant de naturel que je parviens à le faire sans chichis. Comme j’ai grandi en un jour, et ça continue !


L’essuyage est tout doux. Il y a de la caresse dans les gestes. Je le frôle autant que je peux. Mes tétons éraflent son torse, son dos. Son sexe, avec sa tête chercheuse, tapote mes fesses, effleure ma toison. J’aime nos corps nus dans la lumière. Moi un peu plus sombre, lui assez blanc sauf les bras, le cou, le visage… et sa bite. Il attrape le sèche-cheveux et me peigne dans le souffle chaud, son ventre tout près du mien. Après les cheveux, il s’occupe en riant de ma toison pubienne. La chaleur et la brosse douce sont un divin tourment. Résolument, je lui prends la main et l’entraîne vers mon lit où il feint de tomber tout du long sur le dos. Coïncidence, la nuit tombe également, et j’allume la lampe de chevet. Je n’ai plus peur de la lumière. Comment peut-on se caresser sans lumière ?


Je suis bien. Toute nue dans mon nouveau corps tout neuf. Ça me rappelle quand j’avais dix ou douze ans, avec ma cousine, on avait nagé nues le soir à la nuit dans un lac jurassien. Cette sensation d’être un animal sauvage… L’eau fraîche qui te caresse tout du long et te touche partout…


Je monte sur le lit et, avec un pied sur sa poitrine, je prends la pose de la terrasseuse de lions. Étienne me saisit les chevilles et me dit qu’il a envie que je caresse sa bouche avec les lèvres de mon sexe. Ça me paraît saugrenu, mais jusque-là tout ce qui m’a choquée m’a beaucoup plu, alors… Je me mets à genoux au-dessus de lui et, en m’appuyant sur le mur derrière sa tête, j’approche prudemment de sa bouche. La position est bizarre, sans être pénible. J’ai à la fois un sentiment de domination, un peu exhibitionniste, et jubilatoire, en toute sincérité, et peur aussi de lui faire mal. Ses mains sont venues à la rencontre de mes seins qui s’y réveillent en redressant leur petit nez sombre. Ma vulve expérimente sa bouche, sa langue, ses lèvres. Je peux suivre mon rythme et doser le contact. C’est vertigineux et doux. J’ondule doucement comme une algue souple. Je ferme les yeux pour mieux descendre dans mon ventre. Sa langue en érection est une merveille. Comment fait-il ? Il va prendre une crampe !


Sa main gauche est descendue sous ma fesse, et sa main droite est venue tenir compagnie à sa bouche. Ses doigts mouillés explorent mes lèvres, les ouvrent ou les resserrent sur sa langue, vont se promener sur mes fesses, vont et viennent. Je sens un doigt qui pénètre doucement dans mon vagin. Il glisse sans problème, va caresser ce petit coussin doux sur le devant, ressort, va caresser mon anus, s’écarte, parcourt les grandes lèvres. Sa langue lèche et mouille. Je suis cette fois totalement descendue dans mon sexe. Ma tête, là-haut, a un peu le vertige. Elle s’est appuyée au mur. Je suis attentive à la montée irrésistible du plaisir, j’ai oublié Étienne, je ne connais plus que cette bouche et ces doigts qui m’affolent. Maintenant, deux doigts ont pénétré dans ma chaleur. Ils massent cette petite place où ils font signe de venir à ma jouissance. Je suis étonnée que ça soit aussi facile. Je me penche en arrière pour être plus accessible. J’appuie plus fort mon clitoris quand sa langue est à portée. J’ai vraiment la sensation de caresser sa bouche, comme il disait, de l’embrasser. Un doigt bien lubrifié glisse du vagin sur mon anus et appuie doucement. « Stop » ou « encore » ? Sûrement pas stop ! Je m’empale prudemment sur son doigt, malgré ma honte. Une petite douleur diffuse se transforme vite en cette curieuse sensation de chaleur sensuelle qui irradie dans tout le corps. Je suis assaillie par des plaisirs exotiques et inconnus qui viennent de partout.


Il a replacé les deux doigts dans mon vagin et réussit à me garder un autre doigt dans l’anus. Il a un peu accéléré le rythme, ou bien est-ce moi ? Ces trois doigts qui m’envahissent font monter mon plaisir comme du lait qui va bouillir. Je surfe sur sa langue et ses doigts. « Une fille qui tangue et vient mourir… » Je ne me méfie pas. J’ai une brusque envie de faire pipi, mais je ne peux pas me retenir et, dans un fantastique orgasme, je me vois expulser trois ou quatre jets qu’il essaie de boire goulûment ! La honte et le plaisir n’ont pas le temps de se battre. Il a continué à me palper et je repars dans un second orgasme, puis dans un troisième, chaque fois avec des jets qu’il semble savourer. Je suis partie tellement loin que j’ai vraiment peur que ça ne s’arrête pas et je lui saisis la main. Je m’écroule sur lui et fonds (encore !) en larmes.


Il se tortille un peu pour tirer la couverture sur nous. Il bande toujours, mais je suis morte. Jamais je n’aurais imaginé qu’une telle jouissance soit possible. Et puis j’ai tellement honte. Mes jets ont complètement inondé son visage et sa poitrine et il y a de grosses taches sur le lit. J’embrasse son sourire sans rien dire, pour essayer de me faire pardonner. Mais son baiser et ce que je lèche ont un goût vaguement sucré et une odeur un peu entêtante. Je n’y comprends rien.



Et je me remets à pleurer comme une Madeleine. Lui éclate de rire.



J’émerge incrédule et avec difficulté de ma honte et de mes larmes. Je vais finir par être toute sèche, à force de fuir par tous les bouts ! Pendant que ses nombreuses mains (il doit bien en avoir au moins quatre !) me reconstituent un corps au-dessus et au-dessous du ventre, il m’explique gentiment ce qui s’est passé. En fait, j’avais vu un film japonais « Un peu d’eau tiède sous un pont rouge », ou quelque chose comme ça, où une femme émettait de véritables geysers quand elle jouissait. Je me sentais proche de cette femme, et pourtant j’avais trouvé ça ridicule et absolument pas crédible, mais là, vu ce que j’ai été capable de gicler, je me pose des questions… Je n’en reviens pas. Si une autre femme m’avait raconté ça, jamais je ne l’aurais crue.



Je me vautre sur lui en lui proposant un soulagement pour sa bite toujours bien raide, mais il me dit que ce n’est pas une maladie, que d’être excité est toujours agréable, que ça va guérir tout seul, qu’on a toute la nuit devant nous, que je suis géniale, que j’ai un con plaisant et, bref, qu’il a faim. Qu’est-ce que ça fait du bien, la gentillesse ! On se rhabille sommairement. Il va se laver les mains et nous préparons ensemble (je souligne, parce que ça aussi, je n’en ai pas l’habitude) des chèvres-chauds et une salade de foies de volaille, avec un petit Cabernet - Sauvignon en prime. On se raconte nos vies et je me surprends à dire des trucs que je n’ai jamais dits à personne. Il s’est établi entre nous une complicité et une confiance qui m’épatent. J’avais une copine qui disait que, pour vraiment connaître un mec, il fallait jouer avec, souffrir avec, et faire l’amour avec. Je ne la croyais pas, mais maintenant je comprends mieux ce qu’elle voulait dire.


Il a en fait cinquante-sept ans ! Sa femme et lui se sont rencontrés en 68 et ils en ont gardé l’esprit libertaire sans jamais tomber dans les extrêmes. J’aime la façon dont il parle du monde et de leur couple. Il n’y a pas trace de possessivité, ni de jalousie. Il me dit que personne n’a de droits sur personne et qu’on se donne les devoirs qu’on veut envers les autres. Je bois ses paroles, mais c’est tellement loin de ce que j’ai vécu…


Le téléphone sonne. C’est ma mère que j’ai un peu oubliée. Elle trouve que j’ai une drôle de voix et s’inquiète de ma santé. Si elle savait dans quel bonheur je suis noyée ! Mais comment lui expliquer que moi, divorcée, je m’envoie en l’air avec un homme marié rencontré hier, que je ris, que je pleure, que je gicle ? Elle ferait une crise cardiaque ou courrait voir le curé ! Elle en vient à ses petits bobos et à ceux des voisins, voisines, cousins, cousines, chats, chiens et j’en oublie. Pendant ce temps, Étienne a fait la vaisselle et préparé deux expressos. Puis il vient derrière moi, passe ses mains sous mon pull et commence à me caresser les seins, la tête contre ma tête. Il sent bon l’amour. J’ai du mal à suivre les récits de maman, tant je suis tentée de suivre le récit de ses doigts. Je parviens enfin à arrêter le monologue. Le café a tiédi. Étienne part en faire un autre. Les fantômes de ses mains sont restés sur ma poitrine. On déguste la petite tasse brûlante et un peu amère. J’ai encore envie de ses mains sur moi. Je n’ai qu’un pas à faire.


Je mets mes bras autour de son cou et je lui pose un baiser chaste sur les lèvres. Je sens son désir contre mon ventre et je joue à me frotter contre lui. Je croyais avoir épuisé mon désir avant le repas, mais sentir et imaginer son sexe bandé le réveille délicieusement. Les vieux démons de la honte et de la culpabilité me crient de loin « dévergondée, chienne en chaleur ! » Mais je les ai déjà bien repoussés là-bas, et j’entends « fais-le bander, déchaîne ses ardeurs ! ». Je le pousse vers la chambre. Il fait semblant de résister mais recule pas à pas, tenu en respect par mes seins pointés sous mon pull.


Nous atterrissons sur le lit, marqué d’une grande tache humide. J’ôte mon pull et mon pantalon de survêtement, et je saute sauvagement sur la braguette d’Étienne qui se débat avec son T-shirt. Avec une habilité démoniaque, comme si j’avais fait ça toute ma vie, j’arrive à baisser son pantalon et son slip avant qu’il ait terminé. Je le soupçonne quand même d’avoir été quelque peu complice. J’ai une envie furieuse d’avoir son sexe dans ma bouche. Je ne sais pas pourquoi. Peut-être un vieux fantasme carnassier, l’envie de le sentir à ma merci ? Mais non, je n’ai aucune envie de le castrer ! Non mais ! Il finit de se déshabiller avec la verge dans ma bouche. Il parvient tout de même à m’ôter ma culotte.


Je me retrouve à califourchon sur lui. Ce n’est pas la meilleure position pour le sucer, mais il m’attrape les fesses et m’attire sur sa bouche. C’est tellement bon que j’en oublie son sexe. Je sens que ma foufoune est dégoulinante, et il me lèche doucement, sans effleurer le clitoris. Non, je ne veux pas encore jouir toute seule ! Je lui échappe en basculant et je me couche sur lui, sa bite contre mes fesses et je l’embrasse tendrement. Il tend la main vers la boîte de préservatifs et en sort un. Vrai, je n’en ai jamais vraiment vu ! On s’assoit tous les deux, et il m’explique comment on fait.



J’ai un peu la trouille, mais j’essaie. Ce n’est vraiment pas difficile. J’ai l’image d’une star enfilant son bas. C’est un peu ridicule, avec le petit réservoir au bout du bout. Mais ça a l’air d’être très doux et de bien glisser. J’ai envie de sentir tout de suite comment ça fait. Je repousse Étienne sur le dos, et je m’enfonce en douceur sur son engin déguisé. Mmmm, c’est bon ! J’essaie quelques va-et-vient, bien assise sur Étienne qui me caresse les seins et les fesses. Bien empalée sur mon joystick (j’en ris toute seule), je prends mon temps, évitant de tomber dans l’orgasme tout proche. Mes doigts explorent son visage et son torse. Je me sens pleine et légère. Mais j’ai envie aussi de le laisser faire. J’ai déjà bien chevauché tout à l’heure.


On se retrouve donc dans la position du missionnaire. Ça, je connais ! Mais non, je n’y connais décidément rien. Je découvre la pénétration douce, lisse, progressive, cette sensation sauvagement stupide, stupidement sauvage, d’être remplie. Étienne va tout doucement. Il m’embrasse le visage et me caresse les cheveux, je sens son gland qui m’explore, qui me caresse, qui rampe à gauche, à droite, la légère traction sur le clitoris lors de la pénétration, sa bite dure et douce là tout au fond de moi. J’ai relevé mes mains au-dessus de ma tête. Il me les saisit avec une seule main et me caresse la poitrine avec l’autre, bien fiché en moi. Incapable de bouger, j’ai un fantasme de viol qui m’excite traîtreusement. Je remue le bassin comme pour m’échapper. Étienne reste sans bouger, vivant, raide et enraciné dans mon ventre.


Il a relâché mes mains, et fait maintenant des petits allers-retours bien profonds, sans sortir. Il a une main sous ma fesse, ce qui lui permet de me serrer contre lui, et ce qui m’ouvre l’anus. Je souhaite et je redoute qu’il m’enfonce un doigt, comme tout à l’heure. Mon plaisir monte, monte, je sens mon vagin serrer sa queue, comme s’il avait gonflé, lui aussi. Étienne souffle plus fort et sa main se crispe un peu sur mon épaule. Je l’accompagne maintenant dans ses mouvements, on fait vraiment une belle bête à deux dos. Je sens une onde de plaisir qui converge doucement vers ma vulve. Je ne suis à nouveau plus qu’un vagin gonflé et attentif à ce braquemart avec lequel il danse un slow langoureux. Il me touche simplement l’anus avec son doigt et c’est comme un détonateur. Je vole en éclats de jouissance, ça part vers les bras, les pieds, la tête. Étienne fait à peine deux allers-retours et il éjacule avec un ooooh grave qui me fait vibrer et fait rebondir mon orgasme. Je sens les pulsations de sa verge et mon vagin qui lui répond longuement. Contrairement à ce que je connais, il ne débande pas immédiatement et j’ai quelques resucées de jouissance quand il fait encore quelques minuscules et lents va-et-vient.


Sans que j’en aie conscience, on s’est embrassés presque tout le temps, et ma bouche est un peu meurtrie. Il me demande s’il n’est pas trop lourd. Si, il m’écrase un peu, maintenant qu’il ne s’appuie plus sur les coudes, mais c’est un rêve d’être écrasée comme ça, et je le retiens sur moi un long moment. Il finit par basculer à mon côté, et pose le préservatif tout ratatiné à côté du lit. Je pose ma tête sur son épaule et il me tient embrassée contre lui.


Demain matin il s’en va, et pourtant j’ai un grand sourire béat indécrochable sur mes lèvres, et du rire dans le cœur. Peut-on devenir une autre femme en deux jours, ou bien est-ce que le prince charmant a réveillé la belle endormie ? Je ne crois plus au prince charmant, mais je me suis bien réveillée.


Je m’endors.



Ne souhaite pas publier son adresse


Copyright © 2009
Demandez l'accord des Auteurs avant toute diffusion


Erotisme torride

Tendre Amour

Bon Scénario

Belle Ecriture

Plein d'Humour

Votre appréciation
Pour apporter des commentaires ou des notations importantes à un texte,
cela se fait désormais en cliquant sur le lien ci-dessous.
Il faut par contre être inscrit.

Commenter et noter le texte

Revebebe - Histoires érotiques
Revebebe - Une histoire
Notation public
Une Histoire sur http://revebebe.free.fr/

n° 13158Hugo H20/02/09
Flux
critères:   fh forêt travail portrait
40623 caractères      
Auteur : HugoH

En préambule : Il s’agit de ma dernière publication sur ce site avant un moment, je pense. Merci à tous ceux qui ont pris le temps de me lire au cours de ces derniers mois, vos avis ont été précieux et utiles. Encourageants surtout. Merci encore et bonne lecture.




I


Scott S. dit :



Sourire léger.



Scott S. laisse la place devant les courbes impeccables sur le mur terne. Clic souris. Derrière lui, s’affiche en lettres bleues le slogan Corporate, Cap vers 2012 !



Art B., son responsable direct, le boss commercial, a froidement pris le micro et entame la longue litanie des remerciements.


Voilà, amuse-toi, enculé ! savoure Scott.


Dans la vaste salle de réunion, les hommes et les femmes le regardent sans empathie. Scott savoure ces instants de relâchement. Il n’est plus un espoir, il vient de convertir, il vient de transformer. Il se reprend. Ne pas montrer aux autres, à tous les autres qu’il s’agit d’un moment spécial, au contraire, laisser penser qu’il s’agit d’une simple routine, que présenter de tels résultats à une telle assemblée est dans l’ordre naturel des choses. Mais il ne boude pas son plaisir, devant tout le comité de direction, il vient de marquer des points. Art B. termine la présentation. On applaudit discrètement.


Les regards se tournent vers le jeune Scott S. qui serre des mains, sourire humble, mais déterminé, qui fixe droit dans les yeux comme on le lui a appris. Il n’est qu’une apparence, de simples attitudes qu’il peut modeler à merci. Ça rend les choses plus faciles. C’est un pro, un vrai. Dénué d’orgueil et de colère, vacciné contre l’embrasement et contre ces épanchements émotionnels qui dans l’entreprise n’ont aucun sens. Ça n’empêche pas le bouillonnement, ça n’empêche pas la tempête sous son crâne, mais il ne montre rien. Jamais. Juste ce sourire lisse.


Il se dit qu’il a bien fait d’insister sur le contrat japonais. Et tout le monde sait ici, dans cette vaste salle de réunion circulaire, la trentaine de directeurs et de hauts responsables, nul n’ignore que le jeune Scott S. est allé chercher ce putain de contrat avec les dents. Là-bas de l’autre côté de la planète. Il leur a bouffé les couilles et en a ramené plusieurs paires dans sa belle gueule carrée. C’est le genre de prise qui place d’entrée chez les très bons. C’est du domaine du strike, mais dans leur monde, Scott en a bien conscience, le jeu de quilles se remet vite en place. Demain, il faudra repartir de zéro.


Son regard est attiré par une explosion à sa gauche. Conflit au Moyen-Orient. Juste une information de plus sur l’un des six écrans plats disposés dans la circonférence, en hauteur. Après la présentation de Scott, on les a rallumés. Il y a des indices boursiers. Des flèches vers le haut et des flèches vers le bas. Mais dans l’ensemble, ça baisse. Il ressent une vague inquiétude. Pas la sienne à vrai dire, celle des autres. Il y a comme une petite tension dans l’air. Un pincement lombaire qui ne prête pas à sourire.



L’œil de Scott accroche à nouveau l’écran. Un groupe industriel indien annonce un plan d’économie de quatre milliards de dollars sur cinq ans. L’objectif est d’accroître la productivité du personnel et de baisser les coûts de production.

L’homme parle de synergie.



Il a un regard neutre, s’exprime sans joie.


Excellent, apprécie Scott. Dynamiser les effectifs, voilà une bonne formule.


Depuis la salle de conférence, la vue est imprenable sur le quartier d’affaires, sur la ville, sur le fleuve. Le matin offre une lumière absolument claire.


L’indice de pollution doit être assez bas, pense-t-il brièvement.


Les verrières brillent de mille feux. Un hélicoptère vire de bord à quelques dizaines de mètres. Il ne l’entend pas. Tout le monde s’est levé, ça discute off, on se glisse quelques mots à l’oreille. Le directeur général s’approche et à voix basse, dit :



Imperceptiblement, Scott tend ses abdos. Douleur. Son corps à vrai dire lui envoie une sourde plainte.



Scott sourit modestement.

Bien sûr, enculé, que je peux t’appeler Henry.


Plus loin, Art B., les observe, Art B. sourit jaune. Art B., quarante ans depuis une semaine. Quarante ans et numéro huit de l’organigramme.


De la merde. J’en veux bien plus que toi, vieille fiotte.


Scott lui lance un regard ferme. Henry K., en bon directeur général, susurre à l’oreille de Scott des petites décharges électriques qui doivent perturber la digestion de ce bon Arty. Henry K. fait un signe de la tête dans sa direction. Art s’approche, observant le costume sombre sur mesure de Scott. Henry l’enjoint par une sèche accolade à alimenter la discussion.



Les deux responsables le regardent, jugent ce petit connard avec une différence nette d’angle de vue. Toujours est-il qu’ils ont bien entendu et qu’ils ont pris acte de l’engagement de Scott S. Des mains tapent encore son dos, appuient son insolente réussite. Si jeune. Mais il sait bien qu’ils le pousseraient volontiers par la fenêtre s’il le fallait. Soixante étages. Pas de rédemption.



II



Le sourire en coin de Scott se répercute sur les grands miroirs de l’ascenseur.

Il est seul.

Et durant la descente ultra silencieuse, il se sent vidé, absolument déserté de la moindre agitation. Il n’est ni heureux, ni malheureux. Ça ne fonctionne pas comme ça. Il est un réceptacle pur du regard des autres, il en est le produit ; sait devoir se modeler au gré du jugement de ceux qui comptent.


Souvent, il s’imagine sur une scène, à haranguer ses troupes, à les exhorter à donner plus encore. Sous une lumière Hollywoodienne, promettre à toutes les composantes de l’entreprise les fruits prochains de leur labeur accru. Il sait comment ça se passe. Il a accompagné les directeurs lors de ces grandes cérémonies. À bien reçu les informations. Des centaines de slides ont teinté son regard de couleurs apaisantes. Dans des salles attentives, ses yeux ont caressé des courbes et des schémas, des chiffres, des résultats. Il y a un fond, lointain, c’est certain. Des mots derrière les mots. Des messages.


Scott s’est imprégné des paroles des très hauts responsables shootés au cours de communication et au media-training. Des gars en costume sombre qui arpentent des scènes irradiées de lumière. Des gars qui cherchent la bonne formule, tentent des uppercuts, osent des mots qui boostent le sentiment d’appartenance au groupe. Derrière eux, des tableaux gigantesques, des graphiques épatants projetés sur des murs blancs.


Art lui a dit:



Scott sait traduire. Il faut que tu saches mentir, voilà ce que Art lui a dit.

La foule applaudit. Ils croient tous être à l’extérieur, ils croient tous que ces termes / expressions / étranges façons de parler, ne les atteignent pas vraiment. Mais il en reste toujours quelque chose. Une forme de morale. Mystique. Religion.


Ensemble vers le cap 2012 !


Dans des salles surchauffées / sous des chapiteaux humides, des milliers de salariés venus de la planète entière tendent l’oreille. Les mots les traversent. Ils entrent en eux, puis ils ressortent. Il y a bien un président, mais les schémas décisionnels sont complexes. Il s’agit d’une boucle mystérieuse qui englobe les actionnaires, la direction, le personnel.

Qui donne les ordres ? Qui décide ? Le marché décide, dit souvent Karl, mais qui est le marché ? Qui est Karl ? Qui est le putain de marché ? Pour Scott qui aime réfléchir à ce problème, surtout après une ligne, il n’y a pas vraiment de réponse.


Les portes de l’ascenseur s’ouvrent. Carillon numérique. Il sort, marche un moment avant de se rendre compte qu’il n’est pas au bon étage. Il a l’esprit ailleurs aujourd’hui. Ne pas se laisser griser. Garder la tête froide. Il croise des anonymes. Passe sur un plateau téléphonique. Bourdonnement intense. Ça grouille d’appels. Une centaine de chargés de clientèle décrochent en cadence sous l’œil vigilant d’une poignée de superviseurs.


Personne ne semble faire attention à sa présence. Entre deux coups de fil, ils regardent le plafond, attendent de voir ce qui va bien leur tomber sur la gueule. Pendant les appels, ils pensent à autre chose, ils pensent tout à ce qu’ils vont faire le soir. Ils regardent les autres, ils se recoiffent. Ils vont aux toilettes, ils se frôlent, ils parlent bas dans les restaurants d’entreprise, ils fument lentement au pied des tours. Flot de paroles ininterrompu.

Des termes techniques, des alinéas de contrats, des propositions. Des services. Ils aimeraient être ailleurs, mais personne ne sait quoi faire d’autre. Ils ne veulent pas l’admettre, ils le refusent. Pourtant, c’est leur putain de vie.

Scott les regarde avec compassion, enfin, quelque chose de ténu, rien de plus.


Dieu que je n’aimerais pas être à leur place, songe-t-il en poursuivant sa déambulation. Ainsi, c’est vous que je fais vivre avec mes contrats. C’est vous, peut-être, que je dirigerai un jour.


Il entend un rire gras, sonore. Des gars s’envoient des vannes. Un superviseur les reprend. D’une certaine façon, c’est le monde quasi à l’arrêt, enfermé dans un sot, minuscule et terrifiant mouvement. D’où leur viennent ces rachitiques appétences ? Ils sont gavés d’informations, saturés de communication. Ils ont peur. À cet instant, il ressent, dans le grésillement des combinés, le monde au bord du gouffre. L’impression que tout va bientôt s’arrêter.


C’est arrivé aux Romains, ça nous arrivera à nous, dit souvent Damian L. du marketing. Vous croyez quoi ? Que les mouvements du marché vont protéger vos petits culs ? Qu’ils vont se glisser dans vos petits anus serrés pour vous transformer en ballons et vous permettre de regarder le monde sombrer ?


Il a de nombreuses théories sur la fin de notre ère telle que nous la connaissons. Ça n’a rien d’original, il faudrait être dingue pour ne pas le sentir. C’est une question de temps. Ça arrive. Et d’ici là, il faut prendre et ne rien partager. Il trépigne, sa jambe droite frétille curieusement en appui sur un bureau inoccupé. Un panneau indique 3257 en lettres rouges. Il y a d’autres chiffres qui évoluent sans cesse. Des délais de réponse, des délais d’attente. Des postes disponibles / Occupés. Des appels pris / abandonnés. Des statistiques que ne peuvent manquer d’accrocher les regards fatigués. Des petites loupiottes clignotent sur les téléphones massifs, étrangement massifs.


Il y a une pression incroyablement silencieuse, un contre-courant glacé et profond qui cisaille les jambes sur les fauteuils à roulettes. Ils travaillent dans des boxes, le long de travées, face à des parois opaques. De sorte qu’il n’y a personne en face d’eux à part une plaque neutre. Les superviseurs donnent de la voix. Il y a une forme d’excitation. Une tension sexuelle terrifiante, juge Scott en s’épongeant le front. Malgré sa science de la prise de recul, il n’arrive pas à se sentir détendu. Tout simplement, parce que sa place n’est pas ici.


Dans l’ascenseur, remontant vers les étages, il se sent mieux. Desserre légèrement sa cravate neuve. La remarque d’Henry ne lui est pas passée au-dessus de la tête. Il fera attention la prochaine fois. Il avance vite dans le couloir qui mène à son bureau. Moquette épaisse. Il se laisse glisser dans son fauteuil, se tourne vers la large baie vitrée. Depuis le quarantième étage, il observe que l’été rend les armes.


Le temps est clair, mais c’est un leurre. Il n’y a plus cette tension brûlante dans l’air. Des flux réguliers entrent et sortent par les grandes portes battantes. Tous ces gens.


Avale deux euphorisants, lisse ses cheveux sombres, saisit un de ses portables et compose le numéro de Lauren N.



Il a besoin de se dépenser. Ses pieds battent nerveusement la mesure sous son bureau, tandis qu’il étudie des pages de chiffres qui composent les rapports de ses assistants. Tas de branleurs. Mais la journée est encore longue. Ce soir, ce soir, il ira courir dans la forêt quand la nuit tombera. Après Lauren. Après le club. Le club où il croisera ses semblables. Les mêmes prototypes.



III


Il y a du monde dans le restaurant d’entreprise. C’est même surchargé. Les caissières en suent. Scott déteste déjeuner ici. D’abord, parce qu’il a les moyens de manger ailleurs, ensuite parce qu’il n’apprécie guère la compagnie de la grande masse salariale, enfin parce que l’endroit est tout simplement hideux, mélange de restoroute et de cafétéria de supermarché. Quelques plantes vertes quand même, ici et là. Mais aujourd’hui, Art B. n’a pas pu s’empêcher de vouloir réunir son équipe commerciale pour célébrer la prise du contrat japonais.

Et comme il est de coutume ces derniers mois, ce genre de célébration ne se fait plus dans de chics restaurants près du fleuve ou des fontaines, mais au sein même de l’entreprise. La réussite visible aux yeux de tous. Et puis, les notes de frais sont moins conséquentes. Comment tripler les bénéfices si la classe dirigeante ne fait elle-même aucun effort ?


Art a choisi une grande table ronde. Les discussions sont vivantes. On parle de cibles, de projets, de reportings. Scott opine du chef, renvoie son sourire neutre et séduisant. Il n’est pas là. Pas à ce moment précis. Il a la tête dans la forêt. Malgré les courbatures que deux heures de musculation intensive la veille ont provoquées, il a besoin d’évacuer, de cette autre façon. Dans la forêt. À bien y penser, il bande légèrement, mais enfin, il ne s’agit pas de s’attarder. Les gens autour de la table parlent, attendent de lui des commentaires sur l’affaire danoise. Art dit:



« On », comme si ce trou du cul avait quelque chose à voir avec le contrat Aoyoma. Comme si ce vieux débris avait pu influer en quoique ce soit sur le glorieux dénouement.


Scott sourit difficilement.



Art vide son verre d’eau minérale.



Des hommes composent la majorité du cercle, mais il y a deux femmes dans l’équipe. Disons que dans l’ensemble, ils sont jeunes et affamés. Et que personne, personne autour de lui ne peut le blairer. Ils attendent qu’il se plante, qu’il chute lourdement sur le sol. Surveiller ses arrières tout le long de la journée. Bon Dieu ce que c’est fatiguant. Éreintant même. L’ennemi vient de l’intérieur. La plus grande difficulté dans le monde de l’entreprise moderne, ce sont les gens avec lesquels on travaille. C’est une vérité simple, mais édifiante.


La plus grande partie de son énergie, Scott la perd à épier, à imaginer, à se comporter en fonction de ce tas de branleurs.

Il enfourne une bouchée d’un entremet chimiquement méconnaissable. Peut-être de la vanille, peut-être de la coco. Lève la tête. Croise le regard de Lauren N qui se lève de table avec son plateau. Les gars du cercle suivent dans un mouvement plus ou moins discret ce cul ahurissant. Cette jupe noire, c’est électrique. On échange quelques clins d’œil, les femmes de l’équipe font mine de s’offusquer avec exagération, mais en vérité elles s’offusquent vraiment que cette petite pute attire tous les regards.


Du coup, il s’attarde un peu sur les tablées alentours. Brouhaha des conversations. De la bouche à l’oreille. Trait continu. Illusions. Phrases rabâchées en boucle. Sous-tendues par les informations qui entrent en eux à tout moment. Les mêmes têtes que ce matin. Les mêmes chargés de clientèle, de comptabilité, les mêmes gestionnaires de ressources humaines s’ennuyant ensemble au gré de discussions dépassionnées. Il y a bien des rires de temps à autre. Mais ce sont les nerfs qui lâchent, juge Scott.

Il y a de l’émincé de bœuf, du filet de cabillaud au curry, des compotes, des ananas coupés. Des coupelles de crudité. Il règne cette odeur particulière de produits détergents et de nourriture industrielle. Il y a beaucoup de vieux. Des quadras, des quinquas, une bonne proportion. Les pieds dans le béton. Ça le révulse. Coup de panique. Bouffée d’angoisse. Comme ce matin sur le plateau téléphonique. C’est nouveau, ça. Il secoue la tête, chasse sa nausée en imaginant sa belle foulée fendre l’air tiède de la forêt. Mais le soir est encore loin.


Finissons-en déjà avec cet effroyable déjeuner.


Il remue nonchalamment la cuillère dans son entremet.

Sally H. dit :



Liam G. ajoute, avec un regard complice :



Damon A. vide sa tasse d’un trait et lance :



Scott lâche, mâchoire serrée :



Damon rigole.



Il sourit un peu tristement. Et il repart avec ses histoires de Business to Business, de Business to Customer, de Business to Business to Customer.

Art, en bon membre du comité de direction, rectifie :



Damon accuse le coup, le reste de la tablée sourit, même Scott. Une employée passe devant eux, mode guichet de poste. Très lentement.



Ça ricane légèrement, les regards agrippent les montres. Pas simple aujourd’hui, vraiment. Scott s’excuse, file vers les toilettes, s’enferme dans une cabine et avale deux euphorisants. Roses. Pourquoi pas ? L’effet ne se fait pas attendre et quand il rejoint l’équipe autour du café, il est de meilleure humeur, nettement. On parle de la chute des cours. Alors, il enchaîne les vannes sympas et les encouragements discrets. Les gars apprécient. Les femmes surtout.



La petite mort. Cette phrase quand même, il ne s’y est jamais fait.


Dans son bureau, la journée tire en longueur. Ses yeux vont et viennent sur des colonnes de chiffres. Des courbes, des indices. Le marché va mal, c’est clair. Ça n’empêche pas de faire du business. Ni de penser à sa future voiture. Encore un mois à tenir. Il en frémit d’avance. Sentir l’odeur du cuir noir et neuf. Bon Dieu. En attendant, les chiffres lui rentrent dans le crâne. Il aligne les colonnes Excell, fait danser les formules.


Réussis les Danois, et ton bonus va décoller. Et ta réputation avec.


Son ventre se serre. Il se sait sensible au regard des autres. Plus jeune, sa psy lui disait qu’il ne s’agissait en fin de compte que de son propre regard à lui. Est-ce qu’il ne surmonte pas tout ça ? Est-ce qu’il ne cache pas avec autorité ses travers ? Discipline. Rien d’autre. Pas de meilleur concept. Rien de bien neuf en ce bas-monde. Les vikings n’étaient pas différents. Les Wisigoths et les Sarrasins non plus. Son attention glisse sur l’écran de contrôle. Les cours continuent de chuter. Mais ça reviendra. À un moment forcément, les flèches pointeront vers le vert. En attendant, le contexte n’est pas idéal pour préparer les Danois. Il va falloir marger très légèrement à la baisse à ce train-là.


Scott supprime une ligne de son business plan. Une heure passe, puis une autre. Il sursaute. Sa messagerie émet un son numérique neutre. Nouveau mail de Lauren N. qui s’ajoute à une file rouge d’informations non lues qui continuent de tomber sans faiblir. C’est un problème, il faut qu’il s’évertue à être plus rigoureux dans ce domaine. Il ouvre.



Il répond :



Retour dans les quinze secondes.



Il se mort la lèvre.



Son poste sonne + nouveau mail.



Le poste sonne encore.



Il décroche.



Scott a envie de rajouter que tout est important, qu’il ne se passe pas un jour sans qu’une putain de directive venue d’on ne sait où chamboule les organigrammes, les organisations, les orientations. Tout ce travail dans le vide, c’est effarant. Tout ce qu’il sait lui, c’est qu’il faut faire gagner du fric au groupe.



Il se lève, ferme la porte de son bureau. Demande à sa secrétaire qu’on ne le dérange pas de toute l’après-midi, sauf membre du comité de direction évidemment. Putain, putain. Il sculpte une fine ligne de coke sur une page de son agenda ouvert. Celle de demain où il a annoté le rendez-vous avec les Danois. Les tensions quittent son crâne / ses cervicales / ses lombaires. Les douleurs disparaissent. Voilà, voilà. Il est opérationnel maintenant, prêt à terminer ce foutu rapport. Danois de merde.



IV


Dix-neuf heures, la pleine nuit dans le monde de l’entreprise. Près de l’Audi, dans l’ombre de sa place nominative, il y va franchement entre les cuisses de Lauren N. Pourquoi est-ce qu’il aime la baiser ainsi ? Pourquoi ne rien lui proposer d’autre ? La voir se plier contre le mur, dans les courants d’airs moites portés par les grilles d’aération, c’est absolument ébouriffant. Ça sent le pneumatique et l’essence. Ça l’enthousiasme complètement. Elle, il ne sait pas ce qu’elle en pense vraiment ; n’a pas l’air de détester. À la voir se trémousser, à l’entendre gémir, il jurerait que ça n’est pas désagréable.


Le pantalon sur les mollets, il a placé ses mains en croix sur le bas de son dos. Sa jupe à elle est relevée. Beau petit lot, Lauren. Lauren N. , une occasionnelle. Une récurrente en fait. Une urbaine moderne pour qui le sexe n’est pas un problème. Sa génération a grandi avec le mode porno. Les pauses, le déroulé, la façon de faire. Elle n’échappe pas à la règle, propose ce qu’un mec de son niveau est en droit d’attendre aujourd’hui. String minimaliste, sexe épilé, peau douce et bronzée. Seins fermes / Ventre plat. Bouche à pipe. Hygiène corporelle impeccable.


Elle fait du sexe comme elle ferait un squash, un sauté de veau ou participerait à un speed-dating. Ça ressemble à son fonctionnement à lui, mais les motivations sont certainement plus variées. Plus profondes. Il devine dans leurs fugaces ébats qu’elle prend du plaisir, mais qu’il n’y a pas que ça. Alors quoi ? La psyché féminine reste un mystère. Trop complexe. Chez lui, il n’y a pas de second degré. Il ne se cache rien derrière son érection somme toute impressionnante. Pas de message. Pas de fantaisie / Pas de dramaturgie.


Faire l’amour ; c’est quoi ces conneries exactement ? songe-t-il en retournant Lauren sur le capot de l’Audi noire.


Il ne comprend même pas le concept, faut-il mettre autant de noms à ce qu’il est en train de faire ? Faut-il y voir tant de symboliques ? Y déceler tant d’importance ?


Ces jambes lisses et mates, c’est quand même quelque chose. Elle gémit. L’avantage avec Lauren, c’est que le sexe cru, brut, le sexe sans lendemain, ne l’effraie pas. Il aime ce genre de fille effrontée. Même s’il n’est pas dupe. Même s’il ne croit pas un instant à cette façade désinvolte et sexuée. Tout le monde veut quelque chose, tout le monde cache ses requêtes. Mais lui, là dans le parking, ne masque rien, il veut juste baiser. Et c’est ce qu’il fait, avec énergie. Il y a des échos de pas. Ça les fait sourire, mais ils ne se regardent pas. Puis il se retire, elle s’agenouille. Le finit avec sa bouche. Ça a du sens. Il lève la tête vers le plafond sale. Elle descend sa jupe, l’embrasse sur la joue, lui souffle :



Il contemple le cul divin s’éloigner dans un mouvement de balancier confondant. Les talons claquent. Le tissu léger de sa robe caresse la lumière blafarde des néons. Il bande comme un âne.


Plus tard, dans la salle de sport, échange de clins d’œil avec ses connaissances, Damian L., Karl O., Freddy T. Ils soulèvent de la fonte. Et comme eux, Scott a besoin de son endorphine. Ces derniers temps encore plus. Alors que les responsabilités s’accumulent sur son bureau et qu’il gravit l’échelle promotionnelle à grande vitesse, il ressent plus que jamais l’impérieuse nécessité de se dépenser. Ça ne s’arrête pas. Le jour dans la nuit. La nuit dans le jour. Il écoute la planète tourner/La planète lui parle.


Il soulève des poids de quatre-vingts kilos, en phase avec le rythme délirant qu’impose le monde moderne à ses meneurs. Il a été préparé. Depuis son plus jeune âge. Ses parents ont tracé la voie, l’ont éduqué, conditionné, poussé à intégrer les meilleures écoles. Le cursus le plus payant. Ils ont voulu pour lui une existence qualitativement plus riche que la leur. Qui au demeurant n’était pas si morose ; disons simplement neutre, concède Scott en poussant fort sur ses avant-bras. Il regarde ses abdos, ses quadriceps, tourne la tête vers ses deltoïdes, puis admire un court instant ses pectoraux. Parfait. Parfaitement dessinés. Parfaitement travaillés. Il n’y a pas de limites. Aucun obstacle sur sa route.


Près de lui, Hugo H. s’inspecte de la même manière. Brun, grand, beau mec. Queutard. Hugo H. le queutard. Il sent que Scott l’observe, tourne la tête vers lui, même pas surpris. Puis leurs regards se posent sur la chute de reins d’une bombe métissée.


Dans le vestiaire, devant les casiers en bois massif, la jeune classe dirigeante se rhabille tranquillement, en plaisantant. Les blagues vont bon train sur le cours de la bourse, sur les positions éjectables de X ou Y. Sur l’âge canonique du chairman ou du directeur financier. Globalement, l’affaire danoise alimente les débats. Tout le monde est excité.

Karl O. dit :



Damian ajoute :



Scott sourit. Il aurait peur ? Peur de quoi ? Mais ça lui tiraille le ventre, Danois, ce putain de mot, Danois. Danois de merde. La plupart des gars des opérations tirent quand même un peu la gueule, parce que les cours vrillent dangereusement vers le sol. Des vannes fusent mais le cœur n’y est pas. Vince, serviette nouée sous son torse nu, dit :



Des gars se lancent des slips humides au visage. On s’amuse comme on peut dans les vapeurs des parfums musqués. Les mains claquent les eaux de toilettes sur des pectoraux lustrés comme des jantes de formule 1. Karl passe derrière lui, le frôle. Il est plus grand d’une tête, plus fin aussi.



Et Scott plisse les yeux de plaisir, tandis que la main manucurée de Karl se pose sur son épaule.



Scott pense au fleuve, à la lumière dévorante de l’été. Des milliers de joyaux sur l’eau tranquille.




V


La ville défile le long du circulaire comme un jeu vidéo ancien en deux dimensions. Scott pilote de façon sportive. Quatrième voie. Appels de phare. Passé le quartier commercial, la circulation devient plus fluide. La voiture file, et bien sûr qu’il aime la vitesse. Prend la sortie vers Tennant & Lowe. Le lecteur CD passe Interpol, Obstacle 1.

Il allume les phares, le soir s’annonce doucement. Le dossier Danois ne lâche pas ses pensées. Irrigue le moindre mouvement. Electricité. Oui, il va en chier. Ces gars ne sont pas commodes. Et s’il se loupait, s’il passait à côté de ce contrat ? Il devine déjà le regard compatissant de ses collègues, de ses alliés. Le soulagement général qui tient les troupes quand l’un d’entre eux s’écroule. Il ne leur en veut pas, il est pareil. C’est le jeu.


Demain est un jour important. Comme tous les jours ?


Oui, comme tous les putains de jours. Il repense à Lauren N. De toutes les garces qu’il se tape, c’est la plus bandante et de loin. Elle sait le danger qu’il y a à baiser près de l’Audi. Et puis, elle est fiancée. Ça ne gâche rien. Scott fait défiler les noms des salopes sur son portable tactile. Rien ne lui dit. Non, vraiment, ce soir, il préfère la forêt. Pour en finir avec les Danois, il a bien bossé, la ligne de coke lui a donné l’énergie nécessaire. Il est comme un sportif de haut niveau, à un certain degré de performance, le simple corps ne suffit plus.

C’est ainsi qu’il perçoit les drogues. Pas une addiction, mais une aide. Un vrai support. Le seul sur lequel il puisse compter. Les lumières du centre se sont éloignées. Des immeubles moins cossus se succèdent et bientôt des barres d’habitations glauques s’invitent dans les lumières rectilignes de ses phares au xénon.


Puis c’est au tour d’une forêt triste et vaste de dévoiler ses feuillages drus. En journée, l’endroit est relativement vivant. Le soir, c’est autre chose.


Ouvre le coffre. Sort ses runnings. Se déshabille sur le petit parking. Un vent faible fait frissonner les branches des arbres. Pas d’autres voitures. Il enfile un jogging, pas de sous-vêtement. Apprécie le contact lisse sur sa queue. Lauren N., merde, il devrait la rappeler, là maintenant.


Canalise ton énergie, Cours. Baise les kilomètres.


Il entame son footing. Seul sur un sentier cahotant, il allonge tranquillement sa foulée. Il fait tiède. À travers des ramures plus maigres, un soleil rougeoyant se faufile encore. Mais ça ne dure pas longtemps. Il transpire, il en a encore sous le pied. Après une journée comme celle-là, il a de la ressource. Aux abords d’un petit étang, il ressent une décharge courir le long de son dos. De la peur, de la tension. En levant la tête, il entrevoit nettement les barres de logements sociaux. C’est tout près.


Il y a des détritus sur le sol. Passe sous un pont, ses pieds s’enfoncent dans un parterre humide et glissant, ça sent la pisse et l’humus. Il y a des tags sur les murs, des canettes vides enfoncées dans la terre. Son cœur bat un peu plus vite. Après un virage, il coupe par un étroit chemin qui contourne une aire de jeux. Toboggans anciens, balançoires rouillées et grinçantes. Trois gars sont assis sur un banc près d’un petit château en plastique usé. Ils le regardent passer.


Il ralentit, sort son portable et fait mine de passer un coup de fil. Un vrai aimant à trous du cul. L’un des gars relève sa capuche et le regarde avec un air de défiance. Ça monte, ça monte bien. Ils n’en reviennent pas tous les trois en regardant ce beau gosse en survêtement de marque, les cheveux plaqués en arrière, une montre poids lourd en guise de bracelet-éponge et ce téléphone dernier cri comme un étendard.



Barbichette courte, cheveux rasés, diamant dans l’oreille, survêtement vert avec une virgule.



Scott range son portable dans sa poche. Ne répond pas.



De l’index, singeant un rouage, il mouline à côté de sa tempe droite. Puis il sautille sur place, rabat sa capuche comme un boxer. L’autre se marre.



Les deux autres viennent de se lever du banc. Gesticulent avec véhémence. Beaucoup de bruit / Beaucoup de mouvements. L’autre reprend :



Derrière lui, l’un des gars dit :



Scott a un sourire crispé. Il faut y aller maintenant. Il faut y mettre du cœur. Son poing part. Beau direct. Sec. Tendu. Ça touche. Le gars se tient courbé, le nez en sang. Les deux autres bondissent sur lui. Durant une seconde, Scott lutte méchamment pour réprimer l’envie de fuir. Mais il va falloir encaisser. Les coups pleuvent. Prend dans les abdos, prend dans le torse, dans les côtes, dans la gueule. Il esquive, contre avec les bras, balancent des coups, s’astreint à ne pas crier ni gémir. Le premier relève la tête, du sang coule sur son jogging. Scott ne laisse pas passer l’occasion, lance son genou de toutes ses forces dans ses couilles. C’est mou. Choc mat. Le gars hurle et tombe sur le sol.

Scott ne peut retenir un rire, il dit :



Ça survolte les deux autres. Qui frappent de plus en plus fort. Qui cognent son torse comme s’il était un homme-tronc. Tout l’enjeu, c’est de protéger ses parties intimes et sa petite gueule. Bon Dieu, ce qu’il se sent bien. Son corps, c’est comme s’il se nourrissait de leurs coups, de toute la violence que ces gars projettent sur lui. Une lame griffe la pénombre.



Qui a dit ça ? Aucune idée. De toute façon, ils se ressemblent, mêmes têtes de con. Il dit d’ailleurs, vous avez de sacrées têtes de con.

Esquive un coup de couteau de peu. Là, ça ne rigole plus, il va falloir penser à dégager. Il tente un coup de pied circulaire, mais celui qui a le schlass a bien suivi, se baisse et le chasse au niveau des mollets. Ça craque légèrement. Scott pose un genou au sol. Un poing le cueille en pleine tête. Son arcade sourcilière gauche explose. Du sang plein la gueule. La lame le taille à l’épaule. Merde. Merde. Il roule sur le sol, s’agrippe à un petit arbre et se remet debout. Un coup de pied le touche à la cuisse. Mais il ne sent plus rien.


Adrénaline / Pur stress. Ça monte et ça monte. Il rigole. Prend une baffe, puis un poing dans les côtes encore. La douleur lui coupe le souffle, mais nul doute qu’il ne boude pas son plaisir. Même s’il va être temps de reculer, décide-t-il en parant un tibia menaçant. Allez, encore un coup ou deux. Oui, d’accord, trois. Et, maintenant, barre-toi.


Il fuit à toute allure sur le sentier. Les deux gars à sa poursuite. Le troisième pleure la perte de ses testicules comme un chiot castré. Maintenant, il faut imprimer le rythme.


Mais à la course, même blessé, c’est autre chose. À la course, les deux connards ne l’auront jamais. C’est bon ça, c’est bon, je m’en tire. Les gars lancent la chasse.


Ils vont vite, mais ils ne tiendront pas longtemps, juge Scott qui accélère tranquillement.


Belle foulée, qui leur fait tirer à la langue. Quelquefois il ralentit, les laisse revenir un peu, puis remet la gomme en les traitant de tous les noms. Ils ne sont pas en reste, sa mère en prend pour son grade. Sa pauvre mère. Il s’amuse, fait des grandes foulées à la manière d’un sprinter mondial après l’arrivée du cent mètres. Salue une foule invisible.


Ça dure longtemps, les gars s’accrochent. Il les trimbale une vingtaine de minutes. Un vrai bon run, indéniablement. Il les remercie à distance. Vous avez assuré. Super ! Vraiment super ! Ils ne comprennent pas, les visages empourprés trahissent un certain désarroi. Il coupe à travers bois, rattrape un autre sentier. Il ne les entend plus.

Ses hurlements accompagnent la tombée de la nuit. Un soulagement réel s’est emparé de lui. Et bien que chaque foulée lui arrache un gémissement, il ne peut s’empêcher de murmurer, Bon Dieu, bon Dieu que c’est bon.


Le parking. La voiture. Se laisse glisser sur le fauteuil en cuir. Il en chialerait. Putain, ces allemandes, c’est quelque chose. Il verrouille les portes. Souffle court. Maintenant, la douleur s’invite. Il se regarde dans le rétro : du sang tout le long de la joue gauche depuis l’arcade. Enlève le haut de son survêtement avec difficulté. Son épaule le tiraille. Le couteau a tailladé en surface, mais ça fait un mal de chien. Il ouvre la boîte à gant, sort une fiole de whisky, asperge la plaie, hurle de douleur.



Ça lui fait penser à ces héros de comic books qu’il lit depuis qu’il est gamin. Le coureur, merde. Peut-être qu’il devrait se confectionner un costume. Il attrape les bandages et les pansements qui traînent à côté de la fiole de whisky. S’arrange comme il peut. Il fera mieux plus tard, chez lui. Après une douche brûlante. Une bonne douche. Il en bave.


Remet sa veste de survêtement, démarre la voiture. Les phares éclaboussent la nuit. Il y a du mouvement à la sortie de la forêt. Les deux gars. Qui jaillissent sur le parking. Qui jettent des pierres sur la voiture. Putain, ma carrosserie, regrette-t-il en faisant crisser les pneus du coupé sur le gravier. Et il rentre sur la route comme dans un vagin humide.

Il n’y a rien ici, rien d’autre que des voies désertées.


Plus tard, après la douche, savourant l’effet de deux tranquillisants et de trois anti-douleurs, il vide un verre de whisky. Depuis son salon, il peut voir la ville illuminée. Les tours, c’est si beau, si déraisonnablement concret. Il adore. Nu, son corps dur offre à la vision une dizaine d’hématomes et de coupures. La plaie à l’épaule est superficielle.

Il a un beau bleu sous l’œil droit et une jolie cicatrice sur l’arcade. C’était un peu plus chaud que la dernière fois, pense-t-il en composant le numéro de Lauren N. Mais tellement bon. Il pense au dossier danois. Voilà, là, maintenant, ça ne l’effraie pas. Ça ne lui pince plus le ventre. Elle décroche après trois sonneries. Il est excité, méchamment excité. Elle dit :



Il y a du bruit, elle semble se rendre dans une autre pièce.



Il y a toujours autre chose. Derrière les mots. Derrière le sexe. Il ne croit ni aux hommes ni aux femmes. Il n’a pas foi en eux.


Sa platine joue Roxy Music / Avalon. Il danse. Nu. Propose d’étranges mouvements lascifs. Mais enfin, ça a une certaine grâce. Il répète les mots, Dancing’, Dancing, il chante d’une voix aiguë. Il chante encore. Cabotine comme un dandy sur le retour. Yes the picture changing / Every moment / And your destination / You don’t know it.


Il s’approche de la grande baie vitrée. Se colle à elle, lève ses bras sur elle, il devine des feux verts. En contrebas, dans la grande ville, il les voit tous ces feux verts. Des flux d’information. Des chiffres sur des écrans. Feux verts. Il se frotte au double vitrage. Des données. Des écrans chargés de sigles. Son front accroche la surface froide. Tout va si vite. Des feux verts. Des colonnes lumineuses. Les halos des sigles électriques. Partout, des feux verts. Son ventre colle au verre. Tout est si parfait.





Copyright © 2009
Demandez l'accord des Auteurs avant toute diffusion


Erotisme torride

Tendre Amour

Bon Scénario

Belle Ecriture

Plein d'Humour

Votre appréciation
Pour apporter des commentaires ou des notations importantes à un texte,
cela se fait désormais en cliquant sur le lien ci-dessous.
Il faut par contre être inscrit.

Commenter et noter le texte

Revebebe - Histoires érotiques
Revebebe - Une histoire
Notation public
Une Histoire sur http://revebebe.free.fr/

n° 13160Auteur amateur21/02/09
La baby-sitter
critères:   ffh jeunes oncletante fellation pénétratio fdanus -couple+f -tante -oncle
28176 caractères      
Auteur : Evangelion

On peut dire qu’ils attendaient ce moment avec une impatience dévorante. Véronique ayant accouché de son premier enfant et étant sortie de la maternité depuis quatre semaines, ce samedi était un jour de fête puisqu’elle et son mari, Philippe, allaient pouvoir enfin s’éclater lors d’une soirée organisée par leurs amis comme ils ne l’avaient pas fait depuis des mois.


Ils avaient trouvé la parfaite baby-sitter en la personne de Daphné, la nièce de Véronique et purent ainsi partir quelques heures et profiter l’esprit tranquille…


C’est tard dans la nuit qu’ils regagnèrent leur chez-eux, joyeux et pas mal éméchés. La soirée avait été divine et ils ne tenaient plus ; c’est que cette escapade n’était pas la seule chose qu’ils attendaient ! Véronique était maintenant entièrement remise de ses couches et son bas-ventre criait famine, tout comme celui de Philippe qui était cruellement en manque malgré les fellations goulues de sa très chaude épouse.


C’est donc bruyamment qu’ils grimpèrent les escaliers, ce qui évidemment réveilla Daphné qui vint aux nouvelles pour savoir s’ils s’étaient bien amusés…



Tout s’étant bien passé à la maison, un petit bisou au bébé qui dormait comme un ange et direction le lit.



Se coucher, oui, mais crevés, ils ne le sont pas ! Et la baby-sitter ne va pas tarder à le comprendre. De très fortes complaintes se font rapidement entendre dans la chambre de Daphné, très vite suivies de râles beaucoup plus prononcés. Pendant quelques instants, la jeunette essaie tant bien que mal de les ignorer, mais la tentation est trop forte ; elle a bien envie d’aller dans le couloir pour les écouter de plus près !


Par chance pour elle, dans leur précipitation, les heureux parents ont laissé la porte entrebâillée et un mince filet de lumière venant d’une des lampes de chevet guide la jeune fille dans l’obscurité du corridor.


Elle avance à tâtons, frémissante et intriguée par les sons et les bruits venant de la chambre et à peine a-t-elle l’oreille collée le plus près possible de la porte qu’elle est effarée par ce qu’elle entend.



Jamais elle n’aurait pu imaginer sa tante et son mari user d’un tel langage, se comporter, grogner et jouir comme des bêtes, lâchant des cris de plaisir dignes des meilleures productions pornographiques ! Mais c’est bien tata qui se fait baiser ainsi par Philippe qui la fait grimper aux rideaux.


Elle se rapproche encore, très discrètement, l’œil dans l’interstice et constate que le visuel vaut largement le sonore ! Philippe malmène sa femme avec hargne et la garce n’en jouit que de plus belle. Les changements de positions sont fréquents et Daphné est abasourdie de découvrir comment un homme et une femme peuvent s’y prendre pour se donner du plaisir.


La jeune baby-sitter n’a effectivement guère d’expérience en la matière. S’étant fait dépuceler à la va vite par un rustre qui l’a balancée presque aussitôt après lui avoir promis monts et merveilles, elle garde un souvenir amer de la bagatelle. Mais voir ainsi s’ébattre furieusement deux êtres qui s’aiment l’a, non seulement intriguée, mais également excitée.


Elle sent ses petits bouts durcir et la chaleur envahir son corps. Aussitôt, elle passe la main sous sa liquette et se met à se caresser. Sa fente est déjà bien humide et sa mouille commence à lui enrober les doigts quand Véronique grimpe en 69 sur Philippe pour le sucer comme une diablesse.


Plus qu’honorablement monté, le mari de sa tante lui fait vraiment envie. Véronique s’y prend à merveille pour le faire mugir de plaisir et son vit dressé et reluisant lui met l’eau à la bouche… qu’elle a d’ailleurs très sèche à cet instant !


Des attributs d’un homme, elle ne connaît que les timides et sporadiques masturbations qu’elle a prodiguées - dans le noir ! - à son ancien boy-friend. Ce salaud s’était contenté de la trousser comme une brute, ne lui laissant que le souvenir d’une pénétration douloureuse, mais la bestialité de Philippe avec Véronique n’a rien de comparable ; quel plaisir et quels orgasmes il lui donne !



Véronique se place alors à quatre pattes en travers du lit et elle n’est pas sitôt en position que Philippe a déjà la langue collée contre son œillet.



Toujours à l’abri en son observatoire, Daphné est sidérée ; sa tante va se faire prendre par derrière et ils ont l’air d’avoir l’habitude ! Sidérée, mais encore plus intriguée, ce qui fait qu’elle s’enhardit à ouvrir la porte un peu plus pour y voir davantage clair.

Et elle n’est pas déçue du voyage ! De grands coups de langue sur le petit trou de son épouse, qui se trémousse comme un ver en gloussant, un petit jeu de doigts et voilà Philippe qui encule directement Véronique sans trop de préliminaires.



Leurs propos deviennent très crûs, mais Daphné n’y prend plus garde ; les hurlements de sa tante ont déchaîné sa main qui s’affaire de plus en plus entre ses cuisses et elle doit se mordre la lèvre pour ne pas gémir à son tour. Vu le vacarme qui sort de la chambre, cette précaution est futile, mais elle préfère ne pas tenter le diable.



Un dernier soubresaut et Philippe décharge une onde de sperme brûlant dans le derrière de sa femme qui hurle de jouissance à s’en égosiller. Il était temps aussi pour Daphné qui a bien du mal à tenir sur ses jambes, tellement le plaisir fut grand pour elle-aussi.


Comprenant que la cabriole est terminée, elle ôte la main de son pubis et regagne sa chambre sans faire de bruit.



Elle s’allonge près de lui, pose la tête sur son buste, puis se relève aussitôt, une envie pressante se faisant sentir.



Elle va jusqu’à la porte, s’arrête, puis revient près de son mari.



Philippe est assez contrarié. Se faire mater en train de baiser, ce n’est déjà pas tellement son truc, mais en plus par la nièce de sa femme. Mais peut-être Véronique s’est-elle fait des idées ?



Et non, Véronique n’avait pas rêvé ; sa nièce était aux premières loges de la représentation sulfureuse !



Très étonné qu’elle ne soit pas intervenue quand elle l’a découverte, Philippe ne l’est plus du tout quand il comprend que cette petite voyeuse a rudement excité Véronique ; et comme il ne peut que reconnaître l’entrain que ça lui a donné, la contrariété s’estompe rapidement.


Elle se colle alors sur lui et se met à lui masser le ventre et le buste, les yeux tout enflammés.



Dans sa jeunesse, Véronique a eu une relation avec sa cousine le temps d’un été. Elles ont découvert ainsi leur corps et goûté aux caresses entre filles jusqu’à ce que chacune vive sa première fois avec un garçon ; à la suite de quoi elles ont définitivement tiré un trait sur les plaisirs goudous. Et là, après cette période d’abstinence, la folle nuit d’amour qu’elle vivait, les orgasmes qu’elle avait, voir sa nièce qui les épiait, ont fait remonter en elle certaines envies.



Philippe n’est pas si surpris que ça que sa femme se soit un jour envoyée en l’air avec une autre fille, mais le lien familial est moins facile à avaler. Et quand par-dessus le marché, Véronique fantasme maintenant sur sa propre nièce…



Elle se met à le branler avec légèreté, lui caresse les couilles, lui donne de petits coups de langue sur le gland pendant de longues minutes, jusqu’à ce qu’il soit à point.



Très habilement, elle teste son mari sur un sujet qu’ils n’ont jamais abordé et la gâterie qu’elle est en train de lui prodiguer est un sérieux atout pour qu’il la rejoigne dans son fantasme. Elle est si rusée qu’elle espère bien le persuader que l’idée vienne de lui avant qu’il n’éjacule et ainsi effacer tout scrupule qu’il pourrait avoir !


Philippe ne sait plus trop quoi penser. La fellation fait son effet et il se met à s’imaginer des choses. Jusqu’à présent, il ne s’était jamais trop posé la question de savoir si sa nièce était attirante, mais là, après cette abstinence, ses envies décuplées…


Elle n’a pas encore 19 ans, elle est mignonne, bien qu’un peu boulotte, elle est un fruit vert très appétissant dans lequel il croquerait finalement bien ; surtout que de la bouche de Véronique, la nièce l’a toujours trouvé beau mec.



Elle se met alors à le branler de toutes ses forces, claustrant son gland entre ses lèvres. Il s’accroche aux draps, serre les dents et grogne de plaisir quand son foutre bouillonnant remplit la bouche de Véronique.


Cette nuit-là, il n’y aura pas de troisième acte. Repus et comblés, ils se blottissent l’un dans l’autre et se dorlotent en attendant que le sommeil les emporte. Mais Véronique n’a pas dit son dernier mot ; et comme si la cause était entendue…



Demain, c’est si proche ; demain, c’est aujourd’hui puisque la pendule marque 6 heures passées…


C’est vers 10 heures que Véronique ouvre les yeux et à peine bien réveillée qu’elle tire presque Philippe de son sommeil.



Ils descendent l’escalier l’un après l’autre et vont directement dans la cuisine où Daphné vient de donner le biberon à bébé. Le gros câlin du matin avec leur fils et une fois rendormi, la jeune fille monte le recoucher dans son berceau avant de redescendre pour prendre son petit déjeuner avec eux.



Philippe a compris et ils se mettent à rire, laissant Daphné pantoise. Véronique rapproche alors sa chaise très près de la sienne.



Non, à 35 ans, elle n’a vraiment pas l’air d’une tata, mais d’une femme terriblement affriolante.



Daphné pensait pourtant avoir été d’une discrétion absolue mais elle est stupéfiée et presque honteuse de s’être fait percer à jour. Elle bégaie, semble paniquée, baisse les yeux, rougit et ne sait plus où se mettre.


Philippe ne dit mot ; il garde un sourire réservé et pense comprendre que sa femme a commencé son petit jeu.


Véronique tire alors sa nièce contre elle pour qu’elle se remette de ses émotions.



Se sentant pleinement en confiance grâce au tact de sa tante, son petit sourire mutin répond pour elle : oui, elle a aimé ! D’instinct, Véronique lui saisit la main et la porte sous son nez.



Venant bêtement de se trahir, elle devient rouge comme un coquelicot et Véronique en profite pour passer à l’acte.



Puis, faisant mine de l’apaiser, elle se met à la toucher et lui confie qu’à elle aussi il lui arrive de se masturber.



Sans hésitation, elle passe les mains sous sa liquette et remonte doucement le long de ses cuisses.



Daphné, alors plus que surprise est comme pétrifiée et elle est incapable de dire quoi que ce soit tellement le bien-être monte en elle. Elle ne comprend pas ce qui lui arrive, elle sent la honte la picoter, mais…


Philippe aussi en reste bouche bée. C’est presque une machination, menée haut la main par son épouse qui est en train de se dessiner devant lui. Et il se rappelle quelques années en arrière, comment sa future s’y était prise pour le séduire ! Non, il n’est pas vraiment surpris par la virtuosité de sa femme.



Ses mains sont arrivées à la hauteur de ses hanches et Daphné, qui commence à respirer plus fort baisse les yeux en souriant pour acquiescer.



Elle reprend son ascension, toujours en douceur, pour arriver au niveau de ses seins qu’elle prend tout de suite en mains.



Daphné se laisse aller et ferme les yeux. Elle est certes un peu gênée par la présence de Philippe, mais Véronique lui fait trop de bien pour qu’elle objecte.



La baby-sitter obéit et pose ses fesses sur la table tandis que Véronique lui déboutonne sa liquette.



Elle se met à les lécher et les croquer avec une grande finesse, ce qui procure à la nièce une jubilation succulente. Puis elle continue de la déboutonner et finit par écarter les pans de la liquette.



À peine effleure-t-elle son bouton que la petite fleur de Daphné s’épanouit. Elle se tortille et grimace de bonheur sous les gestes habiles de Véronique qui lui entre un doigt entre les nymphes avant de le sucer.



Elle dénoue alors la ceinture de son peignoir pour faire profiter sa nièce de ses attributs. La jeune fille est éblouie par ses belles loches, encore toutes gonflées par sa grossesse. Et sans qu’on ne l’y invite, elle se met à les caresser, ce qui fait vibrer Véronique.



Sa tante est vraiment une très belle femme et l’invitation est trop tentante pour qu’elle n’obtempère pas. De ses lèvres devenues humides, elle gobe ses gros mamelons et le bienfait de sa langue rugueuse oblige Véronique à saisir la chaise pour ne pas basculer.



Elle lui donne un baiser sur la bouche, tire un peu la chaise et pose un pied dessus pour offrir son intimité à sa nièce.



Véronique n’est pas une farouche partisane du rasoir ; son superbe et très fourni triangle roux éblouit Daphné encore plus que ses seins. Cette nuit, dans la pénombre de la chambre, elle n’avait fait que le discerner, mais là…


Très excitée, elle glisse sa main dans ses longs poils bouclés et descend jusqu’à sa vulve, tout aussi poilue. La sensation est sublime et les poils collés sur ses grandes lèvres l’excitent. Elle qui est si étroite, elle a l’impression d’être à la lisière d’un gouffre juteux et sa stupéfaction n’échappe pas à Véronique.



Oui, très facilement. C’est directement deux doigts qu’elle met dans sa moule, chaude et gluante, et commence à les remuer. Véronique se laisserait bien doigtée en profondeur, elle a envie que Daphné lui donne du plaisir, mais comme pour le moment elle veut garder la maîtrise de la situation, elle lui attrape brusquement le poignet.



La jeunette ôte la main de son minou et hésitante, elle la dirige sous ses narines. L’arôme est très fort ; la cyprine de Véro est teintée d’une odeur d’urine et d’une autre qui lui est inconnue mais qu’elle devine être le sperme de Philippe.



Elle entre ses deux doigts dans sa bouche et se met à les sucer tandis que Véronique la pénètre à nouveau de son majeur très fouineur. Elle a l’air d’apprécier le parfum de sa sucette, mais son regard se fige instantanément sur Philippe ou plutôt sur sa bite qui est dressée d’équerre au milieu de son peignoir. Et il ne semble même pas avoir remarqué qu’il bande aussi fort tellement il est absorbé par les cochonneries se sa femme et de sa nièce !



Elle empoigne son engin dans la foulée et le branle très langoureusement.



Elle ne répond pas, elle n’ose pas avouer que dans l’état où elle est, elle n’a qu’une envie : s’empaler sur ce braquemart alléchant !



Un pas en avant et la bite de Philippe est à portée de main de Daphné qui s’en détache du regard une seconde pour fixer Véronique.



Sa respiration accélère et Philippe glousse, dès que sa main étrangle son chibre. Voilà plus de cinq ans qu’aucune autre femme ne l’avait touché, que nulle autre que son ardente Véronique ne lui avait trituré le bout.


Avec des gestes plus qu’imprécis, elle commence à le branler, s’excitant à faire apparaître et disparaître son gland violacé et encore rutilant des ébats de cette nuit ; c’est un plaisir explorateur et donc doublement excitant puisque c’est la première fois qu’elle masturbe un homme en contemplant son vit.


Véronique l’enserre par derrière, fait tomber son peignoir et passe la tête au-dessus de son épaule pour observer la branlette de l’intrépide et maintenant dévergondée Daphné qui a pris le tempo. Mais comme la position n’est pas la plus appropriée, elle demande à son mari de prendre la place de sa nièce sur la table.



Oui, elle le sait : s’initier à sa première fellation. Elle se penche un peu pour être à bonne hauteur et chaperonnée par sa tante, elle approche ses lèvres très près du gland. L’odeur est exactement identique à celle qui tout à l’heure lui a imprégné les doigts, ce qui lui fait de nouveau perdre tout sens commun. Véronique s’accroupit aussitôt derrière elle pour lui peloter les seins.



Elle ouvre alors la bouche et gobe ce gland qui est ce matin pour elle en s’accrochant aux genoux de Philippe. Le goût est âpre, mais pas question de jouer les difficiles ; surtout qu’elle est encouragée par Véro qui la doigte tellement elle est excitée elle-aussi.


Mais ses doigts font trop merveille et la jeune fille sursaute de plaisir, ce qui fait également bondir Philippe.



Son minou est prêt ; un liquide chaud coule sur les doigts de Véronique, mais Daphné ne semble pas vouloir lâcher prise, sa première pipe étant sensationnelle.



Les paroles de sa tante, douces et subtiles, sonnent comme des injonctions auxquelles la nièce se plie dans l’instant tellement le plaisir la dévore. Philippe s’allonge sur la table machinalement et la jeunette l’enjambe, guidée comme il se doit par Véronique qui s’est emparée de la queue de son homme et la plaque contre la vulve de Daphné.



Elle a encore du mal à le regarder directement et ferme les yeux sitôt qu’elle commence à descendre sur son engin. Les deux pieds sur la table, Véronique la maintient pour lui éviter de tomber à la renverse et elle pousse un petit couinement une fois en fin de course.


Mais ces timides marques de plaisir prennent vite de l’ampleur dès les premiers va-et-vient. Elle ne saurait dire si le sexe de Philippe est plus gros que celui de son ex, mais en tout cas elle le sent passer ! Mouillant profusément, le coulissement est idéal et elle le fait entendre, à la grande joie de Véronique qui l’encourage promptement à se laisser aller.



Daphné met le paquet à monter et descendre, mais sans expérience, la machine s’emballe vite et sera bientôt hors-service si Véronique n’y prend pas garde. Elle l’attrape alors par les hanches, la fait mettre à genoux et l’allonge sur Philippe qui donne instantanément du bassin pour ne pas casser l’allure. Daphné s’écrase sur lui et le cramponne de ses lèvres dans le creux du cou sous l’œil bienveillant de son épouse qui a déjà effleuré du doigt la rosette de la jeune fille.


Voir le sexe de son mari entrer et sortir dans celui de sa nièce la rend folle de désir, surtout qu’il est couvert de son suc blanchâtre et parfumé qu’elle s’empresse de lécher à chaque aller-retour. Le petit trou de Daphné en est rapidement imbibé et la tante se met à lui masser avant de lui rentrer un doigt jusqu’à la garde.



Le calibre de son index n’est guère imposant, mais c’est une cerise sur le gâteau de Daphné qui jouit à outrance sur la petite table de cuisine. D’une main, Véronique lui trifouille l’anus, de l’autre, elle applique quelques claques à chaque moment propice pour qu’elle se rétracte et Philippe ne faiblit pas, la gardant accrochée bien à lui par les orgasmes qu’il lui offre.


Et le suivant est si fort que la jeunette en perd presque connaissance. Véronique est plus que ravie de ce parcours initiatique hautement réussi, mais son ventre est brûlant et il réclame son dû ! Elle fait donc un petit signe de la tête à Philippe pour qu’il tempère ses gestes et Daphné se rehausse calmement pour savoir ce qu’il en est. Elle a jouit énormément, son visage est radieux et Véronique l’embrasse comme une amante.



Elle ne sait que dire de plus dans cette circonstance particulière, mais son visage déborde de gratitude pour celui qui vient de lui apprendre réellement ce que le mot plaisir veut dire.



Tout le monde a compris que tante Véro a le feu au cul et que son mari doit y remédier ! Mais avant cela, elle a envie d’un petit en cas. Elle s’assoit à son tour sur la table et écarte bien les cuisses, les pieds posés sur les coins.



Voilà seulement qu’il entre vraiment dans la conversation et Daphné est transportée d’émoi à la vue de la chatte largement ouverte de sa tante.



Une nouvelle odeur embaume de sa vulve, celle de la cyprine toute "fraîche" qui s’écoule de son vagin embrasé. Mais Daphné n’aura droit qu’à un avant-goût par un timide coup de langue sur sa vulve ; la place est rapidement prise d’assaut par Philippe qui fait trembler la table d’entrée de jeu par de solides coups de reins, propices à la jouissance extrême de Véronique qui se met à bramer, consumée par le plaisir.


Malgré ce qu’elle a pris, la baby-sitter est dans un premier temps presque choquée par cette baise animale où le mâle qui vient de la faire jouir n’a rien à voir avec celui qui est en train d’entreprendre sa tante. Mais un tel plaisir, de telles sensations, elle en rêve déjà et sa première impression s’éclipse très vite.



Elle descend de la table et conformément au désir de son homme, se retourne, lève une jambe et repose son pied sur le coin. Philippe la prend sur-le-champ et se remet à la faire jouir sous des coups encore plus emportés.


L’abricot bien garni de Véronique commence à exsuder et sa mouille coule le long de son entrejambe. Daphné, remise en appétit, voudrait bien la lécher mais c’est un autre jus qui l’attend.



Véronique se désenclave et fait plier Daphné aux pieds de son époux.



La nièce ravit sa queue et le masturbe très fort dans sa bouche, suivant les conseils de sa tante, se délectant de l’écume acidulée qui recouvre ce dard si besogneux.



L’écluse s’ouvre alors et une houle de sperme se verse dans la bouche de la jeunette qui en paniquerait presque. C’est chaud, épais et amer ; l’ondée semble interminable et Daphné est dans l’incapacité de tout avaler. Mais Véronique s’y attendait ; accroupie à côté d’elle, elle guette la fuite entre ses lèvres et se met à lécher le foutre qui s’en échappe et qui fuse sur le menton de la jeune fille.



Puis s’adressant à Daphné, elle ajoute :



Elle lui donne alors un baiser, lui offrant ce qu’elle a perdu et qu’elle avait gardé en bouche.


Après cette partie matinale, tous les trois finissent par s’asseoir autour de la table pour respirer un peu. Daphné est naturellement heureuse et comblée, Véronique très satisfaite et Philippe rudement content d’avoir baisé une petite cochonne pratiquement offerte en cadeau par son épouse !



À peine a-t-elle fermé la porte que Véronique vient s’asseoir sur les genoux de son mari.



Philippe était partant pour que Daphné devienne leur jouet intime et ce n’est pas la jeune fille qui allait refuser ! Dès le week-end suivant, Véro et son mari auraient de nouveau besoin de ses services de baby-sitter, ce que naturellement elle accepta, surtout que la sortie des parents se déroulerait à la maison, comme bien des samedis suivants…




Copyright © 2009
Demandez l'accord des Auteurs avant toute diffusion


Erotisme torride

Tendre Amour

Bon Scénario

Belle Ecriture

Plein d'Humour

Votre appréciation
Pour apporter des commentaires ou des notations importantes à un texte,
cela se fait désormais en cliquant sur le lien ci-dessous.
Il faut par contre être inscrit.

Commenter et noter le texte

Revebebe - Histoires érotiques
Revebebe - Une histoire
Notation public
Une Histoire sur http://revebebe.free.fr/

n° 13166Hidden Side24/02/09
Les six petits cochons
critères:   bizarre telnet nonéro policier -policier
30218 caractères
Auteur : Hidden Side

De la salive s’écoule le long de ma joue, suintant de la boule en caoutchouc noir qu’on a forcée dans ma bouche pour m’empêcher de hurler. Mes mâchoires, écartelées par cet encombrant colifichet, sont le siège de crampes de plus en plus intolérables. Quand ils ont verrouillé cette horreur à l’arrière de ma nuque, une terreur ignoble m’a submergé. Je n’arrivais plus à reprendre mon souffle ! La frayeur, l’adrénaline, je ne sais pas… Puis, d’un seul coup, mon diaphragme s’est débloqué, et une longue goulée d’air s’est engouffrée par mes narines frémissantes, gonflant mes poumons et me ramenant à la vie.


Pour prévenir toute nouvelle crise de panique, j’essaie depuis de respirer calmement. Rester calme… Pas évident, quand on a les mains attachées dans le dos, avec des lanières qui vous scient les poignets. Mes genoux et mes chevilles sont entravés par le même genre de liens, suffisamment serrés pour faire mal sans toutefois couper la circulation sanguine. Est-ce un signe que mes agresseurs souhaitent me conserver en vie, et de préférence en un seul morceau ? En tout cas, j’essaie de m’en persuader…


Mon menton frotte contre une moquette rêche, imbibée d’un fluide gras. Sous mon corps recroquevillé, j’ai une conscience aiguë de la roue de secours qui martyrise mes côtes. Au milieu des pensées terrifiées qui emplissent mon crâne surnage une interrogation perfide : « Est-ce que l’air se renouvelle, dans le coffre d’une voiture ? » Question banale, réponse haletante… Malgré moi, j’ai la conviction que je vais finir par étouffer dans ce réduit. Quand la bagnole s’arrêtera, je serai tout bleu. J’imagine déjà les conclusions du légiste. « Cause du décès : mort par asphyxie - Arme du crime : qualité de fabrication allemande…  »


Une odeur d’urine, mêlée d’effluves de gasoil, s’infiltre à travers la cagoule opaque qui me recouvre le visage. Je suis incapable de me rappeler quand c’est arrivé, mais il n’y aucun doute, je me suis pissé dessus. Mon pyjama trempé me colle encore aux cuisses. C’est parfaitement ridicule, stupide même, mais je ne peux m’empêcher d’en éprouver une cuisante humiliation. « Si ces types te sortent de là pour te coller une balle dans la nuque, qu’est-ce que ça pourra foutre que t’aies souillé ton froc ? », me fait remarquer cette partie de moi qui prend tout à la légère. On relativise comme on peut…


Déjà deux heures que ma vie a basculé dans ce chaos démentiel, et je ne sais toujours pas pourquoi tout ça m’arrive. Mon enlèvement s’est passé à une vitesse incroyable. J’ai été réveillé par le fracas de ma porte d’entrée et avant même que je ne fasse un geste, plusieurs types me sont tombés dessus. En moins d’une minute, ils m’ont maîtrisé, ligoté, traîné dans l’escalier de secours, puis balancé dans le coffre de leur voiture avant de démarrer à fond la caisse. Depuis, on roule à une allure soutenue. On doit être à bonne distance de Rome, à présent.


Ça ressemble un peu trop à du travail de pro, à mon goût… Pourtant, je ne me connais aucun ennemi capable de mettre un contrat sur ma tête. À 39 ans, je ne suis personne, un simple citoyen dans la foule des anonymes. Ces mecs-là sont en train de se gourer de client, c’est sûr. Mais même s’ils s’en rendent compte, ils préféreront sûrement me clouer le bec pour de bon ! La seule trace qui restera de ma vie tragiquement écourtée, ce sera un article minable dans la section « Faits divers » d’une feuille de chou quelconque. Quel gâchis ! Mes joues sont baignées de larmes, mais il n’y a aucune colère en moi, aucune rage. Juste de la peur, la peur abjecte de crever comme un chien…


La grosse berline vient de ralentir. On s’arrête brièvement, puis on repart, en roulant au pas. Les pneus émettent un crissement régulier, comme si on remontait une allée de gravillons. On doit s’approcher d’un lieu habité. C’est peut-être con, mais ça ranime une lueur d’espoir en moi. Je m’attendais tellement à ce qu’un de ces types me flingue au milieu de nulle part… Après tout, ce n’est peut-être qu’un simple enlèvement avec demande de rançon !


La voiture s’immobilise, les portières claquent, le gravier crisse sous des pas lourds. Le coffre s’ouvre, laissant pénétrer un air frais qui fait palpiter mes narines. Avant que je ne puisse dire ouf, on me retourne sans ménagement. J’entends un claquement sec ; le bruit inimitable d’un couteau à cran d’arrêt… Si je n’étais pas bâillonné, je les supplierais de la façon la plus vile. Je n’hésiterais pas à les implorer pour qu’ils m’épargnent.


La froidure d’une lame s’immisce soudain entre mes cuisses gelées. Bordel, non ! Ces enfoirés vont me châtrer ! Le couteau s’agite, fouille, tranche… mais je ne ressens rien, je suis comme anesthésié. Je ne comprends ce qui se passe que lorsque mes genoux et mes chevilles se désolidarisent brutalement. C’est à ce moment précis que la douleur explose, comme si, d’un seul coup, les veines de mes jambes se remplissaient d’un millier d’aiguilles chauffées à blanc.


Quelques secondes plus tard, quatre mains implacables me hissent hors du coffre. On me lâche… Sous mes pieds nus, le baiser glacé d’un sol herbeux. Mes muscles endoloris sont incapables de me soutenir ; je vacille et m’écroule comme une merde, provoquant l’hilarité générale. Deux types se penchent alors vers moi, me soulèvent par les aisselles et me traînent sans ménagement sur une bonne vingtaine de mètres. En chemin, mes talons heurtent à plusieurs reprises d’épaisses dalles en pierre. La souffrance est atroce, à hurler ! Bien sûr, mon bas de pyjama en profite pour se débiner lâchement. Sans défense et à moitié à poil, les pieds en bouillie, on ne peut pas dire que ma situation soit brillante ! Mais pour l’instant, je suis encore entier…


On s’arrête enfin. Il y a un cliquetis de clefs bataillant avec une serrure récalcitrante, puis la plainte d’une porte qui s’ouvre à la volée. L’un des types, me tenant toujours fermement par le bras, me fait avancer. On doit se trouver à l’intérieur d’une habitation à présent, car la morsure du froid s’est apaisée. Redoutant de me cogner, je marche avec précaution sur ce qui semble être un sol de terre battue, probablement celui d’une cave.


De nouveau, le ramdam des clefs, suivi d’un grincement métallique. J’entends alors s’élever des murmures. Il y a ici plusieurs personnes qui chuchotent entre elles. Ça ne me dit rien qui vaille ! Je me crispe, m’arc-boute, refusant de me mouvoir. Tentative aussi désespérée que vaine… Une grande bourrade dans le dos me propulse droit devant. J’esquisse une glissade maladroite, trébuche et perds l’équilibre. Ma tête heurte violemment une paroi. Craquement sinistre au niveau de ma nuque, un flash énorme illumine ma nuit et mes genoux se dérobent sous moi.



ooOOOoo



J’émerge peu à peu. Un horrible mal au crâne me vrille les tempes… Je ne sais pas combien de temps a duré mon absence, mais je suspecte un diablotin malicieux d’en avoir profité pour tenter une trépanation à coups de batte de baseball.


Ma situation n’est guère brillante. Suite au télescopage de mes vertèbres cervicales, j’ai le cou magistralement bloqué. Quant aux deux masses inertes pulsant dans mon dos, mon esprit inventif tente de me persuader qu’il s’agit bien de mes mains. Je me rends compte que je ne peux plus les bouger. Mais ce qui m’inquiète le plus, c’est l’angle bizarre que forme mon épaule gauche avec le restant de mon corps.


Prenant appui sur un coude, j’essaie de me redresser. Une douleur fulgurante me cloue au sol aussitôt. J’ai dû me démettre l’épaule en tombant.« À moins que ce ne soit carrément une fracture », suppute mon instinct défaitiste. Mon front se couvre d’une sueur aigrelette, tandis que des vertiges m’assaillent. La cagoule et le bâillon sont restés scrupuleusement en place. Se libérer de ce genre de gadgets serait un jeu d’enfant pour un contorsionniste, même de seconde zone. En ce qui me concerne, et vu mon état, il va bien falloir me résoudre à rester dans le noir, tout en observant le silence.



Je sursaute violemment. Nouveau flash de douleur. Le gag-ball se charge d’étrangler mon cri en un gargouillis pitoyable. Bon Dieu ! J’avais presque oublié que je n’étais pas seul dans le coin…



Je dodeline précautionneusement du chef. Mon cou me lance, mais ça reste supportable. Qui est donc ce type qui me parle ? Un complice de ceux qui m’ont enlevé ? Ou bien une autre de leurs victimes ? La seconde hypothèse me parait la plus plausible. Alors dans ce cas, pourquoi ne me détache-t-il pas !?



Je me résous à lui faire confiance, et me traîne comme je peux dans sa direction. De toute façon, ai-je vraiment le choix ? Mon crâne heurte soudain des barreaux métalliques. Paradoxalement, la souffrance qui déferle dans mon cerveau exténué fait jaillir une lueur de compréhension. Je suis enfermé dans… dans une sorte de cage ! Je poursuis ma progression lancinante et parviens à m’adosser contre les barreaux. Des doigts palpent ma nuque puis s’attaquent à ma cagoule. En quelques secondes, cette bonne âme m’a débarrassé de mon attirail sado-maso.



Au-dessus de nos têtes fusent des rires, accompagnés de raclement de chaises qu’on malmène. Mes agresseurs ne sont pas bien loin, et je n’ai aucune envie de précipiter leur retour !


Une lueur sépulcrale filtre par d’étroites meurtrières, baignant les lieux dans un clair-obscur inquiétant. Le peu que j’en distingue suffit à me faire dresser les cheveux sur la tête. Je me trouve dans une cave moyenâgeuse, abritant des geôles peuplées d’ombres fantomatiques. Les murs de pierre ont l’air épais et robustes, tout comme les lourdes grilles qui divisent la pièce en deux rangées de cellules individuelles. Rien à tenter de ce côté-là. Je scrute les silhouettes mouvantes des autres prisonniers. Depuis combien de temps croupissent-ils ici ?



J’obtempère en silence, me tournant tant bien que mal. À sa manière, ce gars est aussi stressé que moi. Inutile de le mettre en rogne. Il s’active dans mon dos, tailladant autant mes poignets que les lanières incrustées dans ma chair. Un liquide chaud et gluant ne tarde pas à goutter sur mes mains. Je m’apprête à lui demander d’arrêter les frais quand mes liens finissent par céder.


Enfin libre de mes mouvements ! Du coup, la tension dans mon épaule blessée parait nettement plus supportable.



Il hoche la tête, sans un mot. Ce gars est sinistre… Mille interrogations me brûlent les lèvres, mais je n’ai pas le temps d’ouvrir la bouche qu’une jeune femme, affalée dans la cage face à la mienne, m’interpelle tout à trac.



Je reste sans voix, sidéré par cette question hors de propos. C’est carrément surréaliste ! Soit j’ai mal compris, soit cette pauvre fille a déjà perdu la boule…



Son ton, qui soudain vire à la supplique, me file des sueurs froides. Si ma réponse revêt un tel poids aux yeux de cette nana, c’est qu’il doit s’agit d’un élément primordial pour expliquer tout ce merdier.



Elle se lève et empoigne les barreaux de sa cage. L’astre lunaire fait jouer des reflets laiteux sur son corps élancé, à la pâleur extrême. Sur sa peau hérissée de chair de poule, je note par endroits des zones plus sombres. Des plaques de boue ? Des hématomes ? Non, on dirait des motifs bizarres, comme des dessins… Putain ! Des tatouages sataniques !



Tout à coup, je me rends compte de l’insistance de mon regard sur son corps dénudé. Je me sens rougir jusqu’à la racine des cheveux.



Je me souviens très bien de ce texte, au style furieusement gore, qui traitait avec une minutie sadique du calvaire des prisonniers d’un centre de torture, durant la guerre d’Algérie. D’après ce que j’en sais, tout l’œuvre de l’auteur participe de la même inspiration sanguinaire. En tant que lecteur, cette nouvelle diablement efficace m’avait procuré un plaisir certain, je ne peux le nier. C’est peut-être même ce qui m’avait encouragé à m’essayer au genre, avec un certain succès.


Une association d’idées aussi soudaine que nauséabonde s’enclenche alors, à partir de cette seule considération.



Les autres prisonniers me dévisagent dans un silence pesant, comme si je venais de proférer une insanité lubrique.


Au bout d’un instant, un rondouillard à la cinquantaine décatie finit par se lancer, confessant sa fascination pour le masochisme sexuel et autres tortures homologues, y compris les plus hasardeuses. Ses récits - des outrages scandaleux en regard de toute charte de bienséance, même laxiste - n’ont pratiquement jamais franchi les limites fangeuses de « l’underground ». Des brûlots, que monsieur met à disposition d’un public avide – réduit, mais fidèle - sur son propre site Web.


La ronde infernale se poursuit par un jeune gars qui nous livre des détails sur son goût immodéré pour la rédaction de textes scatologiques et zoophiles. Un troisième larron, à la fine moustache aristocratique, prend ensuite la parole. Ce type, engoncé dans une robe de chambre en maille polaire, me fait penser à un psychiatre fraîchement retraité. Il discourt sereinement sur le cannibalisme et la nécrophilie, sympathiques objets de sa fascination morbide, appariés à toutes les sauces de ses délires textuels…


C’est au tour de « Nausea » de prendre la parole. Vu le palmarès de ses déviances, son pseudonyme sulfureux est amplement mérité. Elle se dit volontiers dominatrice, explorant avec ses soumis et soumises toutes les perversions imaginables. Mais elle ne prend vraiment son pied que dans la description minutieuse des horreurs qu’elle leur fait subir. Ses textes, uniquement diffusés dans les recoins les plus glauques de la toile, font soi-disant référence. Du moins, pour les amateurs de ce genre de « littérature ». Quant à moi, un simple tour d’horizon de ses expériences sordides suffit à me donner envie de vomir.



Une veine pulse à sa tempe et ses yeux lancent des éclairs.



Je crois que s’il n’était pas enfermé, ce démon se serait déjà rué sur elle pour l’étrangler. Elle n’a pas intérêt à tomber un jour entre ses mains… si, bien sûr, on sort d’ici vivant. Lucius choisit de canaliser son agressivité vers quelqu’un d’autre, moi en l’occurrence, et m’apostrophe avec des accents vipérins :



La pièce s’inonde brutalement d’une clarté impitoyable, qui nous statufie. J’essaie tant bien que mal de me protéger des rayons blanchâtres qui partout ruissellent, en me couvrant le visage des mains. Nos tortionnaires sont là ! Je les entends piétiner devant les cages, cognant leurs matraques aux barreaux. Le vacarme est leur force, qui exacerbe d’autant notre débilité de victimes impuissantes. D’instinct, je me courbe vers le sol, me faisant insignifiant et effacé, comme si cela pouvait me faire disparaître à leurs yeux. Choisissez n’importe qui, et faites-lui ce que vous voulez ! Mais par pitié, laissez-moi…


Comme s’ils pouvaient lire dans mes pensées, leurs pas s’arrêtent justement devant ma cellule. Une clef s’introduit dans l’imposante serrure et déverrouille la porte grillagée. Pas de doute, c’est bien pour moi qu’ils sont là ! Leur présence dans ma cage agresse tous mes sens et pourtant je n’arrive pas à croire ce qui m’arrive, à accepter l’inéluctable réalité. Qu’ils soient venus me chercher en premier est inique, illogique. Bref, parfaitement intolérable…


Une de ces brutes me caresse la nuque avec sa matraque, avant de me pousser dans le dos jusqu’au mur. Ils m’aboient de croiser les poignets derrière moi, ce que je fais de mon mieux malgré l’incendie dans mon épaule. Ils m’entravent, serrant la corde sans pitié sur mes plaies sanglantes. Puis, ils me passent un nœud coulant autour du cou et me sortent de ma cage, comme un chien qu’on tient en laisse.



ooOOOoo



Une boule d’angoisse me broie le larynx. Je suis menotté sur une grande table métallique, au beau milieu d’une pièce sombre qui fait foutrement penser à une salle de torture. Sous mon dos décharné, la surface glaciale et lisse évoque inévitablement le plateau d’une table de dissection. J’ai bien failli tourner de l’œil, au moment où ces salauds m’ont enchaîné aux quatre coins de ce chevalet. La souffrance n’aurait pas été pire s’ils m’avaient arraché le bras gauche ! En tout cas, les lourdes menottes en acier trempé font vrai. On dirait d’authentiques bracelets de Carabinieri.


Le seul éclairage dans cette grande salle provient d’un néon, fixé à moins d’un mètre au-dessus de mon corps entièrement nu. Mes agresseurs se tiennent dans l’ombre, juste au-delà du faisceau de lumière verdâtre. Même en me dévissant le cou, je n’arrive pas à voir leurs visages. Leur discipline quasi militaire et leurs crânes rasés font penser à une quelconque milice néofasciste. Bien que j’aie à présent une idée de leurs motivations, je ne sais toujours pas qui sont réellement ces salopards. Ce qui est sûr, c’est que j’ai affaire à de grands malades !



Pour toute réponse, le chef des cagoulés s’approche et brandit sous mon nez des instruments chirurgicaux. Pas n’importe lesquels. Une petite scie circulaire et un scalpel immaculé, au fil étincelant. Je secoue la tête en blêmissant. C’est un véritable cauchemar ! Une salve de crissements métalliques salue mes geignements terrifiés. Le rire de ce type est inhumain, on dirait le caquètement d’Alien.



En effet. Impossible de ne pas faire le rapprochement entre ces outils et mon dernier texte, une histoire gore bien craspec. Je serre les dents, n’osant plus bouger d’un poil. En ce moment même, le type promène la pointe du bistouri juste au-dessus de mon pénis, avec un air inspiré…



Le scalpel fait un « TCHAC » de très mauvaise augure et une sensation de chaleur visqueuse inonde aussitôt mes cuisses. Je me cambre et me tords, hurlant comme un damné. Curieusement, je n’éprouve aucune douleur. Malgré moi, je finis par soulever un menton tremblant, essayant d’apercevoir mon sexe amputé. Combien de temps me reste-t-il à vivre, avant de me vider de tout mon sang ?


Mes agresseurs hurlent de rire, tandis que le type retire sa lame. Puis il brandit sous mes yeux une outre translucide, d’où s’écoule un filet de liquide rouge-brun. Encore sous le choc et claquant des dents, je le regarde sans rien comprendre. Puis le monde bascule à nouveau. Il ne s’agit là que d’un simulacre d’émasculation ! Une simple poche de sang, placée à mon insu entre mes jambes, que cet enfoiré vient d’éventrer.



Je suis encore trop tendu pour pouvoir décrisper les mâchoires et lui répondre. Des larmes pleuvent de mes yeux rougis. Ces types me laisseraient-ils vraiment une chance de me tirer vivant de cet enfer ? Je n’ose pas y croire. Ça doit faire partie de leur plan, la phase « laisser un peu d’espoir aux victimes », une sorte de continuité naturelle dans la torture psychologique.


Le type doit percevoir le doute qui voile mes yeux, car il se penche vers moi et me murmure sa proposition à l’oreille. C’est… ignoble ! Il n’y a pas de mots pour qualifier ce qu’il me demande !



Je garde farouchement le silence.



Le type claque des doigts, sans attendre mon commentaire. Deux cagoulés sortent de la zone d’ombre et s’avancent vers la table. Quand je distingue les lourdes cognées de bûcheron qu’ils transportent, mes yeux s’écarquillent d’effroi. Vêtus de longues toges noires, mes bourreaux se placent de part et d’autre du chevalet de torture.



Je me tortille comme un ver sur mon plateau d’acier, dans une ultime et dérisoire tentative pour me libérer de mes menottes. Le seul résultat, c’est que je me luxe un peu plus l’épaule et m’écorche méchamment les poignets. Les haltérophiles habillés de noir se saisissent de leurs haches à deux mains, et, prenant un maximum d’élan, les brandissent au-dessus de leurs têtes. Un signe de leur chef, et ils me tranchent les bras !




ooOOOoo



Le jour se lève enfin. Perçant le ventre bombé des nuages gris qui menacent l’horizon, les premiers rayons de l’aube font scintiller les eaux argentées d’un immense lac loin devant, tout en bas des collines. Depuis dix minutes environ, on marche sur un petit chemin caillouteux, dans un paysage de landes désolées. Après m’avoir accordé une longue douche brûlante, mes geôliers m’ont donné des vêtements propres. Ce n’est qu’au moment d’enfiler les chaussures que je me suis rendu compte qu’il s’agissait en fait de mes propres groles et de mon costard du dimanche. Ensuite, toujours encadré par ces deux types en toge noire, j’ai quitté le corps de ferme à pied et depuis je chemine à l’air libre.


Ils ont usé d’une barbarie implacable pour torturer mes cinq compagnons de cellule. Les supplications, les hurlements, les sévices… tout ça a duré jusqu’au petit matin, un véritable marathon de l’enfer. Au-delà d’un certain stade, l’esprit humain n’est plus équipé pour gérer l’accumulation de l’horreur et de l’ignominie. Je ne ressentais donc plus rien dès le second assassinat. Plus rien, à part une sombre satisfaction à chaque fois que s’arrêtaient définitivement les cris. Je sais, c’est odieux, mais c’était presque un soulagement, ce silence de mort. Je prenais tout mon temps pour mener à bien ma sale besogne, pour repousser le moment où les vociférations reprendraient.


Quand le massacre a finalement pris fin, j’étais couvert de sang de la tête aux pieds. Et ce n’est pas juste une image. Mes mains ont laissé de grandes traces visqueuses sur le rideau de douche, et pendant un bon moment, l’eau a coulé pourpre dans le bac émaillé. Malgré les tonnes de détergent et les longues minutes à me récurer sous le jet, je sens toujours ces viscères sanguinolents qui me collent à la peau, ces organes glaireux qui giclent sous mes doigts. Je crois que je n’arriverai plus jamais à me sentir propre.


On s’arrête près d’un bosquet d’arbres dénudés. Dans le flamboiement du ciel, les branches torturées semblent proférer des imprécations muettes contre l’hiver. Le gars à ma droite défait les menottes qui lient nos poignets. Le regard vide, j’attends que tout soit terminé. Je ne réalise pas encore vraiment ce que ces fachos m’ont obligé à faire, et c’est une chance car ça m’évite tout simplement de devenir dingue.


Je ne sursaute même pas quand je sens le métal froid d’un gros calibre s’appuyer contre ma tempe. Je suppose que j’ai toujours su que ça se terminerait ainsi. Une mort rapide, sans souffrances inutiles, ça n’a pas de prix ! C’est peut-être mieux comme ça. Ça m’évitera de devoir affronter toutes les nuits leurs regards chargés de reproches.



BLAAAM !



ooOOOoo



Journal télévisé du soir, Rai Uno :



[Gros plan sur un bâtiment perdu dans les collines, devant lequel des carabiniers désœuvrés montent la garde. Les visages sont fermés, inexpressifs au possible. Puis on assiste à un défilé de housses étanches de couleur noire ; les corps, en partance pour l’institut médico-légal le plus proche.]



[Le visage d’un type mal rasé et à l’allure louche occupe la moitié de l’écran, pendant dix secondes environ. Il s’agit d’une photo d’identité, probablement celle tirée du permis de conduire de Severini.]





Ne souhaite pas publier son adresse


Copyright © 2009
Demandez l'accord des Auteurs avant toute diffusion


Erotisme torride

Tendre Amour

Bon Scénario

Belle Ecriture

Plein d'Humour

Votre appréciation
Pour apporter des commentaires ou des notations importantes à un texte,
cela se fait désormais en cliquant sur le lien ci-dessous.
Il faut par contre être inscrit.

Commenter et noter le texte

Revebebe - Histoires érotiques
Revebebe - Une histoire
Notation public
Une Histoire sur http://revebebe.free.fr/

n° 13173Humble02/03/09
La belle Hélène
critères:   fh amour revede voir fellation cunnilingu pénétratio
33985 caractères      
Auteur : Lacducoucou

« … POUSSER LA PORTE DU JARDIN D’ESMÉRALDA »


En hommage à cette superbe phrase extraite de la comédie musicale Notre-Dame de Paris :


« … ô laisse-moi rien qu’une fois, pousser la porte du jardin d’Esméralda. »


Elle constitue à elle seule un fabuleux raccourci et une superbe suite poétique à l’escalier si prosaïque de Clémenceau.







Ce mercredi-là, je ramène Sauveterre, l’audit envoyé par la maison-mère, à la gare de TGV dans la bourgade voisine, à une vingtaine de kilomètres. Comme j’ai le temps, je l’accompagne sur le quai et lui tiens compagnie jusqu’à l’arrivée du train pour Paris. Il m’en remercie avec effusion. Pas de quoi, j’avais reçu des consignes précises : se mettre en quatre pour ce monsieur. Le patron de notre usine n’est pas stupide : du rapport de Sauveterre peut dépendre pas mal de choses pour nous autres, péquenots de province. Le train démarre, et je regagne ma voiture garée sur le parking de l’hôtel de Paris, juste en face de la gare, lorsque je m’arrête, pétrifié. Hélène Domieux sort de l’hôtel au bras d’un monsieur distingué, dans la cinquantaine, dont je puis jurer qu’il n’est pas son mari. Impossible de les éviter. Je me reprends et m’oblige à croiser la belle Hélène en n’y laissant rien paraître, comme si nous ne nous connaissions pas. Son regard m’accroche, me semble-t-il, une fraction de seconde, mais sans que j’en aie la certitude. Elle continue sa route en affichant le même parfait détachement que moi. En ouvrant la portière de ma voiture, je la distingue encore de loin, en train de recevoir une chaste bise sur chaque joue. Chaste ? Pour tromper l’ennemi, peut-être ? C’est bien le moment de sauver les apparences…


Sur le chemin du retour, je ressasse l’idée et n’en reviens toujours pas ! Madame Domieux, l’irréprochable épouse, surprise en fin d’après-midi, au bras d’un séducteur sur le retour, au sortir d’un hôtel de la ville voisine ? Impensable ! J’ai dû rêver ! Rêver non sans pincement au cœur, un gros pincement de jalousie. L’inaccessible Hélène m’a toujours fait flipper ; et je ne suis pas le seul, tant s’en faut. Qu’un illustre inconnu ait pu décrocher la timbale face à nous tous, et à ma petite personne en particulier, me laisse un goût amer. À la limite, je me sens plus cocu que le mari…


Hélène Domieux ? C’est une belle femme dans la trentaine, mariée, sans enfants. Elle doit donc avoir le temps, elle, de s’envoyer en l’air l’après-midi – pardon, Hélène, je suis méchant –, mais reconnaissons-le, elle a des arguments à faire-valoir qui suscitent de l’enthousiasme chez les messieurs et beaucoup moins, curieusement, chez leurs dames… C’est LA femme que tout le monde admire. Une jolie silhouette, un corps souple, des formes pleines et épanouies. Des cheveux clairs légèrement bouclés qui tombent sur les épaules, et des yeux, de si beaux yeux ! Pas bégueule pour un sou, elle rayonne de gentillesse et de fraîcheur. Elle ne cherche jamais à se mettre en avant, elle est un modèle de discrétion, mais attire l’attention où qu’elle se trouve, fut-ce à l’occasion d’une soirée d’entreprise ou d’une fête caritative.


Dans une petite ville, les gens se fréquentent et se connaissent presque tous. Ce qui demeure une énigme, dans notre microcosme, c’est comment cette perle d’Hélène a pu épouser un… disons le mot : un pareil pignouf – pignouf en trois lettres, précisons-le. Pour ma part, je m’en remettrais à Victor Hugo, dans La Légende de la nonne : « On voit des biches qui remplacent leurs beaux cerfs par des sangliers, enfants voici les bœufs qui passent, cachez… ». Son Ménélas, à Hélène, est une sorte de rustre, grande gueule, lourd et autoritaire à souhait. Il dirige le poste de responsable de la production dans la boîte où je travaille. Soyons juste : il a la réputation d’être efficace, et il l’est, je le sais. Mais à quel prix pour l’entourage ? On l’appelle BDD, alias Brut De Décoffrage, et c’est encore gentil. J’occupe moi-même le poste de directeur du labo de recherche, nos contacts sont fréquents, sans que j’aie le moins du monde à me plaindre de lui.


Mon grand copain, au boulot, c’est plutôt Mansour, directeur du service informatique, mon Iranien favori. C’est un gars d’une intelligence rare et d’une ouverture d’esprit remarquable avec lequel je partage beaucoup, et surtout une admiration sans limites et sans équivoque – ou plutôt : très équivoque… – pour la belle Hélène. Nous sommes de ceux qui se damneraient à invoquer Lucifer pour qu’il nous laisse « rien qu’une fois, pousser la porte du jardin d’Esméralda »… Il nous arrive de nous cotiser en aparté pour entretenir notre fantasme. Aucun propos macho, bien sûr, mais une volubile admiration, nourrie par une saine, juste et robuste concupiscence pour la femme d’un autre. Hélène ! Que de cœurs tu affoles dans ton sillage ! Mieux vaut que je m’arrête là… Et que demain, cette rencontre fortuite me soit sortie de l’esprit.


Demain, après-demain, et voici la fin de la semaine. Malgré le temps pluvieux, ou justement à cause de lui, je savoure le début du week-end au bureau, bien au chaud dans mon petit pavillon, collé à l’ordi. Quelques jours ont passé depuis que j’ai ramené Sauveterre à la gare. J’ai complètement oublié l’épisode Hélène. Je n’en ai même pas parlé à Mansour.


Le « drelin-drelin » de la sonnette m’arrache à l’écran. J’arrive à la porte sans parvenir à identifier mon visiteur à travers la vitre perlée. J’ouvre. Mon visiteur est une visiteuse. Et pas n’importe laquelle : Hélène Domieux ! Je suis pris de court. Mes pensées s’entrechoquent, mon sang « berlificote » (À lire vite).



J’en bafouille :



Je biaise, pour me donner le temps de remettre mes pensées en place :



Elle me suit au salon, je la débarrasse de son imperméable et l’invite à prendre place sur le canapé. Je suis impressionné et timide. Elle, chez moi ? Je m’assois de l’autre côté de la table basse. Elle s’accorde quelques secondes, puis se lance :



Je suis horriblement gêné.



Elle insiste :



Hélène, pourquoi viens-tu me retourner ce fer-là dans la plaie ? À moi de m’accorder une pause. Je réfléchis à toute vitesse et prends la décision qui s’impose :



Elle me rabat, en plantant son regard dans le mien.



Je frémis. Tu es folle : tu ne dois surtout pas me mêler à ça ! Et cesse de me fixer comme ça, tu vas me transformer en pétard de Nouvel An chinois !



Son culot me cisaille. J’hésite, puis implicitement, j’avoue :



Une pause. Hélène, tu veux me faire crever de frustration ? Je concède, pour chasser le silence :



Elle éclate de rire :



Elle en vient enfin à ce qui doit la préoccuper :



J’inspire profondément, et lâche tout à trac :



J’ajoute :



Son soulagement est visible. Elle me regarde comme le Bon Dieu. Pas comme ça, Hélène, pas comme ça ! Derrière le Bon Dieu se cache le Diable !



Mon ego en prend en coup. Il ne faudrait surtout pas qu’elle me remette une louche de cette soupe-là, car elle ferait de moi le loup de Tex Avery ! Hélène, tais-toi ! Au contraire, elle en rajoute :



Interloqué :



Péremptoire :



Ah ! le con ! Le con que je suis ! J’éclate de rire. Elle lève les sourcils.



Elle rit également et me renvoie, avec une pointe d’humour, d’un air faussement outragé :



Je lui rends son rire, puis me lève. Pour moi, l’incident est clos, la messe est dite. On n’en parle plus.



Elle plante de nouveau son regard dans le mien, quelques secondes, elle me jauge. Pas ce regard-là, Hélène, je t’en supplie, ne me regarde pas comme ça ! Tu es la lumière, je suis le papillon.



Je reprends ma place en face d’elle, le café fume, le sucre fond, et le soleil s’est installé au plafond de mon petit salon. Je ne puis détacher mes yeux de ce miracle débarqué chez moi à l’improviste. Merci, Lucifer ! Elle m’apparaît encore plus belle parce que je l’ai pour moi tout seul. Quelle classe ! Un impeccable chemisier blanc sur une admirable poitrine bien ronde, une jolie jupe noire, sans un pli et largement (trop ?) fendue sur le côté, qui laisse deviner des jambes superbes, et rehausse une indéniable touche sexy.


Mon regard fait alors une découverte. De la façon dont elle est assise face à moi, sur le canapé bas, l’extrémité de sa jupe ne peut couvrir ses genoux relevés, ni dissimuler à mes yeux « l’ombre soupirante, le creux révélateur, où l’œil va s’abreuver d’ineffables douceurs ». Il m’est impossible, dans la pénombre trouble, de ne pas distinguer sous sa jupe le triangle blanc de son sous-vêtement. Pire : il m’est impossible de regarder ailleurs.


Mon café – ça ne peut être que lui ! – me liquéfie les neurones. Du coton, je l’espère, du coton ! Il n’y a que le coton de vrai ! La petite culotte de coton blanc, c’est ma madeleine de Proust. Elle me rappelle un flot d’images et d’émotions intenses. Elle fait renaître la nostalgie d’une époque révolue, celle des premiers émois, quand nous jouions au docteur avec les petites voisines, dans les granges ou derrière les buissons du fond du jardin… Ou encore, cette scène, gravée à jamais dans ma mémoire : l’amie de maman, assise à la cuisine, la fois où je cherchais une bille sous la table, et que j’ai mis si longtemps à retrouver…


Rester impassible tourne au supplice. Le cardiologue va m’engueuler. J’entends déjà ses éclats de voix derrière les toc-tocs de mon cœur. Une fugitive pensée pour Mansour : il aurait donné tout l’or du monde pour partager mon mirador et le point de vue sur la belle biche. Mais là, Mansour, tu comprendras que je te chasse, et de mon esprit, et du mirador…


Il faut que je me secoue, que je prenne une décision. Moi qui considérais, l’instant d’avant, que la messe était dite, je jette mes bonnes résolutions aux orties : Lucifer, c’est pas de ma faute, tu m’as donné ton feu vert. Et je relance la machine, poussé par une force irrésistible :



Elle relève la tête, surprise :



Puis rajoute :



Sa réponse me cloue le bec :



Coup de tonnerre dans un ciel sans nuage. Elle, l’étoile ? M’avoir repéré, moi, le vermisseau ? Et elle connaît mon prénom ? Mais c’est Byzance ! Une irrépressible joie de gamin me submerge, elle s’en aperçoit, son visage devient sourire :



Quelle mémoire ! Et j’ai eu cette audace ? Je ne m’en souviens plus. Et qu’est-ce qu’elle a dit, là, au juste ? Qu’elle y « repense souvent » ?



Réplique immédiate :



Alors là, Hélène, que de temps perdu !



Elle, énigmatique :



Je me tais. Je réfléchis, je réfléchis encore, je réfléchis encore plus, puis je ne réfléchis plus ! Alea jacta est. Je repousse ma tasse, et me lève. Elle me regarde m’approcher, intriguée. Je lui tends mes mains, elle m’accorde les siennes et je l’aide à se relever. Nous sommes debout, face à face, nos mains ne se quittent pas. Nos yeux non plus. Un moment de silence où seuls les regards se parlent.



Elle rapproche doucement son visage du mien. Dans un murmure, yeux fermés, elle s’abandonne :



Que tes lèvres sont douces, que ta bouche est chaude. Elle l’entrouvre, nos langues se rencontrent et s’activent. La fièvre monte sur le champ. Le baiser se fait brasier. J’accentue ma pression. Elle passe ses bras autour de mes épaules, se serre encore plus et je sens le bonheur de sa poitrine s’écraser contre mon torse. Nous passons une bonne minute ainsi, soudés l’un à l’autre. Puis reprenons notre souffle. Un sourire réciproque et l’émerveillement de la découverte. Hélène ? C’est bien toi que j’ai dans mes bras ?


Elle ne dit mot. Elle me fixe toujours, puis ses paupières se ferment, et elle couche sa tête contre mon épaule. Elle me serre de toutes ses forces, en silence. Je lui caresse le dos. Il doit être à l’autre bout du monde, l’imbécile qui se plaint d’avoir perdu celui de la clarinette.



Un « oui » timide me répond.



Le tutoiement est un pas supplémentaire vers la pente savonneuse. J’adopte les deux, le « tu » et la pente :



Elle relâche sa pression, me dévisage et repart d’un petit rire :



Elle m’obéit, silencieuse. Je n’ai pas à la mener loin, la porte est ouverte. Sur le seuil, je regarde la chambre, puis la regarde, elle :



Je la fais entrer, l’amène au bord de mon grand lit conjugal de célibataire. Je prends son visage entre mes mains, lui colle un baiser d’oiseau sur les lèvres et murmure :



Le velours de sa voix :



Je la pousse doucement contre le lit auquel elle tourne le dos. Elle s’assied sur le bord. Je pose mes mains sur ses épaules et l’invite à s’allonger sur la couette. Elle reste étendue, ses pieds touchent le sol. Elle ne bouge plus. Je me redresse – Hélène, Hélène, si tu savais combien de fois j’ai rêvé à pareil moment. Elle me regarde, les yeux mi-clos, lèvres entrouvertes. Elle attend.


Je me mets à genoux et la déchausse. Je caresse l’extérieur des chevilles et paumes ouvertes, remonte doucement sur cette ligne de crête. Je passe sous la jupe, Hélène ne se rebiffe pas. Mes mains arrivent aux hanches et les englobent. La peau est lisse, le galbé parfait d’un corps consistant et chaud. Je m’attarde sur ses hanches, avant de revenir aux genoux. Et remonter, derechef, doigts et pouces bien écartés, mais cette fois-ci à l’intérieur de ses cuisses tendres qui s’ouvrent autant que la jupe le permet. Mes doigts arrivent à son slip. Elle tressaille. J’effleure, je frôle, j’exerce des pressions ; d’un doigt, je griffe la culotte le long du sillon, puis je serre les lèvres l’une contre l’autre à travers le tissu en les roulant pour coincer le bouton caché sous les chairs. Il s’échappe, je le reprends, je le stimule à nouveau.


Hélène se tortille et geint. Mes mains retournent vers le zip de sa jupe et je la lui enlève avec fébrilité. Son corps est une invite. Une taille fine, des hanches bien dessinées, un ventre rond qui mène au bombé voluptueux du mont de Vénus, colline magnifique que le tissu de sa culotte épouse parfaitement et met d’autant en valeur. Ma tête plonge, je mordille. Ah ! Le coton ! Il a un goût divin, une senteur enivrante. Mon Esméralda a fermé les yeux. Je la vois, les bras en croix sur le lit, qui commence à serrer de plus en plus fort la couette entre ses doigts. La fièvre monte encore d’un cran. Je continue à la mordiller, à la mettre en transe.


Lorsque je la sens au bord de l’explosion, je me relève un peu pour mieux savourer le tableau qui va s’offrir à moi. Du pouce et de l’index, je saisis sur chaque hanche l’élastique de la culotte et délicatement, la tire vers le bas. Je découvre d’abord le haut de la toison châtain clair, elle est fine et soyeuse. Je marque la pause pour faire durer le plaisir. Je veux figer à jamais les images et l’émotion que me procure cet effeuillage. Je tire un peu plus et m’apparaît en entier son trésor, « le fruit d’Ève fendu » aux lèvres déjà perlées. Enfin ! Enfin, le voilà, le jardin d’Esméralda ! Le temps s’arrête à l’horloge de Lucifer.


Hélène resserre un peu ses jambes pour me permettre de glisser la culotte à ses pieds. Des deux mains, j’ouvre ses genoux et mes lèvres entament un envoûtant pèlerinage. Elles vont de l’une à l’autre cuisse en explorant chaque parcelle de peau veloutée, lentement, en picorant, en effleurant, en goûtant. Elles arrivent enfin au promontoire de chair. Je l’agace d’abord avec les dents, puis ma langue descend et remonte sur le sillon moite, s’y insinue. Hélène tressaille à nouveau, son soubresaut écrase son abricot contre ma bouche. Avec les doigts, j’écarte ses lèvres en continuant à lécher de haut en bas. Son fruit est délectable, son bouton durci. Je le titille. Mouvements circulaires alternant avec caresses rapides de la pointe de ma langue.


J’introduis un doigt dans sa caverne trempée, et lui imprime un timide mouvement de piston. Le souffle de mon Esméralda raccourcit, sa respiration se fait sifflante, ses doigts se crispent désespérément sur la couette. J’accélère la cadence. De brèves contractions commencent à agiter son ventre, accompagnées de mouvements saccadés du bassin. Je lui relève les cuisses en les écartant au mieux, ses genoux touchant presque les épaules. Un second doigt puis un troisième viennent rejoindre le premier. Je pistonne de plus en plus vite, de plus en plus fort. Ma langue, mes lèvres et mes dents s’acharnent sur le fruit épanoui. Des tremblements incontrôlés viennent courir sous la peau des cuisses.


Leur étau se referme soudain sur moi. Un flot m’inonde le visage, puis Hélène s’arc-boute, en émettant une longue plainte rauque. Elle jouit avec fureur. La fureur de jouir. Elle reste ainsi tétanisée durant cinq bonnes secondes puis se relâche comme une poupée de chiffon, vidée par le plaisir. Vidée ? Inacceptable ! Je suis dur comme un citoyen de la forêt d’Anduze et, comme on le dit peut-être là-bas, quand le bambou se dresse, la raison s’affaisse. Mes vêtements volent sur la moquette. Je ne suis plus qu’un désir à l’état brut.


Hélène a resserré ses jambes, ce qui ne met que plus en valeur le triangle de chair bombée, entre le haut de ses cuisses. Un vent de folie s’empare de moi. Mes vêtements volent sur la moquette. Hélène m’observe, son regard est fixe. Il y a comme un éclat trouble dans ses prunelles, oserais-je dire une délicieuse lueur de perversion ? Elle se relève en deux temps : sur les coudes, puis assise. Elle enlève son chemisier, mettant sa poitrine en avant, mais je l’arrête lorsqu’elle entreprend la fermeture du soutien-gorge. Ce plaisir-là, je me le réserve.


Elle pose alors une main sur ma hanche, et de l’autre s’empare de mon membre. Son visage se rapproche, ses lèvres s’ouvrent, elle me happe. Cela tourne au merveilleux conte de fées, avec la plus gentille d’entre elles : Lation. (Si, si, lecteur ! Elle existe, je viens de la rencontrer !)


Sa main est douce et ferme, ses lèvres sont une couronne de fleurs et sa langue un pinceau de miel. J’en frissonne. Et plus encore, lorsque sa tête entame un lent va-et-vient sur ma hampe dure. Je pose mes mains sur ses cheveux pour les caresser, avant de descendre vers la nuque et le dos. Une peau de velours et de soie. J’en viens à mon privilège : mes doigts s’attaquent à la fermeture de son soutien-gorge qui s’envole dans la pièce. Mes mains parcourent alors son dos sans le moindre obstacle, jusqu’aux reins et aux hanches. Elles s’aventurent sous les aisselles et s’emparent enfin des seins. Ils sont aussi splendides sous la paume que sous le regard. Chauds, lourds et fermes. Je malaxe les globes consistants et roule entre mes doigts les extrémités durcies. Hélène réagit illico et accélère le mouvement de sa tête sur Anduze. Ouh la la ! Pas si vite, ma belle, hâte-toi lentement !


Elle ne m’entend pas. Sous l’excitation des caresses sur ses mamelons, elle accélère encore. Je sens que je vais perdre mon contrôle et pour éviter l’accident, je me retire précipitamment de sa bouche. Trop tard ! Le chariot de foin se renverse devant la grange. À peine le temps de saisir mon membre, je me répands sur sa poitrine. Hélène reçoit l’hommage sans faillir et se laisse aller sur le dos en m’attirant dans son mouvement. Mes mains fébriles glissent sur la gelée tiède et l’étalent sur sa poitrine, sa gorge et son ventre, jusqu’au pubis. Ses seins se tendent sous la caresse, elle ronronne de plaisir. Mais maintenant, Hélène, que vais-je faire ? Avec ce coup-là, tu m’as fait retomber le pendule de midi à six heures et demie. Suis pas le phénix, moi ! Comment vais-je renaître dans ton ventre ?


Nous nous couchons côte à côte, tournés l’un vers l’autre. Elle se colle brusquement à moi, m’enlace et me serre de toutes ses forces. Peau contre peau. Nos bouches se retrouvent et se soudent. Les langues s’entremêlent, frénétiques. Ma main s’affaire sur sa poitrine, l’autre sur ses reins et ses fesses. Un doigt en parcourt le sillon, marque l’arrêt et repart de plus belle vers les collines et les vallées. Elle relâche un peu son étreinte pour permettre à sa main libre de descendre vers mon ventre. Elle me saisit et se lance dans une exquise sollicitation manuelle. Ses doigts sont partout, insidieux, mais si efficaces. Les choses semblent prendre une tournure inespérée. Y aurait-il du miracle dans l’air ? Je me sens redevenir dur, chose que je n’avais jamais vécue dans un intervalle aussi court. Ne faut-il pas laisser à Sisyphe le temps de remonter son rocher ? Elle doit avoir un fluide ou un feeling extraordinaire. Anduze s’affirme à nouveau fier et conquérant. Elle me sourit avec timidité, mais dans son regard, il y a une mise en demeure femelle et absolue.


Ses lèvres retrouvent les miennes, nos langues s’affairent. Je la bascule doucement et passe sur elle. Ses mains se posent sur mes épaules et les miennes écartent ses deux tendres cuisses qui s’ouvrent au mieux pour m’accueillir. J’écrase mon torse sur ses seins. Je me guide d’une main vers son nid sur lequel j’entame quelques caresses de haut en bas, puis je le pénètre d’un seul coup. « Coïto ergo sum. »


Elle pousse un petit cri aigu et noue ses jambes derrière moi. En pénétrant Hélène, je redécouvre la jubilation d’une première fois. J’entre au paradis. Elle est trempée, son fourreau lubrifié offre une douceur absolue. Mes hanches entament un lent va-et-vient, mais je comprends vite que ce n’est pas ce que veut la dame. Des coups de reins rageurs contre mon ventre m’invitent à accélérer le mouvement. Ses mains ont gagné mon dos et ses ongles me griffent. Sa tête s’agite de gauche à droite, elle gémit par à-coups.


Je lui retire les bras de mon dos et place ses mains sur mes hanches en lui intimant de donner son rythme à elle. Mes hanches suivent fidèlement les pressions qu’elle exerce alors. Petit à petit, elles ne tardent pas à devenir pressantes. Ses doigts s’incrustent carrément dans la chair et le rythme tourne à la frénésie. L’orgasme explose dans un grand cri. Hélène s’agite de tous côtés avec une force insoupçonnée. J’ai peine à la contenir. Elle se relâche enfin, marque la pause, puis m’embrasse passionnément. Je roule sur le flanc en l’entraînant dans mon mouvement. Elle a joui et le spectacle de son plaisir a été divin. Mais moi, j’ai encore des ressources et de l’énergie, avec surtout une idée en tête. Je prends l’un des oreillers, le pose derrière ses reins et bascule à nouveau sur le dos ma belle Hélène. Elle se retrouve couchée sur le dos et fortement cambrée sur le coussin, les hanches relevées, le ventre et le mont de Vénus en avant. Qui pourrait y résister ? Pas la bête humaine que ce spectacle me décuple.


Une sorte de sauvagerie m’envahit. Je l’étreins à l’étouffer. Plus question de suaves caresses, de câlineries délicates ou de tendresses exquises. C’est la fureur du volcan. Mes reins se déchaînent, je la pilonne sans ménagement tout en l’écrasant sous tout mon poids. Jambes à l’équerre et largement ouvertes, elle prend appui sur la plante de ses pieds pour mieux se cambrer encore et tenter de décoller ses reins du coussin. Elle va au-devant du boutoir. Ses gémissements accompagnent chaque coup de bélier. Notre apothéose ne tarde pas, elle éclate de concert. Un fabuleux orgasme la saisit lorsque je me vide en elle. Nous restons un moment soudés l’un à l’autre, puis je la soulage de mon corps en roulant sur le flanc et la tirant contre moi.


La tension se relâche. Une douce sensation d’épuisement nous gagne. Ses yeux interrogent les miens.



Elle, avec douceur, en posant sa tête contre mon épaule :



J’en rougis d’aise et saisis la perche au vol :



Elle rit :



Elle pose la tête sur mon épaule, le moment de sérénité qui suit a une fin, hélas ! Je me lève, elle se lève. Un baiser tendre, une douce complicité.



Nous sommes de retour au salon. Hélène vient de ressortir, rhabillée et pomponnée. Elle reprend sa place sur le canapé. Le temps que je quitte la cuisine avec la thermos de café, que j’en serve, et je m’installe à côté d’elle. Nous nous regardons, il y a du soleil dans nos yeux.

Une courte pause, puis :



Je la regarde, goguenard :



Elle éclate de rire :



J’en suis stupéfié. Mais qu’est-ce que tu me racontes là, Hélène ?



Je m’écarte d’elle :



Je reste abasourdi, n’y comprenant plus rien :



Un sourire tendre se dessine sur son visage. Elle effleure mes lèvres d’un baiser fugace. Hélène, tu as sans doute été une magnifique pucelle, puisque tu le dis ainsi, mais pourquoi me fais-tu un coup pareil ?



L’étonnement me cloue. Elle éclate de rire :



Argument irréfutable. Ah ! Voilà pourquoi il s’est contenté de te faire une chaste bise sur chaque joue !


Pourtant, mes idées continuent à s’entrechoquer. Un point, un gros point, demeure obscur :



Quoique flatté, voire ébloui, je rumine.



Un pauvre sourire et un regard… un regard comme une balise de détresse :



Divorcer ? Une perle comme toi ?



De la détresse, on passe aux larmes. Là, je suis perdu. Hélène, ma tendre, non, faut pas ! Hélène, je suis là, viens contre moi et dis-moi tout, je t’écouterai. Un goût salé sur mes lèvres, je lui embrasse les paupières en lui caressant les cheveux. De gros sanglots l’agitent. Je la laisse pleurer et peu à peu la crise se calme.



Hélène, j’ai encore une question à te poser, tu me pardonneras, mais je préfère savoir.



Elle me regarde, un sourire l’illumine, puis elle rapproche ses lèvres des miennes. Un baiser tendre et doux.



Encore la tendresse et la douceur d’un baiser.



Tu parles, si je veux bien, Hélène !



Je préfère son rire à ses larmes.



Soudain, elle sursaute et consulte sa montre.



Sa démarche me semble un peu précipitée, voire imprudente. Mais BDD n’a jamais fait dans la dentelle. Après tout, c’est son problème.

Dans l’entrée, nous nous faisons face. Elle met ses bras autour de mon cou.



Tes désirs sont des ordres, Hélène.


Je la raccompagne jusqu’à sa voiture, et lui fais de grands signes au démarrage. On se revoit demain. Je me sens gai comme le pinson et léger comme le petit nuage, jubilatoire. Je rentre et j’extirpe une vieille oubliée du tiroir gauche de mon dressoir. « C’est quand il flaire le gogo que le télévangéliste dégaine sa bible » a écrit Jacques Bénigne – quoi, lecteur ? Tu ne connais pas mon ami Bossuet ? – il a écrit ça dans L’Os à moelle. Par respect filial, j’ai eu beau m’y plonger, naguère, je suis resté comme Anne, ma kinésithérapeute : je n’ai jamais rien vu venir. Pardon maman, pardon papa ! Vous m’aviez pourtant bien élevé ! Mais aujourd’hui n’est pas un jour comme les autres. J’ai besoin de m’enivrer de la lumière des mots et de la symphonie des images. Pour cela, il n’y a que le psaume vingt-trois ! Je relis et je m’attendris. Le vieillard céleste doit vraiment m’avoir à la bonne et je dois être son mécréant favori. Il m’a envoyé Hélène. Hélène est ma bergère. Avec elle je ne manquerai de rien. Je me reposerai dans des prairies verdoyantes, et c’est elle qui me conduira au bord des eaux calmes… Sans oublier les eaux agitées ou troubles qui feront également l’affaire.




Lecteur, les meilleures choses ont une fin. C’est ici que se termine cette histoire pour toi. C’est ici qu’une autre commence, pour moi.







Copyright © 2009
Demandez l'accord des Auteurs avant toute diffusion


Erotisme torride

Tendre Amour

Bon Scénario

Belle Ecriture

Plein d'Humour

Votre appréciation
Pour apporter des commentaires ou des notations importantes à un texte,
cela se fait désormais en cliquant sur le lien ci-dessous.
Il faut par contre être inscrit.

Commenter et noter le texte

Revebebe - Histoires érotiques
Revebebe - Une histoire
Notation public
Une Histoire sur http://revebebe.free.fr/

n° 13185Lavande09/03/09
Résonance pour le vide
critères:   nonéro
49046 caractères      
Auteur : Lavande      Série : Le cri et le silence - 01

« Dans le silence et la solitude,

On n’entend plus que l’essentiel. »

Camille Belguise, Échos du silence







L’homme était immense.


– Vous fumez ? demanda négligemment M. Tomaze.


Il enfonçait déjà une cigarette entre ses lèvres minces.

Elle le regarda attentivement, puis fit non de la tête.


– J’ai horreur de ça, ajouta-t-elle.


Il releva les yeux, fixa la jeune femme en face de lui d’un regard indéchiffrable, puis il ôta la cigarette de sa bouche et la remit dans son paquet. Avec une évidente mauvaise grâce.

Elle s’agita sur le fauteuil en cuir, et lança un regard circulaire sur la pièce où ils se trouvaient. Moquette beige, aucune poussière à l’horizon de sa surface immaculée. Immense baie vitrée à moitié dissimulée par d’épais rideaux verts. Bureau sombre en acajou, deux fauteuils, dont l’un où elle était assise.


Le cuir craquait au moindre de ses mouvements. Elle pinça les lèvres, et regarda à nouveau celui qui se faisait appeler « M. Tomaze ». Elle ne pouvait s’expliquer l’inquiétant malaise qu’elle ressentait face à cet homme. Peut-être était-ce dû au fait qu’elle ne s’était pas vraiment préparée à cette confrontation. Elle s’attendait à tout, sauf à ce type à l’allure baraquée de videur de nuit, et surtout à son indifférence.


La pièce était étouffante. Il faisait plus de trente-cinq degrés dehors – autant dire, la canicule – et pourtant, un coup d’œil sur ses bras nus lui apprit qu’elle avait la chair de poule.


– Vous n’avez pas la climatisation ? demanda-t-elle d’une voix légèrement enrouée.

– Non.


Les yeux plissés, il l’observa un long moment, ce qui redoubla le malaise de la jeune femme, et lui fit regretter sa question.


– Vous n’avez pas l’air d’avoir chaud, fit-il remarquer d’une voix plus douce que ne l’aurait laissé supposer l’expression de son visage.


Elle haussa les épaules.


Un court silence s’installa. Les rideaux étant tirés, seule une faible lumière en partie mangée par l’obscurité éclairait le bureau de M. Tomaze, et la jeune femme trouva cela fort pénible. Non seulement cela conférait à la rencontre une ambiance intime, mais en plus, elle distinguait mal les traits de l’homme debout – et immense – devant elle.


Comme lisant dans ses pensées, celui-ci se déplaça légèrement et s’assit sur le deuxième fauteuil qui lui faisait face. Elle retint un sursaut quand elle réalisa qu’il avait ses

yeux directement posés dans les siens. Elle n’y avait pas pris garde, tout occupée à ses pensées.


– Pourquoi me demandez-vous de faire ça ? fit-il de sa même voix douce.


Un instant décontenancée, elle se demanda s’il parlait de la climatisation, avant de s’apercevoir qu’il avait en fait repris la vague conversation qu’ils avaient eue au téléphone, là où elle en était restée. Elle grimaça presque sans s’en rendre compte.


– Je vous prie de ne pas prendre ce ton paternaliste avec moi ! s’irrita-t-elle d’une voix sèche. Qu’est-ce que ça peut vous faire, de toute façon ?


Loin de s’offusquer de cette rebuffade, il parut même s’en amuser. Tandis qu’il se renfonçait dans son fauteuil, en faisant craquer le cuir usé, un demi-sourire releva le coin de ses lèvres. Comme il continuait à fixer le visage de la jeune femme avec son même sourire et son même flegme, elle sentit sa gêne croître d’un cran.


– Je ne sais même pas pourquoi je viens vous voir, ajouta-t-elle plus calmement, comme pour excuser son impulsivité. J’ignore…


Elle s’arrêta, et le silence s’éternisant, se mordit les lèvres d’un air agité.

Il la dévisageait toujours, sans rien dire.


– Je vous en prie, murmura-t-elle. Cessez de me regarder ainsi, c’est très gênant.

– Et moi, je me pose une question, répliqua sereinement M. Tomaze, toujours en la fixant. Pourquoi vous estimez-vous exceptionnelle au point de vouloir faire un livre de votre vie ?


Il marqua une pause, puis reprit, un peu cynique :


– Enfin, je dis votre « vie », mais ce n’est pas vraiment ça. Vous avez quoi, vingt, vingt-deux ans ? Peut-on appeler ça une vie ? Une ébauche tout au plus…

– Ce n’est pas précisément un livre de ma vie, répondit-elle d’une voix mesurée. Et j’ai vingt-quatre ans. Et surtout, ce n’est pas à vous de juger si ma vie n’en est qu’à une simple ébauche. Je vois mal comment vous pourriez avoir la moindre idée de ce que je suis, au stade de notre « relation ».


Les yeux perçants du fameux « M. Tomaze », cet homme inconnu, sans prénom, sans âge, au passé aussi indéchiffrable qu’une prescription écrite par un médecin, ne quittaient pas ceux de la jeune femme. Comme s’ils cherchaient à en faire une évaluation, une sorte de test au terme duquel le comptage des points révélerait ou non la franchise et la valeur de celle-ci. Elle avait l’impression d’être balancée d’un bord à l’autre sur la poupe d’un navire, en pleine tempête. Elle se sentait seule, triste, et désemparée. Peut-être s’était-elle trompée en venant ici. Peut-être ne serait-ce qu’une déception de plus. Ce M. Tomaze ne lui inspirait pas confiance, ni dans ses manières, ni dans la façon qu’il avait de la regarder. Et pourtant, elle l’étudiait silencieusement depuis un quart d’heure, et devinait autre chose de plus profond sous ce vernis social. Quelque chose en lui retenait l’attention, un je ne sais quoi de primitif, de pathétique, et de tragique à la fois. Un ours attachant.


– Vous dites que ce n’est pas « précisément » un livre de votre vie ? reprit-il lentement, comme si tout ce qui avait suivi cette précision n’avait pas eu d’importance. Qu’entendez-vous par là ? Aurais-je mal compris, au téléphone ?


Un regain d’intérêt semblait s’être glissé dans sa voix. Elle le regarda d’un air sombre.


– À vrai dire, prononça-t-elle non sans quelques difficultés, ce que je veux que vous fassiez pour moi vous changera certainement de vos habitudes. Enfin, si vous acceptez, bien entendu.


M. Tomaze joignit les mains, et dévisagea longuement la jeune inconnue assise en face de lui. Elle était brune, ses yeux étaient gris, et son visage faisait songer à une endive, autant par son ossature allongée que par son teint olivâtre. Elle était mince, de taille moyenne, avec des mains et un nez tout petits, et des lèvres très pâles. Ses yeux bougeaient tout le temps, et ses doigts tripotaient nerveusement sa jupe de coton fleuri, étalée et toute froissée sur ses genoux.


En un sens, son air chétif et presque malingre était touchant, et réveillait les vieux instincts de chevalier servant et de protecteur qui sommeillent en tout homme doté d’un tant soit peu de testostérone. Mais d’un autre côté, elle était aussi dangereuse qu’angélique pour M. Tomaze. Il avait appris très tôt à se méfier de ses instincts de mâle dominant. Et aussi à démêler ses émotions. Chacune d’entre elles contenait en elle son contraire, son deuxième versant ignoré ou redouté, la peine pour la joie, la souffrance pour le plaisir, la culpabilité pour l’innocence. À lui de distinguer le bien du mal, le vrai du faux. Comme un miroir que l’on retourne.


– Avez-vous lu quelque chose de moi ? demanda-t-il abruptement, passant du coq à l’âne.


Elle le regarda d’un air interrogateur et fatigué. Ses yeux ourlés de profonds cernes soulignaient la maigreur de son visage. Une mèche brouillonne de cheveux bruns tombait dans ses yeux, dissimulant l’expression de son regard. Après un moment d’hésitation, elle haussa les épaules. M. Tomaze remarqua que ça devenait une habitude chez elle.


– Non, avoua-t-elle avec franchise. J’aurais dû ?


Il s’éclaircit la gorge – peut-être atteint dans sa fierté d’écrivain – et garda le silence un moment, semblant réfléchir, ses yeux sombres plongés dans la contemplation de la moquette. Puis il la fixa avec une intensité déroutante. Elle détourna la tête, de plus en plus mal à l’aise.


– Je ne vous suis pas très bien, dit-il d’une voix posée. Comment m’avez-vous dit que vous aviez eu mon nom, déjà ?

– Par une collègue, répondit-elle.


Sa voix tremblait un peu.


– Cette personne vous a-t-elle précisé ce que je faisais dans la vie ? insista M. Tomaze.

– Oui. Oui, elle me l’a bien précisé, sans quoi je ne serais pas ici. Comprenez-moi bien, M. Tomaze…

– Justement, coupa-t-il sèchement. J’avoue ne pas comprendre. Qu’attendez-vous de moi exactement ? Vous n’avez pas lu mes livres. Vous n’aviez jamais entendu parler de moi auparavant. Vous n’avez pas d’histoire vraie à m’offrir – si j’ai bien saisi la situation, bien entendu. Mon activité est, si je puis me permettre, une activité très spéciale. Vous vous rendez bien compte que dans ma position, je ne peux pas prendre de rendez-vous avec n’importe qui, et pardonnez-moi l’expression, mais je ne peux pas également m’investir à la légère dans un vague projet qu’on me soumettrait. Ce qui explique pourquoi j’ai du mal à vous accueillir à bras ouverts. De plus, arrêtez-moi si je me trompe, mais vous ne semblez pas avoir les moyens de vous offrir un homme tel que moi. Comment comptez-vous me payer ?

– J’ai de l’argent, si c’est ça qui vous intéresse, rétorqua-t-elle avec raideur, les lèvres serrées.


Il la regarda par en dessous, sceptique. Elle se recroquevilla sur son siège, furieuse.


Assez d’argent, précisa-t-elle durement.


Une grande colère envahissait la jeune femme. Elle n’aurait pas cru que ce type était cupide à ce point-là. Elle s’était attendue à mieux, un peu plus de classe, un peu moins d’agressivité, et beaucoup plus de compréhension. Elle découvrait un homme calculateur, avide, égoïste, un homme détestable. Impressionnant, mais détestable. Dès le début, elle avait eu un doute quant à l’issue de cette entrevue. Ce doute était désormais fondé.


Les yeux brillants de rage, elle contempla M. Tomaze d’un air crispé, se retenant pour ne pas lui lancer son sac à la figure et s’en aller tout aussi spectaculairement.

Ils se regardèrent en chiens de faïence durant de longues secondes.


– Très bien, je vous crois, dit enfin M. Tomaze.


Il avait l’air tendu lui aussi. Elle le dévisagea avec insistance, essayant de graver chaque détail de ses traits dans sa mémoire, au cas où ce serait la dernière fois qu’elle le verrait. Elle n’avait pour l’instant aucune intention de revenir…


Elle regarda ses yeux couleur tabac, ses pommettes saillantes et les rides qui s’évasaient en étoiles du coin de ses paupières jusqu’aux tempes. Elle regarda son nez étroit posé un peu de travers dans son visage pâle et mal rasé. Elle regarda ses cheveux ébène et la mèche insolite de cheveux entièrement gris qui courait à la naissance de son front, juste au-dessus de ses épais sourcils noirs.

C’était un homme à la stature colossale, aux cheveux étranges et au regard non moins étrange. La jeune femme eut l’impression d’ouvrir un œil nouveau sur lui. Il était cynique et détestable, c’était un fait. Mais il avait ce regard, un regard net et pourtant troublé, des hommes qui ont trop vécu et trop souffert. Comme si le temps n’avait plus d’importance, et même, qu’il n’avait jamais eu d’importance. Un regard abîmé et sans âge, dans lequel les années, les siècles, passaient sans s’accrocher, sans laisser de traces.


La colère de la jeune femme tomba aussitôt. Quelque chose chez cet homme – par ailleurs, elle ignorait quoi – l’attirait et la repoussait en même temps. Elle avait eu l’occasion de croiser quelques personnes possédant cet étrange regard. Et en les contemplant, elle s’était toujours demandé pourquoi elles semblaient immortelles.


Inaccessibles.


L’homme ne protesta pas contre cet examen poussé de sa personne. Il resta là, sans bouger, impassible, sa cravate et son complet gris lui donnant un air digne que son menton bleui par la barbe démentait irrésistiblement. Et de par cette attitude même, il paraissait être tout ce qu’il n’était pas.


Qui est cet homme ? se demanda-t-elle avec curiosité.


– Je vais être franche avec vous, déclara-t-elle.


M. Tomaze l’observa d’un air imperturbable, mais ses yeux, un bref instant, brillèrent singulièrement.


– Je vous écoute, répondit-il poliment.

– Vous me traitez comme une idiote, et si j’ai l’air stupide et faible, je ne le suis aucunement, dit-elle sans une trace d’humour. Mais vous m’intriguez, allez savoir pourquoi, et c’est pour cette raison que je ne suis pas encore partie en claquant la porte. En plus, je tiens beaucoup à mon projet. Mais est-ce que je vous rappelle quelqu’un avec qui vous auriez eu des problèmes ?


M. Tomaze parut déconcerté – une première ! – et contempla le long visage de la jeune femme avec une pointe d’incrédulité. Comment cette fille fade et minuscule pourrait-elle avoir quoi que ce soit en commun avec quiconque de sa connaissance ? Et pourtant, à bien y réfléchir, il était vrai qu’elle le rendait nerveux. Inexplicablement.


– Non, répondit-il avec précaution. Qu’est-ce qui vous a fait croire ça ?


Elle battit nerveusement des paupières.


– Je ne sais pas, admit-elle. Une intuition.

– Comme quoi, l’intuition féminine n’est plus ce qu’elle était, railla légèrement l’homme.

– Je vous propose un travail, reprit-elle en ignorant l’interruption. À ce qu’il me semble, vous vous faites payer pour ça, et je ne comprends pas pourquoi vous refusez de me prendre au sérieux, moi spécialement. Vous n’avez même pas entendu ce que j’avais à vous dire, sous prétexte que je suis jeune et que je n’ai pas selon vous les moyens de vous payer.

– Je suis désolé, fit-il en ne le paraissant pas du tout. J’ai vu beaucoup de filles comme vous défiler dans ce bureau, depuis que je suis devenu une référence pour ce genre de choses. J’admets avoir des préjugés, mais croyez-moi, il en faut, et ils m’ont beaucoup servi jusqu’ici. Que me proposez-vous exactement ?


Elle parut hésiter un bref instant, puis elle plongea la main sous ses jambes, et sortit de sous sa jupe une grande pochette de carton vert qu’elle avait apportée avec elle. M. Tomaze l’avait remarquée avant, mais n’avait rien dit, lui laissant le soin de s’expliquer.


– Ce sont des photos, des peintures et des dessins, dit-elle gravement. Ils racontent une histoire, mais je précise que ce n’est pas la mienne. Quand j’ai entendu parler de vous, j’ai cru que cela pourrait vous intéresser. Ça fait longtemps que je suis sur ce projet.


M. Tomaze sembla enthousiasmé, même s’il tenta de ne pas trop l’afficher.


– Montrez, pour voir ?


Elle lui tendit la pochette d’une main tremblante. Il lui lança un coup d’œil rapide, avant de reporter son attention sur la pochette. Il l’ouvrit, feuilleta les photos, s’attarda sur les dessins et les peintures explosant d’une multitude de couleurs. Absorbé par cette activité, il ne remarqua pas le regard triste de la jeune fille au visage d’endive.


– D’habitude, je ne m’intéresse qu’aux histoires vécues, murmura M. Tomaze d’une voix distraite, continuant son examen. Mais j’avoue que votre proposition ne manque pas de charme. Tout cela sort-il de votre imagination ?

– Oui, mentit-elle.

– C’est vous qui avez fait tout ça ?

– Euh, oui… répondit-elle en se raclant la gorge.

– Vous avez énormément de talent, complimenta M. Tomaze en levant les yeux vers elle. On sent la précision et la rigueur du professionnel dans vos travaux.


Son regard perçant n’était plus le même lorsqu’il le posa sur elle. Il semblait plus impressionné, plus respectueux, et surtout, moins méprisant.


– Merci, murmura-t-elle avec gêne.

– Je peux vous poser une question plutôt personnelle ? continua M. Tomaze, sans la quitter des yeux.


À nouveau, elle se sentit troublée par la profondeur et l’acuité de ce regard. Elle se raidit, observant M. Tomaze avec méfiance.


– Ça dépend, répondit-elle au bout d’un moment. Allez-y toujours. Mais rien ne m’oblige à répondre si elle ne me convient pas.


Il hocha la tête d’un air entendu.


– Pourquoi voulez-vous que je fasse un récit d’une œuvre déjà achevée ? Pourquoi ne pas garder l’unité de tout cela en images, sans la présenter à l’écrit ? Le choc du visuel peut parfois être beaucoup plus percutant. L’avez-vous proposée ailleurs avant de venir me voir, une galerie d’art, par exemple ?


Elle fronça les sourcils.


– Ça fait trois questions, il me semble. Vous aviez dit une seule.

– Et vous n’avez répondu à aucune, fit-il remarquer avec justesse.

– C’est vrai, convint-elle avec un sourire forcé. Je n’ai pas proposé ailleurs ces « images » avant de venir vous voir, et je ne compte pas le faire par la suite, même si vous me dites non. Je veux que vous écriviez leur histoire parce qu’elles ne sont pas assez convaincantes, selon moi. Et un livre est plus facile d’accès qu’une galerie d’art, vous ne croyez pas ?


Il eut un sourire énigmatique, et baissa les yeux sur la pochette qu’il tenait en main.


– Peu importe ce que je crois. Compos sui, récita-t-il, soyez maître de vous-même. C’est ce que vous croyez, vous, qui importe.


Elle ne trouva rien à répliquer et continua à le regarder tandis qu’il contemplait à nouveau les toiles et dessins, s’attardant longuement, cette fois, sur une esquisse en particulier.


– Je trouve celui-ci très réussi, approuva-t-il. Que représente-t-il au juste ?


Elle se pencha pour voir de quoi il s’agissait, puis son regard s’assombrit.


– C’est… commença-t-elle d’une voix hésitante.


Elle avait soudain la bouche aussi sèche que du carton. M. Tomaze lui jeta un coup d’œil inquisiteur, attendant la suite. Elle détourna la tête d’un air faussement négligé, pour lui dérober son regard, puis fixa le dessin soigneux et précis. Il représentait la partie supérieure d’une femme tracée au fusain, à partir des hanches.


– C’est évident, reprit-elle après une pause. C’est une femme qui crie.

– Et pourquoi crie-t-elle ? insista M. Tomaze.


Était-il doté d’un sixième sens ? pensa la jeune femme avec rancune.


Elle regarda la bouche démesurément ouverte de la femme du dessin, ses yeux emplis d’angoisse et de souffrance, son visage expressif, plein d’une interrogation muette et désespérée ; ses mains appuyées sur ses oreilles comme pour étouffer un brouhaha inconnu.


– Je ne sais pas, dit la jeune femme. Pour casser le silence, peut-être ?


M. Tomaze lui lança un regard aigu.


– Mais ce n’est qu’un dessin, objecta-t-il doucement. Un dessin n’émet aucun son. Cette femme crie-t-elle vraiment, ou n’est-ce qu’un hurlement de plus qui se perd dans le silence ?


Son interlocutrice sembla se troubler fortement, et elle le regarda d’un air étrange.


– Posez-lui la question, répliqua-t-elle d’un ton abrupt, comme pour clore la conversation.


M. Tomaze ne releva pas, et rangea soigneusement les dessins, photos, et peintures, dans la grande pochette, avant de la lui tendre sans un mot. Elle l’interrogea du regard.


– Votre projet m’intéresse, concéda-t-il. Laissez-moi vos coordonnées, et je vous rappellerai le plus vite possible. Je dois d’abord m’organiser avec d’autres clients afin de déterminer si j’ai le temps et les moyens de m’occuper de vos travaux.


Elle sembla rassurée, prit la pochette, et la posa soigneusement contre le flanc du fauteuil de cuir.


– Vous devez être consciente, ajouta avec sérieux M. Tomaze en se renfonçant dans son fauteuil, que je suis devenu une sommité dans le métier, surtout avec la publication de mon dernier roman, les Vitres ardentes. Ce que je fais est vraiment spécial. J’ai beaucoup de propositions, et peu de temps devant moi pour les étudier. Écrire sa vie est en vogue en ce moment, mais le faire par l’intermédiaire d’un autre est encore inhabituel et encore mieux considéré. Je suis arrivé où j’en suis avec beaucoup de travail, d’efforts, et de patience. Je me dois d’être prudent, et je trie sur le volet ceux que j’appelle mes « clients ». Je dois donc vous avouer que lorsque je considère qu’une histoire, autant dire une vie, ne se vendra pas, et par conséquent, ne me fera pas gagner d’argent, je reconduis purement et simplement à la porte la personne qui me la propose. Et je fais de même lorsque j’estime qu’une histoire n’a pas été vécue, et que la personne qui est en face de moi est en train de mentir.

– Comment pourrais-je mentir ? lança-t-elle doucement. Ce sont des images, comme vous dites.

– Je n’ai pas dit que vos images mentaient.

– Cela signifie que vous croyez que mes travaux se vendront ? demanda-t-elle avec prudence.

– Peut-être. L’idée est risquée, mais intéressante.


Elle se leva, lui tendit la main, et il la serra courtoisement, sans bouger de son fauteuil, ce qui aurait été de toute façon ridicule, vu sa taille immense.


– Enchantée de vous connaître, M. Tomaze, annonça-t-elle solennellement. Je m’appelle Liana Bellanger.


Il fixa la dénommée Liana d’un regard acéré.


– Je vais m’occuper de vous, Mlle Bellanger, dit M. Tomaze d’un ton un peu goguenard. Mais je vous préviens : pas d’entourloupes avec moi.


Elle lâcha sa main, et recula de quelques pas, ses yeux gris luisant d’un éclat fiévreux dans son visage très pâle.


– Pas d’entourloupes, confirma-t-elle, même si j’ignore pourquoi vous vous imaginez qu’il y aurait pu en avoir.

– Vous le savez parfaitement, rétorqua-t-il avec un sourire mielleux et déconcertant. Je déteste les gens qui viennent me voir avec des histoires abracadabrantes en espérant me faire avaler qu’ils ont vraiment vécu cette vie-là. Votre histoire à vous est plus convaincante, mais il y a un hic, et pour être parfaitement honnête avec vous, c’est plus ce hic dérangeant qu’autre chose qui, paradoxalement, me motive à vous prendre au sérieux.

– Un hic ? Soyez plus précis, murmura-t-elle, immédiatement sur ses gardes.


Il s’extirpa de son fauteuil avec grâce, puis laissa tomber sur elle un regard à la fois courtois et menaçant. Liana refusa de se laisser impressionner, et soutint son regard.


– Ce qui me dérange chez vous, Liana Bellanger, et en même temps, ce qui m’attire, c’est que tout en vous transpire le mensonge et la dissimulation, assena tranquillement le géant, ses yeux rivés aux siens. De tout ce que vous m’avez raconté aujourd’hui, je ne crois pas que la moitié soit vraie…


Le cœur battant à tout rompre, elle le fixa avec une nonchalance qu’elle était loin de ressentir.


– Comme c’est étrange, répliqua-t-elle avec défi. Je me disais exactement la même chose de vous.


Le sourire de M. Tomaze s’agrandit, et ses yeux prirent un éclat dangereux.


– La différence entre vous et moi, répondit-il d’un ton définitif, c’est que c’est vous qui êtes venue me chercher, et non le contraire. C’est vous qui devrez me dire tout ce que je veux savoir, et non moi. C’est vous qui serez obligée de parler, de dire la vérité, et croyez-moi, je ne vous laisserai pas en paix tant que je n’en serai pas assuré, conclut-il.


Liana garda le silence, semblant digérer ses paroles ; puis elle se détourna, prit sa pochette, mais il l’arrêta d’un geste. Elle le regarda fixement.


– Laissez-la-moi, dit-il d’une voix qui n’admettait pas de réplique.


Elle haussa les épaules, obtempéra, et se dirigea vers la porte. Sur le seuil, elle se retourna vers lui. Il n’avait pas bougé. Sa silhouette massive était impressionnante dans la pénombre qui régnait. Il la suivait des yeux.


– Vous savez M. Tomaze, dit-elle sèchement, je voudrais que les choses soient claires entre nous. Je ne vous dois rien, et si c’est sur cette base que vous démarrez notre collaboration, j’y mettrais immédiatement fin. Je vais vous payer, et c’est tout ce que vous aurez de moi. Comprenez-vous ? Je ne parlerai de moi que si j’en ai envie. Vous ne m’arracherez pas le moindre renseignement que je n’aurais préalablement choisi de vous communiquer.


Il la regarda curieusement. Elle avait parlé avec une assurance et une détermination qu’il n’avait pas senties chez elle jusqu’ici. Peut-être n’était-elle pas ce pauvre petit moineau terne et anxieux, comme il l’avait supposé au premier abord. Son visage, ordinairement d’une pâleur tirant sur le vert, était maintenant rose d’énervement.

Ils se fixèrent un long moment, se jaugeant du regard.


– Nous verrons bien, Mlle Bellanger, dit enfin M. Tomaze.


Elle fronça les sourcils. Les lèvres serrées, elle le dévisagea sans mot dire, puis ouvrit la porte qui conduisait au couloir.


– Il y a d’autres éléments de la pochette que j’ai gardés chez moi, car ils sont d’une dimension supérieure, lança-t-elle par-dessus son épaule. Je vous les donnerai à notre prochain rendez-vous. D’ici-là, aiguisez vos préjugés et préparez-vous à de la patience, car il vous en faudra avec moi, je peux vous l’assurer.


Il ne répondit rien, et Liana sortit.



M. Tomaze contempla la porte close pendant quelques instants, s’attendant presque à voir revenir la jeune fille. Mais elle ne revint pas.


Il commença alors à se détendre. Il ignorait à qui il avait eu affaire, mais en tout cas, la présence de cette fille avait irrité ses nerfs.


Vingt-quatre ans. Une gamine, s’il pouvait se permettre d’être cynique. Et, fait certain, une gamine qui lui poserait des problèmes. Mais comment la sortir de sa vie à présent ? Il lui avait dit qu’il allait s’occuper de ses travaux. Maintenant, il ne pouvait plus revenir en arrière. Sans y croire vraiment, il s’était entendu lui dire qu’il acceptait sa proposition. Sa voix lui était parvenue sourde et lointaine. Était-ce vraiment lui qui avait parlé ?


Bien sûr, c’était lui, mais pourquoi avait-il fait cela ?


Dès le début, il avait senti que chaque rencontre avec la jeune femme serait une perpétuelle confrontation. Comme dans un duel.


Mais qui en sortirait vainqueur ?


Et bon sang, pourquoi avait-il accepté de prendre en charge son projet ?


Il n’avait jamais fait ça auparavant. Mais peut-être était-ce ce qui l’avait décidé, l’originalité et la nouveauté du travail à accomplir. Comme un renouvellement et une diversification de ses méthodes littéraires. Un nouveau défi à tenir.


Ou peut-être étaient-ce les yeux de la jeune Liana qui l’avaient décidé, il ne savait pas vraiment. Des yeux gris et délavés comme si le temps, la pluie, ou les larmes les avaient décolorés. À un moment, plongé dans ses réflexions, il avait eu l’impression de voir la mer se refléter dans ces yeux-là. Et de ce reflet s’échappait une interrogation muette et pleine de détresse, une souffrance dans laquelle l’éternité pouvait se glisser sans un bruit. Avec une grimace, il se tança du cours que prenaient ses pensées. La souffrance était éternelle, mais incurable. La maudire, la condamner, la haïr était tout à fait vain.


Ne l’avait-il pas appris à ses dépens ?


L’homme prit la pochette de dessins qu’elle lui avait laissée, l’ouvrit, et retrouva sans peine l’esquisse au fusain qui lui avait paru si belle. Liana avait semblé très troublée lorsqu’il la lui avait montrée. Pourquoi ? Peut-être ce dessin évoquait-il quelque chose pour elle, une signification particulière. Il le regarda attentivement, ému par le mélange de fragilité et de désespoir exprimé par la femme aux yeux écarquillés. À bien y regarder, Liana lui ressemblait, et peut-être était-ce la souffrance qui leur donnait cette ressemblance. L’une comme l’autre, elles évoquaient un passé, une mémoire emplis de tristesse.


Peut-être que cette esquisse représentait Liana, elle-même.


M. Tomaze ignorait ce que cachait la jeune artiste, mais il devinait une grande blessure derrière son peu d’assurance et son visage inexpressif. À maintes reprises, il avait senti que sa carapace se fissurait, que son audace n’était qu’apparente, que sa confiance en elle n’était qu’une façade ; néanmoins une façade qui ne trompait personne. Et surtout M. Tomaze. Il savait reconnaître ce genre de choses…


Cette jeune fille l’avait intriguée par son air malade, au tout début, puis par son agressivité, et ensuite par ses silences.


Et pour la première fois depuis très longtemps, il avait envie d’aller vers une personne, de lui poser des questions, de l’aider, peut-être.


Déboussolé par cette idée, M. Tomaze resta un long moment immobile, contemplant pensivement le dessin, puis il le glissa dans la pochette et la rangea dans un placard, qu’il ferma à clé.


Toutes ces questions au sujet d’une « fillette » qu’il ne connaissait même pas quarante-huit heures auparavant étaient vraisemblablement stupides. Peut-être ne la reverrait-il jamais, et surtout, en quoi cela pouvait-il le concerner ? Il se sentait plein d’un remords cuisant à présent, à l’idée de ce qu’il lui avait dit avant qu’elle ne sorte. Elle avait eu raison de réagir de la sorte – c’est-à-dire mal. Quelle idiotie avait-elle bien pu lui traverser le cerveau pour qu’il s’avance aussi audacieusement, à visage découvert, vers cette jeune fille dont il ne connaissait rien ?


Mon cerveau sent le brûlé et le cynisme, pensa-t-il.


Et cette pensée ne lui était absolument pas agréable.


Il se dirigea vers le bureau de sa secrétaire – une fade petite personne de trente-cinq ans, vieille fille et toujours habillée de gilets informes et de longues jupes dépourvues de gaieté – et entra sans frapper. Le visage imperturbable de Thérèse Rousseau se détourna de l’écran de l’ordinateur pour le regarder, à peine surpris.


– Monsieur ? s’enquit-elle poliment.


Ce fut M. Tomaze qui se figea de surprise, au milieu du bureau.


– Vous n’êtes pas partie, Thérèse ? fit-il d’une voix étonnée. Et votre déjeuner ?


Elle jeta un coup d’œil à sa montre, puis une légère crispation plissa sa bouche.


– Excusez-moi, Monsieur, j’étais prise par mon travail. La jeune fille est-elle partie ?

– La jeune fille ? répéta stupidement M. Tomaze.


Puis la compréhension lui vint. Thérèse le fixait d’un air proprement douteux. Se pouvait-il qu’elle le prenne déjà pour un vieux gâteux, elle et ses vieilles jupes fanées ?


– Oui, la jeune fille, évidemment, se reprit M. Tomaze avec un raclement de gorge. Oui, elle est partie, bien sûr…

– Quel nom dois-je inscrire sur votre carnet de rendez-vous, Monsieur ? continuait Thérèse, placide.

– Mlle Liana Bellanger. Deux « l’» à Bellanger.

– Pour quel dossier ?

– Hum, j’ignore si ce dossier m’intéresse, déclara M. Tomaze en regardant ailleurs. Enfin, si, il m’intéresse, mais il y a l’affaire de Bernard…


Elle hocha la tête, tout en pianotant sur son clavier.


– À ce propos, vous avez rendez-vous avec lui à 22 h 30, ce soir. Vous en souvenez-vous ?


Pas le moins du monde, songea M. Tomaze avec un plaisir malsain.


– Évidemment, coupa-t-il d’une voix rogue. Si vous avez fini, rentrez donc chez vous Thérèse.


Elle le regarda fixement, sans sourire.


– Je n’inscris donc pas de nouveau rendez-vous avec cette mademoiselle Bellanger ? demanda-t-elle d’une voix appuyée.


Il la dévisagea avec curiosité. Pourquoi semblait-elle s’intéresser à Liana ? Mais ce n’était peut-être qu’une impression, après tout.


– Non, j’ai encore beaucoup de travail. Peut-être la semaine prochaine, je verrai. Bonne journée, Thérèse.

– Bonne journée Monsieur. Oh, attendez, Monsieur, le courrier…


M. Tomaze le prit, et retourna dans son bureau. Mais avant de refermer la porte sur Thérèse, il lui lança un dernier regard inquisiteur. Sa secrétaire était censée rester à son poste. Or, il n’y avait qu’une seule sortie par le bureau de M. Tomaze, et cette sortie donnait sur le bureau de Thérèse. Comment avait-elle pu ignorer le départ de Liana ?


Je deviens parano, pensa-t-il.


Et pourtant, il retourna voir sa secrétaire ; la pièce était vide. Ses affaires étaient posées sur le dossier de la chaise. Peu après, il entendit un bruit de chasse d’eau, et battit précipitamment en retraite dans son propre bureau. Il resta là, contre la porte, à écouter les pas de Thérèse, qui finit par éteindre l’ordinateur et par sortir.


Elle n’était pas aux toilettes, puisqu’elle en venait.


Où était Thérèse quand Liana était sortie ?


Décidément, il commençait vraiment à devenir trop méfiant. Mais il avait eu des problèmes avec sa précédente secrétaire, et se demandait si la malchance le poursuivait jusque dans son lieu de travail.

Toutefois, il pouvait y avoir un million de raisons qui justifiaient l’absence provisoire de Thérèse. Et ce million de raisons pouvait être tout à fait légitime. Qui savait ce que faisait exactement une secrétaire, toute seule dans son bureau, lorsque le patron était en réunion ? Entre la pause café, le téléphone, l’arrosage des plantes vertes, et on ne savait quoi encore, il y avait l’embarras du choix.


Donc, inutile d’en faire tout en plat, conclut intérieurement M. Tomaze.


Afin de distraire ses pensées, il s’assit sur le bureau d’acajou, et commença à trier le courrier. Une enveloppe attira d’emblée son attention. Il n’y avait aucune adresse d’expéditeur, et son nom était imprimé par ordinateur. Curieusement, Thérèse la lui avait laissée. Elle était chargée de trier une première fois son courrier, distinguant les lettres personnelles (il y en avait peu, la majorité de ces lettres atterrissant à l’adresse personnelle de M. Tomaze), des courriers de fans, d’injures, ou de propagande publicitaire. Et aussi les enveloppes dites « suspectes ». Cette enveloppe-ci était suspecte, mais elle ne l’avait pas classée comme telle. L’homme hésita, puis finit par la décacheter. Il en tira une simple feuille de papier d’écolier, avec des lignes bleues et une marge rouge. Il la déplia, et reçut un coup à la poitrine en en lisant le contenu.

Apparaissait ainsi ce texte, rédigé à l’ordinateur, en lettres majuscules :




IL EST DE LA NATURE DE L’HOMME DE SE TROMPER, MAIS PERSÉVÉRER EST DIABOLIQUE.


TOI QUI TE FAIS APPELER « MONSIEUR TOMAZE » COMME SI TU CROYAIS ACQUÉRIR UN TITRE DE NOBLESSE AVEC CE NOM, TU PAIERAS BIENTÔT POUR LA BASSESSE DE TON ÂME ET LES CONSÉQUENCES DE TES ACTES !


PENSAIS-TU ÉCHAPPER AU SORT QUE L’ON RÉSERVE AUX ASSASSINS DE TON ESPÈCE ?


BIENTÔT MON CHER MONSIEUR TOMAZE, JE SAVOURERAI MA VENGEANCE COMME IL SE DOIT.


COMME DIRAIT CE BON VIEUX CESAR :


« ALEA JACTA EST ! »





Bon Dieu, jura intérieurement M. Tomaze.

Qu’est-ce que c’est que ce foutoir ?



La chaleur de ce début d’après-midi était abrutissante. Comme dans un état second, Liana marchait dans la rue. Elle ne voyait pas les gens qu’elle croisait, qu’elle heurtait même, parfois ; elle ne voyait rien. Vaguement, elle se disait qu’elle avait chaud, et la seconde d’après, elle tremblait de tous ses membres.


Je suis fatiguée, pensa-t-elle au bout d’un moment.


Elle jeta un regard autour d’elle, remarquant pour la première fois où elle se trouvait. Elle était dans la grande avenue, celle qui longeait le Consulat du Portugal et l’hôpital pour enfants de la ville. Elle avisa un banc vide au milieu de l’avenue, sur la promenade dite « du marché fleuri », car chaque mercredi, cette bande de trottoir, bordée d’arbres, large de plusieurs dizaines de mètres, accueillait les tentes, les parfums, et les couleurs éclatantes, des marchands de fleurs. Aujourd’hui, elle était calme, seuls quelques promeneurs y passaient, la démarche flegmatique. Liana traversa la rue et se laissa presque tomber sur le banc qu’elle avait repéré.


Un grand froid envahissait son cerveau et son corps. Malgré la température élevée de ce début juillet, elle frissonnait. Elle ne pensait à rien, les yeux dans le vague. Puis soudain, un labrador attira son attention. Il avait une superbe fourrure noire et brillante, où les rayons du soleil, pénétrant les feuilles des ormes, plus haut, se glissaient et ondulaient au rythme languissant de l’avancée du chien. Liana le contempla longtemps, sans s’intéresser à son maître. Une autre pensée vint alors la troubler, et elle songea aux cheveux noirs de M. Tomaze. Le froid s’intensifia dans ses membres, aussitôt suivi d’une vague de chaleur brûlante qui ne laissait rien présager de bon. Elle posa une main chancelante sur son front, le trouva tiède et normal, puis appuya cette main sur ses yeux et resta ainsi, immobile sur le banc, à l’abri de la lumière. Un goût âcre de larmes persistait dans sa bouche, et elle lutta pour ne pas céder à ce flot d’angoisse qui lui tordait les entrailles.


Elle n’était pas guérie. Malgré tous ses efforts, elle n’allait pas mieux, et cette certitude la désespérait. Elle y avait cru de toutes ses forces…


Elle aurait voulu s’arracher le cœur, et le tenir là, devant elle, bavant son sang écarlate et sa vie. Elle avait mal et elle ne pouvait rien faire contre ça. C’est ce cœur qui avait mal, ce cœur qui l’avait entraîné, si loin et si fort, dans l’amour, puis dans la souffrance, quelques mois auparavant. Elle compta ces mois. Quatre. Quatre mois à tâcher de survivre dans ce monde vaste, infini, quatre mois à se répéter minute après minute que demain serait un autre jour. Un autre siècle. Que bientôt, cette souffrance partirait, ne serait plus qu’un fantôme repoussant et errant dans les limbes de son âme.


Mais la sensation de vide, de manque, était encore là, tout près. Trop près. Et Liana ignorait comment la déloger de là. Qu’avait pensé d’elle cet homme immense et imperturbable ? Comment avait-il pu deviner ses tourments aussi rapidement ? Était-elle si mauvaise comédienne ?


Sûrement, se dit-elle avec amertume, puisque je suis incapable de m’en convaincre « moi-même ». Comment pourrais-je convaincre les autres ?


Pendant ces quatre mois, elle avait soigneusement évité tout contact social. Elle sortait de chez elle seulement lorsqu’elle commençait à étouffer dans sa chambre, ou à étouffer en elle.

Sortir, voir du monde, remplir ses poumons d’air frais, signifiaient davantage qu’une brève promenade. Évoluer dans ce milieu où se pressait la population de la ville, c’était pouvoir s’oublier dans cette population. S’oublier elle-même. Oublier ce dégoût d’elle. Oublier cette honte, cette humiliation, cette souffrance, ce manque, tout ce qui lui pourrissait la vie.


Ne plus sentir ce vide qui la happait tout entière. Comme si elle ne pesait rien dans l’espace de cette dimension, comme si elle n’était rien. Chaque journée passait comme une année, si lentement qu’elle avait souvent envie de hurler pour accélérer ce temps qui refusait de passer. Parce que pour oublier, il fallait du temps. Mais comment faire quand ce temps s’obstinait à courir sur le cadran d’une montre suisse ?


Puis elle avait cherché du travail, pour ne pas s’asphyxier dans sa propre solitude. Elle avait été engagée à temps partiel dans une petite bibliothèque de la ville. Le salaire n’était pas très élevé, au désespoir de ses parents qui ne la voyaient pas s’enterrer sous les livres poussiéreux d’une quelconque bibliothèque municipale. Mais Liana s’en fichait. Elle avait besoin de ce travail, non pas financièrement, mais pour s’aérer la tête. Elle avait trouvé un studio en centre-ville et y passait la majeure partie de son temps, quand elle ne travaillait pas. Se parents comprenaient certainement qu’elle avait besoin de connaître une autre existence, car ils n’avaient pas insisté pour la retenir à la maison.


– Ne sois pas en colère contre toi, avait murmuré sa sœur aînée, qui avait fêté ses trente ans cette année. Quelle sagesse ! avait obscurément songé Liana. Pourquoi était-elle la seule à ne rien comprendre d’elle-même, puisque tout le monde semblait si bien la cerner et deviner ce qu’elle était et ce qu’elle ressentait ?

– Dites-moi donc qui je suis et pourquoi je suis ainsi, pensa furieusement Liana, ses paupières closes toujours masquées par sa main. Mais cette fureur était teintée de peine, et lorsque la jeune femme ouvrit les yeux et regarda ses genoux repliés, à travers ses doigts, le voile embué de ses larmes pâlissait sa vision.


Puis une nouvelle fois, elle pensa à M. Tomaze. Il lui semblait qu’il lui était impossible, à présent, de se défaire de l’existence de cet inconnu étrange et mystérieux.


Tout avait commencé il y a trois semaines, lorsqu’une de ses collègues de la bibliothèque, Flora, lui avait parlé d’un écrivain très connu dans la profession, et très original. Elle l’avait rencontré à une conférence sur l’art de la Renaissance, et son mari étant professeur d’histoire à l’université, spécialisé par cette époque, il avait lié connaissance avec Tomaze et lui avait présenté sa femme. Elle avait ainsi appris qu’il habitait la ville depuis près d’un an.


– Que fait-il donc de si original, cet homme ? avait demandé Liana sans la moindre curiosité.


Écouter le bavardage prolixe et quotidien de sa collègue, Flora, était parfois pour Liana une torture insoupçonnée. Certains matins, la jeune femme se sentait si mal et si déprimée qu’il lui était presque impossible d’être aimable avec Flora. D’autres jours, le caquetage permanent de cette dernière agissait presque comme un anesthésiant sur Liana, et l’empêchait de tomber dans ce mutisme qui lui permettait trop souvent de s’échapper de la réalité. Mais, lucide, la jeune femme savait que cette fuite était négative, et ne pourrait jamais l’aider à s’en sortir. Et c’est pour cette raison qu’elle faisait des efforts parfois surhumains pour prêter une oreille attentive au déballage de paroles, gai et ouvert, de Flora.


Heureusement, Flora ne semblait pas lui tenir rigueur de ses écarts d’humeur. Intarissable, elle sortait Liana de sa léthargie, devinant sans en avoir l’air la terrible blessure qui abrutissait Liana, comme un coup de poing qu’on lui aurait donné dans le plexus.


Et c’est ce qu’elle faisait ce jour-là.


– Il écrit des histoires que les gens ont vécues réellement, expliqua Flora, tout en continuant à ranger des livres dans les rayons. Un peu comme les films qui reprennent des faits divers.


Liana s’interrompit un instant. Il fallait changer toutes les étiquettes des rayons, mais elle venait de s’apercevoir que le papier qu’elle avait choisi n’était pas auto-collant. Avec un soupir, elle froissa les étiquettes déjà imprimées et disparut derrière le bureau pour fouiller les tiroirs.


– Et vraiment, continuait Flora, au-dessus d’elle, perchée sur un tabouret, vraiment, ces histoires sont surprenantes. Est-ce que tu te rends compte qu’à chaque fois qu’il écrit une histoire affreuse, elle s’est réellement passée ? Qu’à chaque fois que nous avons pitié d’une personne, elle existe réellement et a vécu ces choses-là ? C’est vraiment terrible.


Flora hochait la tête, d’un air grave, puis elle reprit sa besogne. Liana surgit enfin de derrière le bureau, munie du précieux papier auto-collant, et l’installa dans l’imprimante, ne perdant pas une miette de ce que disait sa collègue.


– Et comment se procure-t-il ces témoignages ? demanda-t-elle distraitement.

– Il fait un appel à témoins, ou quelque chose comme ça, répondit Flora (elle continuait à hocher la tête, sans but et sans raison). Au début, ce devait être difficile, mais maintenant, il est très célèbre, et ne doit avoir aucun mal à trouver ces témoignages. Il m’a dit que c’étaient souvent les personnes elles-mêmes qui le contactaient.

– Ça doit être du boulot, remarqua Liana.

– Oh oui ! je pense. Tu te rends compte : il faut que la personne lui exhibe tout ce qu’elle a vécu ! Ça doit être horriblement difficile.

– Oui, bien sûr, murmura Liana, concentrée sur sa tâche. Mais je ne parlais pas de ça : je me disais que ça devait être sacrément dur de récolter tous ces aveux, de les trier, de les utiliser avec authenticité, sans s’éloigner un seul instant de la vérité… il en écrit beaucoup, des bouquins ?

– Pas mal. Tiens, tu peux me passer la pile sur le bureau, s’il te plaît ? Merci. Je ne sais pas vraiment combien, peut-être trois ou quatre par an. Ça dépend de plein de choses, je suppose…


Liana émit un sifflement.


– Eh ben ! Il doit en gagner du pognon ! s’exclama-t-elle avec familiarité.


Flora fit un petit mouvement d’épaules, montrant par là à quel point elle s’en fichait.


– Je pense à tous ces gens qui le contactent, dit Flora d’une voix triste. S’ils viennent spontanément à lui, c’est qu’ils ont un poids à libérer de leur conscience. Cet homme a un peu le rôle d’un psychologue, finalement. Il les écoute parler de leur problème. Peut-être est-il purement animé d’un sentiment de charité ?


Un sourire cynique était apparu sur le visage de Liana.


– La charité rapporte beaucoup, de nos jours, fit-elle remarquer d’une voix railleuse.

– Peut-être veut-il les aider, insista Flora.

– Il veut surtout s’aider lui-même, avait conclu Liana.


Et elle était partie dans la réserve trier la liste des livres destinés au rebut.


Mais peu à peu, l’idée avait fait son chemin…


Bien entendu, Liana n’avait aucune intention de dévoiler sa vie privée devant un inconnu, mais l’homme pouvait être intéressant d’une autre manière, et elle, elle pouvait essayer de soulager sa conscience d’une autre manière également.


Aussi avait-elle attendu que Flora l’évoque à nouveau dans la conversation – ce qui allait fatalement arriver – pour creuser plus profondément la question. Et cette conversation s’était produite quelques jours après.


– Et ces personnes qui racontent leur vie… on connaît leurs noms ? avait-elle pu demander, pendant un bref silence de Flora.


Celle-ci avait levé un sourcil surpris.


– Oh non ! Liana, bien sûr que non ! Ces personnes souhaitent garder l’anonymat, évidemment. C’est déjà suffisamment dur d’exprimer ses sentiments ; si en plus tout le monde devait savoir de qui ils proviennent, tu imagines la notoriété ? Une notoriété à double tranchant…

– Hum, oui… tu as raison, avait répondu Liana.


Par la suite, elle avait aussi appris qu’il avait lui-même choisi de se faire baptiser « Monsieur Tomaze » par les médias, et aussi dans sa vie publique. Il refusait opiniâtrement de communiquer ses vrais nom et prénom, afin que personne ne retrouve sa trace dans les papiers administratifs.


Et surtout que personne ne le reconnaisse, avait songé à part soi Liana.


Cet homme n’avait donc pas de prénom, pas de nom, et par conséquent, pas de passé. Pas d’attaches, semblait-il. Il avait commencé à devenir connu cinq ans auparavant. Quel âge avait-il ? Qu’avait-il fait jusque-là ? Flora l’ignorait, et sans doute, tout le monde devait l’ignorer. Liana s’était sentie attirée par ce mystère en même temps que prenait forme, en elle, une singulière pensée. Rencontrer cet homme, lui soumettre ses dessins, et peu à peu, l’interroger. Quelqu’un, quelque part, devait bien le connaître. Il suffirait peut-être de montrer sa photo à plusieurs personnes : en effet, il refusait également qu’on publie des photos de lui. L’écrivain semblait être aussi anonyme que les héros de ses romans.


Cette idée ne l’avait plus quittée depuis lors. Cependant, elle avait peu à peu renoncé à s’immiscer dans la vie de ce M. Tomaze, pour ne retenir de ce projet que la persistante obsession de faire paraître un livre racontant ses dessins.


Et voici qu’elle avait conversé avec une secrétaire, qui ne lui avait même pas demandé son nom avant de lui passer son patron. Ils avaient convenu d’un rendez-vous deux semaines après. Toujours sans lui demander quoi que ce soit, ni son nom, ni ce qui l’amenait précisément chez lui. Tout devait être si évident pour eux ! Liana n’était qu’une « cliente » de plus. Cette pensée lui avait fait un choc, et Liana avait plusieurs fois pris le téléphone pour décommander le rendez-vous, avant de se raviser, et de n’en rien faire. Elle ignorait encore ce qui lui avait pris quand elle avait téléphoné à cet homme. Et elle ignorait, de la même façon, ce qui lui avait pris lorsque ses pas, tout naturellement, l’avaient portée jusqu’à son bureau, le jour dit.


Seule sur son banc, Liana se souvenait et réfléchissait tout à la fois. Elle regrettait plus que tout d’avoir laissé sa pochette chez lui. Elle ne savait rien de lui, et ne lui accordait aucune confiance. Elle avait travaillé dur pour réaliser ces dessins ! Ils étaient le fruit d’une longue période de réflexion et de chagrin, qui avait pris fin assez récemment.


À cette pensée, Liana cessa alors de remuer ses souvenirs, et, les yeux clos, se laissa bercer un moment par le bruit de la circulation du boulevard ; et au-dessus d’elle, celui du vent dans les arbres. Une étrange sensation, pesante et douloureuse, montait dans son âme.


Pourquoi pleut-il toujours sur moi ? se demanda-t-elle soudain, traversée d’un sentiment d’horreur et de détresse aussi brutal qu’intense. À nouveau, les larmes brûlaient ses yeux.


Peu à peu, au fil des mois, elle avait retrouvé une certaine conscience d’elle-même, et même si elle se sentait désormais étrangère à cette propre conscience, elle savait qu’elle en avait fini avec le désespoir accablant qui avait courbé ses épaules pendant plus de deux mois. Chaque jour était un progrès vers la guérison. Mais elle n’était pas guérie, et commençait à se demander si la maladie dont elle souffrait n’était pas incurable…


M. Tomaze serait peut-être une étape de plus à franchir pour retrouver une vie normale. Et Liana espérait qu’elle avait fait le bon choix. Personne n’était au courant de sa démarche, et elle veillerait à ce que les choses restent ainsi.


Liana releva la tête, renifla, regarda jouer le soleil dans les branches des arbres, puis quitta lentement le banc. Pour vaincre la fatalité qui semblait la poursuivre, elle avait décidé d’être positive.


Et sa pensée positive d’aujourd’hui serait celle-ci, toujours la même, à vrai dire :


Elle allait s’en remettre.


Tôt ou tard.


Et un matin, elle pourrait se lever pour contempler le lever du soleil, se tenir debout dans l’espoir de ce jour nouveau, et faire face à son avenir.


Et à partir de ce jour, plus jamais aucun cri ne retentirait dans sa tête, comme un appel au secours muet et désespéré. Plus jamais elle n’aurait à subir les échos de sa souffrance ; cette souffrance lancinante qui résonnait dans le vide de son être, éternelle plainte qui ne signifiait plus rien à force de tout signifier.


Liana partit d’un bon pas, sentant la chaleur glisser sur ses épaules comme un manteau bienfaisant. Elle se dirigea vers la Fnac.


Acheter un ou deux livres de M. Tomaze serait une bonne chose, pour commencer.







Copyright © 2009
Demandez l'accord des Auteurs avant toute diffusion


Erotisme torride

Tendre Amour

Bon Scénario

Belle Ecriture

Plein d'Humour

Votre appréciation
Pour apporter des commentaires ou des notations importantes à un texte,
cela se fait désormais en cliquant sur le lien ci-dessous.
Il faut par contre être inscrit.

Commenter et noter le texte

Revebebe - Histoires érotiques
Revebebe - Une histoire
Notation public
Une Histoire sur http://revebebe.free.fr/

n° 13200Alain Garic18/03/09
Ilona
critères:   f h fh ff extracon inconnu sexshop cinéma voyage train toilettes cérébral revede voir exhib miroir strip vidéox fmast hmast intermast fellation nopéné fdanus jeu
56599 caractères
Auteur : Alain Garic

Une chose qui est drôle, c’est que certaines femmes me rappellent parfois cette Ilona Bercovitz, qui vivait à Paris il y a quelques années et que j’ai bien connue. Pas seulement parce qu’elle était belle, blonde et très sensuelle. Plutôt parce qu’elle était coquine mais fidèle, mariée à un homme qu’elle aimait, dont elle avait deux enfants et que jamais elle n’aurait trompé. Elle ne pouvait viscéralement faire l’amour qu’avec un seul homme : son homme.


Un week-end de novembre, elle avait dû se rendre à Saint-Brieuc, car une sœur de sa mère était souffrante. Dans le TGV Paris-Brest qui la menait au chevet de cette vieille tante Olga, Ilona se demandait si ce n’était pas la dernière fois qu’elles se verraient. Cette triste mais lucide pensée, et le vide insondable d’un paysage ferroviaire sous la bruine, la maintenaient dans cette mélancolie indolente dont souffraient manifestement tous les occupants du wagon. Pas une conversation ne troublait leur ennui, pas un enfant jouant ou babillant quelque onomatopée scatologique à l’attention exclusive de sa jeune mère et de tous les autres passagers. Pas même d’autre ronflement que celui du train.


Un jingle attira l’attention d’Ilona, et une voix enjolivée l’extirpa laborieusement de sa torpeur. « Mesdames et Messieurs les voyageurs, suite à un incident technique, ce TGV aura pour terminus la gare de Rennes. Les voyageurs à destination de Saint-Brieuc et Brest sont invités à prendre le prochain train avec le même billet. La SNCF vous prie d’accepter ses excuses. Pour toute réclamation, adressez-vous au guichet central en gare de Rennes. Le prochain TGV pour Brest est à 21 h 30. »


21 h 30 ! Soit trois heures plus tard. Remercions l’apathie générale, il n’y eut pas d’émeute. Mais surtout, dans le concert des protestations molles, on n’entendit pas la voix d’Ilona. Non. Parce qu’Ilona savait depuis longtemps que le train n’irait pas au-delà de Rennes. Mais en entendant l’annonce, elle avait tout de même écarquillé ses grands yeux bleus, d’une part impressionnée mais de l’autre plutôt inquiète. Avant même que son cerveau n’ait eu le temps de se demander « Comment a-t-il fait ça ? », son cœur clamait déjà « Il l’a fait ! »


Il lui avait dit. Enfin, écrit. Il savait, pour la panne, Rennes, les trois heures. A-t-il dit qu’il avait travaillé dans les trains ? Est-ce que ça expliquerait l’enveloppe ? Elle ne savait même pas quand elle l’avait eue. C’est quand elle avait tendu au contrôleur la pochette contenant ses billets, qu’elle avait vu que l’enveloppe s’y trouvait. Une fine enveloppe noire, cachetée de cire blanche. Sa marque à lui. Elle avait lu.



« Ilona. Le train va rester bloqué en gare de Rennes. Tu auras trois heures devant toi. Au 118 de la rue du Quai, une vertueuse laideur indique les beautés du vice. Profite d’un peu de liberté et d’aisance. »




Ainsi, il savait son vrai prénom. Il l’avait repérée et la suivait peut-être. Ce n’était pas comme ça que ça devait se passer. Ils s’étaient mis d’accord.


Il avait signé de son pseudonyme : Icare.


Icare. L’homme à la cire blanche fondant en lourdes gouttes, quand ses deux grosses ailes le portent près du ciel. L’homme à la plume agile car fréquemment taillée. Icare l’arrogant qui défiait les dieux et retardait à présent les TGV de trois heures. Il savait son vrai nom, et ne lui donnait pas le sien ! C’était inadmissible.


Parce qu’Icare, c’était avant tout le plus charmant divertissement d’Ilona Bercovitz. Spirituel, sensuel, charmeur, il était le grain de sel dans la vie d’Ilona, sa petite évasion quasi-quotidienne. Cela faisait des mois qu’elle et lui s’échangeaient de longs e-mails plusieurs fois par semaine, sur des sujets variés tels que le sexe, l’érotisme, la pornographie et… le sexe. Icare était un passe-temps génial, comme un porno interactif sur mesure pour Ilona. Ça lui permettait de séduire, de plaire et de s’exciter sensuellement sans tromper son mari. Enfin, pas physiquement. C’était son petit jardin secret. Seulement là, il devenait légèrement envahissant, le jardin.


Les règles étaient claires. Anonymat, respect, équité. Elle n’avait pas moyen de le contacter depuis le train. Chercher à Rennes un point Internet pour lui balancer un e-mail rageur horripila Ilona rien qu’à l’idée de devoir écrire à Icare depuis un lieu public.


Ça se réglerait donc face à face. Elle allait se rendre à son maudit rendez-vous, mais ce débordement n’était pas attendu. Soit elle interrompait la relation, soit ils repartaient sur de nouvelles bases. Il l’avait suivie, il connaissait son nom, il pouvait arrêter un TGV. Pour Ilona, si l’anonymat tombait à l’eau, elle pouvait continuer une relation sur les bases de « respect, équité », mais l’équité impliquait qu’elle rencontre Icare et qu’il lui dise son vrai nom ; le respect, qu’il explique le coup du TGV.




*




Les rues de Rennes luisaient d’un crachin persistant. Ilona trouva rapidement la rue du Quai, près de la gare. Par chance, elle était en travers du vent et l’on s’y sentait à l’abri. Enfin, à l’abri du vent. Parce qu’à part ça, elle n’était pas spécialement rassurante. En fait, les seules enseignes allumées étaient celles des trois sex-shops miteux dont le quartier s’enorgueillissait, et les deux prostituées antiques qu’Ilona avait croisées au carrefour n’avaient pour client potentiel qu’un clochard ivre mort semblant suivre son chien. Comble de tout, Ilona, en s’arrêtant devant le 118, ne put que soupirer. Icare était très joueur ; l’immeuble était démoli.


Bon, se dit-elle, ce doit être une énigme. Par quoi on commence ? Devenir brune ? Il a dit quoi ? La beauté, la vertu ? Je vais pas aller demander aux filles, quand même. Ben tiens, le clochard m’a repérée. Icare, c’est quoi ton plan pourri sous la pluie ?



Le clochard l’avait interpellée.



Le vagabond s’était mis à genoux et scandait la somme sur trois fausses notes. Une petite voix dans la tête d’Ilona suggéra que, bien que le monsieur n’ait pas demandé poliment, lui donner ses cinq euros pourrait être une solution pragmatique pour s’en débarrasser rapidement. Elle lui tendit un billet dont l’homme s’empara avidement mais, quand elle voulut s’éloigner, il lui fit signe d’arrêter.



Et il sortit de sa poche une fine enveloppe noire…



D’un ongle, Ilona fit sauter le laiteux cachet de cire frappé d’un I majuscule, et lut :



« Bienvenue à Rennes, ma reine. Le climat doit t’être insupportable. Tu m’en vois désolé. J’aimerais pouvoir te réchauffer. Que dirais-tu qu’on se mette à l’abri ? Tu vois l’enseigne rouge sur le trottoir d’en face, avec les deux panneaux vitrés ? C’est le sex-shop Triple X. Je crois que tu ne détestes pas un bon porno. Ils proposent des services variés. Si tu prends un billet pour la grande salle, il me semble que j’y ai oublié mon étui à lunettes.


Icare.


PS : J’ai promis au clochard que tu lui donnerais cinq euros. »




Le pauvre homme n’avait pas bougé. Blasée, Ilona extirpa de son porte-monnaie un autre billet pour lui, puis se dirigea vers le sex-shop d’un pas décidé.


Jusqu’à ce jour, elle n’avait eu que de brefs aperçus de l’intérieur de ces magasins. À peine un ou deux rapides coups d’œil sur la partie boutique, et jamais seule. En pénétrant dans le Triple X, elle trouva d’abord le lieu exigu. Une forte odeur chimique de désodorisant industriel suggérait subtilement, pour une clientèle masculine, que l’endroit était parfois nettoyé. Les boîtiers de vidéos salaces les plus chanceux s’empilaient partout contre les murs, les autres s’entassaient en vrac dans des bacs. À gauche, un mannequin portait cuissardes, corset de cuir et pinces à seins, devant un rayon d’accessoires spécialisés. Sur un écran accroché au plafond, une blonde rondelette se faisait prendre en levrette. À droite, flanqué de quelques improbables pièces de lingerie satinée aux prix hallucinants, un vieil Asiatique se tenait derrière son comptoir en bois brut. Derrière lui, un panneau orange fluo indiquait au marqueur noir : « Projections – Cabine individuelle : 10 Euros – Grande salle : 7 Euros. » L’homme la fixait sans sourciller.


Ilona fut prise de vertiges. Passer du vent mouillé d’une ville déserte à l’atmosphère feutrée du petit magasin l’avait réconfortée, mais elle eut soudain chaud. Emmitouflée pour endurer la grisaille anonyme et fadasse d’une rue sous le crachin, on ne s’attend pas forcément à l’agression rose-carmin de montagnes de culs et de tonnes de seins la seconde suivante. La chaleur lui monta aux joues. Elle se retint au comptoir.



L’impassible lui vendit un billet et lui indiqua une petite porte rouge entre le rayon cravaches et les German Goo Girls.




*




Ilona, après la porte, dut encore franchir un sas obscur avant de pénétrer dans la salle de projection. Dans la pénombre, on distinguait sept rangées de six sièges. À peine trois étaient occupés par des hommes dont Ilona ne discerna que les silhouettes. Les seules lueurs provenaient du projecteur et de l’écran.


Son billet encore en main, elle descendit lentement la petite allée sur le côté, avançant parmi les rangées. Elle se souvint qu’elle devrait sans doute regarder par terre à la recherche d’un étui à lunettes. Mais Icare n’avait pas dit de chercher un étui à lunettes. Icare avait dit : « Peut-être que j’aurais pu éventuellement égarer par inadvertance mon étui à lunettes. » Il n’avait pas dit : « Retrouve-le » et encore moins : « Va le chercher dans une salle de ciné porno. » Icare pareil à lui-même. Incapable de donner un ordre clair. Icare le compliqué, le tortueux, l’hermétique.


N’empêche qu’Ilona y était, dans le ciné porno, et qu’elle cherchait son étui à lunettes. Sur l’écran, une jeune femme blonde en robe blanche était attachée sur un siège, les yeux bandés. Une femme brune, torse nu et en jeans, se massait l’entrecuisse et couvait la première d’un regard gourmand. Elle tenait une cravache dans son autre main. Ilona sentit qu’elle allait se faire remarquer si elle restait debout et s’assit donc au premier fauteuil d’une allée inoccupée, le plus loin possible des autres spectateurs tout en restant discrète.


Au moins deux des trois hommes se masturbaient. Ilona avait surpris celui du fond, en entrant dans la salle. Il ne s’était pas arrêté, même en voyant une femme entrer. Surtout en voyant une femme entrer, d’ailleurs. Il l’avait suivie du regard jusqu’à ce qu’elle s’assoie, Ilona en était certaine.


Un homme trapu dont le crâne lisse luisait au premier rang laissa échapper un grognement satisfait quand la brune déchira la robe de la blonde et dévoila ses deux seins pâles. Quelques secondes plus tard, Ilona vit le chauve se lever et remonter l’allée vers la porte en rajustant sa braguette. Quand il fut au niveau d’Ilona, leurs regards se croisèrent. Celui de l’homme arbora l’expression déconfite d’un type qui vient de se vider devant un porno et tombe, juste après, sur une belle blonde venue là pour baiser. Celui d’Ilona était empreint d’un terrible embarras. Dépité, l’homme poursuivit son chemin vers la sortie en soupirant. Ilona se décala d’un siège, pour éviter que la situation ne se reproduise avec les autres clients.


En se levant, elle profita du mouvement pour scruter le sol de la rangée. Pas d’étui. Elle n’osa pas regarder sur celle devant elle car un homme était installé à l’autre extrémité, et Ilona ne voulait pas qu’un quelconque signe d’intérêt soit mal interprété. En jetant un coup d’œil sur la rangée de derrière, elle aperçut le client du fond en train de se lever. Elle se rassit précipitamment, ce qui attira l’attention du précédent spectateur. Les cheveux d’Ilona accrochaient la lumière dans cette atmosphère sombre. À présent, tout le monde savait qu’elle était là. S’enfuir.


Mais, au moment où elle se levait pour partir, la porte s’ouvrit de nouveau et un quadragénaire costaud portant un costume gris pénétra dans la salle. Ilona se rassit aussitôt. L’homme hésitait à l’entrée, à la recherche d’une place lui convenant. Soudain, Ilona entendit quelqu’un se glisser dans la rangée derrière elle. Du coin de l’œil, elle devina que c’était le client du fond. Le grand homme à l’entrée n’avait pas bougé. L’autre vint s’asseoir juste derrière elle. Celui de devant remarqua le manège, comprit que c’était l’heure de la curée et décida qu’il en voulait aussi. Il se décala de quelques sièges pour s’approcher.


Ilona n’osait plus bouger. Quelques secondes plus tard, derrière elle, un frottement caractéristique l’informa des activités manuelles du spectateur. Elle essaya de ne pas penser à ce qu’il faisait, mais ce fut plus dur avec l’homme de devant. Elle devinait ses mouvements dans la pénombre, et il se retournait parfois pour voir si elle le regardait. Elle ne le regardait pas. Elle regardait l’écran. Un homme outrageusement membré était entré en scène et se masturbait devant le visage de la blonde, que la brune maintenait à genoux. La blonde tendait ses lèvres.


S’enfuir, pensa à nouveau Ilona. Le balaise était-il toujours à l’entrée ? Non, il descendait. Zut, il approchait ! Horreur, il s’assit juste à côté d’elle, comme si elle n’était pas là. Il ne lui accorda pas un regard. Il s’installa, prit ses aises et écarta ses cuisses pour commencer à se caresser la braguette en regardant le film. Ilona était tétanisée.


L’homme bandait déjà et ne fut pas long à sortir son membre. Son genou toucha celui d’Ilona dans le noir. Sa queue paraissait longue et son poing l’étranglait sous le gland. Ilona n’y posa le regard qu’une seconde. C’était une belle verge, épaisse autant que raide, à peine recourbée. La pointe était luisante et la peau de la hampe semblait si douce au toucher qu’Ilona eut subitement du mal à avaler sa salive. La main puissante de l’homme massait de haut en bas. Mais le voisin de devant s’était à présent retourné et se masturbait également en regardant Ilona. Pas de nouvelles de l’homme derrière elle. Sur l’écran, la fille enroula sa langue autour du gland luisant et l’enfonça dans sa bouche en gémissant.


Ignorer ces hommes, c’est tout ce qu’Ilona pouvait faire. Ni par mépris ni par espoir qu’ils l’ignorent en retour, mais parce que la seule échappatoire mentale à cette situation insensée consistait à oublier leur existence jusqu’à ce qu’ils disparaissent. Elle se concentra sur l’écran, en essayant de ne pas penser à une autruche, la tête plantée dans le sable et les deux fesses en l’air.


La jeune blonde du film, sa robe déchirée révélant ses seins nus, aspirait le vit brun du terrible queutard. La tige large et rutilante de salive glissait entre ses lèvres. Parfois, la brune lui tirait la tête en arrière, la privant un instant de sa friandise. Elle lui demandait alors de regarder la verge, de la sentir, d’avoir envie de la savourer. Puis elle laissait la blonde s’appliquer de nouveau, toujours plus vorace.


Ilona avait soif. Ses narines palpitaient. Sa poitrine se soulevait rapidement mais l’air faisait défaut. Ses mains étaient crispées aux accoudoirs. Ses cuisses se serraient spasmodiquement. La chaleur lui montait aux tempes. Quelque chose de chaud effleura ses cheveux. Pétrifiée, elle continua à fixer le film. Mais les minutes passèrent et les hommes ne la touchèrent pas. Tout au plus son voisin de droite, le balaise en costard, s’essuya-t-il la main sur l’accoudoir d’Ilona. Au bout d’un moment, elle réalisa qu’ils étaient partis, comme s’ils n’avaient jamais existé. Elle était déboussolée. Elle se leva sans savoir ce qu’elle allait faire maintenant mais, sous son pied, un craquement sec l’informa qu’elle avait marché sur quelque chose de fragile. Elle se baissa et ramassa le petit étui à lunettes en plastique qu’elle venait de fêler. Dedans, des lunettes de soleil roses, en forme de cœur, ainsi qu’une petite note :



« Tout n’est que beauté aux yeux de l’amour. Puisse sa clarté guider tes pas loin de l’obscurité, mais profite encore du spectacle. »




Machinalement, Ilona enfila les lunettes. Il faisait déjà si sombre qu’avec les verres teintés, elle ne distinguait plus que l’écran. La fille blonde à genoux avait la bouche ouverte et attendait la giclée salvatrice qui devait traditionnellement clore la scène. Mais avec les lunettes, en surimpression sur l’écran, on pouvait lire écrit en larges cursives roses :


« Au 64, rue du Fer, les amies de Max sont toujours bienvenues. »




*




La pluie avait redoublé d’intensité. Ilona marchait vite en évitant les flaques. Pas question, se disait-elle, de chercher la rue de je ne sais quoi, ni de rencontrer quelque amie de Sam, Marcel ou Manu. Icare n’avait qu’à dire « Va au 64 rue du Fer et fais-toi passer pour une amie de Max », elle lui répondrait oui ou non. À part ça, elle n’en avait pas grand-chose à faire, que les amies de Max soient bienvenues quelque part. Tout ça pour finir trempée, à slalomer entre les pervers bite au poing, merci le jeu de piste ! Elle n’était pas contre un peu d’érotisme ludique et de mise en scène, mais uniquement si ça se cantonnait au confort douillet de son petit écran, par claviers interposés. Icare était d’ailleurs remarquablement appréciable sur ce point.


Icare…


Était-ce un des trois hommes dans le cinéma ? Ou même un quatrième. Elle avait vraisemblablement perdu connaissance à un moment. Quelqu’un aurait pu s’introduire dans la salle et déposer l’étui à ses pieds…


Toujours est-il qu’elle rejoignait la gare, espérant trouver en chemin un café accueillant pour avaler un thé ou quelque chose de chaud. Tant pis pour la rencontre. Elle aurait une explication avec lui par e-mail. C’est alors qu’elle croisa la rue du Fer.


Elle aurait pu ne pas la voir, même la traverser sans s’en rendre compte, puisqu’elle ne cherchait pas la rue du Fer. Alors pourquoi son regard fut-il attiré par cette tache bleue dans le coin de son œil, en haut à gauche ? C’était une plaque murale indiquant une rue, et c’était cette rue. Le cœur d’Ilona manqua un battement. Incompréhensiblement, la première chose qu’elle fit, quand elle put décrocher son regard de la plaque fatidique, fut la plus bête chose à faire pour quelqu’un qui ne cherchait pas la rue du Fer. Elle vérifia à quel numéro elle était. Son regard se posa alors sur un soixante-six en faïence bleutée, puis se déporta irrésistiblement.


Mais au soixante-quatre, pas de vitrine, pas de lingerie, ni latex ni enseigne néon. Une simple porte en verre dépoli encastrée dans le mur, avec une plaque de marbre noir. Ilona s’approcha et lut les lettres gravées :


« Aquarius – Club Privé »


Il y avait un interphone. Curieuse de nature, Ilona faillit sonner instinctivement, mais une arrière-pensée la fit se raviser (parce qu’elle ne cherchait pas la rue du Fer).


Une arrière-arrière-pensée lui suggéra cependant que c’était elle, là, tout entière, qui tenait son destin devant elle, commutable d’un doigt, et qu’elle se demanderait toute sa vie ce qu’il y avait derrière cette porte si elle n’écrasait pas ce maudit petit bouton maintenant. Son doigt s’enfonça en silence.


Quelques secondes plus tard, une nasillarde voix masculine se fit entendre dans le haut-parleur :



Ilona prit une grande respiration.



Il n’y eut pas de réponse, mais la porte émit un ‘clic’ discret puis s’entrebâilla.




*




En poussant la porte, Ilona pénétra dans une sorte de vestibule richement décoré. Un homme venait à sa rencontre. La cinquantaine, grisonnant, portant moustache coiffée au fer et uniforme de majordome, il l’invita à entrer et la débarrassa de son manteau, qui était trempé.



Mais avant que Wellington n’eût le temps de préciser sa pensée, une jeune femme les rejoignit dans le vestibule. Elle était menue, tonique, presque sautillante, svelte mais avec une bouille ronde, de grands yeux sombres et un large sourire. Ses cheveux bruns, très frisés, étaient ramenés en queue-de-cheval sur sa nuque. Pour tout vêtement, elle portait à même sa peau mate une fine nuisette translucide largement échancrée.



Puis elle jaugea Ilona d’un coup d’œil vertical, des pieds jusqu’au visage, et leva un sourcil consterné avant de hausser les épaules. Elle aurait vraiment tout vu, ici. D’un mouvement de tête, elle fit signe à Ilona de la suivre, puis tourna les talons vers le couloir d’où elle venait. Ilona avait besoin d’une seconde pour réfléchir, mais Wellington prit poliment congé d’elle en l’invitant à suivre la jeune femme. Ilona s’enfonça dans le couloir.


Celui-ci était sombre, dans les tons bordeaux. La moquette étouffa immédiatement le claquement des chaussures d’Ilona. Sur les murs, feutrés d’épaisses tapisseries, seuls des abat-jour cuivrés qui surplombaient un à un des peintures abstraites aux courbes enlacées diffusaient un semblant de lumière.


Devant Ilona, Shaïna presque nue marchait d’un pas rapide.



Shaïna s’arrêta, et jeta par-dessus son épaule un coup d’œil suspicieux vers Ilona.



En fait, non. Ilona n’était plus partante du tout. Ilona était effondrée. Elle prit d’abord appui contre le mur, mais se laissa bientôt glisser sur le sol, à bout de forces. Les larmes lui vinrent aux yeux.



Shaïna s’assit à côté d’elle. Ne jamais travailler avec des amatrices, elle se l’était pourtant juré. Elle passa son bras derrière l’épaule de la jeune femme atterrée, et la serra contre elle.



Ilona tombait des nues. Ainsi, c’était ce qu’Icare voulait. Qu’elle se caresse devant des inconnus. Peut-être qu’il était au bar et attendait son arrivée. Il comptait peut-être la demander en salon privé. Ça serait bien son genre de coups tordus. Pas du style à vous inviter au restau pour faire connaissance.



Ilona chercha un mouchoir dans son sac et sécha ses larmes. Elle ne comprenait pas où Icare voulait en venir. Elle eut envie de se blottir contre le petit corps de Shaïna. Enfin quelqu’un qui lui parlait gentiment aujourd’hui. Songeuse, elle appuya sa tête contre celle de la jeune femme. Elle se sentit un peu réconfortée et une certitude se fit jour dans son esprit : si elle craquait maintenant, elle ne verrait jamais Icare. Peut-être même qu’il ne répondrait plus à ses e-mails. Mais si elle poursuivait, elle était certaine qu’il se trouverait au bout du labyrinthe, qu’il était le prix, le but de ce jeu dans lequel elle était entièrement plongée.



Les deux femmes se relevèrent. Shaïna prit la main d’Ilona et l’accompagna jusqu’à un petit escalier en colimaçon qui s’enfonçait vers une cave aménagée. Elles descendirent dans une loge spacieuse et généreusement chauffée, mais remplie d’un fatras de fanfreluches et froufrous éparpillés, quelques-uns sur les cintres d’une triple penderie, mais la plupart en vrac sur les sièges, la commode et le canapé. Entre la dentelle et le satiné, le tulle et la résille, les plumes et le cuir, le rouge, le noir, le rose, le blanc, on distinguait dans le fouillis guêpières et bas, corsets, bottines, soutiens-gorge aux formes variées, porte-jarretelles et strings, collants moulants faits de latex et quelques robes à paillettes, le tout d’un goût franchement douteux selon les standards d’Ilona. Une porte entrouverte donnait sur une petite salle de bains, deux autres étaient fermées.



Ilona tira sur son pantalon pour montrer à Shaïna le bord de sa culotte au niveau de la hanche.





*




Quand Ilona sortit de la salle de bains quelques minutes plus tard, elle ne se sentait pas à l’aise du tout, en sous-vêtements dans cet environnement étrange, et sous les yeux d’une inconnue. Le fait que Shaïna ne portait presque rien n’arrangeait pas l’affaire. Sa nuisette, dont l’étoffe se tendait par-devant sous la pression de seins fermes, lui couvrait à peine le haut des cuisses, et laissait apparaître à chaque mouvement le minuscule V sombre qui surplombait l’orée de sa vulve.



Alors Shaïna ouvrit une des portes et entraîna Ilona dans l’aquarium.


Vu de l’extérieur, on aurait pu croire une maison de poupées tant tout était surfait, ou un plateau télé. Mais avec des poupées plutôt pour les adultes, ou la chaîne cryptée. Une musique africaine aux sons suaves et chauds enjolivait l’atmosphère. La décoration témoignait d’un goût particulier pour le bambou verni, le skaï et l’imprimé léopard, mais le plus déstabilisant, quand Ilona pénétra dans l’aquarium, ce fut l’immense miroir concave qui constituait « l’autre mur » de la pièce, délimitant l’espace par les trois quarts d’un cylindre. Son reflet déformant étirait la perspective et il se reflétait lui-même à l’infini.



L’attention d’Ilona se porta sur sa droite. Sur un des canapés, deux femmes s’enlaçaient. La plus grande était blonde, ses longs cheveux tenus en un vague chignon par un peigne en bois sombre. Elle ne portait qu’un caraco carmin et un string minimaliste. L’autre était asiatique, nettement plus petite et complètement nue. La blonde, en l’embrassant, lui caressait le ventre juste en dessous des seins.


Shaïna indiqua l’autre canapé à Ilona. Elles s’y assirent ensemble.



Ilona aurait voulu trouver quelque chose de spirituel à rétorquer, mais il y eut soudain un silence entre elles. Shaïna la regardait droit dans les yeux. Ilona baissa les siens. La petite brune se glissa vers elle et lui caressa la joue. Sa main douce et légère dériva vers la nuque en passant sous l’oreille. Leurs lèvres se frôlèrent, mais Ilona vit le vertigineux miroir les refléter comme un œil géant, et repoussa Shaïna, confuse et légèrement honteuse.



Tout en parlant, Shaïna lui caressait le front et les cheveux. Ilona se relaxa un peu, pensant au jeu, au prix, à Icare, et elle posa une main sur son ventre, l’autre sur sa cuisse. Côté bar, c’était clair, des hommes la voyaient, la regardaient peut-être. Est-ce qu’elle leur plaisait ? Est-ce qu’ils se touchaient aussi ? Combien étaient-ils ? Icare était-il là ?


La douce voix de Shaïna, mêlée aux rythmes des bois frappés et aux sonorités tribales, avait un effet apaisant. Ilona se sentait mollir. Elle écarta lentement ses cuisses et laissa son index effleurer le creux de son aine. Un frisson parcourut son bas-ventre. Elle ferma les yeux.


Elle se sentait flotter. Était-ce la chaleur ou la voix de Shaïna, ou son parfum, ou la musique ? Son corps lui semblait lourd, mais son esprit léger s’élevait au-dessus comme un halo de pure sensibilité. Ses mains étaient immatérielles, elles frôlaient sa peau presque sans la toucher. L’une, entre ses deux cuisses, massait très lentement le triangle ajouré de sa fine culotte. L’autre allait et venait, de la poitrine aux hanches, des cuisses jusqu’au cou, effleurant tour à tour le visage, une épaule ou le flanc. Une onde de moiteur, languissante et lascive, s’emparait de son ventre. Une troisième main lui caressait le front lorsqu’une quatrième flatta son sein.


La main était si douce et tellement sensible que la poitrine d’Ilona se souleva à sa rencontre. Les doigts léchèrent alors le lobe qu’elle offrait, savourant du toucher la fraîche et fine peau. Puis, levant doucement l’étoffe légère, ils dévoilèrent un téton. Ils le prirent en pince si délicatement qu’Ilona en sentit la tête lui tourner. Shaïna pinça à peine plus fort et Ilona gémit. Dans sa tête, des milliards d’étincelles explosaient en même temps. Elle appuya sa main plus fort contre son sexe.


Ses hanches à présent oscillaient d’elles-mêmes d’avant en arrière. Entre ses cuisses ouvertes, ses doigts pressaient l’étoffe de ses sous-vêtements jusqu’aux limites du supportable. Elle écarta sur le côté un élastique de la cuisse pour sentir un peu d’air la lécher un instant. La bouche de Shaïna se posa sur la sienne.


Ilona avait chaud, un de ses seins pendait hors de son soutien-gorge, les lèvres d’une femme frôlaient sa bouche. Elle écarta les siennes. Shaïna la goûta de la pointe de sa langue. La main qui jusqu’alors avait tenu son sein dériva vers le ventre, et la langue attendue s’enfonça, douce comme une caresse. Leurs salives se mêlèrent. Ilona crut défaillir quand les doigts de Shaïna lissèrent les mèches blondes de son pubis. Un doigt aventureux effleura son bourgeon, puis glissa le long des lèvres, où il put s’humecter et devenir glissant. Lentement, Shaïna entreprit de rendre Ilona folle. Lorsque la svelte brunette taquinait les ourlets de ses nymphes, Ilona sentait que son ventre bouillant désirait dévorer ces longs doigts tentateurs, et lorsque Shaïna remontait pour masser son bourgeon, un signal éclatant lui foudroyait le corps des orteils à la nuque.


Ilona ne sut jamais exactement combien de temps elle resta ainsi en suspens, maintenue dans les airs par un interminable plaisir que Shaïna contrôlait de la langue et du doigt. Quand elle revint sur terre, elle tremblait et sa peau électrisée percevait chaque souffle, le moindre frôlement, amplifié au point de la faire encore crier. Elle eut vraiment du mal à reprendre ses esprits, même quand la voix de Wellington annonça dans un petit haut-parleur qu’elle était attendue dans un salon privé.




*




Ilona n’eut pas vraiment le temps de mettre de l’ordre dans sa tenue. Elle rajusta juste son soutien-gorge, et Shaïna la recoiffa avec les doigts. Quelques minutes plus tard, les deux femmes se tenaient devant la porte du salon.



Les deux femmes échangèrent un tendre baiser, puis Shaïna ouvrit la porte et donna une claque sur les fesses d’Ilona pour la faire avancer.



La porte se referma derrière Ilona.


Le salon était composé de deux parties distinctes, séparées au milieu par un grand pan de verre. Au milieu de la vitre, un trou grand comme la main permettait de s’entendre et d’éventuellement s’échanger les billets à venir. Jamais de se toucher, avait insisté Shaïna. La partie dans laquelle se trouvait Ilona était claire, sobrement décorée mais très bien éclairée. Un grand matelas drapé en couvrait environ les deux tiers. L’autre côté, d’un mètre en contrebas, était sombre comme peu de fours. On y distinguait à peine un fauteuil en velours et l’homme assis dedans. Il portait un long pardessus anthracite et un chapeau de feutre. Son visage était noyé dans l’ombre.


Ilona, en sous-vêtements, vint s’agenouiller au milieu du matelas et fit face au client. Le silence était pesant. Elle finit par le rompre :



Sans vraiment réfléchir, Ilona dégrafa son petit soutien-gorge, révélant sa poitrine à cet homme invisible. Elle eut envie de lui demander s’il était Icare, mais se retint sachant qu’elle obtiendrait un « non » embrassant pour unique réponse, que ce soit vrai ou pas.



Sans le quitter des yeux, Ilona passa ses mains en coupe sous ses deux globes pâles qu’elle palpa doucement, attentive autant que possible aux réactions de son spectateur. Comme il ne bronchait pas, elle lécha son index et vint le faire frotter contre son mamelon qu’elle pinça avec son autre main. L’homme glissa une main entre les pans de son manteau, vers le pantalon.



Elle le fit. Quand elle fut nue devant cet inconnu, elle s’allongea sur le dos et écarta ses jambes face à lui. Elle cala un coussin pour relever sa tête et pouvoir guetter les réactions de l’homme. Par-delà ses genoux et derrière la vitre, la silhouette sombre sembla s’animer. Quand Ilona laissa un de ses doigts glisser le long de sa fente, elle vit que l’homme en noir avait sorti son sexe et le prenait en main, l’astiquant lentement. Il se mit à parler, d’une voix pleine, comme un acteur.



En se levant à peine, il étendit son bras vers le trou dans la vitre et y laissa tomber deux billets gris bleuté. Le majeur d’Ilona la pénétra lentement, lui arrachant un râle de contentement. De son autre main, elle pressa le haut de son sexe et se massa doucement tandis qu’elle enfonçait son doigt au plus profond. Son bassin ondulait de lui-même vers l’avant. En relevant ses hanches, elle écarta ses fesses, révélant son anus à l’homme mystérieux. Quand son doigt rutilant ressortit de la fente, ce fut pour appuyer sur le petit œillet et l’enduire de liqueur. L’homme – elle l’apercevait – se masturbait furieusement en la regardant faire. Il tendit à nouveau la main vers la fenêtre et y glissa cette fois un gros billet orange.



Ilona obtempéra sans interrompre ses caresses.



Elle ne savait pourquoi elle avait répondu ça. Elle ne le pensait pas complètement. En fait, c’était simplement ce qu’elle avait eu envie de dire, comme ça, d’un coup. Dans l’excitation du moment, les mots s’étaient imposés, crus autant que charnels. Elle voulait exciter son client. Et elle réalisa avec satisfaction que c’était précisément ce qu’il voulait entendre.



Ilona dut alors tendre ses fesses en l’air et laisser son doigt la pénétrer lentement. Son autre main lui caressant toujours le sexe, elle se masturba fermement par derrière sous le regard de l’homme. Elle entendait sa respiration s’accentuer, devenir plus présente. Elle ne pouvait plus le regarder, mais elle devina qu’il s’était mis debout et se massait la verge en la regardant prendre du plaisir pour lui. Le grondement d’un orgasme naissant ébranla son bassin tenaillé par deux plaisirs antagonistes, aussi opposés que complémentaires. Elle se sentait au bord de quelque chose de grand, d’absolument nouveau et dévastateur. Les ondes de plaisir lui martelaient le ventre, le sexe et les reins. Elle se sentait visible et pourtant protégée, offerte autant qu’inaccessible, soumise alors qu’au fond elle menait cette danse. Son orgasme montait comme une grosse vague quand soudain, le claquement d’une porte la fit sursauter. Elle se retourna et l’homme était parti. Elle en aurait pleuré de frustration, et c’est le ventre en feu qu’elle quitta le salon en courant, sous-vêtements à la main, et se précipita vers la loge où elle avait laissé ses vêtements et son sac.




*




Dans le vestibule, il sembla à Ilona que Wellington mettait plus d’un quart d’heure pour lui rendre son manteau. Juste avant qu’elle ne sorte, Shaïna fit irruption, trois billets à la main.



Avant qu’Ilona n’eût le temps de protester, Shaïna l’embrassa sur la bouche, à la russe, et l’envoya dehors.



Mais quand Ilona se précipita dans la rue, elle percuta violemment une boule de barbe et de toile kaki, qui s’effondra d’un bloc dans le caniveau avec un bruit de verre brisé. Ilona, dans l’élan, manqua de trébucher et de la piétiner.



Ilona affolée fut à la fois surprise et rassurée de retrouver cette figure connue, mais sans perdre une seconde, elle lui demanda de but en blanc :



Le clochard sembla hésiter une seconde, comme s’il réfléchissait. Puis, comme Ilona ne captait pas le message, il lui expliqua que sa mémoire n’était plus aussi fiable qu’avant, et il tendit la main. Ilona exaspérée y glissa un billet de vingt euros qu’elle venait de gagner.



Sur la devanture grise, une enseigne écaillée aux lettres peintes en noir indiquait « Chez Rozenn ».


La main du vagabond était restée tendue. Il fixait Ilona de ses yeux larmoyants. Elle se demanda un instant si elle n’allait pas faire une bonne action et lui donner le reste de l’argent qu’elle venait de gagner. Mais elle faillit le gifler quand il lui demanda :



Préférant l’ignorer, elle traversa la rue et entra chez Rozenn.




*




C’était un de ces rades, un de ces bouges infâmes où les clients font peine à voir. Un Reubeu ivre mort s’affaissait lentement sur un coin de comptoir et trois vieux décrépits, sur une table au fond, refaisaient l’Indochine à grands coups de vinasse. Derrière son comptoir, la prénommée Rozenn faisait semblant d’essuyer un verre sale avec un torchon gris, pour se donner une contenance. Ses cheveux étaient jaunes de vouloir être blonds et sur son visage gras, les cernes et bajoues semblaient être tenues par une épaisse couche de couleurs outrancières, vraisemblablement projetée à la truelle. Sous son collier de fausses perles, le vaste décolleté de sa robe pervenche révélait la naissance de seins larges et flasques. Pas l’ombre d’un chapeau ni d’un pardessus noir.



Puis, se tournant vers Ilona, elle ajouta :



Son thé arriva quelques minutes plus tard, servi avec un sourire commercial de Rozenn et une vue plongeante sur son pittoresque décolleté. Pas que Rozenn ait voulu faire « du charme » à sa cliente, mais simplement parce qu’elle n’avait jamais servi autrement, depuis son premier emploi dans un claque à matelots sur la rade de Brest.


Ilona se demanda quelle allait être la prochaine épreuve. Est-ce que ça avait quelque chose à voir avec un occupant du bar ? L’Arabe titubant ? Les trois papis ? La patronne ? Et où était donc Icare ? Un doute affreux s’empara d’elle. Et si c’était fini ? Et si c’était tout ce qu’il voulait, la regarder se trémousser nue devant lui ? Il n’avait pas laissé d’enveloppe. Rien pour le suivre. Il avait eu ce qu’il voulait et il s’était enfui.


Elle ne savait pas où aller. Encore plus d’une heure avant le train. Dehors, la nuit, les bourrasques et la pluie battant la vitrine du petit café… Elle sirota son thé en prenant son temps. Quand elle eut fini, elle décida qu’elle avait définitivement perdu la trace d’Icare et qu’il était temps de rejoindre la gare. Elle régla ce qu’elle devait à Rozenn, pour pouvoir partir aussitôt après un rapide passage aux toilettes.


L’endroit était propre mais exigu. À côté d’un unique urinoir, on avait monté une cabine en placoplâtre pour isoler une cuvette, mais les clientes étaient si rares qu’on n’avait pas jugé nécessaire d’apposer un panneau « dames » sur la porte. C’est en s’asseyant qu’Ilona trouva l’enveloppe noire, scotchée derrière cette porte. Dedans, une lettre :




« Ilona,


Pourquoi crois-tu que tu me perds alors qu’en fait, tu m’as gagné ? J’ai tellement envie de mes mains sur ta peau, de mes lèvres sur les tiennes et mes doigts découvrant la douceur de ton ventre, les courbes de tes hanches. Glisser de tes épaules vers tes flancs, puis tes reins. Déposer sur ta nuque des baisers légers tout en laissant mes ongles parcourir tes seins. Mordiller, légèrement, près du cou puis, du bout de mes lèvres, monter vers ton oreille. Laisser mes doigts frôler l’intérieur de tes cuisses. Rien qu’à t’imaginer lisant cette lettre, je reprends ma vigueur. Sans doute es-tu assise. Peut-être ta culotte est-elle à tes pieds ou tes genoux. En écrivant et en t’imaginant comme ça, je me suis pris en main. Je n’ai pas pu m’en empêcher. Ma verge était si dure, tellement à l’étroit, que j’ai dû la sortir. J’ai pensé à tes mains qui paraissent si douces, à tes lèvres. Tes lèvres pour embrasser. Tes lèvres pour sentir mon désir. Tes lèvres… Les rêver entrouvertes. Voir le bout de ta langue tracer des cercles humides sur la pointe de mon gland, Ilona. Tes lèvres… les sentir glisser tout au long de mon sexe, les pénétrer au gré de tes mouvements. Je sais à quel point tu aimes quand ça glisse, quand une verge raide frémit sous les pressions souples ou fermes de ta langue, quand tu contrôles à la seconde près l’émission des masculines essences. Dans la bouche, c’est le meilleur, m’avais-tu écrit. Si j’étais près de toi, je te présenterais cette verge à sucer, cette tige si raide que je tiens dans ma main pour toi… »





La lettre était plus longue. Pratiquement une pleine page de ce même tonneau. Vu l’état d’llona, les mots eurent un effet dévastateur sur ce qui lui restait de pudeur. Une main tenait le billet, mais l’autre fouillait sous les poils fins et humides de son pubis. Soudain, quelque chose bougea dans son champ de vision. Elle avala brusquement sa salive et s’immobilisa, incapable de respirer.


Dans la paroi de droite, un trou s’était ouvert. Le couvercle en avait été si bien ajusté qu’Ilona avait à peine remarqué sa trace circulaire en entrant. Une marque sur la peinture, avait-elle supposé sans vraiment y penser. À présent, sortant de ce trou, le sexe d’un homme s’enfonçait lentement, interminablement, dans l’espace restreint de la petite cabine. Ilona se crut pétrifiée pendant plusieurs secondes. En fait, elle resta « pétrifiée » jusqu’à ce qu’elle se rende compte que seul son majeur était encore animé. Elle n’avait pas cessé de se caresser… L’excitation lui faisait faire n’importe quoi. Elle posa la lettre sur le sol et prit la verge dans sa main.


Elle était chaude, douce, raide et souple à la fois. Une hampe large, beige, marbrée de fines veines bleues, avec un gland rosé, propre et orné, au méat, d’un peu d’humidité luisante. Les doigts en collier d’Ilona en faisaient à peine le tour. Elle saisit la verge en bas de la hampe, près des testicules légèrement velus, puis laissa sa main remonter en desserrant doucement. Un grognement masculin se fit entendre à travers la paroi. Ilona commença à masturber lentement ce sexe, mais elle aurait aimé un peu de lubrifiant, si possible naturel. Sachant très bien comment tout cela allait se terminer, elle déposa un baiser sur le bout du gland. Il sentait bon. L’envie de goûter était trop forte. Léchant d’abord la hampe sur toute la longueur, elle la mouilla jusqu’à la base, et sa main put glisser agréablement. Elle continua alors à branler ce sexe, mais en le posant sur sa langue. Le gland frottait doucement. C’était chaud, c’était doux, c’était bon… Elle sentit croître une envie de sentir cette verge s’enfoncer, de la garder en elle, bien au chaud dans sa bouche, de la masser avec sa langue, de jouer avec en la faisant pénétrer chaque fois plus profondément.


Elle l’enfourna alors et activa ses lèvres et sa langue sur le gland, tout en branlant la hampe d’un mouvement vrillé. Tantôt suçant le bout comme pour l’aspirer, tantôt tendant sa langue vers les testicules en avalant la verge, elle sentait un plaisir croissant distendre ce sexe qu’elle contrôlait. La queue changea de goût une première fois, mais Ilona la retint en la serrant plus fort dans l’anneau formé de son pouce et son index. Elle entendit l’homme gémir. Elle s’appliqua d’autant plus. Oscillant la tête d’avant en arrière, elle massait de ses lèvres le bourrelet du gland, la verge glissant sur sa langue, sa bouche déjà pleine du goût naissant. Elle le suça longtemps sans le laisser jouir, s’enivrant des saveurs suintantes. L’homme grognait de plaisir. Le goût devint plus fort, musqué, plus enfiévrant. Quand Ilona décida du moment libérateur, elle se concentra sur le gland et ferma les yeux pour savourer les longues gorgées crémeuses qui lui remplirent la bouche.


Satisfaite et grisée, elle sentit à peine la verge mollir et sortir. L’instant d’après, le sexe de l’homme disparaissait dans le trou. Ilona n’eut que le temps de remonter sa culotte avant de s’élancer à sa poursuite. Quand elle sortit de la cabine, la porte des toilettes se refermait tout juste. Elle la poussa à la volée et se précipita vers la salle du bar. Mais ce n’était plus un bar.


Au lieu du petit troquet de Rozenn, Ilona se retrouva dans un immense hangar où des techniciens en bleu transportaient sur de petits chariots des façades de rues, des devantures, des meubles de tous styles, tentures roulées, moquettes et lattes de parquet. Devant elle, Rozenn se tenait debout avec ses clients, mais Shaïna était là aussi, ainsi que Wellington. Ilona aperçut également la blonde Sybil et son amie asiatique, dans le fond du hangar. Elles discutaient devant un buffet froid avec l’impassible gérant du sex-shop Triple X. Les quatre spectateurs du cinéma porno étaient là également. Ils riaient des blagues salaces du grand costaud en costard gris. Ilona sentit le concept de « réalité » lui échapper. La scène semblait pivoter lentement sur elle-même et l’on entendait s’amplifier dans le fond un sourd ronronnement. Au milieu de tous ces gens, le clochard chancelant refermait sa braguette, une tache embarrassante marquant son pantalon.



Folle de rage, elle chercha du regard un bâton, un parapluie ou un outil quelconque dans cet entrepôt pour frapper le pauvre homme. Rozenn s’interposa :



Le silence se fit. Le vagabond se redressa d’abord et enleva sa parka kaki qu’il posa sur une chaise. Ensuite, il ôta son vieux pull, qu’il portait par-dessus une chemise nettement plus présentable. En se frottant le front, il se débarrassa de ses faux sourcils broussailleux, puis enleva enfin sa barbe et sa perruque hirsute. Rozenn lui tendit son imper et son chapeau de feutre.



Mais Wellington les interrompit :



Les autres semblèrent acquiescer. Icare ajouta même que le ronronnement devenait insupportable et qu’il allait devoir partir. Enfin, c’est ce qu’Ilona crut qu’il disait, sans en être certaine, car sa voix se noyait dans le vacarme. Elle ferma les yeux quand les cloches électroniques annoncèrent un message. Une voix l’informa de l’arrivée en gare de Rennes. Rennes, trois minutes d’arrêt.


Quand elle rouvrit les yeux, le train ralentissait et quelques voyageurs du wagon se levaient déjà pour rassembler leurs bagages. Sur le siège à côté d’Ilona, son voisin, un gaillard en costume gris, s’excusa de la déranger pour atteindre le couloir. De l’autre côté de l’allée, une jeune Algérienne lisait un magazine en mâchant un chewing-gum et, à côté d’elle, un Asiatique imperturbable paraissait plongé dans de profondes méditations. Elle aperçut aussi un quinquagénaire excentrique portant gilet brodé et moustache coiffée. Il aidait une fausse blonde beaucoup trop maquillée à descendre sa valise, non sans oser de furtifs coups d’œil dans son décolleté béant.


Pendant que les voyageurs concernés descendaient en gare de Rennes, Ilona essaya de croiser le regard de sa jeune voisine au chewing-gum. Peine perdue, elle ne leva pas le nez de sa revue. Comble de la déception, elle se leva calmement quand tous les autres furent descendus, attrapa son petit sac qu’elle gardait sous son siège, et sortit du wagon pour disparaître dans Rennes sans un regard pour Ilona.


Quand le train redémarra lentement quelques secondes plus tard, Ilona repensa à son étrange rêve. Partout, dans le train, sur les quais, elle voyait des dizaines de gens bien réels. Mais elle les voyait comme au travers d’une vitre, sans pouvoir échanger avec eux plus qu’un regard ou, parfois, de l’argent. Pourtant, quelque part, l’esprit d’un homme la hantait, bien plus compréhensible que tous ces inconnus, mais intangible, irréel et impossible. Icare n’existait pas. Il n’était que l’idée qu’elle se faisait de lui.


En scrutant les quais, elle vit des familles se retrouver, des amants se séparer, des amis s’accompagner, et tout cela semblait beaucoup plus étranger que cet homme rêvé qu’elle avait dans la tête. Elle vit aussi un homme seul, sur le quai. Il regardait le train. Légèrement voûté, accompagné d’un chien, il portait une parka vert kaki et un pantalon taché. Ses cheveux et la masse noire de sa barbe lui mangeaient le visage. Leurs regards s’accrochèrent. En regardant Ilona s’éloigner, il lui fit signe de la main. Sur son front, un sourcil trop hirsute semblait se décoller…


Voilà pourquoi certaines femmes me rappellent parfois cette Ilona Bercovitz, qui vivait à Paris il y a quelques années et que j’ai bien connue. Pas seulement parce qu’elle était belle, blonde et très sensuelle. Plutôt parce qu’elle était coquine mais fidèle, mariée à un homme qu’elle aimait, dont elle avait deux enfants et que jamais elle n’aurait trompé. Elle ne pouvait viscéralement faire l’amour qu’avec un seul homme : son homme.



Ne souhaite pas publier son adresse


Copyright © 2009
Demandez l'accord des Auteurs avant toute diffusion


Erotisme torride

Tendre Amour

Bon Scénario

Belle Ecriture

Plein d'Humour

Votre appréciation
Pour apporter des commentaires ou des notations importantes à un texte,
cela se fait désormais en cliquant sur le lien ci-dessous.
Il faut par contre être inscrit.

Commenter et noter le texte

Revebebe - Histoires érotiques
Revebebe - Une histoire
Notation public
Une Histoire sur http://revebebe.free.fr/

n° 13204Olaf20/03/09
Un zob de sourcier
critères:  cérébral revede méthode nonéro délire humour
20724 caractères
Auteur : Olaf

La vie est un perpétuel recommencement. Cyclique pour les uns, cataclysmique pour les autres, mais nul n’échappe à des remises en question. Le plus difficile réside dans une prise de recul suffisante pour évaluer le problème dans son ensemble, avec un regard neuf. Il faut éviter les idées reçues, tout reprendre de zéro, se poser les bonnes questions. La bandaison représente l’exemple phare d’un tel processus. Sauf que face à une situation de faiblesse en la matière, il faudrait pouvoir abandonner toute implication personnelle.


Étant passé par une telle étape, je peux confirmer que c’est loin d’être une sinécure. Ma femme et moi ne cessions de retourner le problème dans tous les sens. Sans succès, jusqu’au jour où j’ai décidé d’inverser la question. Tout est alors devenu évident. L’erreur venait d’un fatal a priori, de l’hypothèse erronée qu’à l’état naturel le mâle humain est censé bander. Or c’est tout le contraire qui est vrai, l’homme passe quatre-vingt-dix-neuf pour cent de son existence en repos génital. Dès lors, le paramètre à prendre en compte n’est pas l’absence de bandaison, fût-elle inattendue, mais la bandaison elle-même. Il faut s’étonner de l’érection, pas du repos génital, assimilé injustement à de l’impuissance. C’est là que s’impose le changement de paradigme qui libère l’homme d’insupportables contraintes.


Depuis cette découverte fondamentale, j’ai trouvé d’infinies possibilités d’étudier le sujet. J’ai aussi pris conscience d’une autre erreur d’interprétation, qui consiste à aborder la bandaison et ses aléas par leurs aspects anatomiques. Mises à part quelques variations de pression artérielle et de volume sanguin, toute la problématique de l’érection est psychique. Psychique et situationnelle. Plus simplement dit, l’homme ne bande pas parce qu’il désire la femme, mais il désire la femme parce qu’il bande. Gérard Depardieu en fait la démonstration flagrante dans une scène d’anthologie du film « Germinal », alors que Virginie Hocq le met en scène dans son sketch « La liste de commissions ». Bander parce qu’on désire ou désirer parce qu’on bande, la différence est de taille, surtout pour Miou-miou subissant l’assaut de Maheu-Depardieu sur la table de la cuisine.


Il ne faut pas hésiter à condamner la première hypothèse, qui n’est rien moins qu’un mensonge savamment entretenu par les hommes pour faire croire aux femmes qu’elles jouent un rôle primordial dans l’intensité de leur érection. C’est mesquin et provocateur. Car en admettant que cela fût vrai, il faudrait reconnaître à la femme, et à elle seule, la réussite de la réaction virile. À l’inverse, elle devrait porter sur ses épaules le fardeau d’un repos trop prolongé. Le nœud du problème est en réalité que dès qu’il sent son membre durcir, le mâle humain part à la recherche d’une femelle disponible pour la saillir. Le reste n’est que littérature.


À ce stade de compréhension de la physiologie masculine, la meilleure manière d’appréhender le repos sexuel consiste à s’intéresser à ce qui fait naturellement bander l’homme, et non ce qui l’inhibe. Pour faire court, disons qu’il faut se trouver dans des dispositions particulières pour passer du repos à la transcendance érectile. Des conditions qui ne sont ni uniformes, ni standardisées, mais au contraire très individuelles. Chaque mâle dispose en effet de bonnes et de mauvaises raisons de bander, profondément enfouies quelque part entre son subconscient et son inconscient. Des raisons que sa raison ne connaît pas.


Je me souviens de ma première expérience comme si c’était hier. J’étais invité chez un couple de très bons amis. Lui, la quarantaine flamboyante, plein d’humour, bon vivant. Elle, un rien plus jeune, impeccablement mise, superbe quoi qu’un peu coincée, au mieux de sa réussite professionnelle. En apparence un couple heureux et enviable. Or sans raison évidente, alors que nous prenions l’apéritif, je vois soudain Maude se transformer sous mes yeux de manière totalement surréaliste. Pour être plus précis, de la femme classiquement habillée, assise bien droite sur le sofa du salon, je vois soudain s’extraire un clone de même taille, à peine recouvert d’un voile vaporeux, qui se dirige vers les escaliers et monte au premier étage avec un naturel désarmant, sans rien cacher de son entrejambe totalement dénudé, ni de ses seins frémissants. J’ai brièvement cru à un malaise ou à une hallucination. Il n’en était rien, la vraie Maude n’avait pas bougé et continuait d’écouter son mari, qui ne semblait pas avoir la même vision de sa femme que moi. Immédiatement, je me mis à bander comme un dingue, ce dont Maude s’aperçut, pour ma plus grande gêne.



Elle revint à la charge le lendemain, en me demandant de lui avouer ce qui s’était passé. J’ai biaisé, en la priant de commencer par me dire comment cela se passait avec Antoine.



Je compris alors rétrospectivement avoir été traversé par les pensées intimes d’Antoine. Entré en résonance avec lui par je ne sais quel mécanisme, j’avais été brièvement en prise directe sur ce dont il a besoin pour bander, et donc désirer Maude, ce qui m’avait immédiatement mis en transe. J’avais été comme une antenne, ou comme un sourcier dont le sexe ferait office de baguette détectant les conditions nécessaires de bandaison chez mon ami.



C’est cette phrase qui a tout déclenché, et qui a changé ma vie. Si j’arrivais réellement à ressentir les raisons de bander d’un mec qui ne les connaît pas lui-même, pourquoi ne pas en faire profiter sa femme ?



Elle eut un étrange sourire, puis me quitta après une bise un zeste plus appuyée que d’habitude. Je les revis peu après, tendrement enlacés. Le clin d’œil qu’elle me fit me laissa supposer que mon conseil avait été le bon. Elle m’avoua beaucoup plus tard qu’au premier essai, il l’avait immédiatement rejointe, la queue en folie, sans lui laisser le temps d’arriver au premier étage. Elle avait longtemps porté sur ses genoux et ses mains les stigmates de cette acrobatie, mais l’orgasme partagé le valait bien.



Quelques semaines plus tard, je fus contacté par une amie de Maude, qui se trouvait dans une situation similaire. Sans trop y croire, je me rendis chez elle. Elle devait avoir été mise au courant par Maude, mais, peu habituée à des discussions si intimes avec un inconnu, elle n’arrivait pas à entrer dans le vif du sujet. De mon côté, je commençais déjà à craindre de me retrouver avec une réputation surfaite sur le dos.

Quand soudain, imprégné par les ondes érotiques ambiantes et les désirs cachés du mari pourtant absent, je vis à nouveau un clone se détacher du corps de la femme. Il ou elle alla s’allonger sur le tapis du séjour et se mit à encourager un homme que je ne voyais pas à se lâcher entre ses seins, ce qui ne manqua pas de me faire majestueusement bander. Au moment où je ne m’y attendais plus, j’avais mis le doigt sur une des bonnes causes d’érection du gars.


J’eus quelque peine à faire passer le message à la copine de Maude, peu encline à se transformer en adepte de la douche séminale. Mais le fait d’être contacté peu après par une autre amie, puis une autre encore, me laissa supposer que mes visions correspondaient à une réalité. On parlait de moi dans les chaumières. Après quelques expériences apparemment probantes, il était temps de faire un choix. Je décidai de me mettre à mon compte, en profitant du bouche à oreille pour étoffer mon carnet d’adresses.


Mes clientes sont le plus souvent des femmes qui se croient responsables du manque d’entrain de leur homme. C’est attendrissant, et louable, mais ne correspond pas à sa nature profonde. Voilà pourquoi ma capacité de visualiser les bonnes et les mauvaises raisons de bander offre un soulagement durable. Sur ce plan, il est vrai que mon job ressemble à celui du sourcier qui détecte les écoulements souterrains au moyen de sa baguette de coudrier. Je n’en veux d’ailleurs plus trop à mes amis lorsqu’ils se moquent de moi, en prétendant qu’avec mon nouveau zob, je ne crains pas la crise. Même si c’est plutôt le feng shui qui me vient à l’esprit lorsque je cherche un équivalent à mon activité. Le feng shui étant à l’architecture d’intérieur ce que ma détection des causes cachées d’érection est à l’harmonie intime du couple.


Vu de loin, ce travail peut sembler élémentaire et à la portée de chacun. Il n’en est rien. Le succès de mon interprétation dépend de la finesse de mon diagnostic et donc de la sensibilité avec laquelle je repère la plupart des raisons de bander, dans l’environnement particulier de chaque homme. Ce qui n’a rien à voir avec la recherche de fantasmes capables de l’exciter. Ma démarche est exactement inverse, en cela qu’elle part du moi secret du patient. J’agis en profondeur en traitant la cause, pas les symptômes. Voilà pourquoi je ne propose à mes clientes aucun mode d’emploi pour reconquérir leur homme. Je leur donne uniquement la clef de l’intime de leur partenaire. À elles de savoir si elles sont prêtes à faire le pas, à accompagner le réveil génital plutôt qu’à le provoquer.


Concrètement, mes activités se passent au domicile du couple, sur ses lieux de vie et de petite mort. Après une phase de mise en condition, je procède à un léger échauffement érectile, au moyen d’un travail de concentration et de méditation en solitaire. Sans dévoiler de secret professionnel, je m’applique à visualiser le couple sur la base de ce que j’ai appris au cours de la discussion préliminaire. À partir de cette image virtuelle, tout l’art consiste à régresser progressivement de la copulation, dont quelques détails viennent de m’être révélés, jusqu’à la bandaison, condition indispensable à l’apparition du désir chez l’homme.


Je dois pour cela me mettre à la place de l’homme, dans son environnement, soumis aux mêmes vibrations érogènes, aux mêmes stimulations auditives, sensorielles ou psychologiques. Dès cet instant, je ressens les mêmes émotions que le patient pour lequel je suis consulté. Étant homme moi-même, rien de ce qui touche les érections ne m’est inconnu. Je n’ai dès lors plus qu’à me mettre à l’écoute de ma propre virilité. C’est par l’analyse des plus fines variations d’intensité érectile que je peux mettre en évidence les secrets désirs qui sont à l’origine des plus fulgurantes bandaisons. L’objectif n’étant logiquement pas de rechercher les pannes, mais les stimulations naturelles et individuelles, souvent cachées à la compagne aimée par crainte de la choquer. Quelle erreur d’interprétation du désir féminin que de croire sa partenaire incapable de nourrir son imaginaire érotique des pulsions les plus fondamentales de son homme !


Depuis que je pratique, j’ai détecté un grand nombre de raisons individuelles de bander. J’ai aussi catalogué plusieurs causes communes à certaines catégories d’âge. Cette simple grille de lecture permet à mes clientes, après une courte introduction aux techniques de base, de susciter dès le premier soir une agréable réponse chez leur homme. Même pendant la nécessaire période de réapprentissage des acquis, la plupart d’entre elles me font part de fort agréables saillies. Elles disposent ainsi sans délai d’un moyen appréciable de faire baisser la pression au sein du couple, tout en la faisant monter durablement chez leur homme. Cela constitue une excellente motivation à poursuivre le processus, pour autant qu’on ne soit pas en présence d’un syndrome de surdité sélective du couple après la quarantaine, qui rend de nombreuses mesures inefficaces sur le long terme.


Je dois néanmoins reconnaître que plus le patient est jeune, plus la tâche est difficile. Inversement, même si ce fait a peu d’utilité pratique, il n’est pas inintéressant de savoir que la grande majorité des hommes de plus de 80 ans bandent instinctivement lorsqu’ils sont confrontés aux sons de la mitraille ou d’une musique martiale. Leur expérience militaire, réveillée par la simple audition de la bande-son d’un film de guerre, leur permet systématiquement de jouir de belles et durables érections. Au point de se demander si le réalisateur du Jour le plus long n’a pas tourné ce film à des fins personnelles.


Pour la génération des 65 à 80 ans, c’est l’émotion induite par la bonne ou la putain, auxquelles ils ont souvent été confrontés dans leur jeunesse, qui provoque les meilleurs effets. Je renonce généralement à proposer la variante putain à mes clientes, pour d’évidentes raisons déontologiques. La variante bonne est en revanche facile à mettre en scène. Un simple contre-jour suffit. Ce n’est un secret pour personne qu’à la demande du père, les bonnes entraient au petit matin dans les chambres des adolescents pour les déniaiser. L’apparition d’une silhouette féminine dénudée dans le chambranle de la porte reste donc profondément gravée dans l’inconscient collectif de toute une génération. Les femmes sous-estiment trop souvent la puissance érectile de cette image au moment du réveil.


Les puristes ne manqueront pas de se gausser d’une possible confusion avec une érection onirique, courante chez la plupart des mâles pubères à cette heure de la journée, appelée trique matinale. Et quand bien même ! L’important, comme nous l’avons vu, n’est-il pas de profiter de la bandaison, indépendamment de son origine, pour susciter le désir ? C’est en s’attardant à ces détails sans importance qu’on a frustré des générations de femmes pourtant très motivées.


Contrairement à ce qu’une approche superficielle pourrait laisser supposer, la solution pragmatique aux problèmes érectiles de la génération des 50 à 65 ans est complexe. Adolescents, ces hommes ont en effet épuisé leur imaginaire érotique au cours de longues séances masturbatoires au-dessus d’images de pin-up volées dans la bibliothèque paternelle. On ne dira jamais assez le tort qu’ont fait les Playboy et autres Lui à une génération entière, et par contrecoup à leurs compagnes. J’ai moi-même failli ne jamais naître à cause d’Hedy Lamarr dans Extase, à moins que ce n’ait été Ulla Jackobson dans Elle n’a dansé qu’un seul été. Mon père a gardé le silence sur ce point jusqu’à sa mort, date à laquelle j’ai retrouvé des photos des deux actrices dans ses affaires personnelles.


Le problème de cette génération sacrifiée peut parfois se résoudre par le biais de représentations de type Dita Von Teese. Mais il faut rester conscient qu’il ne s’agit là que d’un subterfuge passager. J’ai cependant réussi là où d’autres avaient échoué, en utilisant des odeurs évocatrices, telle celle de la marie-jeanne, symbole féminin de plaisir ancré dans le subconscient masculin. Certaines musiques contestataires, telles celles de Janis Joplin ou de Jimmy Hendrix peuvent aussi induire de très encourageantes turgescences, alors que les essais faits avec des refrains d’Amy Winehouse n’ont jamais été concluants.


Même si les cas sont moins nombreux dans cette catégorie d’âge, la génération des 40 à 50 ans répond habituellement bien à une stimulation basée sur les jeux vidéo. Il faut toutefois être particulièrement attentif au choix du jeu. La ritournelle des Super Mario Bros et autres tentations primitives peut émouvoir plus intensément le père que le fils. Ce qui ne manque pas de poser quelques problèmes au cours des dîners de famille, si on garde en tête que l’érection précède le désir, et que le désir ne se commande pas, mais qu’il a pour but la saillie. Pour les cas les plus réfractaires, j’ai constaté quelques surprenantes rémissions à mettre au crédit de chansons de Chantal Goya. Sans disposer d’un nombre suffisant de cas pour l’affirmer de manière péremptoire, il n’est pas impossible qu’une tendance homophile sous-jacente ait joué un rôle dans le déclenchement de l’érection chez ces individus.


Pour la génération des 30 à 40 ans, contemporaine du développement et des dérives de la toile, l’état de surstimulation érotique à laquelle sont soumis les mâles de cet âge constitue une difficulté non négligeable. Confrontés en permanence à des images de plus en plus détaillées, ils ne jouissent plus de la faculté de suivre leurs pulsions élémentaires. De fait, ils ne sont plus à même de trouver leur vrai moi érigé, seule voie de passage vers la redécouverte de la bandaison spontanée, et donc du désir. Je manque malheureusement d’expérience dans cette catégorie d’âge pour proposer des remèdes pertinents.


On me demande souvent des trucs pour résoudre une situation de crise sans aide extérieure. Hormis ces quelques caractéristiques érectiles communes à certaines générations d’hommes, j’insiste sur la notion d’individualité des causes de bandaison. Il n’en reste pas moins que quelques grands classiques se retrouvent fréquemment. Avec le recul dont je dispose, j’oserais avancer que trois lignes de force se distinguent.


Il s’agit tout d’abord de tout ce qui touche à la notion de surprise, dont l’homme est friand. Ce qui est sans doute lié à la condition de chasseur de l’homme primitif qui sommeille en chacun de nous. À cause de la relative simplicité de son imaginaire, et de sa nature bricoleuse, l’homme a en outre un besoin inné de « voir comment c’est fait ». D’où la puissante stimulation érectile d’attributs sexuels secondaires soudainement dévoilés, notamment de tétons durcis sous un T-shirt mouillé, d’une aréole révélée par une transparence imprévue du vêtement ou de tout autre dysfonctionnement vestimentaire, tel celui qui fit jaillir un sein nu de la robe de Sophie Marceau à Cannes.


En règle générale, je constate d’ailleurs que les bandaisons les plus irrésistibles plongent leurs racines dans des comportements de séduction équivalents à la parade nuptiale des animaux. Dès qu’il a été confronté à ce genre de situation, l’homme ne peut plus s’en priver, et ces danses précopulatoires représentent pour une majorité d’entre eux une condition sine qua non à l’érection. J’en arrive donc à considérer que pour bien bander couché, il faut être séduit debout.


Le mâle humain demeurant longtemps à un stade comportemental infantile, on trouve ensuite des images qui relèvent de tout ce qui a trait à l’allaitement et à la petite enfance. La vision des seins « par en dessous », et par extension la découverte de toute partie du corps féminin de bas en haut, constitue un exemple flagrant de ces réminiscences. C’est ce syndrome de l’escalier qui a si bien profité à Maude et son mari. Je ne pourrais cependant dire si la tendance naturelle qu’ont les hommes à vouloir retirer, voire arracher les sous-vêtements féminins malgré une évidente maladresse manuelle, relève du même principe infantile ou d’un désir profond de « déballer un cadeau » dont ils auraient été frustrés dans leur enfance.


Reste une troisième constante dans la stimulation érectile que notre monde moderne a trop souvent tendance à occulter. Même s’il s’y refuse, voire s’il le cache avec véhémence, le mâle humain est fondamentalement animal, et toute manifestation de cette animalité constitue pour lui un puissant stimulus. Il y a donc un paradoxe certain à un refus de toute forme de pilosité féminine et l’indéniable nécessité naturelle de confrontation aux poils, à la toison et aux odeurs corporelles pour initier une ample bandaison, et donc le désir.


Les risques inhérents à cette dualité des temps modernes sont difficiles à cerner. Il appartient toutefois aux femmes de trouver le juste milieu. Je ne doute pas qu’elles soient pour la plupart capables d’un tel exercice d’équilibriste, dès lors qu’il s’agit de soutenir leur mari là où il est le plus fragile. Ce qui n’empêchera en rien une profession comme la mienne de profiter d’un bel avenir avec celles qui ne se sentent ni la force, ni l’envie d’y arriver par leurs propres moyens.





Ne souhaite pas publier son adresse


Copyright © 2009
Demandez l'accord des Auteurs avant toute diffusion


Erotisme torride

Tendre Amour

Bon Scénario

Belle Ecriture

Plein d'Humour

Votre appréciation
Pour apporter des commentaires ou des notations importantes à un texte,
cela se fait désormais en cliquant sur le lien ci-dessous.
Il faut par contre être inscrit.

Commenter et noter le texte

Revebebe - Histoires érotiques
Revebebe - Une histoire
Notation public
Une Histoire sur http://revebebe.free.fr/

n° 13211Michel 324/03/09
Le dernier bastion de la bonne éducation
critères:  fh jeunes couleurs inconnu grossexe parking exhib hmast fellation préservati fdanus fsodo init humour -initfh -internet
16574 caractères
Auteur : Michel 3

Liliane est laborantine dans une pharmacie lilloise. C’est une fille sérieuse à son boulot, toute rose dans sa blouse blanche, gentille et serviable. Très BCBG. D’ailleurs, ses parents sont tous deux médecins. À vingt-trois ans, elle habite toujours dans leur grande maison de Lambersart. Elle mène une existence bourgeoise, confortable et banale. Une vie de petite fille riche. Par ces temps de crise, c’est une chance. Mais d’un autre côté, elle s’ennuie souvent.


Heureusement, il y a les sites de conversation sur la toile. Pour elle, c’est une fenêtre ouverte sur la diversité. Quand elle est seule à la maison, elle se connecte à des sites de rencontres. Sans grande originalité, son pseudonyme est Lili23. Le « 23 » désigne son âge. Des hommes viennent la draguer. Il y en a d’aimables et d’autres qui sont drôlement cochons. Elle-même se fait tantôt confidente, tantôt provocante. Elle surfe au gré de sa curiosité. Bien sûr, c’est un jeu. Un jeu de rôles. Un passe-temps d’intellectuelle. Liliane n’envisage aucunement de rencontrer les autres pseudonymes. Qui sont-ils ? Le prince charmant décrit dans le profil ? Ou bien de vieux messieurs libidineux ? Quelle horreur ! Liliane est prudente. Elle se limite au virtuel.


Le virtuel n’a d’autres bornes que celles de l’imagination. Et Lili23 ne se prive pas de délirer. Timide dans les premiers jours, elle ne recule plus devant l’audace. Un de ses jeux favoris est de faire croire qu’elle organise des concours de gros sexes… Elle pianote avec espièglerie : « Concours de bites ». C’est son côté carabin. Elle raconte qu’elle se donnera au gagnant. Elle reçoit toujours un déluge de réponses de la part de joyeux drilles. Ça l’amuse. La plupart se lancent dans une description extraordinaire de leurs attributs. Certains lui envoient même des photos ! Il y en a qui demandent le lieu et la date du concours. Elle donne des indications fantaisistes. Par exemple : « Derrière la palissade du parking désaffecté, sur le côté de la gare routière, ce samedi à 20 heures ». C’est de la rigolade.


Un seul correspondant a l’air de prendre le concours de bites au sérieux. Son pseudonyme est Afro18. Il a soi-disant dix-huit ans. Liliane ne compte plus les fautes d’orthographe dans ses courriels. Comme si l’exaltation lui mélangeait les doigts sur le clavier ! Malgré les propos frustes du jeune homme, une certaine alchimie s’opère entre eux. Liliane n’a pas le cœur de l’envoyer paître. Elle diffère le concours de jour en jour, sous des prétextes futiles. Lui, semble garder l’espoir que le fameux concours aura bien lieu. Comme il se fait pressant, elle finit par lui dire comme à d’autres : « Derrière la palissade du parking désaffecté, sur le côté de la gare routière, ce samedi à 20 heures ». Et puis elle n’y pense plus.


Le samedi, Liliane laisse la pharmacie à 20 heures. À la sortie de son travail, elle part prendre un autocar à la gare routière pour se rendre chez elle à Lambersart. Tandis qu’elle longe la palissade du parking désaffecté, elle se souvient du rendez-vous qu’elle a fixé à Afro18. Par curiosité, elle cherche une fente dans la palissade. Elle en trouve une et risque un œil de l’autre côté. Elle aperçoit un jeune Africain qui peut avoir dix-huit ans. Il est mignon, musclé. Liliane ne sait pas si c’est effectivement Afro18 ou bien si c’est un type qui traîne par-là. De toute manière, elle passe son chemin. L’autocar qu’elle doit prendre quitte la gare quelques minutes plus tard.


Sur la toile, Afro18 est déçu. Il s’est bien rendu au rendez-vous. Le pauvre a tout de suite compris que Lili23 se moquait de lui, puisque aucun autre homme ne s’y trouvait. On ne peut pas concourir tout seul ! Liliane ne sait que répondre. Alors pour faire diversion, elle change de sujet.


Elle lui demande si le « 18 » dans son pseudonyme correspond à son âge. Il la détrompe : c’est pour « dix-huit centimètres ». Liliane sourit. C’est une taille honorable par rapport à la moyenne mondiale qui est de quinze centimètres. Mais dans un concours de sexes, elle en imagine de plus avantageux ! Afro18 la séduit par sa naïveté. Derrière la palissade, ce garçon ne lui a pas paru méchant. Et puis, elle est son aînée de cinq ans, ce qui lui confère un léger ascendant. Elle se demande si elle ne pourrait pas le rencontrer, finalement. Histoire de lui serrer la main, de s’excuser et de se quitter bons amis. Brave fille, elle décide donc de lui fixer un nouveau rendez-vous, mais dans un café cette fois.


C’est le lendemain, à la buvette de la gare. Afro18 est pile poil à l’heure. Liliane doit insister pour qu’il prenne une consommation. Il ne parle pas un bon français. Liliane comprend qu’il n’est pas dans le pays depuis longtemps. La situation de ses papiers n’est pas nette, paraît-il. Manifestement, il est mal à l’aise. Il prétend qu’il cherche du travail sur Internet, avec l’aide de camarades. En fait, il semble surtout fréquenter des sites que visitent des amatrices de jeunes blacks. Est-ce que Lili23 aime les noirs ? Liliane répond qu’elle aime la terre entière. Mais la conversation est laborieuse. Afro18 est nerveux et semble pressé de quitter le café. C’est dommage. Liliane aimerait en savoir davantage sur lui et sur ses difficultés. Tant pis ! Ils finissent par s’en aller. Une fois sortis, Afro18 est fébrile. Une étrange lueur brille dans ses yeux. Il semble attendre quelque chose. Liliane lui propose son numéro de portable, au cas où il serait dans le besoin.


Mais Afro18 fait comprendre qu’il voudrait qu’elle le suive. Où ? Pourquoi ? Elle ne saisit pas. Elle le suit toutefois, par bienveillance. La sollicitude envers les plus défavorisés n’est-elle pas naturelle ? Alors qu’ils parviennent à la palissade du parking désaffecté, Afro18 lui désigne un passage. Liliane proteste qu’elle n’a rien à faire derrière cette palissade, surtout que la nuit tombe ! Mais Afro18 prend un air de chien battu. Quelles sont ses intentions ? Il bégaye piteusement. Le pauvre fait presque pitié ! C’est déraisonnable, mais Liliane peine à croire qu’un garçon si bien fait de sa personne peut lui vouloir du mal. Et puis, Lili23 a quelque chose à se faire pardonner. Alors, tout en se demandant si elle ne commet pas la plus grande bêtise de sa vie, Liliane se décide à franchir la palissade qui sépare les lumières de la ville de la pénombre grise du parking. Ce sera sa B.A. pour aujourd’hui.


Comme dans un mauvais film d’épouvante, la frêle Liliane déambule dans l’ombre d’Afro18. Ils descendent tous deux dans la partie souterraine du parking, ce qui l’inquiète beaucoup. Le coin est vraiment sinistre. Soudain, elle s’aperçoit que deux autres noirs les attendent, à la lueur d’une lampe à gaz. Patatras ! Liliane se convainc qu’elle est tombée dans un piège, comme une innocente. Paniquée, elle veut crier mais elle reste muette. Elle a conscience d’avoir la bouche ouverte mais aucun son ne s’en échappe. Cependant, Afro18 semble navré de cette frayeur. Et les deux autres garçons paraissent encore plus déconcertés que lui. Aucun n’a de geste hostile. Aucun ne fait mine de la toucher. Au contraire, ils se tiennent à bonne distance. En dépit des apparences, ou des idées préconçues, il ne s’agit peut-être pas d’un guet-apens. Alors quoi ?


Toujours sur ses gardes, Liliane a l’intuition de ce qui se passe. Son estomac se noue subitement. C’est simple : Afro18 lui organise le concours de bites ! Avant qu’elle puisse en douter, les trois garçons cyniquement alignés baissent leurs pantalons. Ils s’exposent mi-nus devant elle ! Carrément ! Avec une impudeur consternante… Liliane ne sait où se mettre ! Par une logique implacable, la voilà confrontée à la réalisation de son fantasme. Mais le rêve exaucé n’a rien d’érotique… On dirait de sordides vendeurs à sauvette. Qui déballent complaisamment leur marchandise, sans scrupule. En l’occurrence, de longs boudins noirs vaguement visqueux. Ce sont leurs bites vivantes, obscènes. Tant ils sont certains que l’étalage de leur écœurante nudité exercera sa séduction perverse sur Lili23. Ne se décrit-elle pas comme une nymphomane en chaleur, qui organise des concours de bites, pour se faire prendre par les plus grosses ?


Bizarrement, aucun des trois sexes ne se dresse. Pendus aux bas-ventres, ils balancent entre les cuisses. Ils ne sont pas si gros mais surtout très longs. Liliane se dit que 18 centimètres, c’est la dimension au repos. Les types ne se comparent pas les uns les autres. Leurs regards convergent vers Liliane. Ils scrutent chez elle les signes de lubricité espérés. Ils lui sourient pour témoigner de leur complicité salace. Ils ne doutent pas que Lili23 est comblée par leur triste initiative. Quelle certitude dans la bassesse de ses instincts ! Telle est prise qui croyait prendre ! Liliane s’interroge sur la façon de se sortir de cette farce. Elle n’est pas sûre de pouvoir rebrousser chemin. Et puis, les trois garçons commencent à s’exciter. En tout cas, ils se mettent à se masturber…


Ils se masturbent et leurs sexes se redressent, pour le coup. Ils deviennent disproportionnés. Liliane se souvient d’avoir lu un ouvrage intitulé : « La légende du sexe surdimensionné des noirs ». L’auteur fait remonter ce préjugé à l’époque coloniale et en dénonce les fondements racistes. Mais les sexes que Liliane observe ne sont pas une illusion d’optique. Les gamins sont montés comme des éléphanteaux ! Elle veut expliquer qu’il y a méprise. Mais Afro18 hausse le ton. Il commande à Lili23 d’approcher, dans un désordre impressionnant de mouvements. Il est véhément. Liliane préfère obéir, de crainte de l’exciter davantage. Il lui montre un mètre ruban posé sur un vieux pneu. C’est le moment de mesurer ! Les types sont toujours dans leur délire de concours… Qu’à cela ne tienne, Liliane les mesure sagement l’un après l’autre. Le suspense est insoutenable. Les nominés s’angoissent… Et le gagnant est… Afro18 ! Avec 26 centimètres !


Ses deux concurrents félicitent le vainqueur, avec des clins d’yeux graveleux en direction de Liliane. Ils se remballent à regret puis disparaissent dans la nuit. Liliane est soulagée de ne plus se trouver qu’en présence d’Afro18. Avec une bande de garçons, des dérapages sont toujours à craindre. Il suffit d’un geste de trop et tout bascule. C’est qu’elle n’oublie pas qu’elle s’est promise au lauréat. Quelle folie ! Le garçon est capable de s’imaginer qu’elle est consentante pour faire l’amour avec lui. Comme si les filles bien élevées donnaient leurs jolis derrières à des inconnus dans les parkings désaffectés, la nuit venue ! Hélas, Afro18 se déculotte complètement ! Il espère toucher sa récompense !


Pour commencer, Afro18 veut que Lili23 le masturbe ! Ses mimiques sont sans équivoque à ce sujet. Que faire ? Maligne, la jeune laborantine se dit que c’est un moindre mal. Elle n’a qu’à le faire éjaculer. Vidangé, il se calmera ! Elle sera tranquille… Considérée sous cet aspect physiologique, l’opération en devient presque thérapeutique. Liliane prend donc le sexe entre ses doigts et se met à branler. Au demeurant, c’est une gâterie qu’il lui a déjà fallu consentir à Hubert et Charles-André. Avec un peu de technique, ça ne dure pas longtemps. Deux minutes ? Trois minutes ? Par malheur, Afro18 se révèle bien plus endurant. Ce n’est pas que Liliane ne soit pas vaillante mais branler un engin si long et si gros n’est pas si facile. Elle essaie des deux mains. Rien n’y fait ! Le calibre la désespère. Bientôt, ses bras la font souffrir.


Afro18 s’en désole. Pour éviter la crampe, il réclame une fellation. Cette fois, c’en est trop. Liliane proteste que ça va comme ça et qu’elle veut partir. Le jeune homme fait des gestes rassurants. Mais il n’a rien compris. Il croit que c’est une simple question d’hygiène. Qu’à cela ne tienne ! Dans le parking, il y a un tuyau d’eau. Il s’en empare, ouvre le robinet et se rince abondamment. Sa bite est impeccable. Rien à redire sur la propreté ! Pas une odeur, plus une saleté ! Pour en finir une bonne fois pour toutes, Liliane s’accroupit aux pieds d’Afro18 et le lèche tout au long de la queue. Puis elle lui suçote le gland, du mieux qu’elle sait faire. Avec Hubert et Charles-André, l’éjaculation est rapide. Quand elle sent venir le sperme, elle se dégage tout en recrachant ce qu’elle a pu avaler. C’est le prix que la condition féminine doit payer au désir égoïste des hommes. Voilà tout ! Malencontreusement, avec Afro18, le temps passe sans qu’il se lasse. Toujours accroupie, Liliane s’épuise. Elle finit par perdre l’équilibre. Elle se relève péniblement et chancelle…


Afro18 l’agrippe par la taille. Elle lui doit de ne pas tomber, au risque de se blesser. Le jeune homme en profite pour l’embrasser. Ou plutôt, pour lui filer un patin de première bourre. Ses lèvres sont salement charnelles. Sans hésiter, il enfonce la langue. Liliane est surprise. Le garçon embrasse bien. Certes, c’est un foutu grossier personnage. Mais il est beau, musclé et il embrasse bien. Et puis, en fin de compte, il ne commet aucune brutalité. Elle n’est pas violée. Depuis le début, elle se laisse faire. À quel moment s’est-elle débattue ? En plein examen de conscience, Liliane doit se l’avouer : elle ne veut pas mourir sans. Sans savoir l’effet que ça fait. Personne n’en saura rien ! Mais d’un autre côté, n’est-ce pas infâme ?


Liliane est perdue dans ses contradictions quand tout à coup, elle sent un doigt s’enfoncer. Un doigt s’enfonce en elle. Un doigt dans le derrière. Ça, elle ne s’y attendait pas ! Le jeune homme la rassure :



Liliane décide de ne pas résister. Ce doigt dans le cul, c’est une surprise qui lui plaît ! Elle s’étonne elle-même. Sous ses airs de fille de bonne famille, n’est-elle pas la plus salope de la pharmacie ? Est-ce Caroline, ou Sylvie qu’on dit à demi vierges, qui feraient un concours de bites ? Pour finir doigtée la nuit par un inconnu ? Dans les souterrains d’un parking désaffecté ? Avec pour seuls mots intelligibles « Vaseline… Vaseline… » !


Le doigt s’enfouit dans les profondeurs. Il touche la zone obscure de l’inconscient. Liliane se révèle telle qu’en elle-même. Progressivement, une vérité la pénètre : elle en a envie, elle en est persuadée maintenant. Elle veut connaître le goût qui est le plus fort. Sans doute est-ce l’occasion ou jamais… Elle se dégage de l’étreinte d’Afro18 et se place effrontément en position. Penchée en avant, jupe relevée sur les fesses. Sans doute est-ce répugnant, mais tant pis ! Le désir est irrépressible, inéluctable. Ses père et mère seraient là que ça n’empêcherait plus rien ! Elle entend Afro18 qui enfile un préservatif. La première sodomie, ça compte dans la vie d’une fille et c’est imminent. Elle serre les dents. Inénarrable : Afro18 l’encule ! Ça y est ! Mon dieu, quelle secousse dans l’anus !


Liliane n’a même pas retiré sa culotte. Elle fait ça tout habillée, comme dans les quartiers ! Comme dans les caves des HLM, comme dans les parkings désaffectés… N’est-ce pas l’improbable réalité ? Liliane savoure son indignité. Elle la déguste sans réticence, en souplesse. La sensation est monstrueuse, à proportion de cette énormité toute noire qui la défonce. Elle n’a pas assez de gros mots pour la dire. Liliane ne sait ce qu’elle goûte le plus : la merveilleuse dilatation de ses viscères ou son incroyable ouverture d’esprit. Diantre, il n’y a pas qu’Hubert ou Charles-André dans la vie ! Putain ! Liliane ressent soudain qu’Afro18 éjacule. Cette fois, il est précoce ! Malgré le préservatif, elle se sent pleine de sperme. Une plénitude humide et chaude qui lui baigne le ventre. Afro18 râle comme mille morts. Quelques instants plus tard, elle le découvre la capote à la main. C’est un modèle XXL à réservoir. Il déborde d’un volume invraisemblable de foutre.


Le couple franchit la palissade en sens inverse. Ni vus ni connus ! Liliane est vidée. Elle se déleste d’un billet de banque dans la vareuse d’Afro18.



Puis elle le quitte rapidement, pour prendre au plus vite le dernier autobus de Lambersart. Elle redoute surtout qu’on la remarque. Elle se fait discrète. Le monde est petit et les cancans vont bon train. Ce que colportent les gens est parfois ahurissant ! Mais personne ne remarque rien, même pas sa légère claudication quand elle marche. À vingt-trois ans, les tissus sont élastiques.


Liliane réintègre la pharmacie dès le lendemain, sans rien qui paraît. Elle est rose et pimpante, comme à l’accoutumée. La clientèle apprécie ses manières distinguées. Face à la pornographie et à la dégradation des mœurs, la bourgeoisie demeure le dernier bastion de la bonne éducation.


Ne souhaite pas publier son adresse


Copyright © 2009
Demandez l'accord des Auteurs avant toute diffusion


Erotisme torride

Tendre Amour

Bon Scénario

Belle Ecriture

Plein d'Humour

Votre appréciation
Pour apporter des commentaires ou des notations importantes à un texte,
cela se fait désormais en cliquant sur le lien ci-dessous.
Il faut par contre être inscrit.

Commenter et noter le texte

Revebebe - Histoires érotiques
Revebebe - Une histoire