Notation public
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n° 13517Hidden Side10/10/09
Super-X
critères:  fh fhhh fellation sf -sf
92441 caractères
Auteur : Hidden Side

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Alexandra Berger venait de coucher sa fille Léa, après l’ultime tétée de la soirée. Debout près de la porte entrouverte, elle regardait le nourrisson endormi avec une tendresse fatiguée. Léa lui semblait si menue et fragile, dans la grande chambre tapissée d’azur… Alexandra jeta un dernier regard au berceau, avant de s’éloigner. Puis elle s’installa dans un coin de l’immense canapé d’angle, se saisit de la télécommande et zappa sur France 3. Bientôt l’heure des infos. En attendant que l’inspecteur Barnaby finisse son tour de piste, elle alluma une Vogue et en tira une longue bouffée.


Elle songeait à Jean-Louis, en train de se faire pomponner par la maquilleuse, dans la loge des invités. Un sourire étira ses lèvres pleines. Elle imaginait la tête qu’il devait faire, le pauvre, lui qui avait horreur des caméras… Le générique du journal télé anima soudain l’écran. Alexandra monta le volume, une mince ride inquiète plissant son front. Son compagnon ne passait pas sur Soir 3 pour amuser la galerie. Elle porta la fine cigarette à ses lèvres et se laissa happer par les images du reportage.


Derrière le journaliste s’adressant d’un air grave à la caméra, se déployaient les quartiers d’affaires opulents d’une mégalopole asiatique. Beijing, par une matinée maussade de juillet 2011.



Un plan serré montra une file d’hommes en costumes trois pièces, des chinois de tous âges, patientant à un feu rouge avant de franchir une large artère d’un même pas pressé. Aucun enfant sur les trottoirs, aucun marchand ambulant dans les rues. De lourds rideaux de fer barraient les devantures des boutiques désertées.



Soulignant ce commentaire, une immense salle apparut. Des lits de fer à perte de vue, occupés par des gens jeunes, la plupart portant des masques du même genre que ceux qui avaient fleuri deux ans plus tôt. Le reportage s’interrompit et la présentatrice de Soir 3, Carole Gaessler, se tourna vers son invité, un quadragénaire aux fines lunettes d’acier.



Jean-Louis Finckel se mordit les lèvres. Il n’avait pas droit à l’erreur, le Ministre de la santé avait été clair.



Ce qu’il venait de dire était loin d’être exact. Les paumes moites, Finckel tentait de faire bonne figure, comptant sur les couches de fond de teint pour dissimuler son trouble. De nouvelles analyses devaient tomber dans la nuit. Si elles se révélaient positives, l’OMS n’allait pas pouvoir étouffer l’affaire plus longtemps. En attendant, il avait accepté de ne pas en parler à l’opinion publique.


Le virus grippal lui-même n’était pas en cause. Il n’était qu’un transporteur pour une seconde souche, masquée, qui s’était intégrée à sa structure même. Un autre virus, pur produit de l’ingénierie génétique … Jean-Louis avait d’abord cru à une erreur, ce genre de vecteur étant toujours associé aux thérapies géniques. Cependant, plusieurs analyses avaient confirmé que ce virus mutant bricolait l’ADN de son hôte. Autrement dit, la "grippe" asiatique intégrait en son sein le principe actif d’un médicament-candidat !


D’autre part, cette saleté s’attaquait au chromosome sexuel X, se stockant dans les cellules jusqu’à les faire exploser. Chez la femme, qui possède une paire complète de chromosomes X par cellule, les effets induits étaient dévastateurs. De véritables tempêtes de cytokine, endommageant tous les organes et provoquant au final la mort. Chez l’homme, on notait la disparition totale des cellules sexuelles permettant d’engendrer des fœtus féminins, les gamètes X.


Finckel était sur la piste de Vaxan-Ltd, un laboratoire de Beijing travaillant sur la stérilité masculine. En réalité, Vaxan avait des vues sur un marché bien plus juteux : le choix du sexe de son enfant. Ils avaient orienté leurs recherches sur la conception à volonté de fœtus mâles, souhait fervent de tous les parents d’Asie… Jean-Louis en était sûr, Vaxan avait produit la souche du second virus, programmé pour agir sur commande.


Restait à savoir comment le virus thérapeutique breveté par Vaxan avait pu se recombiner avec celui de la grippe. Certainement à cause de la rapacité du fond de pension ayant investi dans le labo de Beijing. Appâtés par ce produit révolutionnaire, ces sales cons n’avaient respecté aucune des précautions d’usages. Finckel pensait qu’ils avaient dû recruter leurs cobayes humains là où se situait le foyer de l’épidémie, dans les quartiers pauvres. Sans aucune mesure de confinement, le médicament avait évolué en arme de mort au contact de certains cobayes, porteurs d’une grippe H1N1, avant de se faire la malle à bord de ce vecteur déjà connu. Et voilà !


La collaboration de Vaxan-Ltd était vitale pour obtenir la structure du principe actif caché dans cette "super-grippe". Des mois de gagnés pour concevoir un traitement. Mais les Chinois se faisaient tirer l’oreille, se réfugiant derrière la protection industrielle de leurs brevets. Malgré un faisceau d’indices épais comme un câble transatlantique, ils refusaient de reconnaître leur implication.


À l’idée de ce qui risquait d’arriver dans les prochains mois, Jean-Louis éprouvait des envies de meurtre. En balance avec ce butin pharmaceutique de plusieurs centaines de milliards, le plus énorme cataclysme de l’histoire de l’humanité. Un fléau potentiellement capable de remettre en cause la présence de l’homme sur terre.




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8 ans plus tard…


L’explosion de cette effrayante pandémie avait finalement eu lieu. Rebaptisée grippe F suite aux travaux de Finckel et de son équipe, elle avait étendu son cortège de terreur et de mort sur l’ensemble du globe. Vaxan-Ltd n’ayant pas cédé, le gouvernement chinois avait fini par faire exécuter ses dirigeants, jugés pour "crime contre l’humanité". Le cataclysme s’était soldé par un milliard de victimes dans le monde. Un milliard d’épouses, de filles, de sœurs disparues en à peine dix-huit mois… Exclusivement des femmes sous la barrière fatidique des cinquante ans.


Finckel et son équipe avaient fini par mettre au point un vaccin, grâce aux archives du laboratoire maudit. Trop tard pour toutes ces femmes. Trop tard pour Alexandra Berger, happée par le virus quelques mois après son apparition. La mort de sa compagne avait été un choc énorme pour Finckel. Depuis, son visage était barré en permanence d’une moue amère, la cicatrice d’une tragédie prise en pleine face. Son expression ne s’adoucissait qu’en présence de sa fille. La petite Léa, bien trop mûre pour ses huit ans, et qui ressemblait déjà tant à sa mère…


Les conséquences de la grippe F ne cessaient de s’accroître. Le virus ne s’était pas simplement acharné à éradiquer le "sexe faible" de la surface de la terre, il s’était aussi attaché à contrarier son retour en s’intégrant au capital génétique humain. L’ultime catastrophe étant que les mères ne mettaient au monde que des garçons, la plupart des pères ne possédant plus de "gamètes X". La moitié des survivantes étant devenues stériles, cela précipitait encore l’effondrement du taux de natalité partout sur la planète. En 2019, pour vingt hommes, il n’y avait plus qu’une femme pouvant donner la vie…


Le terrible choc de ce carnage et la dénatalité exponentielle avaient supplanté tous les sujets de préoccupation. La crise économique sauvage qui en avait découlé, l’effondrement du système des retraites, les guerres… Des calamités mineures, face au spectre de l’extinction de l’espèce en quelques générations à peine. Cette perte d’espoir en l’avenir était l’un des ferments du retour du totalitarisme. Peu à peu, les nations se laissaient gagner par les sirènes de l’eugénisme, l’interventionnisme d’état dans la reproduction humaine. Dépoussiéré du cortège d’horreurs liées à un nazisme révolu, l’inconscient collectif y voyait là l’ultime bouée de sauvetage de l’humanité.


Genomix-Eugenics, une entreprise créée par un généticien Français à la réputation sulfureuse, Pierre Frenel, était devenue en quelques années l’une des plus puissantes multinationales de ce monde mourant. G-E avait poussé comme un champignon nucléaire, se nourrissant de toutes les peurs, suscitant tous les espoirs, devenant la référence dans le domaine de la procréation artificielle, des tests génétiques, de la production d’embryons féminins, proposant même des expériences de réalité virtuelle pour apaiser la misère sexuelle du mâle esseulé.


À défaut de femmes, la population déboussolée avait massivement reporté ses voix vers des arrivistes sans scrupule, le pouvoir en place ayant les mains libres pour "obtenir des résultats et nous sortir de la merde", selon une phrase célèbre du nouvel hyper-président. Les changements intervenus jusqu’au plus haut niveau de l’état préoccupaient Jean-Louis Finckel. Les gouvernements successifs avaient engendré des monstruosités flagrantes, la dernière en date étant le très puissant "Ministère de la Procréation", le Min-Proc…




-- 3 --


Paris, 12 mars 2020 - quelque part dans le VIème arrondissement…


Après avoir préparé le repas comme à son habitude, Léa avait dressé la table du dîner. Les yeux empreints d’une adoration silencieuse, cette frêle gamine observait son père manger. Elle était inquiète. N’avait-il pas encore maigri ? À seulement cinquante-cinq ans, la majestueuse tignasse de Finckel avait viré du roux ardent au blanc floconneux. De profondes rides striaient ses joues creuses. Contrairement à ses habitudes, il mâchonnait dans un silence taciturne, élevant chaque fourchette à sa bouche avec une lenteur de vieillard. Se sentant observé, Finckel leva la tête de son assiette.



Finckel réprima un soupir. Comme le reste, l’éducation des jeunes filles avait été altérée au plus haut point. Trésor suprême de cette nation vieillissante, les gamines étaient entraînées dés le plus jeune âge à s’imposer dans la masse des garçons. Cours de self-défense, sports violents, chahuts en tout genre, on leur inculquait l’art de se sortir seules des situations les plus délicates. Sans le liant des mères et des épouses, la société était devenue plus dangereuse. On ne comptait plus les agressions sexuelles et des gamines à peine plus âgées que Léa se faisaient violer tous les jours. Ce n’était pas plus mal qu’elle sache se défendre, même au prix de quelques vilains bleus.


Le téléphone sonna soudain dans le grand appartement haussmannien. Ignorant le regard de reproche de sa fille, Finckel tira un portable ultrafin de sa poche et le déplia. Voyant qui essayait de le joindre, il se leva et se dirigea vers son bureau. On ne refusait pas un appel du chef de cabinet du Min-Proc, quelle que soit l’heure. Même quand on s’appelait Jean-Louis Finckel. L’écran s’anima et un visage sévère apparut. Francis Martz en personne…



Le quinquagénaire vérifia que la porte de son bureau était bien fermée. Il n’avait aucune envie que Léa intercepte un mot de sa conversation avec ce trou-du-cul.



Et Francis Martz raccrocha sur un éclat de rire sardonique.




-- 4 --


Paris – Un quart de siècle plus tard ….


Bercé par les trémolos d’une mélopée faussement africaine, je patientais déjà depuis un bon quart d’heure dans l’immensité anonyme de ce grand hall froid, attendant qu’on annonce mon numéro. Je ressortis le carré de cellophane estampillé du sigle holographique du Min-Proc et relus l’injonction une nouvelle fois, comme s’il y avait la moindre chance que le court message ait changé.


Vous voudrez bien vous présenter au centre de fécondité du Père-Lachaise, le lundi 18 septembre 2044, à huit heures précises, pour procéder à une réévaluation de votre dossier. Veillez vous munir de votre carte de procréateur prioritaire.



Pour me détendre, je vérifiai le sauf-conduit violet dans la poche de ma chemise, une ID des plus légales. À côté de mon hologramme souriant, une simple mention était gravée : "Loïc Tardivon, né le 25 novembre 2009 / Super-X". Sous la surface de polymère, un composant mémoire contenait une transcription complète de mon empreinte rétinienne ainsi qu’une dizaine d’autres signatures biométriques, le tout infalsifiable car lourdement crypté. D’une authenticité indiscutable bien qu’un peu écornée, cette carte était le sésame qui m’identifiait à l’élite de la nation, les porteurs dûment attestés du super chromosome X.


Pour les bornes de contrôle reliées au Min-Proc, mon profil génétique était parfaitement conforme. Et comme personne ne songe jamais à remettre en cause les données validés par un serveur central, il s’agissait là d’une splendide arnaque… Il n’y avait qu’un seul hic. La moindre analyse de sperme suffisait à tout foutre par terre. Une analyse dans le genre plutôt inévitable, lorsqu’on est convoqué pour une « réévaluation de son dossier ».



Une vision très précise me traversa l’esprit. Le sourire pervers et triomphant de Mathilde, une Mère de niveau 3 avec qui j’avais contracté une RDD. On se fréquentait maintenant depuis deux mois. D’une maigreur de chien, la tronche grêlée de boutons, j’avais eu la faiblesse de la trouver marrante. Et surtout, de la confirmer dès le second rendez-vous. Mais une fois les certificats cryptographiques échangés, elle n’avait pas tardé à révéler sa vraie nature…


Les notions de "mariage" et de "relation au long court" ayant été bannies par les lois de bioéthique de 2020, le seul moyen d’avoir une liaison avec une femme fécondable était d’être choisi par elle, dans le cadre strict d’une relation dite "à durée déterminée", une RDD. Le but étant de garantir aux Mères une variété distrayante de mâles et du même coup un brassage génétique correct - histoire de tenir leurs objectifs de production sur le long terme. Dans un monde presque exclusivement masculin, décrocher une RDD était un privilège, une gratification réservée aux seuls Super-X.


J’aurais pu invoquer l’incompatibilité d’humeur pour rompre le contrat, mais je n’avais pas osé, de peur d’attirer l’attention des inspecteurs généraux. Alors, depuis, j’encaissais.


Pourtant, c’était pas si mal parti avec Mathilde. Ça faisait à peine quinze jours que je m’étais inscrit pour la tombola prénuptiale quand elle m’avait contacté, me proposant d’emblée une immersion avec elle. Évidemment, au premier coup d’oeil, il n’y avait pas de quoi être super emballé. Mais j’avais déjà vu bien pire. À 25 ans, malgré les coups de scalpel de l’acné, ses traits étaient relativement harmonieux.


Bref, je lui ai proposé la réglementaire : restau et sortie cinoche. J’ai même loué une R31 électrique - hors de prix - pour lui éviter de se faire emmerder dans le métro, où l’on a vite fait de tomber sur un frustré. Arrivé devant le restaurant, je lui avais tenu la portière, la faisant roucouler d’aise. La salle était bondée - une bonne adresse ; quelques couples d’homos, des célibataires en pagaille, beaucoup de vieux. On a fait forte impression en entrant. Elle a baissé les yeux, très chaste, mais on la sentait excitée par la lourde concupiscence balayant toutes les conversations. Un début prometteur…


On a longuement discuté, Mathilde prenant la tête des échanges avec un franc parler désespérément dénué d’humour. Elle m’a questionné sur ma vie et mes habitudes, m’écoutant d’un air poli, sans réellement s’intéresser. Puis elle m’a interrogé sur mon travail.



Je m’étais bien gardé de lui parler de mon ancienne boîte de service, KenoFix-SA, où je développais à la demande des patchs sexuels illégaux pour les simulateurs du Min-Proc. Les flics avaient fini par nous tomber dessus, en remontant une filière qui écoulait sous le manteau des partenaires virtuelles aux protections déplombées. J’avais eu le choix : soit faire de la taule, soit m’enrôler au ministère. Le gars chargé des modules anti-piratage avait été viré et on m’avait offert la place…


On a embrayé par une toile, Mathilde choisissant un film américain bourré de scènes d’action et d’effets spéciaux tonitruants. Choix qui s’était révélé excellent. On a pu se peloter incognito pendant toute la séance, pendant que des tarlouzes gominées sauvaient des actrices transsexuelles aux prises avec de vilains extraterrestres pleins de tentacules.


Puis on est passé aux essayages, dans mon appart. J’ai pu constater que Mathilde était bien rousse de partout et que, malgré sa maigreur, elle ne manquait pas d’énergie, à défaut d’imagination. On a fait l’amour en règle, sans fioriture. Une fois les préliminaires expédiés, je l’ai prise en levrette sur le lit, la besognant en rythme tandis qu’elle poussait de petits gémissements. Puis j’ai allumé une cigarette, qu’on s’est passé en contemplant le plafond, côte à côte, sans rien dire. Un moment de parfaite solitude… Malgré ça, on a décidé de se revoir.




-- 5 --



Je sortis de mon rêve éveillé et me dirigeai d’un pas raide vers le comptoir adéquat. Derrière la vitre de séparation me fixait une sorte de crapaud adipeux.



Plus par réflexe que par défi, je détaillai cette créature pendant qu’elle consultait mon dossier. La chose devait avoir dans les cinquante ans, maquillée comme un babouin, attifée d’un chemisier trois tailles trop petit. Ça sentait la mal-baisée à des kilomètres. Une "infru", forcément. Quoi d’autre ?


Les infructus, stériles de naissance ou victimes du grand fléau, paraissaient toujours moins attirantes que les Mères. Était-ce une réalité, ou bien la société nous conditionnait-elle à rejeter ce qui ne porte pas de fruits ? J’avoue mon ignorance. L’état avait pris ces créatures déshéritées sous son aile, leur offrant un statut protecteur. Les infructus avaient droit aux postes à responsabilité dans les administrations. Que celle-ci se retrouve au guichet relevait donc d’une tare intellectuelle hors norme ou d’une sanction exemplaire.



Son regard changea, se fit suspicieux.



Mathilde, point farouche quand il s’agissait d’emboucher mon vit, m’avait planté un couteau dans le dos. Et la date ! Justement celle de notre dernière dispute…



Je compris soudain à quoi tout cela rimait. On m’avait convoqué pour évaluer la conformité de mes antécédents, mais on me suspectait en réalité de déviance ! La plainte de Mathilde était l’élément déclencheur, le grain de sable ayant attiré l’œil d’un fonctionnaire zélé sur mon dossier. Immanquablement, des anomalies lui étaient apparues. Mes deux RDD sans fécondation (et pour cause !). Mes "livraisons" de semence peu nombreuses et plus qu’irrégulières. Quoi d’autre ? Ils avaient peut-être fouillé mon passé, fait des rapprochements avec mon poste au Min-Proc…


Une impression de cataclysme imminent me clouait sur place. Je n’avais qu’une envie, tourner les talons et fuir à toutes jambes, tant que c’était encore possible !



Mon avenir dépendait de mon sang-froid. Je traversai halls et couloirs comme un zombie, affichant une décontraction nonchalante au prix d’un immense effort, frémissant en songeant aux caméras qui me scannaient depuis mon arrivé au centre de conception.


Devant la cabine 15 m’attendait Consuela. Je repris un tout petit peu espoir. Réprimant mon envie de la serrer contre moi, je la saluai froidement, feignant ne pas la connaître. Elle me tendit une grosse ampoule de verre et un cylindre de plastigel stérile.



Elle me présenta la porte, d’un geste emphatique.



Elle tourna les talons, repartant sans un mot. Elle avait raison, je lui faisais courir bien trop de risques. Et pour quels bénéfices ?




-- 6 --


Les cabines d’immersion avaient bien changé depuis mon tout premier test, en 2027. Je me rappelle encore la confusion de mes dix-huit ans, quand je m’étais retrouvé nu comme un ver devant l’imposante machinerie, incapable de me décider à glisser mon sexe dans cette fente obscène, en gel de silicone rose. Équipé d’un casque trop lourd et trop grand, relié à un ordinateur par d’épais câbles métalliques, j’avais réglé à tâtons les écrans 3D, ne sachant pas vraiment à quoi m’attendre. C’était l’époque glorieuse où ce dispositif expérimental s’appelait encore «simulateur de présence féminine», afin de ne pas trop intimider les puceaux.


L’image était passée du noir au vert clair, puis une chambre était apparue dans mes lunettes magiques. Sur le lit m’attendait une jeune fille, plus mûre que moi, aux formes épanouies et aux longues nattes noires. L’effet de relief était bien là, mais les textures gardaient cet aspect factice trahissant les images de synthèse à faible budget. Dans un lent glissement spongieux, le vagin artificiel s’était resserré sur ma queue encore flasque. Je crois bien que j’ai crié. Un travelling nauséeux m’avait projeté vers la couche de la naïade, qui m’avait accueilli avec un sourire commercial.



Devant moi, le mannequin s’était débarrassé de ses fringues virtuelles. Puis, dans un geste qui se voulait langoureux, elle avait passé un doigt vectoriel sur sa chatte glabre, un peu trop stylisée à mon goût. N’empêche, j’avais durci instantanément. C’est beau d’être jeune…



Cette voix rauque ne m’était pas inconnue. Depuis la récente mise hors la loi de la pornographie, je m’étais toujours demandé comment s’étaient recyclées les actrices du X. Je crois bien que j’avais un début de réponse.


La « main » de ma partenaire était sortie du cadre de vision, et avait commencé à me caresser le sexe. C’était loin d’être désagréable, finalement. Puis, sans transition, je m’étais retrouvé planté en elle, ses cuisses écartelées selon un angle impossible. J’essayais de ne pas trop penser à l’espèce de trayeuse qui me pompait en rythme. Mes coups de boutoirs s’étaient accélérés et, moins d’une minute plus tard, je giclais abondamment dans le déversoir prévu à cet effet. Ma première expérience avec une « fille »…


En fait, vu les moyens de l’époque, cette simulation était carrément bâclée. Ce qui péchait avant tout, c’était l’intelligence de cette créature artificielle, l’IA. Elle en était aussi dépourvue qu’un bigorneau. Le scénario ? Une catastrophe intégrale, un navet à peine digne d’un film de fesse coréen. Ça manquait d’imagination, d’interactivité, le personnage central en était réduit à jouer les poupées gonflables. Pourtant, avec la puissance de calcul disponible, il y avait déjà de quoi faire cent fois mieux. Les énarques en costards cravates du Min-Proc s’étaient fait refiler une belle daube par Genomix-Eugenics… À croire qu’ils n’avaient même pas testé eux-mêmes le produit qu’ils proposaient aux foules laborieuses.


Tout fado qu’il soit, ce premier essai avait été une révélation. Ayant été recalé aux tests Super X, il y avait peu de chances que je fréquente un jour une vraie femme. Au mieux, je pouvais espérer finir avec un Trans pas trop bâclé. Mais, dans le fond de mon âme, je sentais que ce n’était pas mon trip. Il n’y avait plus de filles en stock ? Eh bien, j’allais m’en créer une ! Je m’inscrivis en école d’ingénieur, poursuivi par une spécialisation en Intelligence Artificielle, passai mes nuits à bricoler sur le calculateur quantique de la fac, piraté en douce.


Avec une bande de copains, on s’était acheté un vieux simulateur sur eBay Russie. De la pure contrebande. Même déclassé, la détention de ce matériel était proscrite au citoyen lambda, sans parler de trafiquer l’IA à l’intérieur. Je me rappelle avec une émotion intacte la fois où j’ai réussi à y télécharger ma première création. Chloé, une peau d’ange, des jambes immenses, un buste à l’élasticité émouvante. J’avais particulièrement bien réussi ses cheveux et ses poils pubiens, fins et d’un blond très naturel. Chloé avait une voix bien à elle, parfaitement synchronisée avec le mouvement des lèvres.


Ce dont j’étais le plus fier, chez Chloé, c’était l’IA. Tout d’abord, elle avait de l’humour. Par rapport à une vraie femme, une fille synthétique part quand même avec un sacré désavantage : on sait que de toute façon elle va y passer. Alors pour surprendre le client, rien de tel qu’un peu d’espièglerie et d’esprit de contradiction. En second lieu, Chloé excellait dans le domaine du sexe. Je n’ai jamais compris pourquoi le Min-Proc limitait autant les positions disponibles. En dehors de deux trois classiques, ils avaient tout interdit, en particulier les fellations et la sodomie. À croire que leurs zonzons étaient paramétrés par des pères-la-pudeur. Ma blonde Chloé savait tout faire. Elle avait même ses positions préférées, ce qui m’excitait terriblement.


C’est ridicule, mais je crois que j’étais vaguement amoureux d’elle. Pourtant, ma création n’était guère versée sur les mots gentils ou les attentions délicates. Dans ce domaine, ma quatrième petite amie, Rachel, était bien plus réaliste. Rachel versait de vraies larmes, émulant les sentiments à la perfection. Sauf l’amour, peut-être. Mais cette option était-elle vraiment compatible avec le rôle premier d’une "partenaire virtuelle" ?


Fréquenter une IA est une drôle de chose. Les premiers temps, ça me faisait tout drôle de voir Chloé se faire sauter par les copains, sans broncher et avec un égal plaisir. Ce qui m’a guéri de ma sensiblerie envers les êtres artificiels, c’est quand on s’est mis à faire des parties en réseau. On avait taxé nos parents, fait un emprunt et on s’était payé trois autres simulateurs. Chloé assurait un max ; on la prenait par-devant, par derrière, pendant qu’elle branlait et suçait. L’amour en groupe, ça c’était fun !


Là où on a vraiment pris des risques, c’est quand on a commencé à brancher nos relations avec Chloé, en faisant payer. Sur ce coup-là, on piétinait carrément les plates-bandes de l’état-proxénète ! Chloé a eu un succès énorme, ce qui n’était que justice. Elle assurait dix fois mieux que n’importe quelle pétasse virtuelle du Min-Proc. Les potes de mes potes se sont aussi payé des simulateurs, dans lesquels je leur téléchargeais Chloé. Pas chien, je la leur filais gratos. Ce n’est sûrement qu’une simple coïncidence, mais ça correspond pile poil à l’époque où le ministère à commencer à diffuser lui aussi ses produits à domicile, y compris aux non Super-X.



Mon crapaud-buffle du guichet trois. Mamie n’avait pas tort, pas question de traîner ici plus que de raison. Je me déshabillai rapidement, ne gardant que ma chemise et mes chaussettes. On se pelait de froid, dans ce cagibi ! Avec les gestes sûrs d’une longue pratique, je m’équipai, avant de m’allonger sur une couchette à la propreté douteuse. Puis je collai en un temps record la douzaine d’électrodes sur mon front et mes tempes. J’étais loin d’avoir retrouvé ma confiance, mais, rassuré sur l’assistance discrète de Consuela, j’estimais avoir une petite chance de me sortir de ce guêpier.




-- 7 --


Quand je quittai la cabine, un vigile m’attendait. Dés qu’il me vit, il s’approcha, décroisant les bras comme s’il s’apprêtait à m’enlacer. Ou à me plaquer au sol. Et bien sûr, pas de Consuela. Quelque chose clochait méchamment. D’un coup d’œil, j’évaluais mes chances de m’enfuir. Absolument nulles.



Il se contenta de me fixer calmement, jugeant sans doute qu’il n’aurait aucune difficulté à me maîtriser en cas de rébellion. Et il n’avait pas tort.



Je le suivis en silence, essayant de ne pas penser aux six mètres carrés de béton où je risquais de passer mes dix prochaines années. Je frissonnais, songeant à ce que j’avais entendu sur le sort réservé aux imposteurs. Déjà que la plupart de mes contemporains avaient une sexualité de délinquants…


Le vigile toqua doucement à une porte de verre dépoli, et nous entrâmes. Je reçus alors un direct à l’estomac auquel je ne m’attendais pas.



La femme s’adressant à moi était censée être une infructus, mais tout mes sens me hurlaient le contraire. Sous l’ovale parfait de son visage, je ne voyais que ce corps aux formes extraordinairement féminines. Finement attachés à un buste élancé, des seins fermes et généreux narguaient mon regard. Son petit haut moulant, léger comme un voile, semblait à la peine pour contenir cette magnifique poitrine. Une Mère. Ce ne pouvait être qu’une mère ! Pourtant, à ce poste, c’était impossible !



Je crois qu’il serait bien resté pour profiter du spectacle. Je le comprenais.



Je ne comprenais plus rien à rien. L’onctuosité de son ton, son attitude ouverte et plaisante, rien de tout ça ne collait ! J’aurais dû me retrouver menotté à un siège, pressé de questions par trois flics de l’inspection générale. Mais c’était tout le contraire. Loin de me sentir rassuré, j’étais plus que jamais sur la défensive.



Elle tendit sa main manucurée au-dessus de la table. J’hésitai, puis la pris, échangeant avec cette parfaite inconnue une poignée de main franche et ferme. Ce contact physique me dégela aussitôt. Cette femme ne savait rien du tout sur moi. Elle ne me soupçonnait même pas, c’était évident ! Ou alors, il s’agissait de la plus formidable actrice jamais vue. Je me rassis, profondément soulagé. Encore une fois, Consuela avait assuré.



Sans attendre ma réponse, implicitement positive, elle enclencha un interrupteur et un holo-écran s’éleva devant mes yeux. Léa se leva et vint se placer juste derrière moi. Elle se pencha un peu pour appuyer sur une touche du clavier laser, et je sentis ses seins frôler ma nuque. J’étais soudain tendu à craquer. J’espérai qu’elle ne le remarquerait pas.



L’enquête se déroula comme dans un rêve. Elle n’aurait eu qu’à m’effleurer de la main pour que je vienne dans mon pantalon.




-- 8 --


J’étais rentré chez moi à pied, sifflotant presque. Oubliée, la longue appréhension de l’attente, la sourde crainte inspirée par cette convocation. J’étais le meilleur, encore une fois, je m’en étais sorti comme un prince ! Loïc Tardivon, "King-of-the-World" ! Il ne me vint pas une seule fois à l’esprit que je m’étais fait manipuler. Quelque part, si on y réfléchit bien, on est tous assez cons… Ce doit être inhérent à la fatuité du mâle, ce talon d’Achille naturel qui permet aux femmes de nous téléguider là où elles le veulent.


J’arrivai enfin à mon appartement, rue des Couronnes, pas très loin du parc de Belleville. La vie me paraissait plus riante qu’elle ne l’avait jamais été. Je crois que je flashais sérieusement sur Léa. Quel paradoxe ! En pleine RDD, je tombais enfin amoureux, mais d’une autre ! Alors que j’avais justement monté cette arnaque à la carte Super-X pour rencontrer des Mères, à priori capables de sentiments, j’avais le béguin pour une infructus, que la loi m’interdisait de fréquenter.


Je n’ai que peu de souvenirs de ma propre mère, emportée par la grippe F dès mes trois ans. Je ne sais s’il s’agit de réminiscences ou d’une bribe de Telenovela, mais je me rappelle d’une douceur infinie m’enveloppant en son sein, me chuchotant des chatteries à l’oreille tout en me caressant les cheveux. Un paradis perdu, pour lequel je donnerais mon âme. Quant à mon père, je ne l’ai jamais connu. C’est un grand-oncle qui m’a éduqué. Un homme d’une immense bonté, qui m’a apporté la seule tendresse dont je me souvienne réellement. Il me parlait souvent de sa femme, me montrant de vieux albums photos, écrasant une larme discrète quand il pensait que je ne le voyais pas. C’est à cette époque, vers mes neuf ans, que j’ai pris l’engagement solennel de connaître moi aussi le grand amour…



Installée sur le canapé du salon avec une brassée de vieux "Marie Claire", entourée de pages jaunies arrachées rageusement, mon antidote personnel à l’amour me fixait d’un air furibond.



Notez qu’elle n’avait pas dit "inviter mes enfants". Ses sept enfants… Chez Mathilde, l’amour maternel avait dû être annihilé génétiquement. C’était le sujet de notre première grande dispute. Alors qu’on prenait un calva à la terrasse d’un café, on avait vu passer une troupe de bambins, poursuivant une grande femme à l’allure d’échassier. J’avais alors demandé à Mathilde si ses propres enfants ne lui manquaient pas. Elle avait eu deux couples de jumeaux et des triplés - le rendement, toujours ! - placés dans des institutions d’état, comme la norme l’exigeait. Me regardant avec une surprise choquée, elle s’était mise à dégobiller une logorrhée informe. D’une, elle était une femme méritante. De deux, elle était payée par l’état pour faire des gosses, pas pour monter une garderie !



J’eus envie de lui balancer : "Et alors, qu’est-ce que t’attends pour te casser, grognasse ?", mais je me retins. On n’insulte pas une Mère, même si elle le mérite. D’une part c’est vulgaire - il en reste trop peu pour ça ! - d’autre part, dans le cas de Mathilde, c’était inutile. Je savais exactement pourquoi elle supportait cette situation exécrable. Pour le pognon. Son salaire d’état étant indexé sur le nombre de filles mises au monde, elle n’allait pas lâcher l’affaire avant que je lui aie collé un couple de jumelles dans le tiroir. Je ricanai en douce ; avec moi, elle risquait d’être plutôt déçue !



Et, dans un claquement de porte magistral, Mathilde me débarrassa de sa présence pour quelques heures, m’épargnant même l’effort d’avoir à prononcer une seule parole.



Je commençai à ranger le foutoir qu’était devenu mon « loft » quand un sursaut de fierté alluma en moi l’esprit de rébellion. Léa ne m’aurait jamais traité ainsi ! J’imaginai son visage sensuel penché sur moi, irradiant l’amour. Je nous voyais dans une cabane, très loin, enlacés devant un feu de cheminée, partageant dans un silence tendre une intimité largement au-dessus des mots.



En soulevant l’un des magazines féminins de Mathilde, je tombai sur mon simulateur, un modèle tout récent, débranché depuis que l’autre folle m’était tombée dessus en pleine séance. Hors de question de gâcher ta précieuse semence, m’avait-elle dit avec une froideur cachant très mal son malaise. Par la suite j’avais découvert que Mathilde était tout simplement jalouse de ma partenaire virtuelle Min-Proc ! Ça m’avait assis ! Comment peut-on éprouver de la jalousie quand on n’aime pas quelqu’un ?


Il ne s’agissait pourtant que d’un sage modèle Alice 3000. Avant que Mathilde n’emménage chez moi, j’avais bien sûr effacé les patchs récupérés sur le Net, remis en place les protections logicielles. Précaution inutile, ma harpie domestique ne s’intéressait pas plus à la technique qu’un bouledogue à un réveil matin. Mais bon, on n’est jamais assez prudent, quand on est imposteur patenté.


Je caressai la coque de plastique microporeux de cette bonne vieille Alice, rêvant au temps de ma splendeur chez KenoFix, lorsque je concevais les modèles les plus customisés de la planète pour des fous furieux qui n’en avaient jamais assez. À l’époque, aucune protection ne me résistait, même les plus ardues. Le "David Guetta" du silicone, le "Terminator" des ceintures de chasteté… Ces surnoms ridicules m’avaient bien fait rire, même si je n’y comprenais que pouic.


En dehors de la charte minimale qu’on s’était fixée, tout était possible chez KenoFix. Les créations les plus folles étaient sorties de mes fantasmes délirants. Des géantes de quinze mètres de haut qui vous faisaient explorer leur caverne, des créatures mi-femmes mi-léopard à la peau tachetée. Des pépées spécialisées dans le sexe en réseau, possédant une multitudes de vagins répartis dans les endroits les plus variés - sous les seins, sur les flancs, dans les joues. Et même une "chose" comportant quatre jambes, deux paires de fesses et deux chattes (pas de têtes ni de bras, l’IA d’une nymphomane). Ah ! Des égarements grandioses…


N’y tenant plus, je rebranchai rapidement le simulateur. Derrière une cloison de plâtre, je récupérai mes outils de briseur de coffres. Les fameux patchs interdits, que je ne m’étais jamais résolu à détruire. J’avais une idée bien précise en tête…




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Je venais de passer une bonne heure à restituer des formes, plaquer des textures, sélectionner des qualités d’âme. Côté IA, j’avais choisi une évolution du synthétus Rachel, incluant les options les plus gourmandes. Avec les progrès technologiques, mon simple simulateur affichait toutes les nuances de sa personnalité avec la fraîcheur d’une brise. J’apportais enfin la touche finale à ma création. J’y étais parvenu ! Léa était là, devant moi, dans toute la splendeur de sa nudité parfaite… Elle reposait sereinement sur un tapis précieux, non loin de l’âtre où crépitait une bonne flambée.


J’avais composé dans un état second, brûlant de fièvre, animé d’une flamme que je ne me connaissais pas. Ceci était mon chef d’œuvre absolu, d’un réalisme à vous faire oublier les RDD pour toujours. Je n’étais plus dans l’appart, j’étais dans cet endroit minutieusement reconstitué qui n’existait que dans ma tête, avec celle que je ne pourrai jamais aimer. Ce n’était plus une simulation, mais une seconde réalité. Plus de casque pour transmettre sons et images. Connexion neuronale directe, avec tous les sens activés. Je pouvais réellement caresser ses cheveux, éprouver la chaude fermeté de ses seins, sentir l’odeur de sa peau, goûter le miel de ses lèvres. De toutes ses lèvres…



Je me retournai d’un bloc, une explosion de terreur me ravageant les tripes. Face à moi, les bras croisés, son sourire inimitable au coin des lèvres, Léa Finckel-Berger me faisait face, plus vraie que la vraie… Pourtant, je ne me trouvais plus dans mon appartement, nous étions toujours dans la cabane au fond des bois ! L’illusion s’était refermée sur elle-même. Est-ce que j’étais en train de perdre les pédales ? Je tournai la tête, le cœur au bord des lèvres : l’autre Léa était toujours là, tranquillement endormie, attendant que je me décide à la réveiller.



Elle se pencha, palpa les seins de son double. Elle en flatta les grosses pointes, qui aussitôt s’érigèrent.



J’étais incapable de réagir, trop choqué pour parler. Bon dieu, ce n’était pas une illusion ! La directrice que j’avais rencontrée le matin même était réellement là, à deux pas. C’était impossible ! Personne ne pouvait se projeter dans un simulateur privé sans connexion directe ! Léa se retourna vers moi, avec un large sourire.



Et en plus, elle pouvait lire dans mes pensées !



Au lieu de me répondre, Léa jeta sur moi un regard intéressé, me détaillant très précisément. Je l’avais presque oublié, mais j’étais toujours en tenue d’Adam, sans même la feuille de vigne. Et plutôt en forme.



Pas gênée le moins du monde, elle attrapa ma queue. Ses yeux dans les miens, nos bouches à un souffle l’une de l’autre, elle commença tout doucement à me branler.



Elle descendit sa main plus bas, refermant ses doigts agiles sur mes bijoux de famille. La légère douleur me ramena les pieds sur terre. Puis Léa commença à me donner des détails, sans toutefois me lâcher. Avait-elle peur que je tente quelque chose ?



Jean-Louis Finckel, mais oui ! Tout collait, effectivement… Je n’avais que onze ans à l’époque, mais je me rappelle encore des manifs, des émeutes. De tous ces CRS chargeant la foule en colère.



Le regard brillant de larmes, Léa serra le poing, comme si elle me tenait pour responsable. Heureusement, elle relâcha son étreinte avant que je n’aie même le temps de crier.



Elle pouffait de façon diablement sexy.



D’autres questions me perturbaient. Par exemple, pourquoi pouvait-elle lire dans mes pensées, sans que l’inverse ne soit vrai ? Et comment avait-elle piraté mon simulateur ?



Elle s’assombrit à nouveau.



Tout ça me donnait le tournis. Je rencontrais une créature de rêve, agent infiltré d’un groupuscule d’activistes, des collègues que je croisais tous les jours étaient parfaitement au courant de mon arnaque, et surtout, je risquais à tout instant de finir en taule…



Elle avait l’air mortellement sérieuse et j’avais idée qu’elle n’hésiterait pas à exécuter sa menace. Désolée ou pas, une fois que cette bimbo m’aurait siphonné le cerveau, les flics n’auraient plus aucun mal à me cueillir.



Pour toute réponse, Léa tendit sa main vers mon front. Un truc incroyable se produisit alors. Des instructions détaillées, des noms, des visages, des schémas de bâtiments se mirent à défiler à toute vitesse sous mon crâne. Heureusement, cela ne dura qu’un instant. Plus, et mon cerveau aurait coulé par mes oreilles. Mes yeux papillonnaient, tandis que je me frottais les tempes.



Léa s’était agenouillée devant moi et avait recommencé à me branler.



Je cessai de parler. D’un geste lent et sûr, elle avait décalotté mon gland, puis, sans hésiter, avait englouti mon membre jusqu’à la garde. Elle suçait divinement, utilisant à la perfection sa bouche et ses doigts pour me titiller. Quelques allers et retours entre ses lèvres suffirent à me faire jouir. Je me vidai au fond de sa gorge, avec un long râle. Elle se releva finalement, essuyant quelques gouttes translucides sur son menton.



Léa jeta un regard trouble à ma création, toujours endormie.



Et aussi sec, elle disparut, me laissant en plan, la queue entre les jambes.




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J’eus l’impression de me réveiller d’un rêve étrange, à la fois menaçant et terriblement érotique. J’étais à poil, allongé sur le canapé, avec un liquide gluant et chaud étalé sur le ventre.



En fermant les yeux, je sentais encore la douce pression de sa bouche sur mon sexe… Je n’eus pas vraiment le temps d’apprécier cet instant de félicité post-orgasmique. Une ombre se profila au-dessus de moi et je sentis une présence électrique, prête à me tomber dessus. Je me redressai vivement. Les poings vissés sur les hanches, une expression outragée lui tordant le visage, Mathilde me fixait d’un regard haineux.



Ah ! Que j’aurais aimé lui balancer cette phrase à la tronche ! Je l’aurais fait, si le plan n’exigeait pas de ma part une absolue discrétion. Avec ce que je venais d’apprendre, tout était possible. Bien que cela paraisse peu probable, Mathilde pouvait éventuellement m’espionner pour le compte du Min-Proc.



Et sans lui laisser le temps de réagir, j’arrachai les électrodes de mes tempes, me levai d’un bond et filai à la douche. Un coup d’œil à ma montre me confirma qu’il était déjà presque quatorze heures. J’avais pris un après-midi de congé, mais Mathilde n’était pas censée le savoir. Elle tambourina à la porte, essaya d’entrer, vit que c’était verrouillé. De rage, elle décocha un grand coup de pied dans le panneau en simili-bois.



Je n’avais pas de temps à perdre à larbiner auprès de Mademoiselle. Des choses bien plus importantes m’attendaient. Cruciales, même.


En sortant de la douche, je jetai un regard à mon reflet. Le miroir me renvoya une image que je ne reconnus pas. Le danger m’électrisait, mes yeux paraissaient lancer des éclairs, un sourire conquérant barrait mon visage. J’avais enfin retrouvé ma fierté, le courage de me battre en pleine lumière. Quand j’ouvris la porte de la salle de bain, Mathilde recula en me dévisageant. Pour la première fois depuis deux mois, elle affichait une expression de malaise, pratiquement de peur. Étais-je en train d’échapper à son emprise ?



Sans un regard en arrière, je quittai l’appartement. Et cette fois, c’est moi qui claquai la porte.




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L’idée de Léa était de frapper cet après-midi même, afin de profiter à fond de l’effet de surprise. C’était notre seule arme. Littéralement parlant. De toute façon, je n’avais guère le choix, les flics pouvant me tomber dessus à tout moment. Si, en me levant ce matin, on m’avait dit que je ferais sauter le gouvernement de mon pays avant la fin de la journée, j’aurais bien ri ! En attendant, j’essayais d’oublier qu’il s’agissait là d’une sorte de mission-suicide…


Quittant la rame automatique, je remontai en surface. Je commençais à me sentir fébrile. Tout ça manquait de préparation, ça semblait trop précipité, presque amateur. En arrivant devant le ministère, une boule d’angoisse me tordit le ventre. Je vis Léa en tournant au coin de la rue. Installée à la terrasse d’un café, elle sirotait une boisson. Je me forçai à ne pas aller vers elle. Elle ne détourna même pas la tête. Ses Gucchi opaques ne me permettaient pas de voir ses yeux.



Comme dans un rêve nébuleux, je passai les détecteurs de métal, les portillons biométriques, saluai les vigiles. À part quelques hochements de têtes, personne ne me prêta attention. Au bout d’un couloir gris béton, je poussai finalement la porte de mon service. Camille, le secrétaire du big boss, haussa un sourcil épilé.



Ne se préoccupant plus de moi, Camille replongea le nez dans son travail, effleurant rapidement les touches de son clavier laser. Je ne pus m’empêcher de me demander si lui aussi était au courant. Parmi tous ces gens, combien savaient que j’étais un faussaire, un imposteur ? Tous, peut-être ? On se croisait, on se saluait, on bouffait la même merde à la cafétéria du ministère. Et, pendant ce temps, ils m’épiaient en douce, surveillant le moindre de mes faits et gestes avec un sourire faux collé sur leurs faces de fouines… J’en avais la nausée.



Je me coulai dans mon bureau, où je m’enfermai en soupirant. Le plus dur était encore à faire… Une enveloppe anonyme m’attendait sur mon plan de travail. Je l’ouvris, y trouvai une puce mémoire et une feuille de vrai papier, barrée de deux lignes :


Fais attention à toi, Loïc.

Et quoi qu’il arrive, n’oublie pas que je suis de ton côté…


Le message ne portait pas de signature. Je n’en avais pas besoin. Une vague immense me submergea. L’amour d’une femme… Une biochimie encore mystérieuse, faute de rencontres en valant la peine. Souriant, regonflé à bloc par ces quelques mots, je me connectai à mon poste de travail virtuel.



J’insérai la puce contenant les documents de Finckel, puis lançai mes doigts à la conquête du clavier, activant tous les piraticiels de ce brave Hector, le seul ici à me juger à ma vraie valeur. Aujourd’hui, je ne me contentais plus d’accéder à mon dossier pour rajouter des lots fictifs de semence, je m’attaquais à la citadelle tout entière ! J’avais deux heures pour réussir. Ensuite, je devais quitter le ministère, rejoindre Léa dans une voiture banalisée et changer de vie.




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J’avais mobilisé toute ma science pour cette bataille, déjouant les barrières avec précaution pour ne déclencher aucune sonde, ne laisser aucune trace. L’une après l’autre, je franchissais les backdoors patiemment aménagées dans les firewalls du ministère. Au bout d’une heure d’efforts, je me retrouvai dans une zone inconnue, jamais explorée.


Un agent cryptographique particulièrement retors m’attendait, gardant ce que je pensais être le dernier rempart entre le cœur du système et moi. J’employai toute ma ruse pour le contourner ou le faire tomber, sans résultat.



J’avais épuisé mes dernières ficelles, sans même avoir cerné la nature exacte de ce cerbère polymorphe. Puis un éclair de compréhension me frappa soudain.



Une seule possibilité pour le vaincre : l’affronter sur son propre terrain, en connexion neuronale directe. Une option particulièrement dangereuse, impliquant que j’abandonne mon corps physique sans surveillance. Si quelque chose tournait mal…


Au mépris de toute prudence, je décidai de jouer mon va-tout et branchai sur mes tempes et mon front les douze électrodes du simulateur. Je me retrouvai brutalement en plein ciel, flottant à trois mille mètres au-dessus d’une ville futuriste. Une silhouette s’avançait vers moi, marchant tranquillement dans le vide. Je compris aussitôt que je venais de faire une terrible erreur. Je tentai de m’arracher à ce monde virtuel. Trop tard, je ne contrôlais déjà plus rien !



Tout autour de moi, un mur d’images avait remplacé le ciel, exposant une mosaïque bigarrée et mouvante. Les souvenirs de toute une vie, le kaléidoscope dément de ma mémoire, scannée par cette monstruosité !



L’homme qui venait de parler avait un visage jeune et lisse. Et, bien qu’il n’eut rien à voir avec celui du vieil homme ayant dirigé Genomix-Eugenics jusqu’à sa mort, on ne pouvait s’y tromper. Il s’agissait effectivement de Pierre Frenel, le magnat de la génétique, décédé il y a deux ans.


Un rire assourdissant déchira la voûte céleste, le rire courroucé d’une divinité cruelle.



Encore un milliardaire mégalo ! Cette IA commençait à me gonfler sérieusement !



Avec un sourire de vampire, Frenel leva sa main vers mon front. Mon cerveau fut aussitôt assailli par une sarabande d’images et de sons, retraçant les horreurs dont ce type s’était rendu coupable durant toutes ces années… C’était absolument ignoble !



Une découpe apparue dans le ciel, montrant une pièce filmée par une caméra de surveillance. On me voyait d’en haut, tétanisé devant l’écran, une expression d’incrédulité horrifiée sur mon visage cireux. La porte de mon bureau explosa carrément et plusieurs hommes lourdement armés se jetèrent sur moi. Tandis que Frenel me tenait occupé dans son univers, cet enfoiré avait prévenu la sécurité !


Une douleur énorme emplit soudain mon crâne. Tout devint noir. On m’avait finalement déconnecté…




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J’ouvris un oeil - l’autre n’était qu’une boursouflure suturée de croûtes. J’étais à poil, menotté par les poignets et les chevilles à une chaise, avec l’impression d’être passé sous un train. L’environnement m’apparaissait flou, comme à travers une vitre dépolie. Ces salauds n’y avaient pas été de main morte !


Devant moi, irréel, flottait un visage.



Les murs de la pièce se précisaient. Deux silhouettes me faisaient face, de l’autre côté d’un bureau métallique. Je ne connaissais pas les lieux, mais je sus de suite où j’étais. Dans les locaux de la section spéciale, quelque part sous le Min-Proc. On m’avait collé dans une salle d’interrogatoire, bien sûr. Un seau racla le sol, puis une gifle liquide cingla mon visage. Je m’ébrouai.


Léa, assise à moins de deux mètres de moi, me détaillait avec une curiosité neutre. Elle était vêtue d’une combinaison noire - un genre de latex, qui moulait sa poitrine avec une précision quasi obscène. Son regard me fit plus mal qu’un coup de poing. Cette femme froide et distante n’avait rien à voir avec la bimbo de ce matin. Un militaire en uniforme était assis à sa gauche et me regardait avec une hostilité teintée de dégoût. L’unique porte s’ouvrit et un homme entra. Je reconnus immédiatement Donnadieu, le directeur de la sécurité.



Un holo-écran se matérialisa entre eux et moi. Des images emplirent le vide : une bonne flambée, dans une cabane que je reconnus à l’instant. Endormie sur un tapis, ma création exhibait innocemment sa voluptueuse nudité. Une seconde Léa fit irruption à l’écran et notre conversation de conspirateurs se déroula à nouveau, point par point, extraite directement de mes souvenirs. Ma mémoire, la meilleure preuve de ces enfoirés… La scène finale de ce petit chef d’œuvre montrait Léa à genou, en train de me sucer. L’expression des deux types en face changea. Dans leurs yeux flambait à présent une lueur lubrique. De l’autre côté de l’écran translucide, Léa, penchée vers moi, me regardait un sourire au coin des lèvres.


Je retins un haut-le-coeur. Elle m’avait piégé ! Elle m’avait même baisé dans les grandes largeurs ! J’agis sans réfléchir, laissant parler mon dégoût : je basculai ma chaise en avant, le plus loin possible, et lui crachai au visage. La fureur fit vaciller ses traits. Alors que ses yeux lançaient des éclairs, elle essuya ma salive et porta ses doigts à sa bouche, les léchant lascivement. Un garde que je n’avais pas vu leva son arme pour m’asséner un coup de crosse.



À côté d’elle, Donnadieu desserra sa cravate. La température venait de monter d’un seul coup. Le directeur prit enfin la parole, s’adressant à Léa sans me quitter des yeux.



Le garde, une brute au front bas et au nez tordu, s’adressa au directeur :



De violents picotements explosèrent dans tout mon corps. Pour protéger leurs magouilles, ces salopards allaient me supprimer, invoquant la raison d’état !



Un sourire de prédateur sur le visage, le garde pointa son pistolet vers mon front.



Léa se leva et fit le tour du bureau. Me tenant par le menton, elle me fixait droit dans les yeux, avec une intensité minérale. Soudain, elle défit le zip de sa combinaison jusqu’au pubis, libérant d’un seul coup sa fabuleuse poitrine. Ses globes de chair focalisèrent aussitôt l’attention de l’assemblée. Sous son justaucorps de latex, elle était nue.



Joignant le geste à la parole, elle glissa lentement deux doigts dans sa chatte, qui ressortirent gluants de sécrétions. Les sbires du Min-Proc regardaient la scène avec des yeux exorbités, ne perdant pas une miette du show…



Elle agita ses doigts devant mon visage.



J’entrouvrais les lèvres pour protester. Léa en profita pour forcer ma bouche, l’emplissant de sa fragrance odorante. J’aurais pu lui sectionner une phalange, mais je me rendis compte avec horreur que je ne pouvais m’empêcher de l’aimer, malgré ce torrent de haine. Je fermai les yeux, ravalant mon humiliation.


Elle retira ses doigts, les léchant à son tour. Puis elle fit lentement glisser sa combinaison et se retrouva bientôt nue au milieu de la pièce. Cette impudeur supplémentaire semblait lui procurer un plaisir divin. La bouche grande ouverte, le directeur et les deux militaires contemplaient ses formes parfaites, oubliant presque de respirer.



Un voile de luxure passa dans le regard de Léa quand elle se tourna vers Donnadieu.



Elle n’eut rien besoin d’ajouter. Aussi belle que provocante, cette femelle en rut foulait du pied toutes les conventions sociales liées à son rang de Mère… Elle n’allait pas être déçue ! Le directeur empoigna son talkie-walkie pour couiner une série d’ordres brefs.



Léa s’adossa à la table, face au big boss, attendant que les caméras s’éteignent. Elle s’assit alors sur le plateau de métal et se laissa glisser en arrière, s’appuyant sur les coudes. Puis elle remonta les genoux sur sa poitrine et, ouvrant les cuisses, elle exposa à tous sa chatte visiblement trempée. À la voir se comporter ainsi, je fus saisi malgré moi d’une excitation aussi paradoxale que morbide.



Donnadieu fit un signe. On fit entrer le vigile, posté devant la salle d’interrogatoire. Étendue sur la table, ses doigts écartant sa vulve, Léa se caressait en fermant les yeux. En voyant ce tableau, le garde crut certainement rêver. Après un bref conciliabule, les quatre hommes ôtèrent leur pantalon et s’avancèrent vers elle.



Les trois autres reculèrent pour profiter du spectacle, alors que Donnadieu s’avançait, le sexe tendu, le visage rouge et ruisselant. Léa se redressa pour mieux l’accueillir entre ses cuisses. D’une main, elle agrippa sa nuque, de l’autre elle le guida fermement en elle. Ce salaud me regardait droit dans les yeux tandis qu’il la prenait à grand coup de reins, une grimace de plaisir tordant son visage massif.


Tout se passa extrêmement vite. Croisant les jambes dans le dos de Donnadieu, Léa empoigna soudain le flingue que celui-ci avait conservé dans son hostler d’épaule. Puis, avec une rapidité qui transforma l’arme en éclair flou, elle enchaîna trois tirs. Il y eut une série de « plop » et les gardes s’effondrèrent. Elle appliqua ensuite le silencieux sur la tempe du directeur, toujours prisonnier de ses cuisses musclées.



Il se dégagea avec un cri sourd. Il n’avait même pas eu le temps de débander… Pointant son arme sur lui, elle le repoussa vers le mur.



Dés qu’il eut obéi, elle l’assomma d’un violent coup de crosse. Après avoir fouillé les corps un par un, Léa me rejoignit avec un trousseau de clés, s’agenouillant derrière moi pour me débarrasser des menottes. Nous étions tous les deux nus, la pièce était remplie de cadavre, la situation avait basculé à une telle vitesse que je ne réalisais pas encore que j’avais échappé à la mort !



Je me mis debout sans un mot, frottant mes poignets endoloris. Léa m’enlaça, les yeux embués de larmes. Avant que je ne puisse l’en empêcher, elle m’embrassa à pleine bouche. Malgré moi, je répondis à cette langue impertinente, qui se mêlait sauvagement à la mienne. Ce fut elle qui rompit cette trop brève étreinte.


Qui était vraiment Léa Finckel-Berger ? Une intrigante capable de tuer de sang froid, une Mata-Hari insensible, une manipulatrice hors pair ? Ou bien, simplement une femme, utilisant tous ses atouts pour combattre une bande d’enfoirés qui exploitaient sans vergogne les dernières génitrices de ce monde en déliquescence…




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Une caisse de contreplaqué était posée dans un coin de la pièce, sous une bâche que Léa fit glisser d’un coup sec. Je frissonnai en songeant à l’usage prévisible de cette longue boîte. Si Léa avait foiré si peu que ce soit, celle-ci aurait certainement abrité mon corps sans vie !


La caisse contenait un grand sac de sport, empli de tout un bric-à-brac : des fringues, des cordelettes de nylon, un rouleau d’adhésif surpuissant… J’observais Léa, fasciné, tandis qu’elle ligotait et bâillonnait Donnadieu. Ses gestes avaient la classe et l’efficacité de ceux d’un grand chef ficelant un rôti. Rôti que nous réussîmes, après quelques efforts, à caser dans sa boîte.


Une fois le couvercle scellé, Léa apposa plusieurs stickers commerciaux sur la caisse. Elle me tendit ensuite une tenue de livreur, que je passai rapidement. Elle-même avait revêtu une paire de jeans noirs et un sobre chemisier blanc. Envolée, la Catwoman de pacotille.



Réprimant un haut-le-coeur, j’appliquais la chose sur mon visage. Léa fit quelques réglages, adaptant le camouflage biomorphique à ma physionomie.



Après avoir vérifié que personne ne nous attendait en embuscade, je suivis bravement Léa dans les couloirs de ce sous-sol déserté, manœuvrant le chariot sur lequel reposait la caisse. Je m’attendais à tout instant à ce que les alarmes se mettent à hurler.


Après un bon quart d’heure de déambulations, nous arrivâmes finalement devant une lourde porte blindée, gardée par deux jeunots. Dés qu’ils virent Léa, les bleues-bites effectuèrent un salut impeccable. Ils refermèrent le sas derrière nous sans même s’enquérir de la nature de la marchandise. Nous suivîmes ensuite un tunnel, qui se terminait par un imposant panneau d’acier monté sur vérins.



Le directeur de la sécurité était encore dans les vapes. Je le maintins à peu près droit, tandis que Léa, écartant sa paupière gauche, appliquait son visage sur le lecteur d’empreintes rétiniennes. Une manœuvre aussi triviale pouvait-elle vraiment fonctionner ? Contre toute attente, il s’avéra que oui.


Le panneau s’ouvrit lentement, nous laissant accéder au saint des saints. Une immense salle où s’alignaient des serveurs quantiques, dans un vrombissement de ruche.



Elle sortit de sa poche un minuscule tube de graphite, qu’elle enficha dans le simulateur le plus proche.



Je crois que j’étais toujours victime de préjugés moraux dépassés. Selon le code de la procréation, une vraie Mère se devait de respecter un ensemble d’interdits. En tête des pratiques réjouissantes, mais fermement réprouvées, les rapports anaux et l’homosexualité féminine - la pire de toutes les infractions !



Je n’eus pas le temps d’émettre des doutes sur cette stratégie originale, Léa filait déjà ventre à terre vers le fond de la salle. Les alarmes restèrent silencieuses ; un bon point pour ma James-Bond Girl. Je la rejoignis. Une petite porte discrète nous attendait, surplombée d’un sigle mystérieux : H.E.A.V.E.N.


En fait de Paradis, il s’agissait d’une crypte. Celle-ci comportait une vingtaine de cercueils, reliés par une myriade de câbles à une étrange machine d’allure organique. Nous nous trouvions devant le grand projet de Frenel : la création d’une nouvelle "espèce", l’homo-virtualis, jouissant d’une quasi-immortalité dédiée à des plaisirs sans fins…


Ces sarcophages étaient manifestement destinés à une poignée de milliardaires, censés diriger le monde depuis cette nécropole fétide. Nous nous approchâmes du seul caisson qui semblait occupé. À travers le verre épais de cet aquarium à formol, on devinait une forme humanoïde, bardée de canules et de perfusions. Une inscription en lettres d’or indiquait "Pierre Frenel".


Un holo-écran flottait au-dessus du cercueil. Fort éloignée de l’ambiance recueillie des lieux, la scène que celui-ci affichait était presque cocasse. Une Chloé déchaînée, dotée d’un chibre aux dimensions plus que respectables, était en train de sodomiser sauvagement Frenel, visiblement très coopératif. Je comprenais mieux certaines choses.



J’arrachai d’un geste sec le câble reliant cet ineffable caisson de jouissance éternelle au réseau du Min-Proc. L’écran vacilla, s’éteignit. Il y eut un remous boueux et un museau aveugle vint coller ses ouïes à la vitre. Le généticien n’avait plus rien d’humain… Léa leva son revolver, visant la tête du monstre.



Elle secoua la tête, incapable de finir sa phrase.


Son plan reposait entièrement sur ma rencontre virtuelle avec Frenel. Cette championne du bluff n’avait absolument rien pour prouver ce qu’elle avançait. Bidons, les soi-disant documents du paternel. Venant d’une telle kamikaze, ça ne m’étonnait guère. Je pris Léa dans mes bras, et la berçai doucement. Puis, quand je jugeai m’être suffisamment délecté de sa contrition, je cessai mon manège hypocrite.





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Il faisait nuit. Léa roulait pied au plancher depuis presque deux heures, nous conduisant vers un village perdu des Alpes où nous devions tranquillement attendre que les choses se tassent. Les prochains jours promettaient d’être riches en bouleversements. L’onde de choc ne s’arrêterait pas à la France. Le témoignage de Frenel allait impacter le monde entier.


Après avoir déconnecté le cercueil de ce monstre, j’avais fait sauter sans aucun mal les dernières sécurités. Poussant à fond la puissance des émetteurs secrets du Min-Proc, j’avais transmis tous azimuts la compilation choc de ces dernières heures. Le temps fort, c’était bien sûr la confession-évènement de notre pote l’amphibien, tirée directement de ma mémoire. Il y avait aussi quelques séquences trash, mettant en scène Léa au mieux de sa forme - que voulez-vous, le sexe fait vendre. Et puis, j’avais gagné moi aussi le droit de me défouler un peu…


J’avais finalement pardonné à Léa sa mise en scène, qui avait abouti à mon arrestation et mon interrogatoire. Sans son intervention occulte, la section spéciale aurait été mise au courant de mon imposture bien plus tôt. Je lui devais donc la liberté, peut-être même la vie. L’organisation « Amour Libre » n’avait jamais existé, à part dans les rêves de Léa. Nous avons décidé que son action officielle débutait dès aujourd’hui, même si le mouvement ne comptait pour l’instant que deux membres !


Nous avions beaucoup parlé depuis que nous avions quitté Paris, nous racontant l’un à l’autre pour effacer le goût amer de ce mauvais départ. Son père mort, Léa avait dû choisir entre une école militaire et une sorte de bordel d’état pour futures procréatrices. Quelques années plus tard, à ses dix-sept ans, elle avait enduré un entraînement spécial pour intégrer les sections d’élite du Min-Proc. Depuis ce temps, elle observait l’ennemi de l’intérieur, rongeant son frein en attendant l’occasion de détruire ceux qui avaient tué Jean-Louis…


Vers trois heures du matin, nous arrivâmes devant un chalet isolé, perdu sur une route de montagne. La fameuse planque de ma chère Léa. Dès que nous entrâmes dans le refuge, elle se précipita sur son simulateur, me chargeant de faire du feu. J’étais resté muet comme une tombe en ce qui concernait la confession de Frenel, préférant qu’elle découvre par elle-même l’étendue des méfaits de ce salopard.


Elle ne voulut pas attendre plus longtemps pour savoir…




-- 15 --


Branchés sur le simulateur de Léa, nous observions le passé. Une spirale de souvenirs directement issus de la psyché de Frenel, que nous vivions de l’intérieur, comme si nous étions dans la peau de ce monstre. Oubliant presque qu’il ne s’agissait que d’une retransmission, nous partagions l’horreur de ses pensées les plus noires.


Été 2011 : Un Pierre Frenel encore jeune injecte le contenu d’une seringue à une Chinoise. La jeune femme quitte la tente en saluant bien bas ce docteur qui lui a promis un fils pour honorer son mari. Sitôt qu’elle a rejoint la rue jonchée de détritus, Frenel esquisse un sourire carnassier. Travaillant chez Vaxan sous une fausse identité, il vient de contaminer sa trentième victime avec une souche détournée de virus, sur laquelle il fonde de très grands espoirs pour l’avenir. Son avenir ! Frenel est un sociopathe avide de pouvoir, haïssant les femmes. Son seul regret est de ne pouvoir s’attribuer publiquement le génocide qu’il prépare en secret depuis deux ans.


Hiver 2012 : Frenel a quitté Vaxan, emportant avec lui toutes ses notes. Plus de trois cents millions de victimes à son actif. Ces chiffres, sans cesse croissants, cessent peu à peu de flatter son sentiment de toute-puissance. Ce n’est plus qu’une jouissance froide, le sillage d’un forfait déjà accompli. Autre chose l’attend, une source inépuisable de gloire et de pouvoir. Frenel s’apprête à capitaliser sur son premier coup d’éclat en fondant Genomix-Eugenics. Il bénéficie pour cela d’un avantage concurrentiel certain : un antidote jamais divulgué, qui neutralise les effets du fléau de Beijing…


Printemps 2015 : Le 18 mai, G-E annonce officiellement qu’il a découvert le « super chromosome X ». La plus grande intox médicale du millénaire. Mais surtout une affaire en or pour Frenel, qui lui permet d’écouler en douce son traitement miracle contre la stérilité sélective induite par le virus. G-E tient jalousement secret le protocole médical permettant de transformer en « Super-X » tout mâle en âge de se reproduire ; les tests génétiques désignant les procréateurs d’élite sont bien sûr « made in G-E ».


Décembre 2019 : Depuis quatre ans, Frenel négocie le « traitement exclusif G-E » avec les gouvernements les plus influents de la planète. Il fonde de grands espoirs sur le président de la toute nouvelle sixième république, particulièrement réceptif à ses idées. Sur son instigation, les services du Min-Proc ont élaboré un ensemble de lois réduisant presque à néant la vie sexuelle des Français, tout en assurant à l’état la toute puissance absolue dans le domaine de la procréation. Les gouvernants font main basse sur les Mères et leurs utérus, le nouvel « or noir » de ce monde décadent.


Parmi les clauses du contrat, une exclusivité G-E : le « simulateur de présence féminine », soupape de sécurité pour évacuer à la fois tensions sexuelles et sociales du mâle Gaulois. Frenel s’engage à fournir via ses filiales une quantité illimitée de ce drôle d’équipement, appelé à devenir dix ans plus tard le nouvel opium du peuple, détrônant télévision et Internet.


14 Octobre 2023 : Assassinat de Jean-Louis Finckel, sur ordre de Frenel. Cet enfoiré a tenu à assister en personne au meurtre de l’illustre chercheur, exécuté à l’arme blanche. Il fait nuit, le tueur est un agent expérimenté des services spéciaux. Finckel n’a pas la moindre chance… On le voit lever son attaché-case pour éviter le coup mortel, sans succès. Des jets de sang maculent son pardessus, tandis qu’il agonise sur le pavé de la cour d’honneur du Min-Proc.


C’en était trop pour Léa, elle se déconnecta du simulateur…




-- 16 --


Je la retrouvai assise sur un rocher, non loin de la voiture. Faiblement éclairées par la lueur des étoiles, les montagnes nous écrasaient de toute leur masse. Léa regardait dans le vide, ses larmes roulant sur ses joues dans le froid de la nuit. Je m’assis à ses côtés, sans rien dire. Au bout d’un moment, elle s’appuya contre moi ; j’entourai son épaule de mon bras, essayant de lui apporter tout le réconfort et la chaleur humaine dont j’étais capable. Je posai avec douceur mon menton sur sa tête, lui chuchotant des mots sans importance tout en caressant ses cheveux.


Juste avant l’aube, je la persuadai de rejoindre le chalet. Elle me suivit avec une indifférence silencieuse. Après nous être déshabillés rapidement, nous nous sommes glissés entre des draps glacés au point d’en être humides. Léa s’est serrée dans mes bras en frissonnant, attendant que l’épais édredon répande sa douce chaleur dans le vieux lit en chêne. Puis, tendrement, sans nous presser, nous avons fait l’amour. Je tenais dans mes bras la première femme comptant vraiment pour moi. À l’écoute du moindre de ses soupirs, je parcourais inlassablement son corps de mes mains, tandis qu’elle s’empalait sur mon sexe, remuant à peine les hanches pour prolonger plus longtemps notre plaisir. Peu à peu, nos souffles mêlés, nos bouches soudées, nous avons accéléré le rythme jusqu’à atteindre un galop impétueux. J’ai joui en elle, longuement, éprouvant une sensation de plénitude jamais atteinte.


Tandis que je regardais Léa s’endormir, une joie tranquille me gonflait le cœur. Nous avions un monde à reconstruire, une société à réinventer, des enfants à élever. Mais tout ça était pour plus tard. D’abord, il y avait nous…




-- FIN --



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n° 13520Couplemelangiste11/10/09
Des bulles et un savon...
critères:   jeunes vacances piscine chantage fmast nopéné
18884 caractères      
Auteur : Couplemelangiste      Série : Fragments amoureux d'une libertine - 02 / 05

Résumé : Après avoir fait connaissance de la famille Trent, et étudié l’intimité des parents, Tiphaine se lance à la découverte de leur fils Charles.



***



Ma conversation avec Bruce a duré un peu plus longtemps que prévu… Le pauvre trognon s’ennuie ferme à Paname. Enfin… C’est ce qu’il dit. Mais comme de mon côté je lui raconte la même chose ! Si je n’ai pas passé sous silence la présence de Charles, je l’ai décrit comme un adolescent boutonneux et ennuyeux… Pas du tout mon style !


La description de mon colocataire a l’air de le rassurer… Quand il me demande si je me suis caressée en pensant à lui depuis mon départ, je crois bon de ne pas trop m’avancer sur ce territoire brûlant et je le rassure sur mes sentiments en lui souhaitant de beaux rêves. De son côté, il souhaite que les miens soient « très érotiques » avant de raccrocher, un peu dépité.


S’il savait ce que j’ai en tête le pauvre minou…


De toute façon je l’ai assuré de mes sentiments, pas de ma fidélité…


J’ai retrouvé Charles macérant depuis un moment déjà dans le bouillonnement du jacuzzi. Il a eu la bonne d’idée d’amener une bouteille de champagne dans son seau de glace, et son Ipod qui diffuse du Buddha Bar en sourdine, via l’équipement audio de la pièce…


Le boutonneux qu’il n’est pas, vient de marquer un point ! J’adore le champagne… Ça me change agréablement des Coca Light de Bruce au Macdo du coin. Idem pour la musique du Buddha Bar qui est un de mes endroits favoris lors de mes périples nocturnes.


Mais de là à ce qu’il se passe quelque chose entre nous…


La pièce est superbe comme tout le reste du chalet. Elle jouxte une salle de gym superbement équipée et le sauna que j’ai déjà visité la veille…

Le jacuzzi peut facilement accueillir dix personnes. Il affleure d’un sol gris profond en granit poli et il faut descendre deux marches larges pour rentrer dans l’eau bouillonnante.

Il est planté en plein milieu de cette pièce dont les formes octogonales sont entièrement peintes à la main d’une fresque en trompe l’œil de signature néo-orientaliste représentant des femmes aux poses lascives dans les jardins luxuriants d’un harem de l’Empire Ottoman. Certaines de ses beautés callipyges fument le narguilé, mollement étendues sur des coussins brodés d’or, d’autres s’amusent nues dans un grand bassin de pierre planté de nénuphars et de jacinthes. J’en vois même trois qui se font des papouilles sur un lit bas tendu de draperies multicolores ; pendant qu’à leurs côtés, un eunuque d’un noir d’ébène, vêtu simplement d’un pagne cramoisi et de lourds bracelets d’esclave, rafraîchit leurs jeux saphiques d’un long éventail planté de plumes d’autruche.

Des sources de lumière invisibles baignent l’endroit d’une tonalité orangée ; et comble de luxe, des effluves vanillés sortis d’on ne sait où viennent agréablement masquer les odeurs chlorées qui se dégagent de l’eau chaude.


Ayant l’impression de venir prendre ma place au milieu de ce tableau aux vertus érotiques, je laisse tomber mon peignoir avant de rejoindre Charles d’un pas étudié dans l’eau presque chaude à force d’être tiède. Il me mange des yeux…

Je porte un maillot noir une pièce, très fin et très moulant, qui laisse mon dos ouvert jusqu’aux fesses et épouse la forme de mes seins comme une seconde peau. L’uniformité lisse de cette membrane à la hauteur du pubis délivre sans fard à mon nouvel admirateur un de mes petits secrets… Je suis entièrement épilée !

Il a l’air d’apprécier ce qu’il voit. Ce qui m’évite d’avoir à m’excuser de mon retard…


L’air de rien, je le mate moi aussi pendant qu’il sert le champagne…

Son corps est la copie conforme de celui de son père. Un torse quasiment imberbe aux pectoraux impressionnants et aux épaules larges. Des jambes musclées montées sur des attaches fines… Pas mal du tout ! Et largement assez pour me donner quelques idées. Il porte un large bermuda de surf, et je me demande avec une certaine émotion si son sexe ressemble aussi à celui de son père…


Allongés l’un à côté de l’autre nous sirotons la boisson ambrée en discutant de choses et d’autres. La multitude de bulles tièdes qui explosent en vagues soyeuses contre mon corps ont fait naître dans tous mes muscles meurtris par la journée de ski une sensation de bien-être intense que l’effet de l’alcool amplifie encore.


La conversation s’est tarie toute seule après avoir commenté un moment la fresque qui nous entoure… Je lui fais remarquer l’impression d’érotisme alangui qui s’échappe de ce tableau. Il en convient facilement et fait une ou deux plaisanteries grivoises qui me font rire. En conclusion et avant de sombrer dans des pensées plus personnelles, nous nous accordons pour conclure que l’ancien propriétaire n’avait pas créé cet endroit pour qu’on s’y ennuie devant des murs nus, mais dans un dessein plus sensuel… Et la tension est montée d’un cran dans le jacuzzi.


Les yeux mi-clos, la tête appuyée sur un coussinet, je laisse mon corps flotter en apesanteur dans les remous en écoutant la musique. Mes pensées fonctionnent un petit peu au ralenti, mais je suis assez consciente pour me rendre compte qu’il me faut prendre une décision sur la suite que je veux donner à cette baignade que je pressens de moins en moins innocente.


Toute à ma rêverie, j’ai légèrement ouvert les jambes, et je sens la délicieuse caresse d’un jet d’eau tiède en dessous de moi qui vient s’écraser mollement contre la fine membrane du maillot entre mes cuisses. C’est suffisant pour que les terminaisons nerveuses de mon corps s’éveillent à nouveau.

Charles flotte lui aussi, allongé sur ma gauche, les yeux fermés, un bras étendu derrière ma tête sur le rebord du jacuzzi.

Malgré cette proximité, nos corps ne se sont encore touchés à aucun moment et sous le prétexte d’un remous, je sens sa jambe venir s’appuyer doucement contre la mienne et y rester.

J’ai très envie qu’il me touche ! Mais il serait déraisonnable de lui laisser penser qu’il peut s’emballer la fille unique de ses hôtes le premier soir… Non pas que cela dérange ma morale, mais tout simplement parce que cela me rendrait le reste du séjour insupportable que de le voir me regarder avec l’air conquérant de celui qui sait qu’il m’a eu ! Ou pire encore, de me considérer comme sa nouvelle petite copine, devant nos parents…

Beurk…


Sans bouger, ni ouvrir les yeux je me déplace un peu pour faire cesser le contact avec sa jambe. « Je ne suis pas un coup facile, mon petit Charles, tu vas t’en rendre compte très vite… »


Il revient à la charge quelques instants plus tard d’un mouvement un peu plus appuyé de la cuisse. Feignant la somnolence dans cette tiédeur humide, je retire encore la mienne…

S’il savait pourtant comme j’en ai envie…

Avec deux doigts de la main droite passée sous mes fesses, j’ai discrètement écarté le tissu léger pour mieux offrir mon sexe à la caresse aquatique. Je me déplace un peu pour que le jet vienne se briser doucement sur mon bourgeon d’amour en vagues chaudes… Je sens aussitôt ma chatte s’humidifier. La présence si proche de Charles m’électrise.

Il ne s’est rendu compte de rien, mais presque au même moment, sa main jusque-là immobile derrière moi, vient me caresser doucement les cheveux puis le cou.

Pas timide le coquin ! J’aime ça…


Je ne tressaille pas d’un muscle, lui laissant croire que je me suis assoupie pendant que mes hanches entament une lente houle invisible pour mieux concentrer le jet là ou ça fait vraiment du bien.


L’idée de me caresser à côté de lui sans qu’il s’en rende compte m’envoie une longue décharge de plaisir au creux du ventre et au bout d’un moment je dois m’éloigner un peu de la source tiède qui jaillit entre mes jambes au risque de jouir tout de suite et de ne pas pouvoir lui cacher mon émoi.


Pendant que les parties émergées de mon corps font leurs mortes, sa main s’est peu à peu enhardie. Elle descend doucement sur mon épaule qu’elle lisse du bout des doigts avant d’entamer un massage très doux, tout en lenteur sensuelle.

À côté de moi, je le sens concentré sur sa progression aussi savante que prudente afin de ne pas prendre le risque de me réveiller et briser le charme de cette exploration volée.


Il doit tenir ça de son père, ce côté explorateur… Mais ce jeune étalon n’a pas encore la connaissance des mœurs en usage chez les populations locales… Et tout aveuglé par les exigences de sa virilité, il ne se doute pas une seconde, que là-bas, très loin sous la surface, les profondeurs abyssales du jacuzzi lui cachent une activité coupable.

La face cachée d’un iceberg, sérieusement atteint par le global warming…


Je le sens tourner son corps vers moi maintenant. Il a décidé de profiter de mon faux sommeil pour poursuivre ses investigations et il doit penser que ses deux mains ne seront pas de trop…


Force m’est de constater que le beau Charles n’est pas un gentleman… Mais, qu’aurais-je bien pu faire d’un gentleman en cette occasion ?


Je ne m’attendais pas pourtant à ce que ses lèvres viennent se poser aussi vite à la naissance de mon cou comme un effleurement de papillon… Ce brusque maraudage me surprend et je ne peux m’empêcher de laisser échapper un minuscule gémissement de plaisir que j’essaye de camoufler en soupir de dormeuse dérangée. Le frisson qui me déchire en même temps tout le corps pour exploser en une boule de chaleur au cœur de mon ventre est plus difficile à camoufler…


À ce léger effarouchement de biche, il s’est reculé d’un centimètre ou deux mais le souffle de sa respiration un peu haletante dans mon cou et sur le lobe de mon oreille m’excite au moins autant… La main qui descendait doucement dans mon dos s’est subitement arrêtée au voisinage de mes lombaires.


Comme plus rien ne bouge et que la dormeuse de jacuzzi pareille à une vulgaire poupée gonflable de sex-shop semble dans un coma béat, il se pense sur le bon chemin. En jeune impétueux qu’il est, il se dit maintenant qu’il faut préciser son attaque.


La main est repartie plus bas, à peine hésitante. Je la sens maintenant délaisser des lombaires - qui ne demandaient pourtant pas mieux que de se soumettre à l’envahisseur après cette journée de ski - pour partir hardiment à l’assaut de mes muscles fessiers.


Sa consœur est venue se poser sur mon ventre en un massage rond et doux qui trouve ses frontières sur mes hanches, et ses lèvres ont cessé leurs attouchements de papillon, pour une caresse plus précise et mouillée au creux du cou.


Sa main remonte doucement vers mes seins en une caresse presque fugitive sur le tissu, et mes tétons se mettent aussitôt à durcir. Je voudrais qu’il les attrape, les masse, les fasse rouler sous ses doigts ! C’est une caresse que j’aime beaucoup, mais qui peut vite devenir douloureuse et me laisse généralement un peu frustrée. « Il n’y a pas que les seins dans la vie ! » Il y a aussi la chatte… Et à ce propos, le second petit gémissement que laisse échapper mes lèvres n’est pas complètement dû à ses efforts, mais aussi aux deux doigts que je viens d’y enfoncer par en dessous, pendant que les trois autres retiennent le maillot écarté juste ce qu’il faut, pour laisser le courant d’eau atteindre la cible de mon clitoris survolté.


Je me sais en danger pourtant… Il suffirait que sa main descende encore de quelques centimètres pour qu’elle rencontre l’envahisseuse dont les extrémités s’agitent dans ma grotte d’amour de plus en plus vite…

Sans arrêter cette masturbation aussi effrénée qu’invisible à mon partenaire, je réagis aussitôt en me laissant couler un peu dans l’eau chaude, bloquant doucement sa main entre mon corps et le fond du jacuzzi.

En plongée, toute !

Ma manœuvre réussit… Et le déprive d’une alliée importante, obligé qu’il est, de la laisser là, au risque de me réveiller s’il la retire…

Échec au roi !


Il ne se décourage pas pour autant dans son objectif d’atteindre la terre promise, et la main qui me caressait les seins en ménageant de moins en moins leurs pointes érigées de plaisir, délaisse enfin mes courbures tendues pour prendre une tangente plus méridionale et venir effleurer de la paume les contours bombés de mon mont de vénus.


Toute empêtrée d’idées torrides, je suis au bord de l’explosion… « J’ai envie qu’il me ravage de plaisir… Que sa main s’empare de moi comme une bête affamée et plonge toute entière dans ma grotte bouillante… J’ai envie qu’il me maltraite de toute la puissance de sa virilité… J’ai envie de l’enfoncer dans ma gorge comme j’ai vu Julia le faire toute à l’heure…


Mon point de non-retour peut-être atteint maintenant sans le moindre préavis. Je me reprends un peu avant que cet orgasme ne me pète à la gueule ! Il faut que mes sens résistent encore pour en travailler la stratégie. En tirer la quintessence. En faire un prélude à bien d’autres. C’est de lui que va dépendre l’atmosphère du séjour…


Mais la prudence s’impose pour éviter le flagrant délire.


Comme une pieuvre des grands fonds aux bras fluides dans les remous, je laisse glisser avec quelque regret mes doigts hors de l’anfractuosité béante dans lesquels ils flottaient. L’aine du maillot se referme sur cette lâche désertion et ma chatte trempée. Sésame, ferme-toi…

Me voici revenue une dormeuse de la fresque, tout ce qu’il y a de plus sage, de plus innocent.


Mais le piège est désormais tendu, et la mèche allumée. Fruit d’une expérience toujours enrichie, je sais à l’usage que pendant la minute qui va s’écouler, le moindre attouchement sur mon clitoris ouvrira la vanne des torrents de plaisir. Soixante secondes… C’est mon record !


C’est à lui de venir s’engouffrer dedans, et de provoquer le cataclysme qui fera de lui l’esclave dévoué de mes pulsions les plus étranges pour le reste du séjour… À lui de jouer… Et de m’offrir l’orgasme mémorable que mon corps appelle à grands cris.

Ou de me rater complètement, s’il attend trop longtemps…


De toute façon, pour lui, le résultat sera le même : il ne se rendra jamais compte de rien… Mais en paiera quand même le prix.


À la vingt-deuxième seconde de ce débours fatidique, la main s’est posée plus franchement sur le maillot lisse et satiné et le bout de ses doigts se sont tout naturellement placés en embuscade autour de mon bourgeon qui gonfle presque à en crever la fine membrane de lycra qui l’étouffe.


Il est dans le timing… Jusque-là, j’avais raison de lui faire confiance. Charles ? c’est un futur professionnel. Il a juste besoin de se forger un peu d’expérience.

Comme au milieu d’un songe érotique que ses caresses furtives auraient provoqué, je n’ai pas pu empêcher mes cuisses de s’ouvrir plus largement pour accueillir au mieux cette presque caresse et lui rendre la tâche plus facile. Il a tressailli tout contre moi, et je se sens sa queue bandée frotter contre ma jambe. Je ne la retire pas cette fois, au contraire…


41… 42… Il ne faudrait pas quand même qu’il me laisse en rade sur le ballast de mon plaisir. Qu’attend-il donc, pour pousser enfin son avantage ? Je suis à lui…


48… Mes lèvres laissent échapper un petit gémissement d’anticipation énervé… Et ma jambe innocente frotte un peu plus fort contre son sexe.

C’est le moment qu’il choisit pour porter l’estocade, en resserrant ses doigts pour enfermer mon clitoris dans un étau de pulsions douces mais fermes…

Je vous l’ai dit : il n’en fallait pas plus !


C’est soudain comme un tremblement incontrôlable dont l’épicentre se situe très loin tout au fond de mon ventre et dont les ondes concentriques se répercutent en vagues chaudes pour inonder le reste de mon corps. Je sais que j’en crie presque de bonheur…


Mais de cet orgasme qui me déchire complètement de l’intérieur et me lance dans des soubresauts désordonnés… Charles lui ne voit qu’une fille qui semble se réveiller en sursaut en refermant vivement le compas de ses cuisses sur sa main désormais prisonnière (la pressant encore plus fort contre mon clitoris pour exacerber la durée du plaisir…) et qui se rend compte soudain, qu’elle était en train de se faire méchamment peloter dans son sommeil par un quasi inconnu…


Pris la main (presque) dans le pot de miel, il reste à côté de moi, pétrifié de la réaction en chaîne qu’il vient de provoquer…


Je le gifle violemment pour commencer…


Ma chatte est encore toute agitée de contractions spasmodiques et je sens le miel couler de moi comme d’une fontaine avant de se diluer doucement dans l’eau du jacuzzi.


D’une voix essoufflée je lui demande ce qui lui prend ? je l’insulte… Le traite de violeur… De presque pédophile…

Je le menace de porter plainte.


Ayant enfin récupéré sa main, il s’est redressé complètement affolé en se massant la joue, là ou mes doigts ont laissé des sillons rouges, conscient soudain de ce que mes cris d’orfraie peuvent ameuter ses parents et les miens.

Sous son maillot collé à la peau, je constate qu’il bande sec ! et de ce côté-là, c’est confirmé : Charles n’a rien à envier à son père : « Il a une bite énorme ! » comme dirait Valérie Lemercier. Trois fois celle de Bruce, en longueur comme en largeur… Ben oui… Le problème, il est là ; et à moins d’avoir des tuyaux, on ne sait jamais sur quoi on va tomber avant de l’avoir sorti du paquet…

Je n’en vois pas assez les détails pour la décrire mieux que ça… Mais je me promets illico d’y remédier bientôt…


Sous l’effet conjugué et de ma colère et de sa honte, je vois du coin de l’œil, le superbe organe qui se ratatine peu à peu sous la toile de son bermuda. J’en éprouve un certain regret de gâcher une érection aussi parfaite.

Il me supplie de me taire, et me demande pardon pour ce qu’il a fait.


Il pensait que je ne dormais pas et que je savais ce qu’il faisait…


Je le détrompe de sa prétention et de sa suffisance… Je l’humilie.

Les dernières vagues de plaisir commencent à refluer… Je les savoure en hurlant encore plus fort, sachant que la pièce est complètement insonorisée et que personne ne peut nous entendre. Je le menace de prévenir mes parents et les siens…


Il est catastrophé de mon esclandre.


J’ai renfilé mon peignoir, les jambes tremblantes et le sexe encore tout bouffi de plaisir. Il me suit jusqu’à la porte de ma chambre et m’empêche d’en refermer la porte, en me suppliant de lui pardonner et de ne rien dire à personne…

Je lui demande s’il compte me violer maintenant, après avoir abusé de moi dans mon sommeil. Et j’aurais presque aimé qu’il me dise oui…

Il se confond encore en excuses… Il jure que cela ne se produira plus jamais. Je ne lui ai pourtant pas demandé d’aller jusque-là…

Il laisse enfin la porte se refermer, sur la promesse que je réfléchirais avant de le dénoncer. J’ai tourné la clé à double tour, en regrettant qu’il n’ait pas un passe.


Échec et Mat…


Les épaules contre le chambranle, un sourire aux lèvres, je reste quelques instants à l’écouter encore de l’autre côté de la porte me chuchoter qu’il fera tout ce que je veux si je ne le dénonce pas…


Je l’entends enfin s’en aller… Je prends une douche rapide pour me rincer du chlore du jacuzzi. Je me brosse les dents.

À peine me suis-je mise au lit que je m’endors comme une fleur.


Accessoirement aussi, je me traite de « fieffée salope ! » mais je ne m’entends plus… Je dors déjà !




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n° 13521HugoH11/10/09
Papyrus
critères:   nonéro
37657 caractères      
Auteur : HugoH

Ils partageaient la même cavité amniotique. C’était un état qui marquerait leur existence mais dont ils n’auraient jamais le souvenir. Ils se ressembleraient. Puis en prenant de l’âge, les jumeaux se différencieraient. La personnalité se forgerait. Les rencontres les modèleraient. Ils nageaient dans un liquide doux et tiède. Une cloison de chair laissait passer des ombres. Il y avait un écho mat et régulier. De temps à autre, ils ouvraient les yeux. Devinaient un monde étouffé. Depuis l’extérieur, mais ce concept ne leur était pas familier, leur parvenait la rumeur d’un univers gigantesque. Ils ouvraient les yeux. Ne se voyaient pas. Mais ils n’étaient pas seuls. Quelque chose en eux vibrait. Un autre. Le même. Ils bougeaient la main. Tournaient sur eux-mêmes. Et leurs mouvements étaient symétriques, parfaitement identiques. L’un dormait longtemps. L’autre non. Comme s’il veillait. Les rares fois où les deux sortaient de ce sommeil qui semblait sans fin, ils pouvaient ressentir une force, une puissance souterraine qui électrisait le liquide clair.

Mais il vint un moment où l’un des deux n’ouvrit pratiquement plus les yeux. Ses mouvements s’étaient ralentis. Ses bras ne remuaient plus. Dans la cavité, les membranes chaudes frémissaient. Il y avait des dépôts. Il y avait des particules. Le deuxième observait. Il attendait les étranges signaux qui le rassuraient tant. Mais rien ne se passa. Et bientôt, il n’y eut plus que ses propres impulsions, ses seuls déplacements. Et quand il ouvrait les yeux désormais, une forme sombre appuyait sur le mince rideau de chair. Inerte et effrayante.



Paul


La dernière fois que je l’ai vu, il y a deux semaines, Lucas avait l’air fatigué. Vraiment, il avait une mine terrible. On a passé un moment dans un petit café près du centre. Il pleuvait. Je lui parlais mais il ne semblait pas réceptif. Quelque chose le tracassait. Il a bu trois cafés. Il remuait les jambes sous la table. Serrait ses mains nerveusement. Je lui ai demandé ce qui n’allait pas, il m’a dit qu’il dormait mal ces derniers temps. Je l’observais. Tandis que je parlais de tout et de rien, boulot, cinéma, musique, ce genre de conneries, je le regardais. J’ai pris mon temps parce que j’en avais. Parce que s’adresser à quelqu’un qui n’écoute pas, qui ne répond rien et qui jette des coups d’œil nerveux à gauche et à droite, donne un certain confort à l’observation. Au bout d’un moment, je lui ai à nouveau demandé ce qui n’allait pas. Il a regardé par la vitrine. Il faisait presque nuit tellement le ciel était chargé. Il avait envie de fumer, jouait avec son paquet. Alors on est sortis. Et il s’est mis à parler. Vite. Trop vite. Ses yeux fatigués entraient dans les miens. Il était pâle et avait maigri depuis la dernière fois. Mais je me suis retenu de lui dire. Il m’a encore parlé des mails. Il a allumé une deuxième cigarette. Il avait rabattu la capuche de son sweat sur sa tête. Un sweat bleu très sombre qui tirait sur le noir. Il m’a dit : Pourquoi prend-il un malin plaisir à me persécuter ? Qu’est-ce que j’ai bien pu lui faire ? Quand je m’endors, c’est avec cette menace au-dessus de ma tête. Je ne fais plus qu’attendre ses messages. C’est une ombre qui vit derrière moi. J’ai dit : Ça va se tasser. Attends un peu. Il a écrasé son mégot par terre. Et qu’est-ce que tu en sais ? Et puis il est parti, il s’est mis à courir. Comme un jogger, les poings serrés. Il a disparu sous la pluie. Je ne l’ai plus jamais revu.



Simon


Lucas et moi, on se connaît depuis l’enfance. On s’est rencontrés à l’école. Il avait déjà cet air absorbé mais je ne me rendais pas vraiment compte. C’est en y réfléchissant bien plus tard que ça m’est revenu. Il avait cette faculté à s’abstraire. D’un coup, il disparaissait. Même quand on jouait aux billes. Du genre à regarder une fourmilière pendant des heures ou s’interroger sur la couleur de l’ardoise, à aimer le contact de la craie sur le tableau, à s’étonner de la couleur du ciel. Ce genre de choses. Il lisait. Des trucs de gamins. Il récitait ses rédactions devant la classe.

Il ne m’a avoué qu’à l’adolescence qu’il écrivait presque tous les jours. Des histoires. Des pensées. De la poésie surtout. Il adorait ça. Je le soupçonnais de faire semblant, de ne pas vraiment comprendre ces mots qui à moi me semblaient hermétiques. Pourtant il était imprégné, paraissait bien pensif en dévorant les lignes. Plus tard, il m’a fait découvrir des auteurs comme Dylan Thomas, Keats, Rimbaud. Il était obsédé par ce poème de Thomas : Et la mort n’aura pas d’empire. Il me le récitait souvent. Je me rappelle du début.


Et la mort n’aura pas d’empire.

Les cadavres nus ne feront plus qu’un

Avec l’homme dans le vent et la lune d’ouest.


Abstrait. Trop pour moi. Mais il était passionné et bien qu’il soit devenu un jeune homme taciturne, quand il vous parlait de poésie, une flamme dévorait son regard. Certaines fois, il me faisait peur, il était trop investi. Je lui disais qu’il était possédé. Je lui disais : Sors de là maudit démon, lâche mon pote Lucas. Il se figeait un moment et puis il riait.

Il m’a fait lire ce qu’il écrivait pour la première fois le jour de ses quinze ans. Qu’on a fêté à deux, c’était assez bizarre. Sa mère était en voyage et Lucas avait peu d’amis. Peu de famille aussi. Pas assez proches pour qu’ils se déplacent à ses anniversaires en tout cas. Il était nerveux. Il m’a tendu cinq ou six feuillets qui composaient une suite de poèmes liés les uns aux autres. C’était original, très sombre mais original. Ce qui m’a frappé, c’est qu’on pouvait parfois diviser en deux le même vers. Le couper au milieu et cela donnait un nouveau poème. Passé cet aspect étonnant, je me suis concentré sur les mots. Ça traitait de la gémellité, de la mort, de l’oubli. Dérangeant. Glaçant même quelques fois. Il me regardait. Ses yeux cherchaient les miens. Je ne lui connaissais pas cet air. J’ai bien compris à quel point ce que j’allais dire était important. Mais bordel, je n’étais vraiment pas la bonne personne. Plus je lisais et plus je me débattais dans des sables mouvants. Oppressants. Ça avait un effet sur moi, c’était indéniable. Mais était-ce le contexte, son appartement faiblement éclairé, la pluie au dehors ou lui qui paraissait si tendu ? Je lisais. C’était visqueux. Liquide amniotique, fœtus, chair corrompue. Le texte gagnait en violence au fil des pages. J’ai fini les feuillets. Je les ai posés sur la table basse, à côté du gâteau sur lequel brûlait encore des bougies. L’étrange intensité qui tenait son regard avait disparu et ne subsistait plus qu’une tristesse, une légère amertume. Il avait du talent, j’ai dit : Tu as du talent. Ça a eu l’air de le soulager mais c’était bien peu en comparaison de la tension qui le tenait. Ce soir-là, je venais de découvrir quelqu’un que je ne connaissais pas. J’ai répété : Tu as du talent. Mais je me demandais ce qu’il pourrait bien en faire.



Lucas


Il aimait attendre le dernier moment avant d’enlever ses écouteurs. Il aimait aussi se signer discrètement lorsque les deux grandes portes vitrées coulissaient lentement. C’était un grand immeuble dans une grande ville. Sur le toit, de puissants sigles tailladaient le ciel ; lorsque les nuages étaient bas, ils teintaient l’air d’un halo sanguin. Il enlevait ses écouteurs, coupait son baladeur un mètre avant les portes coulissantes. Puis il entrait.



Laura


C’était quelqu’un d’étrange. Nous sommes restés ensemble près de deux ans. J’étais sa première petite amie sérieuse. Je crois que je suis restée la seule. Il avait déjà son appartement, alors nous nous sommes installés. J’étais amoureuse. J’étais tombée amoureuse tout de suite. Il me regardait avec beaucoup de force. Je veux dire, il était présent. Vraiment là, avec moi. Ça me changeait. Souvent, les gens sont ensemble sans vraiment l’être. On prend un café, on boit un verre mais on n’écoute pas. On baise mais on n’écoute pas. Personne n’écoute. L’esprit au bout d’un moment s’enferme sur ses problèmes, sur le lendemain, sur le ciel, sur le temps qu’il fera. On fait des gestes, on envoie des signaux. Mais on n’est pas là. Lui, c’était vraiment incroyable, il donnait l’impression d’être totalement présent. Il m’écoutait comme si sa vie en dépendait. Pourtant, qu’est-ce que j’ai d’intéressant ? Qu’est-ce qui pouvait bien le fasciner ? Comme s’il ne pouvait rien avoir de plus important au monde que moi. C’est ce qui le différenciait des autres. Je n’ai jamais lu ses poèmes. Il n’a jamais voulu. Je n’ai pas insisté. J’aurais peut-être dû. Mais je n’étais pas comme lui, je ne pouvais pas donner cette impression, je ne parvenais pas m’intéresser aux autres ni à lui comme il aurait fallu. Il ne m’a pas changée. Ou alors juste un peu. Ça sera peut-être suffisant. J’aurais peut-être dû. Ces gens, ces gens qui écrivent, qui font de la musique, qui peignent, ces putains d’artistes sont complexes. On dirait qu’ils portent leur ego sur toutes les parties de leur corps. Ils disent oui, ils pensent non. Ils disent non, ils veulent oui. Je savais que c’était important pour lui. Mais j’avais d’autres problèmes. Je voulais que ça marche lui et moi, mais en mon for intérieur, je sentais depuis le début que ça n’irait nulle part.

C’est en vivant avec lui que je me suis rendu compte que quelque chose clochait. La nuit. La nuit, il ne dormait presque pas. Il écrivait. Après le sexe, il écrivait. Jusqu’au matin, il écrivait. Et puis il allait bosser. Il se rattrapait dans la fin de journée, parce que c’était un moment qu’il détestait. Quand le jour mourait, il se couchait. Et puis, les quelques fois où il s’endormait avec moi, trop fatigué pour faire autre chose, il lui arrivait de se lever. De se lever dans son sommeil. Il arpentait l’appartement. Il parlait aux miroirs. Posait sa main dessus. Parlait. Les yeux ouverts, il parlait. C’était flippant. Vraiment. Ça me nouait le ventre. Je m’approchais de lui et je le guidais dans le lit. Il me disait : Je n’ai pas confiance en mon sommeil. Je lui disais : Il faut que tu voies quelqu’un, tu ne vis pas normalement. Il me disait : Ça a de l’importance, vraiment ?

On voyait peu de monde mais on en voyait un peu quand même. Son pote Paul, son pote Simon. Leurs copines. Une ou deux soirées ici et là. Pas plus. J’aurais aimé qu’on sorte, qu’on ait une vie sociale plus importante, mais il se renfermait quand je lui en parlais. Ça ne l’intéressait pas. Avec ses potes, il pouvait rester des nuits entières à écouter de la musique, à jouer à la console, à regarder des films. À vingt-cinq ans, ils n’ont rien d’autre à faire. Et le pire c’est qu’ils croient que c’est intéressant. Quand j’allais me coucher, je voyais bien qu’il était à la fois soulagé et déçu. Il fumait des pétards. Buvait un peu. Mais je crois que ça lui faisait peur. Autant que les soirées où le son passait fort. C’est ce fossé qui s’est creusé entre nous. J’aurais peut-être dû insister. Mais je voulais quelque chose de normal. Le jour où je suis partie, il a pleuré. Sans se cacher, il a pleuré. Devant moi. Et puis il a fermé la porte.



Thomas


À bosser à côté de lui toute la journée, il fallait bien admettre qu’un truc clochait. Un truc léger mais c’était là, derrière son regard, dans sa voix claire. En dehors des appels clients, il parlait peu. Prenait ses pauses tout seul. À ma connaissance, il ne s’était lié avec personne depuis qu’il était dans la boîte. Et ça faisait plus de quatre ans je crois. Il y avait bien cet informaticien, Vladic, avec qui il mangeait de temps en temps, mais c’était tout. Sur le plateau, les gens ne s’intéressaient pas à lui. Mais dans ces boulots, on ne se lie pas vraiment. On baise, on parle, on balance, on dit des vacheries dans des soirées creuses. Tout le monde crache sur tout le monde, tout le monde crache dans la soupe. Mais la soupe c’est vrai qu’elle n’est pas bonne. Alors, on se lâche. Sinon, on devient dingue. Tout le monde s’envoie des mails. Des infos circulent, en ligne interne, en ligne externe, sur portable, par sms. Pendant les appels, ils pensent à autre chose, ils pensent tous à ce qu’ils vont faire le soir. Ils regardent les autres, ils se recoiffent. Ils vont aux toilettes, ils se frôlent, ils parlent bas dans les cafétérias, ils fument lentement au pied des tours. Tout le monde est dégoûté d’être là mais personne ne sait quoi faire d’autre. Ils ne veulent pas l’admettre, ils le refusent. Pourtant, c’est leur putain de vie. Et moi, je les encadre, je les flique, et plus le temps passe et moins je peux les supporter. Lui, c’était différent. Parce que différent il l’était, fondamentalement il l’était. Et il n’avait rien à faire là. Quand il parlait aux clients, il avait ces drôles de mots. Cette façon de parler, un peu d’un autre temps. Et si les autres chargés de clientèle ne s’intéressaient pas à lui, ça ne les empêchait pas de le trouver bizarre. Peu se mettaient à côté de Lucas. Sauf les jours où l’effectif était chargé. Il était bien noté. Il était sérieux. Pas d’appels personnels, pas de pauses intempestives. Internet par contre, il y allait. Il avait créé un site je crois. Mais il décrochait à une bonne cadence. Je le supervisais. Et je me rappelle avoir dit en réunion que ce gars avait réussi l’exploit de ne recevoir aucun appel extérieur en trois mois.



Lucas


Il tapait vite. Frapper les touches d’un clavier lui semblait naturel. Autour de lui, des gens parlaient. Dans des petits micros reliés à des casques ils parlaient. Et toutes ces voix étaient un tapis sur lequel sa propre voix glissait. Il appelait des inconnus. Répondait à d’autres. Il leur parlait. Entrait dans leur vie avec des mots qu’il tentait de rendre humains. Ces mots, il aurait dû les vomir mais il savait faire la part des choses. Souvent, la pluie tombait sur la ville. Il aimait regarder les traînées d’eau sur les grandes baies vitrées. Il ne pensait pas à la poésie, pas ici.


Isabelle


Je n’ai pas été une mère parfaite. On peut dire que je n’ai pas été une bonne mère tout court. Pourtant, je l’ai aimé. Mal, mais je l’ai aimé. Je suis trop égoïste. J’avais une carrière, des choses à gérer. Je n’avais pas la volonté de changer. Il n’a manqué de rien. Financièrement, je l’ai mis très tôt à l’abri. Mais je n’étais pas souvent là. Et comme son père m’a quittée peu avant sa naissance, il a grandi seul dans un bel appartement, entouré de nounous et de domestiques. Depuis son plus jeune âge, il s’est montré renfermé, intelligent et vif mais centré sur son monde intérieur. Il s’inventait des amis invisibles. Était peu liant. Quand il était seul dans sa chambre, je l’écoutais parler, donner des consignes à ses jouets, lire des histoires à ses « amis », gronder ses peluches. Ça me faisait peur et dans le même temps mon cœur se serrait parce qu’il était si ardent dans ses petits jeux que cela touchait mon âme de mère. Petit à petit, ces rituels ont disparu mais cette propension à parler seul lui est restée. Il est demeuré introverti et timide. Sombre et tourmenté. Quand il a été plus grand, il devait alors avoir douze ans, il m’a posé des questions sur son père. Je lui ai dit que cela avait été une erreur, que c’était une courte relation et qu’il n’avait pas voulu entendre parler de la naissance des petits. C’est là qu’il a appris. Je n’avais pas l’intention de lui en parler parce que pour moi ça n’avait plus vraiment d’importance. Mais Lucas a semblé complètement décontenancé par la nouvelle. Il avait un jumeau, un jumeau qui est mort aux environs du septième mois dans mon ventre. J’ai dû accoucher précipitamment. Lucas est parti en couveuse tout de suite. Je l’avais assez mal vécu à l’époque, j’avais tellement peur qu’il arrive malheur au deuxième. Beaucoup de choses se bousculaient. Et quand Lucas est né, j’ai oublié celui qui n’était pas venu. Le nécessaire a été fait pour que sa mémoire soit conservée. J’étais sa mère à lui aussi.

En voyant l’air de Lucas quand je lui ai avoué l’existence d’un jumeau, je me suis dit qu’il prenait la chose trop à cœur. Mais je ressentais aussi un soulagement chez lui, comme s’il avait deviné cette vérité depuis toujours. Comme si je mettais des mots sur un mal profond. À l’époque, ce n’était pas si clair dans mon esprit mais avec le recul aujourd’hui et à la lumière de sa disparition, je comprends que ça avait du sens. Après cela il s’est encore plus fermé. J’ai mis ce comportement sur le compte de l’adolescence. Je n’avais pas envie d’y penser. Je gérais ma vie professionnelle. C’était mon premier poste à responsabilité. Du genre qui prend beaucoup de temps et d’énergie. Je dis toujours que c’est comme rentrer dans les ordres. C’est un sacerdoce à ce niveau. Et ce n’est pas que pour l’argent. Sans mon travail, après la mort de Lucas, je me serais écroulée. C’est lui qui m’a tenu en vie. Je sais ce que je lui dois.

Je lui ai payé un psy puis un autre et encore d’autres. Les mêmes que les miens. Jusqu’à ce qu’il refuse d’y aller. Il me disait, ça ne me fait rien, je vais bien. Je ne vois pas pourquoi je devrais aller là-bas. J’ai payé pour qu’il se confie. Qu’il se purge. Lui et moi, ce n’était tout simplement plus possible. On était incapable d’aligner trois mots à la suite sans que le ton monte. J’étais absente. Je prenais des avions. Je l’appelais entre deux vols. Je l’appelais depuis des salles de conférence vides. Je gagnais des miles. Je voyageais avec peu de valises. J’avais plusieurs comptes. Dans les hôtels de luxe, tout est disponible. Je l’appelais. Il faisait jour chez moi, nuit chez lui. Il dormait rarement. J’écoutais sa respiration. Je lui disais : Si tu ne veux pas me parler, fais-moi écouter ton souffle. Je m’endormais souvent comme ça et quand je me réveillais, il avait raccroché.

Il y a quelques années, pour ses dix-huit ans, nous sommes partis tous les deux. Les îles du pacifique. Des endroits incroyables où l’eau est claire et vénéneuse. Les gens pêchent juste pour le plaisir mais ne mangent pas le poisson, à cause des essais nucléaires. Ils tuent au harpon et rejettent les proies dans l’eau. Je lui avais payé le voyage mais la distance n’y faisait rien. On ne se parlait pas. Il n’y arrivait pas, moi non plus. Je ne comprenais pas ce qui l’intéressait. Et lui passait son temps à regarder la mer et à écrire ses poèmes. C’est là bas que je les ai lus pour la première fois. Je lui avais dérobé des cahiers. Il dormait. C’était le matin. Je regardais la mer et puis je lisais. C’était sombre. Dense. Ça parlait de double, de gémellité. De mort. Ça m’a fichu un coup. Sur le moment, je me suis dit qu’il était vraiment malade. Je pensais aux mots des médecins : Jumeau fantôme. Je me demandais si Lucas s’était renseigné là-dessus. S’il pensait que ça avait un impact sur lui. Jumeau fantôme. Écorce noire. Papyrus. Papyrus, c’est le terme scientifique. Je lisais. Et comme quand je l’écoutais derrière la porte lorsqu’il était enfant, je me suis senti triste et touchée. C’était sa façon d’exprimer ses douleurs. J’étais une pitoyable voleuse. Pourquoi le juger ? J’ai failli lui en parler. J’ignorais que c’était si important pour lui. Je connaissais des gens dans l’édition, j’aurais pu l’aider. Mais de toute façon, il aurait refusé. Lucas faisait ce qu’il voulait. Comme lâcher ses études. Comme faire ce boulot minable. Comme vivre dans ce petit appartement. Je n’avais jamais entendu parler de ces mails avant la disparition de Lucas. Il ne s’est jamais confié à moi.

Chaque mercredi, on allait dans un salon de thé dans le centre, près du fleuve. Je lui posais des questions sur tout, sa vie, ses amours, ses finances, mais il restait évasif. Sur tout. Il jouait avec un briquet. Avec une cuiller. Avec un sucrier. Il m’énervait. Un jour, je lui ai demandé s’il avait un problème, s’il prenait des drogues. Et il m’a répondu, Tu veux dire les mêmes pilules que toi ? J’ai posé ma main sur la sienne, Est-ce qu’il n’était pas possible que l’on ait une relation apaisée, enfin ? Je lui ai proposé encore une fois de le faire travailler dans quelque chose de plus intéressant où il gagnerait mieux sa vie puisqu’il refusait mon argent. Personne ne me connaît là ou je travaille, personne ne me voit. Ça me va. Voilà ce qu’il a dit.



Paul


On faisait du skate ensemble. Plus jeune on restait des heures dans la rue. C’était la mode. On écoutait de la musique indépendante. On portait des sweats, des jeans larges et de grosses baskets. Il y avait Lucas, Simon et moi. Même à nous il parlait peu. Il écoutait plutôt. Il était attentif. Je me rappelle d’un soir, c’était l’été, on s’est assis dans le parc près de la rue où on allait skater régulièrement. Et il s’est mis à nous parler. Il nous a dit qu’il faisait des recherches sur les jumeaux, ça l’intéressait. Il nous a parlé des jumeaux chimériques. Paul a dit : C’est quoi ça ? Et Lucas nous a expliqué qu’il s’agissait de jumeaux qui grandissent rapidement dans un même placenta si bien qu’il se crée un réseau de vaisseaux sanguins à travers lesquels les cellules peuvent voyager d’un jumeau à l’autre. Du coup, la singularité de l’autre s’altère. Il peut récupérer les cheveux, les poils, voire à terme les spermatozoïdes de l’autre. En théorie, cela voudrait dire que plus tard l’un des jumeaux pourrait faire des enfants qui seraient en fait génétiquement parlant les enfants de son frère, ses propres neveux. Des études, nous avait dit Lucas, avaient été faites sur des Ouistitis, sur des singes, sur ce genre d’animaux. Lucas parlait. Le jour tombait sur la ville. Simon a allumé un pétard. Puis un autre. Lucas parlait. Des jumeaux parasites. Il nous a dit que cela arrivait lorsqu’un des jumeaux ne parvenait pas à croître suffisamment vite. Dans ce cas, il se comportait comme un parasite pour l’autre. Dans le cas plus extrême, ça pouvait donner ce qui était arrivé à cette petite fille en Inde qui était née avec quatre jambes et quatre bras. Tout le monde la prenait pour une déesse là-bas. Il nous disait qu’il pouvait arriver que l’on trouve à l’intérieur d’un œuf de poule un autre œuf plus petit. C’était la même logique. La même nature. Il y avait aussi les jumeaux fantômes. Ceux qui disparaissaient, qui se nécrosaient. Qui noircissaient. Lucas disait qu’il pouvait y avoir des séquelles pour le survivant. Des séquelles psychologiques. Et puis il s’était arrêté de parler. On a écouté de la musique, on a fait du skate, on a regardé les grandes tours du centre, on a pensé à autre chose. Mais cette conversation m’est restée en mémoire. D’abord parce qu’il état rare que Lucas parle autant, ensuite parce qu’il semblait vraiment affecté. Je lui ai demandé : Mais pourquoi ça te fascine autant ? Il n’a rien répondu.

Il nous faisait lire des poèmes quelque fois, je sais que Simon en profitait plus que moi parce qu’ils étaient plus proches. Moi, j’aimais bien ce qu’il me donnait. C’était barré, très sombre. Ces histoires de reflets. De doubles, de mort. À cet âge là, je suppose que c’est le genre de choses qu’on aime, non ? Il n’allait pas bien, c’était un fait. Mais en vérité, qui pouvait dire parmi nous qu’il allait bien ? Personne ne va bien. Aller bien, ça n’existe pas. Mais quand il a rencontré Laura, on s’est dit que les choses iraient mieux. Qu’il allait mettre de côté sa prose, passer au concret. Trouver sa voie. On bossait déjà tous. On avait lâché les études. On n’en avait vraiment rien à foutre de rien. Lui en plus avait de l’argent. Sa mère en avait. Mais ça n’a rien changé. Il a continué à écrire et finalement c’est peut-être ça qui lui a fait le plus mal. Personne ne le prenait au sérieux. Personne ne l’a jamais pris au sérieux.

Il a monté son site avec un mec du boulot. Il a mis ses poèmes en ligne. J’y suis allé une fois ou deux mais j’avais d’autres trucs à faire. Il avait mis un tracker. Pour surveiller le nombre de visites. La plupart des jours, le compteur affichait zéro comme un thermomètre du Groenland. On le chambrait mais il se braquait. Ça l’affectait. Moi, je ne comprenais pas, j’en avais parlé avec Simon. Ces trucs là ce sont des hobbies, rien de plus. Pourquoi prendre ça tellement au sérieux ? Sans ces putains de vers, sans ces conneries de mots qui lui sortaient par les oreilles, il serait encore en vie. Cette histoire de site devenait obsessionnelle. Il me disait : J’ai l’impression de tenir une maison délabrée. C’est comme si j’attendais quelqu’un qui ne vient pas. Comme si je gardais la maison Usher. Ce genre de truc me semblait obscur. Tout ce que je pouvais faire, c’était allumer un bon pétard et parler d’autre chose. Voir un film. Écouter de la musique. Parler de nos boulots débiles. Et puis, un jour les choses ont pris un virage plus radical encore. C’était il y a quelques mois, juste après Noël. Il s’est aperçu que quelqu’un était venu trois fois dans la même journée sur son site. La même adresse IP. Une adresse qui venait de la ville même.



Lucas


Il marchait dans son sommeil. Depuis longtemps. C’est aussi pour cela qu’il préférait ne pas dormir. Mais quand la fatigue était trop grande, qu’il ne parvenait pas à la contenir. Alors, ses songes l’emportaient vers de curieuses contrées. Il y avait de la glace. Il nageait sous la glace. Quelqu’un le regardait. Quelqu’un qui posait ses mains sur les siennes à la surface. Quelqu’un qui suivait sa trace. Depuis qu’il vivait seul, quand ses pas inconscients le portaient devant le grand miroir du salon, il devait attendre que quelque chose le réveille. Le téléphone, la lumière du jour, un réveil matin. Effrayé, il ouvrait les yeux sur sa propre image. La marque de ses mains souillait la surface froide. Ses jambes lui faisaient mal. Il se demandait combien de temps il était resté ainsi, immobile devant le miroir. À vrai dire, c’était toujours la première question qui lui venait à l’esprit.



Vladic


Je l’ai aidé à monter son site. Un jour il est venu me voir dans mon bureau. On avait échangé des mails à propos d’un problème informatique lié à son profil opérationnel. Il m’avait paru assez sympa. Plutôt déconnecté. C’était dans la formulation des phrases, une espèce de libellé ampoulé que j’avais perçu comme ironique. Au travail, c’est assez rare. Je reçois près de deux cents mails par jour. Je lis toujours la signature et la formule de politesse en premier. Je lis à l’envers. C’est une technique qu’un prof de programmation m’a donnée. On peut lire deux fois plus vite et mieux sentir la couleur du message. Il est rare en définitive qu’ils soient neutres. Il y a de l’agressivité, de la fourberie, de l’humour rarement. Certains sécurisent le mail, on ne peut pas les faire suivre, on peut juste leur répondre, d’autres mettent des destinataires cachés. Tout le monde est paranoïaque. Derrière la façade des mots, il se joue tellement de tensions, de jalousie, de peur. L’informatique c’est le saint des saints. Un blocage et c’est le monde qui s’effondre. L’identité même qui disparaît. Pour Lucas, c’était différent donc, il y avait une distance et une ironie qui me plaisaient. Il signait mR au lieu de Mr. Précisait, souvent, « Sain de corps et d’esprit », enjolivait d’une formule en Latin, Ab Irato ou Da Capo, ce genre de choses. C’est devenu un jeu. On a mangé quelques fois ensemble quand je n’étais pas avec l’équipe informatique. On a sympathisé. Et puis un jour, il m’a demandé de l’aider à créer un site pour diffuser des poèmes. Je crois que personne ici ne savait qu’il écrivait. Je sais qu’il passait pour un mec associable et étrange. Ça me gênait un peu parce qu’on ne se connaissait pas bien et que ses textes qu’il était en train de me faire lire, je ne trouvais pas ça bien. Pas du tout. Trop sombre, trop intérieur, trop personnel. Ça me faisait chier. Mais allez dire ça à quelqu’un. De la poésie au vingt et unième siècle, il faut quand même avoir de la suite dans les idées. Trop sombre vraiment. Ambigu, cruel. Ces histoires de double, ça me mettait mal à l’aise. Je lui ai dit que c’était pas mal mais que je manquais de temps. Ensuite, il m’a tanné des jours et des jours. Jusqu’à ce que je finisse par céder. Il voulait quelque chose de bien. Il était prêt à me donner de l’argent. Mais j’ai refusé, c’était pas grand-chose à faire. On a bossé quelques heures et le site était prêt. Sobre, sombre. Noir, blanc, de légères teintes grises. On l’a agrémenté de photos qu’il avait prises. Il était enthousiaste. Vraiment. Ça faisait plaisir à voir. Surtout qu’un site de poésie qui n’allait être visité que par sa famille et encore, il n’y avait pas de quoi sabrer le champagne. Mais bon, j’avais rendu service. Le type était attachant. Ça me suffisait. S’il s’y retrouvait avec ses vers sordides, ça le regardait. Il m’avait demandé de lui ajouter une page contact pour que ceux qui passaient sur son site et qui en avaient envie puissent lui envoyer des messages sur sa boîte. Il était nerveux. De temps en temps, il venait me demander un renseignement sur une mise en ligne, sur un code HTML.

Et puis il a reçu ce mail. Il me l’a fait lire. Il avait sollicité l’avis des gens qui pourraient échouer sur son site, il n’a pas été déçu. C’était terrible. Bien formulé. Plutôt fin. Et c’était ce qui était le plus terrible, la critique avait du sens et malgré sa violence, elle touchait juste. Lucas a renvoyé un mail pour savoir qui était la personne qui avait écrit ça. Mais il n’y a pas eu de réponse. On a fait le rapprochement avec les passages notifiés sur le tracker. Il y avait cette adresse IP qui revenait, toujours la même. Il me disait : Ce mec me connaît. Non seulement sa chronique est juste mais en plus il n’a pu trouver le site qu’en tapant mon nom. La personne utilisait un proxy distant comme le font les entreprises par sécurité. Comme notre boîte pouvait le faire. J’ai trouvé le proxy en question, j’ai compris que ça venait de chez nous. Ça avait du sens. Il suffisait qu’un connard des plateaux ait trouvé le site pour qu’il ait envie de s’amuser. Le problème, m’a dit Lucas, le problème c’est que je ne vois pas qui pourrait écrire aussi bien et aussi juste. Il était sacrément nerveux. Tu ne connais pas tout le monde, j’ai répondu. Tu ne connais personne.



Simon


Le soir où il a reçu le premier mail, Lucas m’a appelé. Je crois qu’il suspectait toutes ses connaissances. Il était abattu. Il m’a lu les mots. La personne qui les avait écrits parlait de son poème « La femme qui tombe » C’était net, sans fioriture. Brutal. Il y avait de quoi s’interroger. Je me rappelle qu’en l’écoutant, j’ai éprouvé un certain soulagement. J’étais comme Lucas avant. Je faisais de la musique. Sérieusement. Jour et nuit je jouais. Surtout la nuit. Une passion. Une passion de jeunesse. Je voulais un groupe. Je voulais faire des disques. Des concerts. Et puis un jour j’ai tout arrêté. Ça ne venait pas. Aucun projet clair, pas de perspectives. J’allais dans le mur en m’obstinant. Mon instrument m’éreintait. Je ne voulais pas lâcher par principe mais la vérité c’est que je n’étais ni assez doué ni assez chanceux, ni assez entreprenant. Et puis je commençais à travailler. Dans le graphisme. Je gagnais un peu d’argent. J’en avais discuté plus d’une fois avec Lucas. Il ne comprenait pas. On s’affrontait. Il me disait : J’y passerai ma vie mais je ne vois pas d’autre issue. Sans ça, il n’y a rien. Je lui disais : L’issue c’est de vivre. Prends une nana. Voyage. Profite. Ces passions sont destructrices. Le monde n’est plus dans ce mouvement. Le monde n’est plus un havre accueillant pour les artistes. Les femmes et les hommes de cette planète sentent la fin arriver. Il faut faire vite. Fuir. Fuir en avant. Ne pas réfléchir. Ça ne sert plus à rien de réfléchir. Ça rend juste malheureux. Sept milliards. Sept milliards ! Tout ça nous dépasse. À quoi ça sert d’écrire des poèmes ? Et je lui disais : Putain, mais à quoi ça peut bien servir ? Et où est-ce que ça l’a mené ? L’art c’est de la merde.





Lucas


Il pleuvait tout le temps dans cette ville. Il mettait ses poèmes sur son site. Son temple dans le vide. Personne ne s’arrêterait ici. Routes électriques, faisceaux phosphorescents, sons mats et numériques. Des diodes filandreuses tailladaient le ciel noir. Membranes métalliques. Orages composites. Le monde sans air. Il plaçait ses textes. La femme qui tombe. Perte / Moitié. L’étreinte. Illusion / liberté. L’incendie. La mort au commencement. Et d’autres encore. C’était son lieu. L’endroit sacré. Quelqu’un finirait bien par venir ici. Quelqu’un qu’il ne connaissait pas. Quelqu’un qu’il attendait. Il y avait des accidents dans ce monde aussi. Des naufrages. Des hasards.



Thomas


D’un coup au travail, il est devenu bien plus sombre encore. Complètement enfermé. Sa cadence s’est ralentie. Sa productivité a baissé. Il ne parlait plus du tout à ses collègues, jetait des coups d’œil à gauche, à droite, comme s’il était épié. Et même s’il était déjà à l’écart avant cela, les gens du plateau se sont mis à se poser des questions. Dans ce genre de secteur, une baisse d’activité est vite dénoncée par un sympathique collègue. Un mail, une allusion. Putains de piranhas. Lucas, je l’aimais bien, c’est-à-dire comme on peut bien aimer un mec qu’on manage. Tant qu’il ne me chie pas dans les bottes, tant qu’il joue le jeu. Mes outils indiquaient une chute de productivité d’environ trente pourcents. Mes outils disaient : Il y a un problème. J’ai dû le recevoir. Je l’ai convoqué. Plusieurs fois. J’ai essayé de le faire parler. J’ai usé des techniques d’entretien. Sans effet. Je l’ai menacé. Sans effet. Je l’ai amadoué. Sans effet. Un jour, j’ai poussé mes feuilles de statistique sur le côté de la table et je lui ai dit : Oublions le bureau, c’est quoi le problème ? C’était aussi une technique. Il a juste concédé vivre des moments difficiles. Il fuyait mon regard. Regardait la fenêtre fermée. Des gens passaient devant le bureau, jetaient des regards en biais. Il a encore dit : C’est difficile. Et quatre jours après, il a disparu.



Isabelle


On a retrouvé la barque sur le fleuve. Ses vêtements étaient bien rangés. Les rames ramenées et parallèles sur le fond en bois. Il y avait une légère brume. Les gyrophares tenaient le crépuscule. Ils ne l’ont retrouvé que de nombreuses heures plus tard. Des hommes grenouilles ont fait des signes. Ils ont remué des lampes dans la nuit. Il faisait froid. Si froid qu’une mince pellicule de glace n’allait pas tarder à se former.

J’ai erré un long moment. Je suis allé chez lui. Je me suis couchée. J’ai passé un de ses t-shirts. J’ai pleuré. J’ai lu des feuillets. C’était tellement sombre. Je sentais l’échec. Mon propre échec. Comment avait-il pu devenir ce parfait étranger ? Son frère. Ses poèmes parlaient presque toujours de son frère. Je ne savais pas qu’il avait porté ça si longtemps. Et puis, j’ai lu les mails. Il les avait imprimés et posés sur son bureau. Une bonne douzaine. Un par semaine. Des messages terribles qui détruisaient son travail. Ça m’a mis en colère. Puis je me suis calmée. Il y avait quelque chose dans l’écriture. Quelque chose de familier. J’ai regardé les heures d’envoi. J’ai regardé les jours. J’ai cherché.



Lucas


Il se rendait aux toilettes. Quand la pression devenait trop forte. Quand les vertiges venaient, il s’abritait dans une cabine. Mettait sa tête entre ses mains. Fermait les yeux. Respirait lentement. Des gens entraient et sortaient. Il devinait les chaussures, les silences devant la grande glace. Comptait les minutes. Baissait la tête.



Paul


Sa mère m’a apporté les mails. Elle pleurait. Elle me disait : Regarde, Lis, Lis bien. L’écriture. Cette façon de tourner les phrases. Tu ne trouves pas ça bizarre ? Elle était livide. Sa voix cognait les murs. Je la connais depuis longtemps mais finalement on ne s’est pas beaucoup parlé. Elle m’a montré les plannings. Ceux de Lucas. Ils correspondaient. Les dates et les heures correspondaient. Mais ça voulait dire quoi ? Ça n’avait aucun sens. Lucas se serait envoyé les messages ? J’ai appelé Simon. Je lui ai parlé de cette histoire. Mais on n’y a pas cru. Il aimait trop ses poèmes pour se détruire de la sorte. Et pour quoi faire ? J’ai dit : Pour se pousser au suicide ? Simon a dit : C’est n’importe quoi.



Lucas


Il pleuvait tout le temps. C’était l’impression qu’il avait. Son manager le regardait. Il raccrochait un appel, en prenait un autre. Discrètement, tandis qu’il répondait de cette façon enjouée qui les rassurait tous, il regardait son site. Lisait sa prose. C’était la sienne, vraiment ? Il regardait autour de lui. Murs gris. Baie vitrée. Panneaux lumineux. Une vie de plastique. Son ventre se serrait. Fermait les yeux. Ouvrait les yeux. C’était quoi cette merde sur l’écran ? Ces poèmes à la con ? Chialeuse, petite chialeuse de merde. Ces poèmes, il en cernait parfaitement les limites.



Simon


À l’enterrement, il n’y avait pas beaucoup de monde. J’ai repéré Vladic, l’informaticien du boulot et Thomas, son manager. C’était bizarre de le voir là. Lucas m’en avait dit du mal. Sa mère pleurait dans un beau tailleur noir. Il y avait une légère brume qui flottait sur les feuilles jaunies. Tandis qu’on plongeait le cercueil dans la terre, je me suis demandé s’il n’aurait pas préféré être incinéré. Partir dans les flammes. C’était incohérent toutes les pensées qui me venaient à l’esprit. Mais à bien y regarder, j’ai compris pourquoi sa mère avait choisi cet endroit. À la droite de la tombe de Lucas, il y en avait une autre, toute proche. Même croix. Même nom de famille. Son frère. Son jumeau mort peu avant la naissance. On ne savait pas, c’est sa mère qui nous l’a dit après la cérémonie. Ce qui est sûr c’est que Lucas ignorait qu’il était enterré ici. Sa mère l’avait gardé pour elle. Tout ce temps. Je ne sais pas pourquoi. Je l’ai observée. Elle était belle. Je l’ai vue s’agenouiller devant les deux sépultures.

Je l’ai regardée prier dans les brumes.






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n° 13522e.rotika13/10/09
La bénédiction du sexe
critères:   fh religion hdomine fmast fellation cunnilingu pénétratio confession
8207 caractères      
Auteur : E.rotika

J’ai des fantasmes assez particuliers et je tente de les assouvir autant que possible. Celui que je vais vous raconter est de loin le plus excitant…


J’ai toujours voulu me masturber dans un confessionnal. Je ne sais pas pourquoi, ça m’a toujours tentée et excitée. Savoir que je suis dans ce lieu sacré, à me toucher, en pensant à la position de l’église à ce propos, ça me fait mouiller.


Je décide d’y aller, après tout on n’a qu’une vie et j’ai pris la décision de la vivre à fond.

Me voilà donc dans l’église de ma paroisse, elle est vide. Je vois le confessionnal, et je me dirige sans penser à autre chose qu’au plaisir que je vais me donner.

Je me fous de savoir si on me verra, m’entendra ou jugera, tout ce que je veux, c’est me donner du plaisir.


Me voilà assise dans cette pièce étroite si particulière. Pas de prêtre de l’autre côté. J’imagine qu’un inconnu vient me rejoindre et que, sans échanger un mot, il baisse son pantalon et me montre sa queue bien tendue. Cela suffit à rajouter à mon excitation et je glisse une main dans mon pantalon. Ma culotte est toute humide, je sens à travers le tissu que j’ai vraiment bien mouillé. Je m’empresse de toucher ma chatte trempée. Mes doigts glissent bien et j’entends même ce bruit si caractéristique qui m’excite au plus haut point. Je ne peux m’empêcher de pousser un gémissement, tellement c’est bon.


Soudain, le rideau devant moi s’ouvre, un homme entre dans le confessionnal et referme aussitôt le rideau derrière lui.

C’est le prêtre de la paroisse qui est là, dressé devant moi.


Malgré tout, ma main reste collée à ma chatte, j’ai trop bon, tant pis, je continue mon va-et-vient. Je me demande pourquoi il ne dit rien, quand je remarque la grosse bosse à son pantalon. Mon curé est avant tout un homme et le spectacle qui s’offre devant lui semble l’exciter au plus haut point. Je continue donc à caresser ma chatte qui mouille comme jamais et lui reste là devant moi à me regarder. Il est si proche de moi, n’oublions pas que la pièce est vraiment petite, que quelques fois, j’en profite pour me frotter à son sexe à travers son pantalon. Je jouis sans peine devant lui, sans retenue, heureuse d’avoir eu tant de plaisir.


Je le regarde droit dans les yeux et je comprends qu’il ne souhaite qu’une chose, que je le libère de son excitation.


Ni une, ni deux, j’ouvre la braguette de son pantalon et saisis sa queue dans ma main. Elle est tendue et bien dure et je la caresse lentement. Mais le bougre est pressé, il saisit ma tête et ramène ma bouche à son sexe, je ne me fais pas prier pour la lécher et la sucer. Je me demande s’il est puceau et ça m’emballe au plus au point de penser que je suis peut-être en train de le dépuceler ! Il a bon, il pousse de petits gémissements, je devine qu’il se retient pour que nous ne soyons pas surpris. Il se met à faire un va-et-vient et me baise littéralement la bouche avec son sexe. Comme c’est bon de sentir sa queue dure, je sens qu’il va venir et il ne tarde pas à déverser son jus béni dans ma bouche. Il se retrouve là devant moi, la queue à l’air et je ne peux pas me résoudre à en rester là.


Je retire alors mon jean’s et ma culotte et l’invite à venir visiter mon entrejambe. Il s’agenouille devant moi et, sans hésiter, plonge son visage dans ma chatte. Il me lèche comme un dieu (facile le jeu de mot), la sensation est extraordinaire, il commence par me lécher complètement, enfonçant sa langue dans mon trou, il vient sucer mon clito, me bouffe carrément la chatte. J’écarte bien les jambes et pose mes pieds sur ses épaules, pour me donner complètement à lui. C’est là qu’il introduit deux doigts en moi, pendant qu’il me suce le clito. Il fait des va-et-vient lents avec ses doigts, mais s’acharne sur mon clito, je n’y tiens plus, me voilà en train de jouir pour la deuxième fois. Je peux sans aucun doute affirmer qu’il n’en est pas à son coup d’essai ! Mon curé a de l’expérience, je doute que je vais lui apprendre des choses. Tout cela est très troublant, je dois bien l’avouer.


Je n’ai pas le temps de penser cela qu’il se relève et je vois qu’il bande à nouveau, il m’invite à me relever, il me retire mon t-shirt, me retourne contre le mur du confessionnal, vient se plaquer derrière moi et introduit sa queue dure dans ma chatte qui n’attendait que ça. Le simple fait de me dire que je suis nue alors que lui est toujours dans son habit de prêtre me fait mouiller à mort. Il n’y va pas par quatre chemins et me baise comme un acharné, ses coups de queue sont fermes et rapides, je le sens excité comme un fou, et je le suis tout autant que lui. Il me tient les seins, les malaxe, les pince, il sait ce qu’il fait. Mon prêtre est une bête de sexe et il me fait jouir là contre le mur du confessionnal.


Il n’a pas joui, il bande toujours fermement, j’adore le regarder vêtu tout de noir avec cette queue qui dépasse, je décide de le déshabiller totalement, mais il ne veut pas, il me fait mettre à genou maintenant, à quatre pattes ensuite et je devine qu’il veut me prendre par l’arrière. Il est dans une position ahurissante, compte tenu de l’étroitesse de la pièce, on dirait qu’il me prend comme si nous étions des animaux. Là aussi il a un rythme effréné et j’ai bon, tellement bon que mes gémissements doivent s’entendre dans toute l’église. Il se retire de moi et déverse son jus sur mon dos.


Je voudrais lui dire un mot et là il pose son doigt sur ma bouche pour me faire garder le silence. Je ne peux m’empêcher de le lécher, malgré tout ce que je viens de faire, je suis encore très excitée, j’ai envie d’aller loin avec lui, je veux aller jusqu’au bout de ce fantasme et de l’excitation que je ressens. Il le comprend très vite et cette fois-ci m’invite à sortir du confessionnal, je suis nue, j’hésite, il me tire par le bras, il sort la queue à l’air, et moi complètement nue !


Je me dis qu’il est fou, mais l’appel du sexe est le plus fort, je traverse l’église et me retrouve à l’arrière dans son bureau. Il me regarde avec des yeux qui en disent long et il bande à nouveau. Il s’assoit sur son fauteuil et m’invite à venir m’installer sur lui. Je me place à califourchon et j’enfonce sa grosse queue sans mal dans ma chatte. Il ne bouge pas, il attend que je fasse tout le travail, je ne me fais pas prier, je me sers de sa queue pour me donner du plaisir, lui s’occupe de mes seins, il les lèche à pleine bouche, il aime ça, je le sens. Je vais et je viens lentement sur sa queue, j’ai envie de faire durer mon plaisir, je le rends fou, il gémit de plus en plus fort, il en veut plus, mais je ne lui donne pas, je compte à m’empaler sur sa bite lentement, c’est tellement bon, je veux faire durer ça un maximum. Mais c’est sans compter sur la fougue de mon prêtre qui m’attrape par la taille, me soulève et me couche sur son bureau, il place mes jambes sur ses épaules, m’écarte totalement et plonge sa queue en moi, il me regarde fixement pendant qu’il me baise, retirant complètement sa queue de moi pour l’enfoncer au plus profond de moi avec presque de la violence. Je deviens folle, tout tombe de son bureau, je ne peux plus gémir, je crie carrément, je sens que tout monte en moi, l’orgasme est proche, pour lui aussi ce n’est plus loin, je l’entends haleter et grogner de plaisir, pendant qu’il se déverse une nouvelle fois en moi, je hurle mon plaisir de me faire sauter de la sorte !


Il reste en moi un instant, le temps de reprendre notre souffle, quand il se retire, il me demande encore de garder le silence, je le vois ranger sa queue, fermer son pantalon, je comprends qu’il est temps pour moi de rentrer chez moi.

Il m’accompagne au confessionnal pour récupérer mes vêtements, nous traversons donc encore une fois l’église, heureusement il n’y a personne.


Je me dirige vers la sortie, il vient avec moi, et alors que je veux ouvrir la porte, il s’en occupe, et je vois qu’il avait fermé à clé ! Quand il ouvre la porte, je vois quelques dames attendant l’ouverture. Elles me regardent sortir un peu surprises et il les accueille sans sourciller, les invitant à s’installer. Je comprends maintenant pourquoi j’ai trouvé plusieurs fois cette porte fermée quand je suis venue, et pourquoi les dames qui sortaient de l’église à ce moment-là avaient l’air si apaisé…





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n° 13523Claude Lamour13/10/09
Mon amie Nicole
critères:   f ff fbi noculotte fmast intermast cunnilingu 69 fgode pénétratio fdanus fsodo jouet champagne -initff
20566 caractères      
Auteur : Claude Lamour

Mon amie Nicole




Cette phrase, je ne pensais pas la prononcer un jour.

Nicole est une amie, très bonne amie.

Femme extravertie et libertine, nous avions tenté, il y a quelque temps, avec mon mari, de pimenter un peu notre vie de couple en l’invitant pour ce que nous appelions une expérience. Ce fut un désastre. J’ai pris peur et nous avons arrêté avant même de commencer.


Je plaisais beaucoup à Nicole, elle ne se privait pas de me le dire, puis refus après refus, de guerre lasse, elle a cessé de me contacter. À l’époque, je n’aurais su dire si cela m’avait vexée ou soulagée.



Ça, c’est mon mari, Michel. Je l’aime, ou du moins je crois le penser. Il travaille beaucoup et je dois dire qu’il m‘oublie un peu, parfois… trop. Comme ce soir, où il me laisse seule comme une truffe devant un téléfilm merdique. Moi, j’aurais plutôt penché pour un petit câlin sur le canapé. Il paraît que le cap à passer c’est sept ans de vie commune. Nous l’avons passé, mais en voilà dix et l’ennui et la routine commencent à me peser, lourd, très lourd, trop lourdement.


J’éteins la télé et me plante devant l’ordi. Je navigue une petite heure et de site en site, je me chauffe en regardant des photos pornos. Je ne pense pas que se soit ce genre de chose qui calmera ma libido du moment.


Allons voir sur MSN si je trouve un contact sympa. J’en ai très peu. La plupart ne désirent qu’une chose, ou voir des photos ou me voir en cam. Ce n’est pas mon truc. Des contacts féminins, j’en ai quelques un, mais sans grand intérêt non plus. Sinon, Nicole.

Son petit bonhomme est toujours allumé vert. Combien de fois ai-je eu la tentation de lui lancer un « coucou ». Mais je recule sans cesse. Je m’amuse à lire les petites phrases que mettent les contacts près de leurs pseudos.

Il y en a une qui retient mon attention :



J’approche de la quarantaine, ma vie est triste et monotone. Oui, je crois bien avoir quelques regrets. Finalement il ne s’est pas passé grand chose dans ma vie.

Peut être faut-il mieux avoir des remords et de bon souvenirs ?



Ça y est. Le message est parti, je ne peux plus faire marche arrière.

L’attente me semble interminable. Puis…

« Nicole est en train d’écrire.  »

Mon cœur se met à battre plus vite dans ma poitrine.

Enfin, un texte s’affiche.



Mon message à peine envoyé que j’ai la sensation de l’inviter directement dans mon lit. Les mots « proposition », « dispo », « journée », « heureuse », résonnent dans ma tête comme si je venais de m’offrir à cette femme.

La réponse ne se fait pas attendre :



Mes doigts tremblent et l’émotion me gagne. Péniblement, je tape :

« ok ».

La peur d’une trop longue conversation m’effraie tellement que je me déconnecte tout de suite. Je rejoins Michel dans le lit conjugal. Il dort à poings fermés. Je lui tourne le dos et presque sans le vouloir, je passe ma main sur ma vulve. Je suis inondée. J’en rougis. Comment une invitation au restaurant peut-elle me mettre dans un tel état ? Je me détends et me caresse lentement. Mon bouton est gonflé de désirs. Il ne me faudra pas cinq minutes pour jouir, genoux serrés et lèvres pincées pour étouffer un cri de bien être.


Six heures.


Le réveil sonne.

J’ai passé la nuit à fantasmer et j’ai très mal dormi. Si mon chéri s’imagine que je vais me lever pour lui faire son petit déjeuner, c’est raté. Je reste bien au chaud au fond de mon lit. Je n’ai qu’une hâte, c’est qu’il s’en aille pour me libérer vraiment de ce qui m’a torturée toute la nuit.



La porte claque.



Je ferme les yeux et visionne Nicole. Humm ! Cette belle rousse qui me tente tant. Ai-je bien fait de lui donner rendez-vous, alors que je ne suis même pas certaine d’aller jusqu’au bout, du moins si elle me fait une proposition.

Je me caresse un peu, presque sans le vouloir. Immédiatement le plaisir prend possession de mon ventre. D’une main je frotte mon clito gonflé, de l’autre je titille la pointe de mes seins. Ma jouissance est rapide tant les images que je m’invente sont chaudes. Je me surprends à dire « Nicole ! » au moment de jouir.



10 h 30

Je tourne en rond, panique un peu. Comment m’habiller. Je ne veux pas faire la provocatrice. Pantalon ? Hum ! Pas très pratique. Mini jupe ? Hors de question, ce serait avouer mon désir. Alors ce sera une robe légère fermée sur le devant par des boutons ; pas de soutien-gorge, pour une fois ma poitrine peut s’en passer et enfin, une petite ceinture pour dessiner ma taille. Dehors il fait froid, je passe des bas tops et un petit string presque assorti à la robe. Une belle paire de bottes, mon long manteau en veau retourné et me voilà prête ; belle, j’espère.



11 h 15

J’arrive au petit restaurant où nous avons souvent mangé avec Nicole et mon mari. Je suis la première. Je préfère. Je choisis une table discrète dans la salle du fond et commande un « baby », histoire de tenter de me calmer. Je suis glacée, mes jambes tremblent et j’ai le rouge aux joues.


Mon petit cœur s’emballe lorsque je la vois franchir la porte. Tous les yeux se retournent vers elle… et pour cause. Elle est vêtue d’un petit blouson de cuir noir, ouvert sur un bustier rouge à lacets qui serre sa poitrine et d’une mini jupe de la même couleur. Bien sûr, ses bas sont résilles et elle chausse des talons hauts.



Finalement, ma vie trépidante et passionnante ne me donne guère de sujets de discussions. Heureusement, il n’en est pas de même pour elle, et elle meuble le repas à me conter ses conquêtes et ses aventures. Arrivé au café, elle se lève et vient s’asseoir près de moi sur la banquette. Elle passe son bras autour de mes épaules et me presse légèrement contre elle.



Nous arrivons chez elle et mes jambes tremblent plus que jamais. Je lui donne mon manteau.



Je m’installe dans le canapé, ou plus précisément, je pose mes fesses sur le bord du canapé. M’y enfoncer de trop pourrait sembler provocateur. Elle revient avec deux tasses bouillantes, puis elle s’assoit près de moi, bien au fond du canapé. Elle avale son café sans se brûler, j’ignore comment elle à fait. Puis pose sa tasse sur la table basse. Un frisson me parcourt lorsque sa main caresse mon dos. Surprise, je manque de m’étrangler et je dois poser la tasse pour tousser.



Je m’enfonce dans le cuir et elle se rapproche de moi. Comme au restaurant, elle passe son bras autour de mes épaules. De son autre main, elle caresse délicatement ma joue. Moi, figée, frigorifiée par la peur, la timidité et sûrement une part de honte, je fixe mes genoux, mes mains biens croisées sur mes cuisses.



Putain, quelle gourde, je n’arrive même pas à répondre.



Pour paraître détendue, je lisse mes cheveux de mes mains.



Elle prend ma main et la pose sur sa cuisse. Sa jupe est si courte qu’elle la pose sur son bas. Sous mes doigts je sens la résille qui gratte un peu. À son tour, elle pose sa main sur mon genou et remonte très lentement, en petites caresses, sur ma cuisse. Elle passe sous ma robe. Je suis pétrifiée et terriblement excitée à la fois. Je suis entre le feu et la glace. Je pense qu’elle le sent et redescend sa main jusqu’à mon genou.



Je tourne la tête timidement et je plonge dans ses yeux. C’est ce que je redoutais. Son regard est envoûtant, captivant. De nouveaux frissons me parcourent. Je suis perdue… j’ai envie d’elle… je la veux. Il me semble perdre la raison, perdre pied et je me jette à corps et à cris dans ce plaisir nouveau.



Elle ne se le fait pas dire deux fois et se penche vers moi. Ses lèvres touchent délicatement les miennes, puis sa langue se fait présente et c’est tout naturellement que j’entrouvre ma bouche et titille son organe musculaire du bout du mien. Très vite nos baisers deviennent fougueux et je me surprends à glisser mes doigts dans sa crinière rousse.


Encouragés par ma fougue soudaine, je sens ses doigts qui dégrafent fébrilement les boutons de ma robe. Le tissu qui s’écarte doucement laisse pénétrer un air plus frais. Je sens la pointe de mes seins se durcir et grossir en un rien de temps.

Ses petits doigts agiles descendent encore faisant sauter un à un les petits boutons.Elle s’arrête à la barrière de la ceinture et pose doucement la paume de sa main sur mon ventre. Celui-ci se rétracte de plaisir. Puis, tout en m’embrassant, elle remonte cette même main vers ma poitrine en demande d’amour. Elle prend un de mes seins et l’écrase et le malaxe gentiment dans sa main. Sa bouche quitte la mienne et lèche mon menton, mon cou, arrive aux seins et titille de sa langue un des deux tétons. Quelle douce sensation.


Je sens ses cheveux parfumés encore de l’odeur de shampoing. Dans cette position, son dos m’est offert et j’y passe ma main. Une à une je fais sauter les agrafes de son bustier qui bientôt tombe au bout de ses bras. Agilement, elle s’en dégage et le fait voler au milieu de la pièce. Désormais je caresse la peau douce de son dos, alors que délicatement, tout en léchant et aspirant mes seins, elle dénoue ma ceinture et fait sauter les quelques boutons qui restent. Doucement, elle écarte les deux pans de ma robe et me voilà nue ou presque, offerte à cette magnifique libertine.

Elle se redresse et me contemple.



Son bras est resté derrière mes épaules et, de sa main ballante, elle me caresse un sein. De son autre main elle caresse mon corps de bas en haut. Ni trop fort ni trop doucement. Sa main est douce et ses doigts épousent toutes les courbes de mon anatomie, du genou jusqu’à la joue. Elle glisse entre mes cuisses, appuyant peut être un peu plus sur le fin tissu qui sépare ses doigts de ma fente que je sens dégoulinante de plaisir et d’envie.


Son visage s’approche du mien et, une fois de plus, nous partageons un délicieux baiser, nous mordant légèrement les lèvres, fouillant notre palais en faisant tourner nos langues dans une danse frénétique et savoureuse. Nos corps se sont rapprochés et ses seins frôlent les miens. Je me redresse, je me tends vers cette femme, afin que nos mamelons se frottent avec forces et vigueur. Je sens ses tétons dressés, durs et fiers rouler sur ma poitrine comme elle doit sentir les miens, prêts à exploser de bonheur.


Sa bouche une fois de plus quitte la mienne et descend, descend toujours. Elle glisse jusqu’à se retrouver à genoux entre mes cuisses. Je suis vaincue et me laisse guider par cette experte du plaisir. Sa langue court et frétille sur l’intérieur de mes cuisses me provoquant des sensations encore inconnues de mon corps.

Un doigt malin écarte le petit triangle de mon string et sa langue chaude touche directement mon clito gonflé. C’est comme une décharge électrique, un feu d’artifice. Mes mains agrippent sa chevelure et poussent son visage vers mon intimité. Je ne me sens plus moi-même. Je ne me sens plus femme ou être humain. Je ne suis que bonheur pur et plaisir intense. Je voudrais en mourir.



Ce matin en me levant, j’étais à cent lieux de penser prononcer cette phrase.

Mes yeux mi-clos, observent malgré tout mon bassin qui ondule vers la bouche gourmande. Elle me fouille avec application, et savoir faire. Je me laisse glisser sur le cuir jusqu’à la renverser au sol et m’asseoir sur sa bouche. Mon corps est cambré et je pétris mes seins comme une folle, tête en arrière en poussant des râles de plaisirs.


Mais cela ne me suffit plus, je veux donner aussi. Alors, plus vite que de le dire, je me retourne et plonge moi aussi entre ses cuisses, sous la petite jupe rouge qu’elle porte toujours. La salope ! Elle n’avait pas menti, elle ne porte rien.


J’écarte ses grandes lèvres de mes doigts. Je vois son intimité humide palpiter au gré de mes caresses. Je plonge mon visage et tombe très vite en extase en dégustant ce doux nectar féminin. Nous nous engageons dans un soixante-neuf digne des plus grands pornos hollywoodiens. Nous frottons nos corps, nos mains courent, fouillent. C’est ainsi que je ne me suis aperçue qu’après plusieurs minutes qu’elle fouillait mon anus de son index.


Nous roulons, nous nous cambrons et finalement elle se retrouve sur moi, en m’embrassant et en frottant sa vulve dégoulinante contre la mienne.

Mon cœur bat la chamade comme jamais. Je suis bien, heureuse, libérée d’un poids. En aucun cas je ne me sens fautive en quoi que se soit. Une pause s’impose après ce démarrage en trombe.


Je transpire, j’ai très chaud. Je pense que le stress du début sort et dégouline de tous les pores de ma peau. Elle, semble radieuse, détendue et en pleine forme.

Elle se lève, quitte sa jupe qui sans doute la gêne et d’une voix guillerette me propose un verre de champagne, que j’accepte bien volontiers.


Je reste assise au sol, jambes repliées tenues par mes bras et je pose mon menton sur mes genoux, rêveuse. Quelle idiote j’ai été d’attendre si longtemps, de laisser passer tant d’années pour toucher à ce bonheur particulier du sexe.

Je m’interroge. J’ai souvent douté des dires de Nicole concernant ses nombreuses expériences en tout genre. Exhibition dans la nature, s’offrir à des inconnus au bois ou dans des cinémas ou encore dans des saunas, participer les yeux bandés à des mini-orgies. J’aime l’écouter et j’en ris beaucoup. Mais aujourd’hui, je me dis… et si c’était elle qui détenait la vraie clef du bonheur ?



À genoux, face à face nous buvons une coupe de champagne en croisant nos bras. Puis, elle les prend et les pose sur la table basse. Elle se tourne vers moi, prend mon visage dans ses mains et plonge ses yeux au plus profond des miens.

J’ai un frisson.



Elle prend la bouteille de champagne, la déshabille de sa collerette d’aluminium, puis la pose par terre. Moi, hypnotisée par cette femme, je reste sans réaction à l’observer. Elle se soulève et se place au-dessus du goulot. Lentement elle s’empale sur la bouteille, jusqu’à mi-encolure, là où le verre prend de l’ampleur.

Elle pose ses mains sur mes épaules pour se servir d’appui, ferme les yeux et remonte avant de se rasseoir de nouveaux sur ce gode improvisé.


La voir ainsi faire l’amour avec une bouteille m’excite. Je me rapproche d’elle et mets mon corps au contact du sien. Je la sens se frotter à moi au fur et à mesure qu’elle se baise. Ses seins passent successivement dessous et au-dessus des miens. Son ventre bouillant frotte le mien transmettant sa chaleur. Je prends sa bouche et l’enlace tendrement pour un doux et long baiser humide.


J’aurais dû m’en douter, Nicole n’est pas fille à prendre seule du plaisir.

Avec habileté, elle penche rapidement la bouteille et m’appuie sur les épaules. Je sens le goulot bouillant de la jouissance de mon amie pénétrer mon vagin.

D’abord surprise, je me laisse posséder par le verre lisse. Et à mon tour je me laisse prendre par cet étrange objet que l’on croirait dessiner pour la chose.

Je ferme les yeux et me surprend à enchaîner plusieurs petites jouissances à la suite. Je suis tellement bien dans mon trip que je ne me suis même pas rendue compte que Nicole ne me touchait plus. Quand j’ouvre les yeux, un sexe d’homme énorme est planté devant mon nez.



Nicole est debout et flanquée d’une ceinture-gode. Amusée, continuant à me faire pénétrer par le gros flacon, je prends le sexe de plastique entre mes lèvres et commence à le sucer.



Sa façon de me parler m’excite et je m’agite de plus en plus fort sur ma bouteille et avale la queue presque à en vomir. Nicole m’excite et elle le sait bien. Soudain, elle change de ton et passe derrière moi. Tout va très vite



Arrivée derrière moi, elle retire la bouteille qu’elle pose sur la table, m’appuie fortement dans le dos pour me faire mettre à quatre pattes et, avant même que je ne puisse réagir, je suis prise en levrette par le sexe plastifié de mon amie. Elle a agrippé mes hanches et donne de longs et puissants coups de reins. L’objet s’enfonce en moi de toute sa longueur, atteignant l’utérus. Nicole semble transcendée par cet état de chose. Je n’ai même pas eu le temps d’être surprise. Le plaisir est immédiat et je pars dans une série d’orgasmes d’une amplitude que je ne connaissais pas.



Et là, je fais une chose dont je ne me serais jamais crue capable, je réponds :



Je sens alors une ou deux gouttes froides tomber sur mon anus, qu’elle étale et fait pénétrer aussitôt.



Devant la taille de l’engin je serais plus encline à dire non, mais je ne réponds rien et respire lentement pour me préparer. Le gland se pose sur ma rondelle brune et plus doucement que le ferait un homme, Nicole m’encule à fond en deux temps trois mouvements.


Le mastodonte coulisse en moi, doucement d’abord et prend de la vitesse au gré des coups de reins de « miss libertine ». Je me fais défoncer comme une reine, suivi de variantes où elle quitte mon fondement pour replonger dans ma chatte bouillante et dégoulinante.


Je perds la tête et pousse des cris de jouissance. Je tremble, j’ai chaud, j’ai froid, je ne sais plus si elle est devant ou derrière, je ne suis plus qu’un sexe géant. Je perds les pédales et mes muscles se relâchent. Je me sens comme uriner sans pouvoir le retenir d’aucune façon qu’il ne soit. Puis d’un coup, plus rien. Le trou noir.


De l’eau fraîche coule sur mon front d’un linge mouillé.



Je suis sur le dos, Nicole est penchée sur moi. Je ne trouve à dire qu’une chose.



Elle s’allonge près de moi, m’enlace et m’embrasse tendrement.






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Erotisme torride

Tendre Amour

Bon Scénario

Belle Ecriture

Plein d'Humour

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n° 13524Gaed13/10/09
Derrière la pluie
critères:   nonéro
47471 caractères      
Auteur : Gaed


I



Dans une ville de la périphérie, alors que la journée déclinait, il avançait lentement. Ses semelles frottaient les trottoirs sales sans fluidité ni aisance. Il percevait des bruits, des rumeurs dans les ruelles, des odeurs aussi. Les grandes mégalopoles sentent le kebab, c’est l’huile sur le corps des cités. Souvent, ça lui donnait de l’appétit, mais là, ça le dépassait complètement.


C’était la fin de l’été, les jours les plus chauds, comme le sursaut d’un mourant. Le soir s’incrustait dans l’air d’une manière pernicieuse, une drôle de lumière qui ne lui disait rien qui vaille. L’orage viendrait, il l’espérait ; que ça nettoie la ville, que ça nettoie le ciel. C’était l’heure où les gens rentraient chez eux d’un pas goguenard. Pas comme le sien, pas dans son rythme. Il voyait des visages, des suites entières, des suites logiques, cohérentes, mais son esprit, s’il s’en imprégnait, n’en retenait pas la surface. Il passait devant des enseignes lumineuses. De temps à autre il levait les yeux vers le soleil tombant, quelque chose d’orange qui filtrait entre d’épais nuages.


Un grand appartement dans un grand immeuble. Il vivait seul ; à sa retraite, quelques mois plus tôt, sa mère était partie vers sa province natale. Quand il claqua la porte du hall, son regard se posa sur les silhouettes basses qui arpentaient la cour. Il fit un signe, ne comprit pas pourquoi, se ravisa et monta dans l’ascenseur. Le néon n’était plus couvert d’une gaine, ce qui rendait sa lumière moins acceptable, beaucoup moins en fait. Il s’observa, dépité. Il était blanc comme un linge propre. Ce truc du miroir était vicieux, un vrai attrape-mouche. L’épreuve du quotidien dans sa plus parfaite réalisation. Le reflet dans la glace ne le satisfaisait pas, fin, certainement fin, mangé d’une très légère barbe naissante qui se mêlait normalement à la couche de sueur venant de ses tempes et de son front, juste sous les boucles brunes et épaisses de ses cheveux. C’était une tête plutôt agréable si l’on prenait le temps de s’y attarder. Pourtant, à s’y pencher plus avant, quelque chose freinait l’enthousiasme premier. Ça venait du teint, pâle, bien trop pâle. Des cernes sombres tenaient ses yeux. Il avait cet air triste et lointain ; un citadin avisé aurait certainement conclu qu’il s’agissait d’autre chose que la frustration amassée d’une sotte et énième journée. Un citadin avisé aurait conclu que X avait d’autres problèmes, que X semblait très mal dormir. Peut-être une dépendance aux anxiolytiques, peut-être plus. Mais il n’était pas différent des autres, ce reflet ne le satisfaisait pas. Il n’y avait rien de complexe dans l’espèce humaine, un beau visage amenait une belle journée, jusqu’à l’étiolement. Il pouvait mettre la chose sur le compte de l’éclairage blafard, ce qu’il avait appris à faire durant toutes ces années, mais depuis l’incident, son visage se peignait de teintes qu’il ne se connaissait pas ; une gamme inédite. Au travail, on ne se lassait pas de lui dire. Il ne répondait rien. Ce n’était pas un bavard.




II



Cent mètres carrés, luxe absolu dans le domaine de l’espace urbain. Même ici. Une fronde de l’ordre du fantasme. Peu importait l’environnement, peu importait la minceur des murs. La perspective était maîtresse. Toute la ville s’étendait sous ses pieds ; maintenant que la nuit venait, ça prenait du sens. Des lumières à l’infini, un beau spectacle. Il était assis sur le canapé, dans un état second certainement lié à la prise de cachets antimigraineux. Il venait de passer la vague d’euphorie, son esprit planait doucement, savourant l’essoufflement de la douleur. Ça durait depuis si longtemps. Il en avait toujours souffert, mais de façon sporadique, sans réelle logique. Le stress, l’alimentation, le foie, le manque d’eau, la pollution, les cervicales, les gênes. Il y avait toujours une explication, il y en aurait toujours une autre. La médication lourde n’était pas une fin en soi, il le savait. Alors quoi ? Respecter son corps, traiter le fond dans la douceur ? Toutes ces conneries l’ennuyaient au plus haut point. Ça n’était plus le problème. Alors quoi ?


Des crises plus aiguës s’étaient déclenchées après le départ de L ; les vomissements aussi. De là à y voir un lien, de là à établir une connexion. La tristesse était un concept qui lui échappait, le mal psychologique s’exprimait dans une langue qu’il ne comprenait pas. Il avait besoin de concret : mal/pas mal, faim/pas faim, soif/pas soif. Peut-être bien que son corps lui offrait finalement des signaux forts, détectables. Ce que les gens appelaient, avec cet air savant, des symptômes psychosomatiques. Elle lui manquait, il y avait un grand vide dans le grand appartement. Les nuits étaient particulièrement éprouvantes, les couloirs bruissaient de quelque force impalpable, l’air n’était plus le même. Comme une fugue mauvaise.


Un mois après son départ, il ne parvenait pas à s’y faire. L’idée n’était pas qu’il avait du mal, l’idée était qu’il n’y arrivait tout simplement pas. Vomir le matin était un acte singulier et concret, une force qui le ramenait à la terre. Du solide.




III



On pourrait dire qu’il avait ressenti les premiers troubles du sommeil à partir du départ de L. Ça ne serait pas l’exacte vérité, ça ne serait pas un complet mensonge non plus, certainement en tout cas y avait-il au préalable un terrain. On le disait froid, il était bouillonnant au-dedans. Les types comme lui dégageaient de l’acide dans leurs tripes.


De fait, il était comme tout un chacun ; l’homme n’était pas calme, ne l’avait jamais été, ne le serait jamais. Il n’était pas dans la nature humaine une source étendue de quiétude à laquelle l’esprit fatigué viendrait s’abreuver, soulageant ses angoisses et ses tressaillements par le seul contact de la bouche à l’eau fraîche. Les nuits étaient des cauchemars qui nous tenaient par l’amnésie. On croyait en comprendre le sens quand on ne savait rien. « Souviens-toi d’un loup, ils étaient cent ; rappelle-toi ce souffle nauséabond, il venait du ventre ouvert d’un cadavre ».


Il avait souvent eu du mal à dormir, en proie à des irritations, son esprit piqué au vif par quelque contrariété. Cela allait, cela venait. C’était, comme il était convenu de l’appeler, à l’instar des migraines, une forme épisodique, un mal incertain. Petit déjà, quand les nuits étaient trop chaudes, il ne fermait pas l’œil. Une nature prompte à l’oppression, un gringalet asthmatique et nerveux. En grandissant, il avait refusé d’admettre que ces maux psychologiques traduisaient certainement une grande inquiétude intérieure qu’il serait bon d’évacuer. Il récusait les termes de cette science, n’envisageait pas une longue et fastidieuse psychothérapie qui le rendrait fragile, dépendant. Et puis, il avait déjà donné longtemps auparavant. Pour le reste, il s’était démené comme tout un chacun pour oublier sa misérable existence, avait pris des cuites, fumé de l’herbe, l’âge aidant s’en était ouvert aux antidouleurs, aux anxiolytiques, puis aux antidépresseurs.


L’arrivée de L dans sa vie avait été un baume sur un mal qu’il refusait d’admettre. De façon empirique donc, il avait décrété qu’il vivrait mieux avec elle que sans. Les bonnes choses étaient ainsi faites qu’il n’était point besoin de questionnement pour savoir qu’elles vous faisaient du bien. Ce qui était certain aussi, c’était que le jour où elles nous étaient enlevées, le mal d’autrefois revenait avec une force symétriquement virulente au temps duquel la bonne grâce nous fût offerte.


Quand L l’avait quitté, le sporadique était devenu chronique. Littéralement son corps et son âme lui avaient échappé.


Quand la nuit venait, il avalait deux bâtonnets d’anxiolytiques ; la chimie faisait le reste. Ça lui permettait de dormir, pas autant qu’il aurait fallu, pas autant qu’il ne l’aurait souhaité ; mais assez pour ne mourir ni de chagrin ni de fatigue. Ensuite il se levait, prenait une douche, avalait du café, beaucoup de café – qu’il vomirait plus tard –-, et se rendait au travail où sa silhouette dégingandée et défraîchie n’attirait même plus les regards. Depuis combien de temps cela durait-il ? Était-ce que ça avait commencé avant L ? Il ne parvenait pas à s’en souvenir. Il y avait un masque flou sur ce qui avait précédé l’incident ; puisque c’était ainsi qu’il nommait le départ de L. À vrai dire, il y avait un flou également sur ce qui avait suivi l’incident.


Il s’endormit sur le canapé. La télé bourdonnait faiblement, des images d’archives peignaient de leur rythme saccadé le visage de X. Ses yeux se fermèrent doucement ; il se sentit porté vers de sombres rives. Une douceur opaque, une impression de hauteur aussi. Le sommeil le cueillit, et comme tous ceux qui en connaissaient le prix, il s’y agrippa avec force.

Tout devint noir.


Il s’éveilla dans le couloir, effaré. Le sol froid lui rentrait dans les côtes, comme s’il était resté un long moment en appui dessus. Il se releva lentement, la tête lourde. La nuit était toujours présente, il en discernait les contours dans le halo vaporeux que dessinait la télé toujours allumée, seule luminescence palpable depuis le couloir. Il revint dans le grand salon. La ville s’était assoupie, mais d’autres comme lui ne dormaient toujours pas. Les chiffres rouges dansèrent un court moment devant ses yeux. Le radio-réveil indiquait : 2 h 27 ; le radio-réveil indiquait : « Tu as peu dormi et tu n’es plus fatigué ».


Il se laissa choir dans le canapé. Regarda les boîtes de calmants alignés sur la table. Qui lui avait prescrit ceux-là ? Certaines fois, il ne parvenait même plus à se souvenir du nom de son médecin. Médecin, son ventre se serra. Il était anxieux soudain, sans bien savoir pourquoi. Lumière blanche. De la neige sur le sol. De la neige ? Il secoua la tête, porta son attention sur la télévision. Un chasseur tirait un lièvre. Sans le son, il avait l’air content.




IV



Le lendemain, il décida de ne pas aller au travail. Ça n’étonnerait personne, ça le surprenait simplement, lui, de ne pas y avoir songé avant. Il passa un coup de fil à sa responsable, Mme S, tomba sur sa boîte vocale, laissa un message fuyant ; il s’excusait pour le dérangement, ferait suivre un certificat médical, ne savait pas encore quand il reviendrait, ça dépendrait de ce que dirait le médecin justement. Il ressentit un vague soulagement en raccrochant lâchement, une forme de contentement ; une bonne nouvelle en somme. Ça remontait à loin ce petit plaisir, l’école buissonnière, l’envie d’une autre voie, celle qu’on ne prenait jamais vraiment. Mais ce matin, il s’en sentait capable, ou plutôt, pour être exact, il se sentait parfaitement incapable de se rendre au travail. Ce qui, en fin de compte, n’était pas du tout du même acabit.


Il repensa à L ; à bien y réfléchir, tous les deux n’avaient vraiment rien en commun. Mais c’était une chance pour lui, une perspective de vie qui s’était évanouie en même temps qu’elle posait ses lèvres sur sa joue et que sa silhouette s’éloignait dans le couloir. Et lui qui la regardait sans rien dire, à quêter des mots à son esprit qui immanquablement s’entassaient dans le fond de sa bouche. Il aurait dû lui dire, tenter de la rattraper, l’accrocher par le bras, lui serrer la taille. Il était tellement difficile de communiquer avec les autres, même avec elle, surtout avec elle.




V



Une première journée s’écoula, la nuit s’installa.

Il avait commencé depuis presque deux mois un livre de Victor Hugo, « L’homme qui rit » ; il aimait bien, trouvait le style un peu empesé, les descriptions surtout qui pouvaient prendre des pages et des pages, mais il y avait quelque chose de temps à autre qui touchait son âme. C’était une voie à creuser. Le livre était lourd, gros, consistant, il en lisait trois pages la plupart des soirs avant de se coucher. Il se disait, C’est un génie, oui, c’est ça le génie. Ensuite, il s’endormait.


Le programme ne varia pas cette nuit-là. Il veilla tard, à regarder son écran de télé consumer l’air autour de lui, puis se traîna jusqu’à sa chambre, traversant le couloir avec une drôle d’inquiétude dans le regard.


L avait vécu quelques temps ici, il s’était habitué à sa présence. Maintenant qu’il était seul, cet appartement lui semblait bien trop grand. Il se coucha, avala deux bâtonnets d’anxiolytique, commença un nouveau chapitre du Hugo. Les lignes, après quelques instants, se mirent à danser devant ses yeux. Il aimait cet effet de la chimie, la peur qui s’effaçait, l’angoisse qui se voûtait sous le poids du sommeil. Dans la pénombre de l’assoupissement vint se greffer le visage de l’enfant défiguré du roman, il lui souriait, de ce sourire qui lui prenait la moitié du visage jusqu’aux oreilles.

Ensuite il n’y eut que le noir.


Ce fût une sorte de chute, un vertige normalement commun à l’endormissement, qui le réveilla d’un coup. Il ouvrit les yeux, pris de panique, c’était tout aussi opaque avec les paupières béantes. Il lui fallut un peu de temps pour comprendre qu’il se tenait dans la salle de bain, le dos nu sur le carrelage bleu. Son cœur battait vite ; il avait peur, murmurait des mots incompréhensibles. Un drôle de bruit tenait la pièce, quelqu’un sifflant dans une canalisation, un truc comme ça.

Il se releva, alluma la lumière ; le néon grésilla, puis une lumière blanche et forte écrasa la pièce. Il cligna des yeux, les rouvrit pour se découvrir entièrement nu dans le miroir. Bon Dieu, il était pâle, si pâle qu’il se faisait honte ; et ses côtes, son torse si maigre. Qu’était-il devenu ? Ça ne pouvait être seulement elle, non, ça ne pouvait être que ça.




VI



La pluie vint avec le matin, une averse lourde portée par un vent fort et lointain. Des éclairs zébraient le ciel noirci par l’enjeu, au loin, les tours du quartier d’affaires disparaissaient dans des brumes lourdes ; il en ressentit un profond contentement. Il se tenait droit devant la baie, un café à la main, l’un des rares plaisirs qu’il goûtait encore. La ville et la pluie étaient comme frère et sœur. En bas il voyait des parapluies traverser des rues saturées de voitures aux phares allumés. Il ne percevait pas le bruit ; trop haut, trop isolé. C’était comme une peinture mouvante. Le jour dans la nuit, la nuit dans le jour. Il réfléchissait à plusieurs faits : ces sorties nocturnes, ces petites crises de somnambulisme. Ça lui était déjà arrivé, plus jeune, après la mort de son père. Ça devait faire partie du processus aujourd’hui, ça devait expliquer pourquoi il se sentait si mal. Il fallait qu’il écoutât ce que lui disaient ses nuits, son sommeil, son esprit.


La journée s’alanguissait sur le coup des dix-sept heures. Il détestait ce moment, cette plage triste qui menait jusqu’au journal télévisé. Il ressentait une tristesse sourde, un facteur bloquant qui ne lui permettait rien d’autre qu’une vague contemplation du mobilier alentour. C’était une heure mauvaise, la fin du jour, les germes de la petite mort. La pluie s’était transformée en un crachin grisâtre, on se serait cru en novembre.

Il mangeait peu. Des pâtes, du chocolat en petites quantités. Il n’y avait plus de beurre dans le frigidaire. D’ailleurs il n’y avait rien puisqu’il était débranché. Qu’est-ce qui lui prenait de faire ce genre de choses ? La télé était allumée tout le long du jour et de la nuit. Il ne coupait pas le son en allant se coucher. Ça lui faisait du bien cette présence. Il aimait tout et rien en même temps, pouvait rester concentré deux heures devant un jeu ou un feuilleton policier sans se rendre compte que le temps passait. La vie dans les séries, c’était fascinant. Il était capable de regarder indistinctement une émission scientifique ou un show aseptisé de variétés. Ça n’avait pas d’importance, tout l’intéressait / rien ne l’intéressait. C’était ainsi depuis qu’il était enfant ; à la mort de son père, sa mère n’avait plus ni le temps ni l’argent pour s’occuper de lui. Très tôt, ça avait constitué sa principale source de distraction ; il y avait même appris beaucoup de choses. Géographie, histoire, sexe, violence ; un puits de vie.


Le soir tomba tandis que les images d’un crash aérien au Venezuela tournaient en boucle sur une chaîne d’informations. Il regarda les spots à la suite, le même présentateur, les mêmes séquences enregistrées jusqu’à la prochaine édition. Il se surprenait à guetter les instants plus intenses de l’émission. Au bout d’un moment il se lassa, avala ses antidépresseurs. La fatigue vint d’un coup, comme en attente du signal chimique. L’idée de retourner dans sa chambre l’angoissait, rester sur le canapé lui semblait plus approprié. Est-ce qu’il n’était pas mieux ici, avec les lumières de la ville, dans le ciel noir, en son sein même ?

Son rythme cardiaque ralentit, il bascula dans les limbes.


Il se réveilla au même endroit que la veille, dans la salle de bains, sur le carrelage froid. Il lui fallut du temps pour réaliser, se relever, laisser s’enfuir le vertige. Le crépitement des néons quand il les alluma lui lézarda l’échine. Il était comme un spectre dans la glace, quelque chose d’intangible ; bientôt il serait transparent.


Il revint dans le salon, des questions tempêtaient sous son crâne, des interrogations légitimes. Que se passait-il en lui ? Pourquoi ressentait-il ce besoin de bouger la nuit ? Qu’est-ce qui tenait son sommeil ? Pourquoi ressentait-il ce malaise depuis des semaines ?

Ça ne pouvait être L, pas seulement.


Il se répétait cette phrase encore et encore, la murmurait à la nuit. Il devait y avoir quelque explication plus complexe tapie sous les fils de la logique. Une simple histoire d’amour ne pouvait rendre les êtres ainsi apathiques et désespérés. Désespérés… C’était la première fois qu’il acceptait ce mot. Ça lui semblait logique, indubitablement cohérent.




VII



Quelqu’un devait pouvoir l’aider. Mais qui ? Le jour se leva sur son angoisse, la vie reprit son cours. La ville lui donnait de la force, comme du sang dans ses veines. Il aimait la voir bouger, ça avait du sens.

Il appela le travail, Mme S répondit, souffla tandis qu’il lui expliquait qu’il n’avait pas encore pu voir le médecin, mais qu’il allait mieux, qu’il pourrait reprendre son poste bientôt, que c’était juste… Elle lui raccrocha au nez d’un coup sec, le laissant interdit derrière le combiné. Pour qui se prenait-elle ? Ce n’était pas le seul absent, il était injuste de le traiter de cette manière. Ravalant son dépit, il commanda une pizza par téléphone, puis se fit couler un café. Le fumet envahit la pièce, se mêla aux ondes du téléviseur. X sourit, X resta un long moment devant l’écran.


On sonna à la porte.

Il scruta par l’œilleton : un homme, un livreur. Casquette colorée. Il ouvrit la porte, le gars le regarda bizarrement. Et lui tendit la boîte chaude. Il avait l’air perturbé, ce livreur était vraiment étrange. Il repartit soudainement tandis que X cherchait de la monnaie pour le payer. Hé, votre argent, cria-t-il. Sortit sur le pallier, les portes de l’ascenseur se refermaient. Ça descendait déjà, oui, ça s’en allait. Il tapa sur la surface de métal en criant pour qu’il l’entende, « Votre argent, j’ai votre argent ! » Son ventre se noua tandis qu’il regagnait son appartement. La lumière s’éteignit, minuteur de merde. L’environnement se modifia légèrement, juste un peu mais juste assez pour que la panique le tienne. Les formes se modelaient, se déformaient, les murs suintaient une peinture pâle, exsudaient une vague odeur d’éther, quelque chose comme de l’éther oui. Il se sentait horriblement mal ; le couloir semblait s’étendre à l’infini. Ses poumons fonctionnaient à vide / ses poumons allaient éclater. Quand la porte se referma derrière lui, il se laissa glisser sur le sol, l’air comme affluant à nouveau.



VIII



Il lui fallut du temps pour récupérer. Le souvenir oppressant le tenait, entrant en lui dès qu’il s’autorisait un relâchement. Il pensait, « Que m’arrive-t-il ? Est-ce que je suis malade, vraiment malade ? » Sa raison énumérait les faits, comme une machine à écrire un procès-verbal : ne parvenait plus à communiquer avec les autres, ressentait une frustration terrible, un désespoir profond, se mouvait la nuit avec une étonnante régularité, toujours au même endroit, ne parvenait plus à quitter l’appartement. Ne rêvait plus.


Il nota les mots sur une feuille de papier, tachant d’y trouver une clé sans succès. Il tapa Troubles du sommeil sur le web, trouva un total d’environ 565000 réponses. Insomnie, parasomnies, hypersomnie idiopathique, narcolepsie, somnambulisme ; beaucoup de possibilités, rien qui n’attire son attention, rien qui ne le satisfasse. Il avait le sentiment de ne pouvoir trouver une quelconque solution sur ces forums, à travers ces expériences relatées, dans ces collections de noms étranges.

La pluie continuait de tomber avec une régularité froide. C’était tant mieux, il aurait eu beaucoup de mal à supporter une journée ensoleillée dans ces conditions. Il y avait bien longtemps en vérité qu’il n’appréciait plus le bleu sur la ville. Ça datait d’avant L, il avait toujours été ainsi, elle n’y avait rien changé.


Il comprenait qu’elle l’ait quitté, rester avec lui n’avait aucun sens. L’ennui guettait ceux qui l’approchaient, même sa mère n’avait jamais su trop bien quoi lui dire. Ce n’était pas volontaire, pas une démarche assumée de sa part, il aurait aimé partager des choses, faire comprendre aux autres qui il était. N’était-ce pas cela l’idée d’existence : montrer à ses semblables qui l’on était, se représenter dans la masse, trouver son rôle, si obscur fût-il ? Il n’y était jamais parvenu, avait trouvé dans la solitude, dans son silence rentré, une forme d’hébergement qui lui convenait fort bien. On ne le voyait pas au travail, ses entretiens annuels devaient donner du mal à ses supérieurs. Quels mots trouver pour qualifier un manque si grand d’investissement personnel ? Comment qualifier un masque aussi désincarné ? Il ne laisserait rien derrière lui, pas même un léger désordre sur son bureau en teck.


Quand L était rentrée dans sa vie, certainement alors, la palette des couleurs s’était-elle agrandie, mais il y avait trop d’étonnement, l’idée que quelqu’un s’intéressât à lui était tellement virtuelle qu’il n’était jamais parvenu à lui donner corps.


Le soir vint, Miles Davis l’aida à s’y installer. Kind of blue, c’était concrètement le bon moment. Le bon moment aussi pour la codéine. Il n’aimait pas vraiment le jazz, ne s’y intéressait que par à-coup, mais ça, c’était autre chose.


Cette nuit-là il fit un rêve. En était-ce vraiment un ? Il l’ignorait, ce n’étaient que des couleurs, quelque chose de rouge et de chaud, quelque chose qui coulait sur un fond opaque : du sang. Ça le glaça.

Soudain, il eût l’impression de tomber.


Il se réveilla dans la salle de bain, sur le dos. Son t-shirt et son caleçon à portée de main, complètement nu. Il se releva difficilement ; mal au dos, mal dans les articulations ; mal devant, mal derrière. Les néons grésillèrent, déjà vu, son visage spectral le happa dans la glace, ça et le sang qui dégoulinait sur son torse. Il eût un mouvement de recul, le temps de réaliser que c’était bien du sang et que c’était bien son torse. Ses doigts en caressèrent la surface, les entailles étaient nombreuses. Il frissonna. Rien sur le sol, pas d’armes, pas de lames de rasoir. Il regarda longuement ses mains, ses ongles étaient souillés, encrassés largement de chair et de sang séché.




IX



Quelque chose se passait en lui, il fallait qu’il s’écoute. Voir un médecin, peut-être, dès que possible, mais non, non, ça ne l’aiderait pas, lui seul le pouvait, lui seul était apte à se comprendre. Et qui était son médecin ? Qui était son putain de médecin de toute façon ?


Depuis qu’il s’était éveillé dans la salle de bain, une migraine atroce le tenait ; ni la codéine ni le café n’y avaient fait quoique ce soit. Une légère griserie l’envahit malgré tout, c’était déjà ça.

Il resta couché sur le canapé une partie du matin, la matinée entière, l’après-midi complète. Pris dans les ondes tièdes du téléviseur il se sentait mieux. Ça le nourrissait ; sentiment diffus de boire à une fontaine. Il se leva, chercha le répertoire, saisit le téléphone, composa le numéro de sa mère en province. Il y eut une tonalité différente, l’impression étrange de quitter les frontières, ça sonna un long moment, quelqu’un décrocha. La voix de sa mère le saisit au ventre. Des larmes lui montèrent aux yeux. Elle dit « Allo » plusieurs fois. Elle dit encore « Allo, qui est à l’appareil ? ». Mais il lui était impossible de parler. Il raccrocha. Se laissa glisser lentement vers le sol.


Il fouilla des armoires, ressortit des photos : son père et sa mère en vacances, les années qui passaient, l’impression d’entendre un de ces vieux pianos rythmer le ressac ; puis, bientôt, une petite forme, la sienne, devant les jambes de ses parents, son père qui le tenait par les deux bras, comme un petit singe savant. Il lui ressemblait, les mêmes traits, le même air sombre, rentré, quelque chose de séduisant émanait de son visage. Très vite il n’apparût plus sur les clichés. Mort jeune, de façon non naturelle. On n’en parlait qu’à demi-mot dans la famille ; vacances dans les landes d’ouest, ascendance marine, des hommes solides, des femmes dures au mal. Les suicidés là-bas, c’étaient des moins que rien ; pire que des divorcés.


X continua de faire défiler les photos. La pâle silhouette de sa mère dans des lumières mourantes, son air dur et décharné, ses manières d’un autre siècle. Et lui qui grandissait, lui qui se tenait plus fort à ses côtés, endossant les habits de l’absent, lui ressemblant de plus en plus. Cette expression lointaine, ce regard voyageur. Il y avait de la tristesse dans les paysages en contrechamp, de l’herbe rase et courbe à perte de vue ; il reposa les photos.


Sa mère ne lui avait jamais dit ce qui était arrivé, ni pourquoi il avait commis cet acte insensé et désespéré. Désespéré… ça lui sembla logique à nouveau, imparable. À vrai dire, il l’avait appris de la bouche de l’une de ses tantes qui avait commis un impair à table, lors d’un réveillon pesant et glacial comme ils savaient tant les réussir là-bas. Ensuite il avait bien fallu lui expliquer, malgré son jeune âge. Quelques phrases toutes faites, des idiomes plats.


Il l’avait compris, l’avait saisi d’une manière empathique qu’il associait encore aujourd’hui au lien filial, au sang du père dans celui du fils. Ce n’étaient pas des rivages inconnus, il en avait perçu très jeune lui aussi les attirants et dangereux écueils. La perspective des jours à venir le terrassait d’ennui, cette perception qu’il en avait ouvrait des portes sur des chambres opaques, elles-mêmes béantes sur des contrées morbides.


Il est des moments dans l’existence où l’on sait avec précision ce que l’on ne veut pas faire, mais où l’on ignore ce que l’on souhaite. Voir cette branche de dégénérés apathiques se gaver de soupe et de ragoût lui faisait mal au ventre. Il savait qui ils étaient, il savait qu’il ne voulait pas leur ressembler.

Quelques fois sa mère lui lançait des regards gênés, « Allons X, on te parle, pose tes mains sur la table, finis ton assiette. » Et quand elle était à ses côtés, juste à son flanc, il sentait sa main sèche lui pincer sa cuisse jusqu’au sang afin de le ramener depuis les terres ocres de ses songes jusqu’à la sinistre assemblée de la salle à manger. Chuchotements sur chuchotements, « Montre que tu t’intéresses. » Au moins, dans ces moments, lui adressait-elle la parole. Revenus en ville, dans l’appartement, il n’y avait plus rien. Elle aurait aimé repartir là-bas, mais le travail manquait, il n’y avait même plus d’école dans le village. Et quand il partait, son cartable sur le dos dans le petit matin, il sentait son regard défait et venimeux sur lui.


X eût un sourire triste, ce n’étaient pas des choses très agréables qui lui revenaient à l’esprit.

Il continua de fouiller, tomba sur une boîte métallique fermée à clé, chercha le sésame partout, ne le trouva pas, revint vers la salle de bain, resta un long moment à l’intérieur. Les battants de la pharmacie claquèrent. Des médicaments, des boîtes vides pour la plupart. Des antidépresseurs, du Deroxat, du Zoloft. D’autres que les siens. Mais il ne parvenait plus à se rappeler si c’était lui ou sa mère qui en usait, peut-être les deux.


Son regard passait et repassait devant le miroir s’en s’y attarder, peur de se voir, peur de se dégoûter. Il finit par céder. Sa mine était de plus en plus crayeuse, son torse était balafré en de multiples endroits, ça commençait à sécher, ça commençait à noircir. Il avait désinfecté les plaies. N’avait pas eu mal, trop occupé à se demander ce qu’il faisait là.


L’investigation passa par sa chambre, c’était froid, bien rangé. Il n’y dormait plus que rarement depuis le départ de sa mère. La solitude était à l’aise dans des endroits clos et confinés. Des rangées de vêtements bien ordonnés, des costumes à bon marché, de la fringue entre deux âges. Ni adulte ni adolescent, ni jeune ni vieux.


Quelque chose attira son regard, sur la table de nuit, une photo de lui, petit, devant la voiture de son oncle, une vieille traction conservée religieusement dans une grange. Il y avait du rouge à lèvres, une trace, un baiser, quelque chose de léger. Son doigt gratta la surface sèche, ça se décolla doucement, ça s’effaça un peu. Il reposa le cadre.


L ?


Il était perplexe, se sentait étranger à tout ça. Ses pas le traînèrent dans le couloir, ses mains pressaient les poignées, ses mains poussaient les portes. Il inspecta tout minutieusement, veillant ensuite à laisser en ordre les choses qu’il dérangeait.

Rien de notable, rien de spécial.


Le jour déclinait quand il revint dans le salon avec la curieuse impression de rentrer chez lui. Il avait sous le bras la boîte métallique qu’il avait trouvée dans la chambre de sa mère, ainsi qu’un caméscope et une pile de disques vinyles récupérés dans le cagibi. Du jazz, rien que du jazz. Il en dépoussiéra un et le plaça sur la platine. Grésillement, diamant usé, le son d’une époque. Duke Ellington : Latin American suite, des cuivres puissants, du soleil brûlant.

Il regarda la ville sous la pluie, avala des cachets codéinés, se sentit bien. Des images lui vinrent en mémoire, du vent dans les cheveux, une voiture décapotable, ses parents à l’avant, la mer écrasée de lumière à droite, la montagne dans le contre-jour à gauche. Le jazz dans le poste.

Ça disparut.


Il se sentait mieux dans le salon, la visite des lieux l’avait rendu mal à l’aise. Plus les jours passaient, plus le sentiment que son espace se raréfiait prenait corps. Il haussa le son, les cuivres dévorèrent l’endroit, rythmes chauds, l’envie de renouer avec la vision se fit plus forte, il haussa encore le volume.

Quelqu’un frappa à la porte, fortement, plusieurs froid. Il laissa passer quelques instants, fit tourner le bouton de l’ampli dans l’autre sens, la musique s’évanouit. On frappa encore, X s’avança lentement vers l’entrée, scruta le couloir par l’œilleton.

Personne.

Le bruit avait certainement dû déranger les voisins.




X



Les événements récents le perturbaient, il n’arrivait plus à en défaire son esprit. Aussi décida-t-il d’user de quelque stratagème pour la nuit à venir. D’abord, il plaça le caméscope dans le couloir, le fixant à un mur à l’aide de ruban adhésif, juste avant la porte de la salle de bain, de biais. Porte qu’il verrouilla et dont il plaça la clé dans un tiroir de la cuisine. Ensuite, il sortit une feuille et écrivit :


Mes rêves sont opaques, je ne vois rien d’autre que cela. Une fois seulement, j’ai senti le sang couler sur mes songes. Qu’est-ce qu’il y a derrière le noir ? Je sais que la réponse est là.

Il y a ce sentiment de chute, de chute dans la nuit. Il me faut comprendre.


X, le trois septembre.


Il mangea une petite assiette de pâtes, avala ses anxiolytiques, attendit que la nuit s’installe. La pluie ruisselait sur les grandes vitres. Douce musique, voix feutrée. Quand il sentit que le sommeil venait, il alluma le caméscope et retourna se coucher dans le canapé. Deux heures trente d’autonomie. Les faisceaux lumineux du téléviseur le happèrent, il s’endormit.


Il n’y eut pas de rêve, pas vraiment. Était-ce que l’impression de tomber dans un gouffre sans lumière et sans fin en constituait un ? Ou n’était-ce qu’une étrange traduction de ce que son esprit se souvenait être le jour et la nuit ? Il avait l’impression d’évoluer dans un désert noir, sous un soleil noir, sans que rien ne se passât.


Il se réveilla sur le sol froid de la salle de bain, le cœur battant la chamade, le souffle comme tondu au sécateur. Les canalisations larmoyaient doucement. Dehors, la pluie faisait frissonner les fenêtres. On entendait tout d’un point aussi bas. La matière chargée de matière, le son qui portait le son. En se relevant il se cogna la tête sur l’évier, maugréa un juron ou deux puis alluma la lumière.

Poitrail effiloché, du sang jusque sur le visage. Son regard affolé balaya l’endroit. La porte était cassée en son centre, brisée par des coups qu’il savait lui avoir donné. Qui d’autre ?

Sur le miroir il y avait des traces rouges et séchées, quelque chose qui ressemblait à une phrase indéchiffrable. Des signes, peut-être des lettres. Sa main tira le rideau de douche, la blancheur impeccable de la baignoire lui fit plisser les yeux. Il vomit.




XI



Sur la table du salon il y avait une grande tasse de café fumant, plusieurs boîtes de médicaments, un étui sans cassette. Devant ses yeux, la nuit du couloir éclaboussait l’écran. Le magnétoscope bruissait de sa petite musique de bande comprimée. L’obscurité, encore. Au bout d’un moment il discerna quelque chose, une forme moins sombre que le contexte, une forme qui avançait vers l’objectif du caméscope.


Ça s’arrête devant la porte de la salle de bain, puis ça fait demi-tour. Le mouvement s’intensifie, s’accélère, la forme ouvre toutes les portes, les fait claquer, rentre dans toutes les chambres, dans toutes les pièces, on n’en perçoit plus que l’empreinte, la fluidité absolue d’un trait rapide et tendu.

La forme stoppe enfin sa folle course, on la distingue un peu mieux maintenant ; c’est bien lui, mais d’une façon incomplète, comme s’il manquait physiquement une partie sans pouvoir dire laquelle.

La chose appuie sur la poignée.

La chose appuie encore sur la poignée.

Ça se met à geindre, ça n’est plus humain tellement ça geint, puis ça hurle et ça se met à cogner sur la porte, avec une force inédite, le bois explose. La chose rentre par l’ouverture de fortune. Encore un cri, glaçant, révoltant. La caméra coupe.

C’est noir.


X alluma une cigarette en regardant la pluie tomber sur la ville assoupie, comptant ici et là les lumières encore allumées. Il se sentait un gardien de phare en pleine tempête, protecteur des navires à la dérive. Mambo nocturne, la danse de saison.




XII


Le lendemain il répéta l’opération, plaçant cette fois-ci le caméscope dans la salle de bain, fixée sur le néon. Autonomie, toujours deux heures trente. Toute la journée il écouta le vieux Duke Ellington, en boucle, encore et encore, à s’en rendre malade. Il nota sur le même papier qu’il avait utilisé la veille ses dernières observations :


Ce ne sont pas tant les mouvements dans la nuit qui m’effraient, ce sont ces rêves, ces cauchemars noirs qui me semblent receler une clé importante ; quelque chose de l’ordre du divin. Je ne sais pourquoi j’ai cette impression, je l’ai, c’est tout. Cela vient du ventre, pas de la tête. Il me semble qu’on essaie de me dire quelque chose, par l’intermédiaire de mes rêves. Peut-être deviens-je vraiment fou, je n’ai pourtant pas ce sentiment. Ce qui en soi ne veut rien dire.


X, le 15 septembre.


Cette dernière remarque le fit sourire. Il était encore tôt, aussi décida-t-il de s’occuper de la boîte de métal. Elle opposait toujours la même résistance. Il sortit une boîte à outil, s’échina sur la serrure, au bout d’une heure, l’ouverture céda.

À l’intérieur : des papiers, des lettres, des photos, une vague odeur de renfermé. Ses doigts en effeuillèrent le contenu.

Une photo de lui enfant, du rouge à lèvre sur la surface, le même que dans la chambre. Des lettres d’un institut spécialisé dans le suivi psychiatrique des enfants. Des évaluations sèches de médecin : Des chiffres, des analyses sanguines, de la logorrhée de spécialiste. Des lettres de sa mère. Il en ouvrit une.




Chère A,


X rentrera bientôt de l’institut. Ils disent qu’il n’est pas dangereux pour lui ou pour moi. Ils disent aussi qu’il a fait de gros progrès, sa propension à se faire du mal a presque disparu. La dernière fois que je l’ai vu, il m’a semblé apaisé. Il ressemble tellement à son père. Ils disent qu’il oublie tout. Que le mauvais jour a été effacé de sa mémoire. Ils disent qu’il ne se rappelle pas s’être accroché aux pieds de son père lorsque la corde le tenait. C’est comme ça qu’on l’a trouvé. Il y a quelque chose en lui, quelque chose de bon et de mauvais dans le même temps. Quand je vais le visiter à l’institut, il me semble un étranger, comme s’il portait sur moi un regard lointain. Je me demande où il se trouve, je ne saurais le dire.

Je vais le chercher jeudi, j’espère que les choses vont bien aller. Tu me manques.


Affectueusement,

Ta sœur, P, le 05/04/85



Il en ouvrit une autre :



Chère A,


X me fait une vie impossible ; l’école m’a appelée l’autre jour pour me signaler qu’il avait des marques sur les bras et le torse, ils s’en sont rendu compte pendant un cours d’éducation physique. Ils ont émis des doutes, je n’aime par leur façon de me parler, avec cette respectabilité de l’institution, comme s’ils étaient des demi-dieux. Je leur ai fourni les attestations des médecins de X, ceux de l’époque où il était à l’hôpital. Je sais que je suis dure avec lui, tu me l’as assez reproché, mais c’est pour son bien, il semble si éteint certaines fois, et puis c’est mon fils, je ne les laisserai pas me le prendre, ni me dicter comment je dois l’éduquer. Dieu sera seul juge. Rappelle-toi à la ferme, la vie était tellement plus dure.



Encore une :



Chère A,


L’ambiance à la maison est glaciale, il ne parle pas, presque jamais. Je lui donne ses cachets chaque jour, cela semble calmer sa grande nervosité. Il est studieux à l’école, mais j’ai peur de lui, son regard est si froid. Quand il rentre de cours, mon sang se glace ; une nuit, je l’ai surpris à me regarder dans mon lit pendant mon sommeil. Depuis, je ferme la porte à double tour. Il dit qu’il ne se rappelle pas, que ses rêves lui font peur, mais il ne sait pas me les expliquer. La nuit, une nuit sans fin, c’est ce qu’il décrit.


Quand je revois les photos d’avant l’accident de J, une tristesse incroyable me gagne et je me mets à pleurer. Il était si gentil petit. Qu’est-il devenu ? Je l’aime et je le déteste dans le même temps. Je ne sais pas pourquoi je n’arrive pas à l’aimer correctement ni pourquoi je le punis si souvent. Je ne suis pas une méchante femme, mais il ressemble tant à son père que cela me trouble parfois au plus profond de mon être, et je jure sur le Divin que je serais capable dans ces moments-là d’actes irraisonnés. J ne m’a fait que trop de mal. Il a bien payé pour ça. Je sais ce que les gens disent, que J s’est suicidé à cause de moi, que je lui rendais la vie impossible, mais c’est faux, et la famille le sait aussi.


Il me tarde de vous revoir tous, avec mon petit.




Il ne termina pas la lecture, en ouvrit une autre, encore une autre. Toutes tournaient autour de lui, de son adolescence à l’âge adulte. Pourquoi est-ce que ça ne lui parlait pas ?


La dernière était datée de deux mois plus tôt, au début de l’été.



Chère A,


X a rencontré une fille, une certaine L. C’est la première fois que je le vois si heureux. Je n’aime pas ça. Cela me fait drôle de penser qu’il va un jour quitter la demeure ; maintenant, je devrais peut-être retourner dans la famille. Je n’ai plus rien ici. Je ne sais pourquoi ce sentiment étrange me tient, j’ai peur qu’il ne m’échappe, et que…



Il jeta la lettre, l’irritation le gagnait, de quoi parlait-elle à la fin ? Il ne comprenait rien à cette peur qu’elle ressentait. Il n’avait jamais été l’enfant qu’elle décrivait. Il se débarrassa des embarrassantes missives. Des documents formaient encore une petite pile : des prescriptions diverses, du Deroxat, du Lexomyl. Des choses qui font dormir, et encore d’autres.

Et puis il y avait cette coupure de journal daté du 15 Août dernier.



Triste week-end du 15 Août.


Un jeune homme âgé de 33 ans a été arrêté après avoir assassiné sa petite amie L.L. Le crime particulièrement odieux serait survenu après une violente dispute. Des témoins proches de la victime affirment que cette dernière s’était lancée dans une aventure malheureuse avec X.D. et qu’elle tâchait d’y mettre fin depuis quelques temps. Le harcèlement de X.D. s’est hélas mué en folie meurtrière. La jeune fille a été retrouvée amputée de plusieurs membres dans la salle de bain de l’appartement du jeune homme qui y vivait avec sa mère. Les circonstances du meurtre restent encore assez floues, mais il semblerait que le jeune homme était sous traitement pour une dépression importante. Traitement de fonds qu’il suivait depuis des années puisque lui-même avait subi un traumatisme lourd en assistant au suicide de son père à l’âge de cinq ans. Un traitement et internement psychiatrique de près de quatre ans avaient été nécessaires avant de le laisser à la disposition de sa mère. L’odieux forfait pose aujourd’hui la question de la responsabilité des médecins devant les familles de victimes. Une vague d’indignation a d’ailleurs…



Il roula le papier en boule et le jeta contre un mur.




XIII



Il pouvait sentir les choses, ses mains étaient capables de les tenir, d’activer ce qui devait l’être, de mettre en marche. Ses pieds touchaient le sol, son corps saignait. Comment aurait-il pu être mort ? Ça n’avait pas de sens. Mais rien depuis des jours n’en avait.

Il appela sa mère, une fois de plus, tacha de se faire entendre, sans succès. Même supplication, même résultat. Elle ne l’entendait pas.

Il appela Mlle S au travail, pas mieux.

Il appela les pompiers, rien d’autre qu’une voix dans le vide.

Il ouvrit une porte fenêtre, passa sur la terrasse, contempla la ville qui séchait lentement sous le soleil de septembre. Ses cris ne rencontrèrent aucun écho. Personne ne le voyait. Personne ici-bas.


La nuit vint.

Il resta assis un long moment devant la télévision, l’esprit vide. Prendre une décision lui semblait une tâche insurmontable. Le mieux était de se cantonner à ce qu’il avait prévu : attendre.

Il avala les cachets ; ne rien faire qui brise la routine, attendre la bonne heure. Le sommeil s’installa doucement, lui laissant le temps d’actionner le caméscope et revenir dans le canapé. Il savait y faire avec lui, c’était un animal qu’il avait appris à dompter toute sa vie. Dans son cas, ça n’avait jamais été un ami. Cela il s’en rappelait bien.

Ça vint d’un coup, une vague de fatigue aux reflets cliniques l’emportant sans qu’il ne s’en rende compte.


Il aurait fallu de la lumière, mais il n’y avait que la nuit, une lourde et épaisse tenture opaque, comme l’intérieur d’une cape. À force il finissait par s’habituer à ce sentiment de chute perpétuelle. Rien qui ne l’entrave, rien qui ne le retienne. Pour la première fois il ne s’y sentait pas mal à l’aise, comme s’il avait prise sur le flou absolu de son rêve. Cela ne ressemblait à rien parce que ça n’était rien. Il se trouvait à l’intérieur de lui, conscient en son âme. Il n’y avait pas de phare braqué, il était derrière la scène des rêves, par delà le théâtre des cauchemars, dans les coulisses de l’existence, il savait ne pas se tromper cette fois.


Il le sentait intuitivement, la clé était dans ce songe absurde et répétitif jusqu’à l’abrutissement. En découvrir le nœud pourrait changer son existence. Son âme tentait de lui faire passer un message. Il était réceptif, le resterait des années entières s’il le fallait. Mais cette nuit, il se passait quelque chose de particulier, la vision qu’il en avait, sa perception réelle, c’était différent de ce qu’il avait connu avant.


Il chuta, chuta encore dans une nuit sans âge. Et il n’y avait ni relief, ni espoir, ni lune rousse, ni clémence. Ses bras étaient des ailes de plomb, son corps lui semblait lesté de métal. Pas vraiment désagréable, pas courant pour le moins.

Il leva la tête, entrevit une faible lumière, quelque chose de rouge, quelque chose qui lui sembla son âme.


Il s’éveilla sur le carrelage froid de la salle de bain.

En appui sur ses mains, son corps se hissa lentement. La tête lui tournait légèrement, une vague nausée grevant son équilibre. Il chercha à se tenir droit sans vraiment y parvenir.

Quelque chose n’allait pas.


La lumière était allumée et n’aurait pas dû l’être. Au dessus du néon le caméscope avait disparu. Il plissa les yeux, tourna lentement la tête à gauche, puis à droite. Des formes se dessinèrent dans la lumière crue, une puis une autre, cela devint une femme puis une autre. Sa vision se troubla, rien n’était clair ni tangible. Il percevait un souffle, comme un râle, une forme de plainte. La vision devint plus nette, il reconnut l’une des formes, il aurait pu la toucher tant elle était proche et tant il en avait l’envie. L, son drôle de visage circonflexe. Elle avait l’air terrorisé. Ça lui mordit le ventre. Ça se brouilla.


Il cligna des yeux, le tableau se transforma.

La forme qui semblait L gisait dans la baignoire ; sous elle, autour d’elle, le blanc de l’émail n’était plus qu’une traînée rouge, presque un drap écarlate. Son corps était sans logique, complètement désarticulé. Des petits geysers de sang perçaient les larges entailles sur son ventre et sous le bassin.

La deuxième forme réapparut, de dos, devant la baignoire. Elle s’activait, une scie à la main, devenant plus nette à mesure que l’horrible crissement du métal sur les os emplissait la pièce. La forme tourna la tête vers lui, un pâle sourire éclairant son visage ancien.


Il dit : « Maman ? »


Une troisième forme entra dans la pièce. Ça hurla, ça gémit, ça devint très clair. C’était lui.


Il répéta : « Maman ? »


Le tableau était complet, les formes si distinctes avaient pris vie. Il se rappelait maintenant. Comme il s’était jeté sur sa mère, en larmes, la maudissant d’avoir fait une telle chose, et comme elle avait su le calmer avec ses mots étranges. Il n’était plus qu’un enfant, là devant sa mère. Ses vieilles mains veineuses maculaient ses joues du sang de L, et il disait, « Maman, maman, je ne comprends pas. » Elle glissait quelque chose sous sa langue, sa voix était un baume qui l’apaisait ; cette voix douce qu’elle savait prendre pour le consoler, pour lui faire comprendre que la punition était justifiée. Une pilule, encore une, encore une autre. Elle demanda :



Tout s’éteignit, le tableau s’évanouit.


Il chuta encore un long moment, dans la noirceur absolue de son âme. Quand il s’éveilla à nouveau, il sut que c’était la dernière fois. Son torse était maculé de sang, mais déjà il lui semblait moins tangible. Il alluma le néon, accepta son visage défait dans le miroir, un visage qui n’était plus si franc, si réel. Son regard agrippa le reflet. Des lettres de sang, des mots écrits à l’encre rouge. Il lut lentement, tachant d’assimiler chacun d’entre eux.


Il n’y a rien d’autre.

Il n’y a rien d’autre.

Il n’y a rien d’autre.


Ses lèvres murmurèrent la phrase, une fois, deux fois, trois fois ; il avait besoin des ondes du téléviseur, besoin d’y retourner vite.

L’obscurité le grignota.


Bientôt il n’y eut plus que le grésillement du vieux néon, et cette lumière crue, si âpre, si blanche qu’il fallait plisser les yeux pour bien y voir.





Copyright © 2009
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Erotisme torride

Tendre Amour

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n° 13525Petitloup13/10/09
La première fois où j'ai été cocu
critères:   fh extracon cocus init
10111 caractères
Auteur : Petitloup

La première fois où j’ai été cocu


Ce récit peut sembler banal, peut-être parce que les faits sont parfaitement authentiques. Je voulais simplement retracer fidèlement le récit que me fit ma femme, à ma demande, après qu’elle m’eut avoué son infidélité, plusieurs mois après son aventure. Je lui avouai que cela m’excitait terriblement de me savoir cocu, que je ne lui en voulais pas, bien au contraire.


Les faits se sont déroulés il y a maintenant bien longtemps. En mille neuf cent quatre-vingt-un. Nous venions de nous marier un an auparavant. Ma femme Jeannette, un mètre cinquante-huit, cheveux châtains, décolorée blonde, yeux verts, poitrine quatre-vingt-quinze B, venait d’avoir vingt ans. Moi, j’en avais vingt-cinq.


Quand je l’ai connue, elle était vierge. Moi aussi, d’ailleurs. À cette époque, le sida ne sévissait pas encore, du moins chez nous, et on pouvait se permettre d’avoir des rapports non protégés. Ma femme travaillait dans une usine de confection de sous-vêtements féminins, et moi je travaillais en poste dans un atelier de mécanique.


Pendant sa pause déjeuner, Jeannette, avec trois de ses copines, environ du même âge qu’elle, allait prendre le café dans un bar nommé l’Hacienda qui faisait aussi dancing. Là, elles avaient fait connaissance avec deux jeunes et discutaient souvent ensemble.


L’un d’eux, Michel, un beau jeune homme de dix-neuf ans, très séduisant, cheveux blonds longs jusqu’aux épaules, yeux bleus, grand, musclé, larges épaules, bronzé, leur plaisait particulièrement. Il avait la réputation d’un grand séducteur avec les filles du quartier, et celle d’être un très bon amant. Les trois copines de ma femme, plutôt mignonnes, et qui n’étaient pas mariées, rivalisaient de charme pour le séduire, mais lui, curieusement semblait plutôt intéressé par ma femme.


Lorsqu’ils se faisaient la bise, il s’arrangeait toujours pour l’embrasser près des lèvres. Je pense que séduire une femme mariée et faire un cocu l’excitait.

Jeannette, comme ses copines, n’était pas insensible à son charme mais, répondait-elle aux remarques de ses copines, « je suis mariée et j’aime mon mari ».


Un jour, alors qu’il discutait de leurs chanteurs préférés, ma femme lui dit qu’elle aimait Johnny. Michel lui dit qu’il avait toute la collection de ses disques et qu’il pouvait lui en prêter. Ma femme accepta et ils se donnèrent rendez-vous à dix-sept heures devant chez lui. À dix-sept heures, mon épouse rejoignit Michel devant chez lui. Il vivait chez ses parents. Là, il la pria d’entrer. Ma femme, dans un premier temps, refusa. Il insista :



Jeannette finit par accepter mais précisa :



Inconsciemment, elle savait qu’en qualité de femme mariée, Michel voulait posséder son corps et la soumettre sexuellement. Dans l’entrée, elle refusa plusieurs fois d’entrer dans sa chambre où étaient ses disques puis finit par accepter à contrecœur. Michel la fit asseoir sur le lit, mit le disque et vint s’asseoir près d’elle. Tout en discutant, il mit innocemment le bras autour de ses épaules. Au bout d’un moment, il l’embrassa sur la joue, puis dans le cou. Jeannette sentit ses seins devenir durs, et l’humidité envahir son entrejambes. Dans un éclair de lucidité, elle dit qu’elle devait partir car je l’attendais. Michel lui dit qu’elle lui plaisait beaucoup et lui demanda si elle était d’accord pour le revoir le lendemain.


Mon épouse était tiraillée entre le désir et le fait qu’elle était mariée. Mais l’attirance qu’elle avait pour Michel finit par l’emporter et elle accepta.

Le lendemain, à dix-sept heures, elle se rendit chez lui. Ils entrèrent directement dans la chambre. Michel avait fermé les volets, allumé une petite lampe rouge qui créait une ambiance très intime. Ils s’assirent côte-à-côte sur le lit et Michel prit ses lèvres, leurs langues se lièrent, pendant que le jeune homme lui caressait le dos. À ce stade, Jeannette était vaincue, elle s’offrait entièrement à ce bel apollon qu’elle désirait ardemment.


Puis la main glissa sur son corsage, lui prit un sein. Les boutons du corsage ne tardèrent pas à sauter et ses deux seins blancs dans un soutien-gorge à balconnets noir et rouge apparurent. Au bout d’un moment, Michel, tout en l’embrassant, lui ôta son corsage et dégrafa son soutien-gorge. Les seins étaient durs et les bouts pointaient au centre de la large aréole brune. Puis Michel la coucha sur le lit et entreprit de lui retirer sa jupe. Jeannette attendait, les yeux fermés, car à cette époque elle était très timide malgré tout, et quelques secondes plus tard elle était entièrement nue, exceptés ses bas et ses portes jarretelles, qu’elle avait mis pour l’occasion. Michel lui avait dit qu’il aimait les bas.

Michel couvrit son corps de baisers, lui malaxa les seins, suça les bouts érigés, ce qui fit gémir Jeannette, puis au bout d’un moment il lui dit :



Ils se levèrent et ma femme, timidement lui ôta lentement sa chemise, puis son pantalon. Une énorme bosse distendait le slip et le gland de son sexe en érection dépassait de celui-ci. Jeannette s’arrêta et Michel lui dit :



Jeannette s’exécuta. Elle venait de découvrir un long et gros machin poilu. La bite en pleine érection, presque à la verticale, était de dimension impressionnante (aux dires de Jeannette).



Elle saisit la bite tendue, sa petite main en faisait difficilement le tour, elle était dure comme du fer. Elle commença à le branler. Puis Michel la poussa sur le lit.

Le jeune homme caressait le corps nu et Jeannette cherchait constamment les lèvres de son jeune amant, avide de sa langue. Au bout d’un moment, caressant sa chatte, Michel lui introduisit un doigt qu’il ressortit trempé. Comme m’a dit Jeannette : « il a compris que j’étais à point, que je n’en pouvais plus, que j’avais envie comme lui et que je voulais me faire mettre ». Michel demanda :



D’une main, Michel fit pression sur l’intérieur des cuisses, et ma jeune épouse écarta largement ses jambes, les genoux légèrement fléchis. L’amant s’installa entre ses jambes, et dirigea sa queue contre la chatte dégoulinante de Jeannette dont il écarta les lèvres.



Michel promena sa bite le long de la fente rose de la chatte de Jeannette, agaçant le clito. Puis il la présenta à l’entrée de son con, le gros gland écarta la chatte et s’enfonça lentement, dilatant l’étroit vagin lubrifié, jusqu’à l’utérus. Un long gémissement de mon épouse accompagna la pénétration de son intimité que seule ma bite avait connue. Michel se mit à limer lentement sur toute la longueur de son engin, se retirant presque entièrement, pour replonger dans l’intimité du ventre de Jeannette. On n’entendait dans la pièce que le clapotement de l’accouplement dû à la chatte dégoulinante de liqueur, et les gémissements étouffés de Jeannette qui ondulait du bassin pour accompagner le rythme que lui imposait son amant et pour mieux épouser la bite qui la travaillait.


Il ne fallut que quelques courtes minutes pour que les gémissements de ma femme deviennent rauques, que son visage s’assombrisse et qu’elle explose dans un orgasme dévastateur, les contractions de son vagin électrifiant tout son corps.

Son jeune amant, se trompant sur l’expression de son visage lui demanda :



Puis Michel la fit mettre en levrette, cuisses écartées, la position préférée de ma femme et la prenant par les hanches se remit à baiser Jeannette qui cambrait les reins pour s’offrir complètement à la pine qui la dilatait, la remplissant jusqu’a l’utérus.

Ils baisèrent ainsi longtemps, Michel la limant tantôt lentement et tantôt plus violement, lui tordant le bout des seins, et lui claquant violement les fesses, Jeannette gémissant :



Puis Michel la fit recoucher sur le dos, lui glissa un coussin sous le cul, lui replia les jambes, passant ses bras sous celles-ci se renfonça en elle d’un seul coup, et recommença à la tringler. Il la baisa longtemps, ralentissant quand il sentait sa semence monter, puis recommençant quand la tension retombait. Au bout de longues minutes de va-et-vient, il accéléra le rythme, pour se déchaîner, la baisant sauvagement en la traitant de salope et de pute. Ce traitement projeta mon épouse dans un dernier orgasme qui fit trembler tout son être, se mordant les lèvres pour ne pas crier. Michel poussa un râle et après un dernier assaut se retira au tout dernier moment, envoyant un puissant premier jet de sperme dans le vagin et projetant le reste de l’abondante semence sur le corps épuisé et comblé de Jeannette, entièrement conquise et soumise à son amant.


Puis ils se séparèrent. Jeannette lui donnait rendez-vous chez nous le samedi matin, alors que je travaillais de quatre heures à midi, et ils baisaient toute la matinée dans le lit conjugal, où Michel l’a initiée à la sodomie. Pour plaire à Michel, elle a même accepté de baiser à trois, avec un de ses amis, ce qui lui a bien plu. Leur liaison a duré huit mois. C’est le seul amant dont elle a vraiment été terriblement amoureuse, et qui pouvait lui faire faire tout ce qu’il voulait, se soumettant entièrement à ses désirs.


Dans les mois qui ont suivi, elle s’est souvent caressée en pensant à lui.

Ce fut pour elle une révélation, elle savait désormais qu’elle aurait d’autres amants.



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Erotisme torride

Tendre Amour

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n° 13526Hidden Side13/10/09
La survivante
critères:   fh mélo sf
57085 caractères
Auteur : Hidden Side      Série : L'abri - 02 / 02

Résumé de la première partie :


Il y a quelque temps, la famille Durieux a acquis un pavillon dans une banlieue résidentielle du Val-de-Marne, équipé d’un abri antiatomique colossal. Construit dans les années soixante-dix par le docteur Yann Keller, chercheur suisse en physique des particules, convaincu de l’inéluctabilité d’un conflit nucléaire, l’abri est conçu pour permettre la survie d’une famille de cinq personnes durant plus de vingt ans.

Le 3 septembre 2016, alors qu’Alain Durieux est occupé à remettre le blockhaus en état, l’Iran met le feu aux poudres en anéantissant Tel-Aviv avec un missile balistique. Une série exponentielle de répliques et contre répliques fait basculer le monde dans l’apocalypse…

Plusieurs têtes nucléaires rayent la région parisienne de la carte. Alain se retrouve coincé douze mètres sous terre (l’abri s’est verrouillé automatiquement, dés le début de l’alerte radioactive), tandis que sa femme et sa fille, en ballade au centre commercial, trouvent la mort avec la quasi-totalité de la population.


Alain, qui espère toujours qu’elles aient survécu, entame alors une période de désespoir et de solitude de plusieurs mois, organisant sa survie dans l’abri grâce à un fascicule très détaillé laissé par le docteur Keller à l’attention des siens…




PARTIE II





- 12 -



Je descendis de mon vélo d’entraînement, attrapai une serviette propre et essuyai mon front dégoulinant. Ma séance était terminée pour aujourd’hui. Trois heures à suer dans la puanteur confinée de l’abri, à inspirer un air infect, chargé de relents de moisissures, avant de m’évader dans mon monde onirique. J’avais beau démonter les extracteurs d’air, briquer les filtres, l’atmosphère du bunker demeurait nauséabonde. Il y avait quelque chose de pourri dans la tuyauterie du recycleur.



Je me dirigeai vers la douche tout en finissant de me dévêtir. Le miroir de la salle d’eau me renvoya une image flatteuse : au cours des mois mon corps s’était raffermi, mes muscles s’étaient développés. Envolées les poignées d’amour, disparue la bedaine disgracieuse. Les traits de mon visage avaient perdu leur mollesse, une expression de dureté nouvelle remplaçant la moue insouciante de ma vie d’avant. Je me forçai à sourire. Mon reflet esquissa une grimace douloureuse.


J’enjambai la grande bassine en fer-blanc encombrant le bac à douche, et actionnai le mitigeur dont j’avais réduit la course. Après quelques raclements sonores, de la tuyauterie branlante laissa perler un filet d’eau, sous lequel je me frictionnai avec vigueur. Après avoir coupé l’eau, je substituai à la bassine un second récipient métallique et entrepris de me savonner. J’utilisai à nouveau le jet pour me rincer rapidement, économisant chaque litre. Une fois séché, je me rhabillai. L’eau savonneuse, dûment recueillie, servirait plus tard pour ma lessive hebdomadaire.


À l’aide d’un entonnoir bricolé, je versai le contenu de la première bassine dans un jerrycan en alu. Puis, empoignant le réservoir presque plein, je descendis au dernier niveau de l’abri. Au fond de la pièce de stockage se trouvait une porte discrète, à peine visible. La porte de mon petit paradis personnel, tout à la fois solarium et lieu de recueillement. La serre hydroponique, où mes protégées sauraient mettre à profit le contenu du jerrycan.


La serre était très différente du reste de l’abri. Les murs vert pastel tapissés de plaques luminescentes s’incurvaient pour former une haute voûte. Celle-ci supportait une quinzaine de grosses lampes solaires. Baignées par la lumière nourricière, les cultures aériennes s’étageaient sur plusieurs niveaux. Grâce à la supervision zélée d’un ordinateur, un réseau compact de capillaires irriguait chaque plant individuellement, lui apportant la dose exacte de nutriments nécessaires. Le système, entièrement automatisé, permettait d’obtenir des fruits et légumes d’une taille exceptionnelle. Et un rendement de plusieurs récoltes par an…


Quand j’avais découvert cette installation, les lampes éteintes surplombaient des bacs à l’abandon, couverts d’une pourriture grisâtre et pestilentielle. Les flexibles arrachés croupissaient dans un liquide sombre, aussi dense que du purin. Un parfum de mort, une odeur de caveau imprégnait la serre saccagée. Les héritiers de ce joyau n’avaient visiblement aucun goût pour les plantes. Ce spectacle de désolation, qui évoquait avec acuité ce qu’était devenu la planète – un champ de ruines déserté – m’avait presque arraché les larmes. Résolu à remettre en état le potager oublié, j’avais passé le plus clair de mon temps dans la serre, travaillant comme un forçat, mangeant et dormant sur place à l’occasion. Grâce aux pièces de rechanges et aux semences trouvées dans la réserve, j’avais finalement pu faire revivre le grand œuvre du docteur Keller.


Sans que j’en aie conscience, ces dures semaines de labeur m’avaient transformé. Peu à peu, j’avais accepté l’irréversibilité de ma situation, mon incapacité à secourir ma femme et ma fille. Mais je n’avais réellement retrouvé foi en l’avenir qu’en cueillant ma première tomate, une sphère rouge vif, à la fois charnue et sensuelle. Et tout à fait succulente, après des mois de nourriture lyophilisée. Depuis, je surveillais avec une attention indéfectible mes laitues, complimentais mes radis et mes melons, dorlotais mes courgettes. Une fois accomplie ma transe cycliste, c’est dans ce temple du légume que je terminais ma période de veille. L’air y était plus frais, plus vivifiant. Ici, je me shootais à la chlorophylle, je m’enivrais d’oxygène – le plus fort taux de tout l’abri –, je planais sous des soleils artificiels…




- 13 -



De chaudes odeurs de fournil embaumaient la cuisine. Je venais d’extraire de la machine à pain un bloc compact et doré que je tronçonnais en tranches régulières. Bien que mon stock de farine soit en baisse, je n’arrivais toujours pas à me résoudre à me rationner. En fait, j’avais même ouvert une terrine de lièvre pour célébrer ma nouvelle fournée. Je m’apprêtais à me servir une rasade d’un excellent bordeaux (l’abri possédait une cave à vin richement dotée) quand un grésillement étrange se fit soudain entendre. Le bruit prit de l’ampleur, passant du simple sifflement à un ronflement de chat en colère.


Intrigué, je posai la bouteille, repoussai ma chaise et me levai. Le flot sonore, chargé de parasites, semblait provenir du salon. Plus exactement du capharnaüm qui recouvrait la grande table en chêne, que j’avais reconverti en établi. Je déplaçai le fer à souder, la boîte à outils, soulevai un monceau de papiers et de schémas électriques et trouvai finalement la source de cette cacophonie crépitante. La cibi dégottée la veille dans la réserve, qui était restée allumée toute la nuit.



Je me figeai, le bras à moitié tendu, paralysé par la surprise. Ensevelie sous les grondements rageurs du bruit blanc, une voix venait de me parler. Il ne s’agissait pas d’un mirage. Une peur insidieuse me tétanisa. Et si, en dérangeant le fragile équilibre du poste de cibi, je perdais le signal ?



Impossible de douter. Quelqu’un essayait d’établir un contact ! Je me saisis du micro et enclenchai le bouton d’émission. Pour la première fois depuis presque sept mois, j’allais enfin m’adresser à un autre être humain.



Plus rien. Je branchai mon casque, tournai le bouton d’amplification, essayai d’améliorer le gain. Peine perdue. La cibi était redevenue silencieuse, hormis un craquement parasite de loin en loin.


Je passai une main tremblante dans mes cheveux peignés à la diable. À peine esquissé, mon espoir de communiquer avec d’autres survivants vacillait déjà. C’était une véritable torture ! Aussi ténu soit-il, je ne pouvais pas laisser ce contact se déliter sans réagir. Tournant rageusement les pages du fascicule de Keller, je cherchai des infos complémentaires sur la cibi, un truc que j’aurais pu louper dans le raccordement du câble coaxial.


J’en avais oublié mon repas, je n’avais plus faim de toute façon. Un autre besoin m’animait, impérieux, lancinant. L’exaltation de renouer enfin le lien avec mes semblables, de rompre cet isolement démentiel. Tantôt je jubilais en repensant à ces quelques mots arrachés au vide, tantôt je désespérais de mon ignorance en matière de radiocommunications. Et puis, à force de compulser en tous sens l’almanach du timbré qui avait conçu ce blockhaus, je tombai enfin sur les paragraphes salvateurs, la solution à l’énigme qui rend fou.



Déploiement manuel de l’antenne de réception (procédure à suivre uniquement en cas de guerre atomique) :


Cher lecteur, vous voici donc coincé sous terre depuis quelques mois. Avec la baisse continue du niveau de radiation, les tempêtes d’interférences se sont peu à peu calmées. Bonne nouvelle ! Vous allez à nouveau pouvoir communiquer avec d’autres individus ! En tout cas, avec les personnes assez sages pour disposer d’un abri – la plupart des autres sont mortes, paix à leur âme – et de moyens de communication par ondes courtes.


L’impulsion électromagnétique émise par la charge nucléaire la plus proche a détruit toute l’électronique de surface. Si elle n’a pas été simplement liquéfiée par les effets thermiques de l’explosion, l’antenne principale est à présent aussi efficace qu’un portemanteau rouillé. Il va donc falloir procéder au déploiement manuel de l’antenne secondaire. Rien de plus simple, rassurez-vous !


Rendez vous dans la cuisine. Débranchez le réfrigérateur et retirez-le de son logement. Dans la cloison ainsi dégagée, il y a une prise de force actionnable par manivelle – un peu comme un store mécanique. Ladite manivelle devrait se trouver dans le tiroir central du buffet de tante Mathilde (excusez ces manipulations ridicules, un changement de dernière minute dans les plans du cuisiniste). Si la sortie de la sonde n’est pas entravée par les gravats du pavillon, vous devriez être paré en un rien de temps !




- 14 -



Après avoir mis à sac tous les tiroirs et placards de l’abri j’avais finalement trouvé une sorte de manchon articulé sur le haut d’une armoire à pharmacie. Suivant scrupuleusement les instructions du vieux Keller, je l’avais inséré dans son logement, derrière le frigo. Il s’agissait bien de la précieuse manivelle, mais celle-ci refusait de tourner, ne serait-ce que d’un seul cran. Certain que l’antenne était coincée, je paniquai et m’obstinai à forcer, au risque de fausser le mécanisme. Puis, je m’aperçus que je l’actionnais dans le mauvais sens. En inversant le mouvement, le dispositif se déploya avec une étonnante fluidité.


Les écouteurs sur les oreilles, survolté, je scannai toutes les fréquences disponibles dans la bande des 27 MHz. Ma cibi n’opérant que sur ondes courtes, je savais que la source d’émission se trouvait à quelques kilomètres à peine. À l’idée de la proximité des secours, des larmes de joie roulaient sur mes joues. Soudain, un signal clairement audible me parvint, sur le canal trente-huit.



Une voix synthétique pris le relais, déclamant la suite :



Un clic audible, puis de nouveau la même voix affolée. La séquence se répéta encore cinq fois, avant de changer de canal. J’arrachai mon casque en jurant. Ce que j’avais pris pour un contact avec les secours tant espérés n’était en fait qu’une messagerie automatique, qui tournait en boucle depuis… combien de temps ? Incertain, je scrutai l’horloge du salon. Depuis plus d’un mois !



Le monde que j’avais connu était mort et enterré. Il fallait que je me mette ça dans le crâne une bonne fois pour toutes ! J’inspirai longuement, plusieurs fois. Soufflée aussi brusquement qu’une flamme, ma frustration s’éteignit d’elle-même.


Je repensai à ce que je venais d’entendre. J’allais essayer de contacter cette Eva machin-chose au petit matin, dans approximativement trois heures – en espérant qu’elle soit encore en vie, ce qui restait à prouver. J’esquissai un sourire nostalgique. Les « heures », les « dates »… des habitudes du passé, qui me semblaient à présent presque irréelles. Quand on vit sous terre depuis si longtemps, à quoi bon caler son rythme sur des mouvements d’aiguilles.


Les questions commençaient à se bousculer sous mon crâne. La fille avait parlé de l’hôpital Chenevier, à Créteil. L’endroit était à un jet de pierre du centre commercial où Élodie s’était rendue avec Manon, le jour où… le jour où le monde avait changé. Pourquoi ne s’y seraient-elles pas réfugiées, au lieu de rejoindre le métro ? Et si l’abri de l’hôpital était assez grand, il se pouvait que… Quoi ? Qu’elles y fussent aussi ? Je me sermonnai vertement. J’étais en train d’élucubrer. La « pensée magique » ne suffirait pas à me les ramener. L’espoir devait être manié avec précaution. Sous peine de faire plus de mal que de bien.


De toute façon, le message de la fille semblait impliquer qu’elle était seule. Pourtant, au moment où… où tout cela était arrivé, ils devaient être nombreux dans l’abri. Alors pourquoi ne parlait-elle pas des autres ? Qu’est-ce qui avait bien pu se passer ?


Puis je songeai à la note de désespoir dans cet appel à l’aide. La fille n’avait pas donné de détails, mais sa situation semblait déjà critique il y a un mois. Y avait-il la moindre chance pour qu’elle réponde, quand je tenterai de la contacter tout à l’heure ? Je n’imaginais que trop bien l’écho lugubre de ma propre voix, se répercutant sur les murs d’un abri-mausolée, jonché de cadavres pourrissants.


J’essayais de me représenter les lieux. Probablement une cave utilisée durant les bombardements Allemands, réhabilitée en abri antiatomique au plus fort de la guerre froide, avec les maigres budgets que l’assistance publique avait pu consacrer à ce genre de lubies. Je supposais que l’endroit devait être équipé chichement, à peine chauffé, encombré de paperasses oubliées et d’archives séculaires. Une crypte sinistre, guère plus qu’un dortoir aménagé, où le summum du luxe devait être de pouvoir se laver et aller au petit coin avec un minimum d’intimité. Rien à voir avec les prestations raffinées de mon bunker cinq étoiles.


En général, ce genre d’endroit n’était prévu que pour les crises de courte durée, les conflits en CDD. Là-dedans, il ne devait y avoir que deux semaines de ravitaillement, un mois au mieux. Alors comment cette fille avait-elle pu survivre si longtemps ? Plus j’y réfléchissais, plus je soupçonnais qu’Eva machin-chose devait être là par hasard, quand la charge thermonucléaire avait pété. Une chance pour elle ? Pas si sûr, vu les épreuves par lesquelles elle avait du passer.


Je mordis sans appétit dans ma tartine, tout en lorgnant l’horloge. Encore deux heures, avant d’avoir un début de réponse. Peut-être…




- 15 -



Je ranimai la cibi endormie d’un index qui tremblait légèrement. Après quelques réglages, je tombai à nouveau sur l’appel à l’aide, bouclant sans fin sur lui-même. Mon cœur se serra. Ce message serait-il ma seule occasion d’entendre la voix de cette fille ? Poussant un long soupir, j’activai le canal vingt-sept et me lançai. Il était temps de confronter espoirs et réalités.



Pas de réponse pour l’instant. Avec ce casque trop grand qui me chauffait les oreilles et un micro d’un autre âge niché dans ma main, je me sentais légèrement idiot. La fille ne répondrait pas, j’étais prêt à le parier. Les pensées les plus noires traversèrent mon esprit. Je l’imaginais morte, ou bien inconsciente. Peut-être m’entendait-elle mais était trop faible pour se lever et utiliser sa cibi. Cette dernière hypothèse me glaça littéralement.



Toujours rien. Durant près d’un quart d’heure, j’alternai les invites à parler et les silences de plus en plus pesants. Frustré, tendu comme une corde de piano, je ne tenais plus en place. Je laissai encore passer cinq minutes, puis décidai de jeter l’éponge. Débranchant violemment mon casque, je me levai d’un bond et bousculai ma chaise.



Je savais à quel point il était injuste de diriger ma colère contre cette fille. En agissant ainsi, je cherchais quelqu’un à blâmer pour tout ce que je n’arrivais plus à supporter. J’aurais plutôt dû voir la vérité en face. Reconnaître que l’existence me pesait, que la solitude n’était supportable que parce que je me mentais à moi-même. Accepter l’idée que j’allais crever seul dans mon trou. Je savais surtout que je risquais de faire une grosse bêtise, si je ne m’orientais pas très vite vers un exutoire.


Pour ça, pas de problème ! Ça faisait des mois que j’avais trouvé ce qu’il me fallait pour me vider la tête. Je balançai mon T-shirt et mon short sur le canapé. Puis, vêtu d’un simple boxer, je grimpai sur mon vélo « d’emportement »… Je pédalai aussi vite que je pus pour fuir la noirceur implacable de la réalité. Si je trouvais le courage nécessaire, peut-être essaierais-je à nouveau de contacter Eva dans deux ou trois heures, à la fin de ma séance. Peut-être…




- 16 -



Eva Clarinsky ne voyait plus le monde qu’à travers un brouillard rouge sang. Seul un léger souffle franchissait encore ses lèvres craquelées. Après des mois de purgatoire, de privations extrêmes, d’abominations inavouables, Eva était finalement arrivée en enfer. Elle avait dépassé la damnation de la faim lui creusant l’estomac. À présent, l’organe semblait lesté d’une grosse pierre bien lisse. Elle en était à peine consciente, tant le feu infernal de la soif brûlait sa gorge. La soif était comme un désert immense ou les oasis se faisaient toujours plus maigres et rares. Aussi rares que les moments de lucidité où elle trouvait la force – dieu seul sait comment – de ramper jusqu’au seau de plastique sous l’évier, pour laper un peu d’eau.


Quand elle avait assez d’énergie pour se traîner jusque-là, Eva avait l’impression de frôler des ossements. Mais elle se trompait. Dans son délire, elle ne se rendait plus compte qu’il s’agissait de ses propres membres, à peine recouverts de minces couches de chair, frottant les uns contre les autres. Sa peau de parchemin, tendue sur des aspérités saillantes comme des poignards, dessinait avec précision les fibres musculaires s’accrochant encore çà et là…


Si la soif devenait intolérable et qu’elle était trop faible pour entreprendre sa lente reptation, elle se mordait les lèvres jusqu’à ce qu’un sang épais comme une coulée de métal emplisse sa bouche avide.


La plupart du temps, elle ne savait plus qui elle était, ni où elle se trouvait. Elle grelottait simplement de froid sous des monceaux de couvertures, tournant ses yeux vitreux vers une voûte où la lumière ne s’éteignait jamais. Eva était si faible qu’elle ne prenait même plus la peine de s’écarter de sa couche pour uriner.


Elle voulait quitter cette vallée de larmes, mais elle n’y arrivait pas. Étonnamment, plus elle approchait du monde des ombres, plus elle s’accrochait à la vie, prolongeant d’autant cette torture, devenant son propre bourreau. Tant qu’elle en avait encore la force, elle aurait dû abréger ses souffrances en se tranchant elle-même la gorge. Mais voilà, elle n’en avait pas eu le courage. Pourquoi diable ? Ne parle-t-on pas de l’au-delà comme d’un monde meilleur ?


Plus morte que vivante, Eva n’arrivait plus à faire la différence entre ses hallucinations et le réel. Elle était tourmentée par les fantômes de ceux qu’elle avait côtoyés ces longs mois. Tombés les uns après les autres, ils ne la laissaient plus en paix, lui soupirant des horreurs fétides, cherchant à s’accoupler avec elle dans leurs hardes pestilentielles. Seigneur ! Elle était si proche de basculer de leur côté !


Il n’y a pas si longtemps, elle avait même cru entendre quelqu’un l’appeler par son prénom. Une voix douce, qui la pressait de venir la rejoindre. Était-ce un ange, témoin de son martyr, qui l’avait prise en pitié ? Où était-ce Piotr, qui l’appelait depuis le royaume des cieux ?


Tout au fond de sa conscience, une femme croassait : « la radio … tu dois … répondre … espèce de … conne ! ». Mais elle était trop épuisée pour continuer d’écouter cette folle. Elle allait fermer les yeux à présent, laisser le sommeil l’emporter. Une torpeur glacée l’enveloppait déjà dans son long manteau d’onyx. Quand elle se serait reposée, elle aurait peut-être assez de force pour s’adresser à son tour à la voix. Oui, quand elle aurait dormi. Plus tard.


Elle sentit qu’on caressait son visage. Dans un effort surhumain, elle descella les paupières, espérant voir l’ange à la voix mélodieuse. Mais c’était un squelette tenant un couteau qui se penchait sur elle. Il approcha son crâne ricanant et lui réclama un baiser. Un bon vieux french-kiss des familles… rien qu’un, promis-juré ! lui susurra-t-il. Entre les chicots noircis coulissait une langue putride, grouillante d’asticots. Les yeux exorbités, Eva essaya de se soustraire à cette horreur. Des serres implacables maintenaient sa tête, des ongles crochus s’incrustaient dans sa chair, déchirant ses joues dépulpées. Juste à côté d’elle, quelqu’un se mit à hurler.





- 17 -



Affalé dans le vieux fauteuil du salon, une bouteille d’eau minérale à la main, j’observais mon vélo d’appartement sans vraiment le voir. Je suais à grosses gouttes, encore pantelant après ma longue course. J’avais pédalé comme un forcené, mais aucun tunnel ondoyant ne m’avait emporté vers mon univers onirique. Trop de pensées obsédantes plombaient mon esprit. Machinalement, je portai la bouteille entamée à mes lèvres et la vidai en quelques gorgées. Je n’arrivais pas à me sortir Eva Clarinsky de la tête. Eva et ses appels au secours, qui résonnaient en boucle comme autant d’accusations.


Quand je fermais les yeux, les visages de ma femme et de ma fille s’imposaient à moi avec une acuité douloureuse. La situation présente me ramenait à ce jour maudit où je n’avais pas su persuader Élodie de revenir avant qu’il ne soit trop tard… Et pour Eva, était-il aussi trop tard ? Un mauvais pressentiment me tordait les boyaux.


En admettant qu’elle fut encore en vie, que pouvais-je réellement faire pour elle ? L’hôpital Albert Chenevier se trouvait à au moins six bons kilomètres de l’abri des Keller. Même équipé d’une combinaison antiradiation, c’était du suicide que de vouloir s’y rendre à pied. D’après les relevés les plus récents, le niveau de radioactivité était encore au-dessus des doses tolérables, comme en témoignait l’alerte toujours en vigueur dans le sas de décontamination. Et à propos du sas, il y avait aussi cette question à trancher : pourrais-je vraiment déverrouiller la porte qui en scellait le seuil ?



Durant mes premiers mois sous terre, j’avais découvert qu’un code d’urgence permettait d’en forcer l’ouverture. En piochant un ouvrage au hasard dans la bibliothèque, j’étais tombé sur une note de Keller, rédigée au verso de la couverture, qui dévoilait l’existence d’un « trou de sécurité ». En guise d’indice menant au fameux code secret, le vieux farceur avait trouvé hilarant de conclure par ces quelques vers :


Du repos des humains, implacable ennemie,

J’ai rendu mille amants envieux de mon sort,

Je me repais de sang et je trouve la vie,

Dans les bras de celui qui recherche ma mort. (*)


Bien que j’aie tenté plusieurs fois de résoudre l’énigme, je n’en avais pas encore la solution. Peut-être aurais-je relevé le défi avec plus d’ardeur, si je ne m’étais pas résolu, en fin de compte, à demeurer dans mon abri. Il y avait trop de radiations pour espérer sortir. Et s’il existait encore une zone non contaminée par le Césium 137 et son vieux pote le Strontium 90, je ne survivrais pas assez longtemps pour la rejoindre. Sans compter qu’il ne devait pas faire bon se balader dehors, vu les conditions climatiques… De quoi aurais-je vécu, dans un monde pétrifié par le froid, stérilisé par l’atome ?


Je me rendis alors compte que j’avais tout simplement peur. Peur de m’effondrer en voyant ce qu’ils avaient fait de la planète. Peur de ce que j’allais trouver en surface. Peut-être avais-je préféré faire l’autruche pour ne pas affronter tout ça. Néanmoins, si cette fille était en mesure d’être sauvée, je ne pouvais plus m’offrir le luxe de l’ignorance. J’allais devoir organiser une mission de secours, m’obliger à quitter l’abri. À condition d’avoir la certitude qu’elle soit vivante. Aucune envie de me sacrifier en pure perte…


Je décidai d’allumer cette bon Dieu de cibi, pour tenter encore une fois de contacter la fille. S’il n’y avait pas de réponse, alors c’est que c’était cuit pour elle. Il ne me resterait plus alors qu’à oublier son existence. Pas facile, mais je me ferais une raison. Voilà exactement ce que j’allais faire.





- 18 -




Après une bonne demi-heure à essayer d’établir le contact, j’étais ulcéré de répéter les mêmes phrases. Ces mêmes mots, se heurtant encore et encore à un silence désespérant. Je savais bien que c’était foutu, que je m’escrimais en pure perte. Cependant, malgré ce témoignage éloquent de mutisme obstiné, je n’arrivais pas à raccrocher les gants, à renoncer à l’espoir de faire partager ma solitude à quelqu’un. Alors, je trouvais à Eva toutes les excuses pour ne pas répondre : une cibi défectueuse l’empêchant d’émettre ou de recevoir, une blessure assez grave pour la clouer au lit… Après tout, je n’avais aucun moyen d’être sûr, absolument sûr, qu’elle fut morte.


Soudain un murmure rauque, inhumain, déchira ce silence de tombeau.



Elle avait répondu ! Un espoir énorme souleva mon cœur. Puis, avec le silence qui s’installait à nouveau, mon allégresse retomba.



Oh putain ! C’est ce que je craignais ! Cette fille était en plein délire. La situation d’Eva Clarinsky semblait carrément désespérée. Elle…



Ce furent les derniers mots que prononça ce fantôme.




- 19 -



Cette fille était au seuil de sa tombe, il n’y avait aucun doute. Dans quelques jours, son sort serait scellé, peut-être même n’était-ce qu’une question d’heures.


« Si je ne fais rien, elle va mourir. » Je n’avais que cette idée en tête. Pas le temps de penser aux conséquences, ni de mûrir plus longtemps cette décision. Je devais sortir de mon trou en vitesse, localiser cette fille et la ramener dans mon abri. Si je voulais la sauver, il n’y avait pas d’alternative.


Dans le fascicule de Keller, j’avais lu tout ce qu’il y avait à savoir sur les sorties en environnement contaminé. Je savais très bien que ce que j’allais tenter était suicidaire. Mais je devais courir le risque. Je dévalai l’escalier métallique, entrai dans la réserve et piochai sur les étagères tout ce qui pouvait avoir une quelconque utilité pour sauver Eva Clarinsky. J’entassai le tout dans un grand sac à dos, en désordre, comme je pus. Juste avant de quitter la pièce, mon regard se posa sur un drôle d’engin, garé sous une étagère : un mini-quad. C’était l’évidence même ! Avec ça, j’allais pouvoir rejoindre l’hôpital Chenevier en minimisant mon exposition aux radiations. Dire que j’étais passé devant ce truc des centaines de fois, sans imaginer une seconde m’en servir un jour…


Je devais encore prendre une dernière précaution. J’avalai deux comprimés du « vaccin » antiradiations récupéré il y a déjà quelque temps dans l’armoire à pharmacie des Keller, espérant que ce traitement allait me protéger. J’essayai d’oublier que ce truc était périmé depuis au moins un an. Je pris avec moi des vêtements chauds, puis m’escrimai à remonter le quad dans le sas d’accès, ce qui ne fut pas une mince affaire.


Tandis que je reprenais mon souffle, je me remémorai la devinette censée débloquer la porte blindée. Je réfléchissais intensément, essayant de me calmer. Sans résultat. Les quatre vers de cette maudite énigme dansaient sous mon crâne, s’emmêlaient entre eux, continuant de me narguer. Mes mains tremblaient, je grelottais. Je touchai la porte du sas. Elle était glacée. Dehors, il devait faire un froid polaire.



Tout en continuant de réfléchir, je décrochai deux combinaisons antiradiation. L’une d’elle trouva sa place dans mon sac. J’épaulais le sac, puis passai la seconde combinaison, me tortillant pour pouvoir verrouiller la fermeture malgré l’imposant paquet accroché à mon dos. Des démangeaisons horripilantes m’assaillirent, aux endroits où frottait le textile râpeux. Je me grattais furieusement…


C’est précisément ce geste qui fit jaillir l’illumination. Je venais de résoudre l’énigme de Keller ! Le clavier de la porte blindée comportait des caractères alphabétiques, comme celui d’un téléphone. Je tapai le code correspondant à la solution à laquelle j’avais pensé : 7823. Ça ne donnait rien, car il manquait des chiffres… Je pianotai une nouvelle séquence, complétant ma réponse : 863 7823.



Je finis de m’équiper, puis verrouillai le haut de ma combinaison. Le sifflement du masque anti-poussières et la visière de plexiglas me donnait l’impression d’être dans une sorte de scaphandre. J’appuyai sur le bouton d’ouverture et la porte du sas coulissa, me laissant le chemin libre vers la surface.




- 20 -


Clignant douloureusement des yeux, surpris par la lumière irradiant de toute part, j’émergeai au milieu des décombres de notre villa effondrée. L’effet de souffle et les incendies provoqués par l’explosion avaient causé une désolation effroyable. Le lotissement résidentiel où nous avions élu domicile n’était plus qu’une succession de ruines tordues et calcinées. Comme si un typhon incandescent avait balayé ce coin de banlieue tranquille. Sidéré par cette vision de cauchemar, je songeais avec horreur à tous ces gens, balayés par une tempête de magma à mille degrés pendant que j’étais tranquillement installé dans ma cuisine, plusieurs mètres sous la surface.


Le ciel était dégagé et le soleil de cette fin mars dardait des rayons que les nuées radioactives censées opacifier la haute atmosphère n’atténuaient nullement. Aucune trace de glace ou de neige sur ce sol brûlé jusqu’à la roche, sans le moindre brin d’herbe. D’après Keller, les conséquences de ce conflit devaient pourtant affecter le climat au point d’entraîner une nouvelle ère glaciaire. Je jetai un œil au détecteur fixé à mon poignet. L’afficheur numérique indiquait qu’on était toujours dans la zone rouge, côté radiations. Par contre, le thermomètre intégré mentionnait 2°C, une température plutôt clémente pour un hiver nucléaire.


Ne perdant pas plus de temps à étudier cet environnement flippant, j’utilisai le treuil amovible du puis d’accès pour sortir le mini-quad. Après avoir branché une batterie neuve, je n’eus aucun mal à démarrer l’engin. Je m’entraînai à le manier en traversant les restes calcinés de mon jardin. En arrivant dans la rue, je fus surpris par l’état de la chaussée. Malgré les monticules de débris qui l’envahissaient par endroits, elle semblait praticable, à condition de rouler lentement. Un luxe dont je ne disposais pas. Je fonçai donc au mépris du danger.


Le seul obstacle sérieux que je rencontrai fut l’énorme embouteillage au carrefour des petits Carreaux, non loin de la sortie de Sucy-en-Brie. Sur des kilomètres, un flot de véhicules occupait l’avenue de Paris sur toute sa largeur. Un enchevêtrement de carrosseries décapées par la fournaise radioactive, aux pneus explosés, aux plastiques qui avaient fondu sur l’asphalte, formant une multitude de mares noirâtres. Je quittai la chaussée pour le trottoir, plus dégagé, cherchant à occulter de mon esprit les cadavres occupant les carcasses de voitures. Je ne pus cependant m’empêcher de jeter un œil sur une 309 en travers de la voie. Deux squelettes à l’intérieur. L’un au volant, le crâne tourné sur le côté, l’autre assis à l’arrière, sur les vestiges calcinés d’un rehausseur. Une mère et son enfant… Une pointe de silex me déchira le cœur.


Après vingt minutes de gymkhana, j’arrivai sans plus d’encombres devant l’hôpital Albert Chenevier. Ou plutôt, ce qu’il en restait. J’avais résisté à la tentation de rallonger en passant par Créteil Soleil, le centre commercial où j’avais perdu la trace d’Élodie et Manon. J’en avais vu assez sur le trajet pour savoir que cela ne me ferait aucun bien. Je garai le quad à l’abri d’un auvent rouillé, coupai les gaz et mis pied-à-terre. J’allais à présent entamer la partie la plus délicate de ma mission : trouver l’abri antiatomique du centre hospitalier. En croisant les doigts pour qu’il ne soit pas enseveli sous des tonnes de débris…




- 21 -



Aujourd’hui encore, je ne sais pas exactement comment j’ai trouvé l’abri. Je ne voyais presque rien en dehors du faisceau étroit de ma torche, ricochant sur des murs lépreux, au plâtre désagrégé par les radiations et les intempéries. Les minutes passaient, inexorablement, tandis qu’un voile flou embuait ma visière de plexiglas. De loin en loin, j’éclairais des squelettes en blouse blanches, étalés au sol dans les positions les plus diverses. Et puis, dans un coin de couloir miraculeusement épargné, je découvris par hasard un plan du sous-sol, gravé sur un panonceau de plastique. Je connus un bref moment d’euphorie quand j’y repérai l’emplacement de l’abri.


Je suivis les indications du plan d’étage, passai en courant devant les archives et me retrouvai face à une porte en acier anti-explosion, verrouillée par un volant de manœuvre. Je tambourinai un moment sur le sas en criant le prénom de la fille, avant de réaliser la futilité de mon geste. Même si deux cloisons blindées ne l’avaient pas empêchée de m’entendre, Eva Clarinsky était certainement trop faible pour venir m’ouvrir. J’empoignai le mécanisme et tournai de toutes mes forces. Le volant, faussé ou grippé, ne bougea pas d’un pouce. Je cherchai de quoi faire levier, mais ne trouvai rien qui ne tomba aussitôt en morceaux.


Le plan que j’avais maraudé tout à l’heure indiquait un local technique. Je fonçai, espérant dénicher dans cette remise une pièce de métal non corrodée. Le sort m’avait à la bonne. Je tombai immédiatement sur une barre à mine, entreposée là par un ouvrier bien inspiré. À la troisième tentative, je réussis à décoincer le volant et à me glisser dans le sas de l’abri, un réduit accueillant deux douches. Après avoir refermé la porte blindée, je lançai la procédure de décontamination. Les recycleurs d’air se mirent poussivement en route et une eau boueuse jaillit de la pomme de douche au-dessus de moi. Priant pour que l’installation ait éliminé la plus grosse partie des éléments radioactifs me collant aux basques, j’ôtai ma combinaison.


Le second bac à douche, maculé d’un dépôt sombre à l’aspect terne, était occupé par une masse informe, recouverte d’une bâche plastique. Quelque chose clochait. Malgré le froid qui cristallisait mon souffle, l’air était imprégné d’une puanteur douceâtre, une odeur de viande en décomposition. Je ne pus résister à la tentation morbide de tirer sur la bâche. Elle me dévoila le cadavre d’un homme, dépecé jusqu’à l’os comme une vulgaire carcasse animale. Sur les chairs restantes, bouffies et noirâtres, grouillaient des vers. Le visage, méconnaissable, était tordu sur un cri inachevé. Saisi d’horreur, je reculai en luttant contre une brutale nausée.



Un seul mot fusa dans mon cerveau. Anthropophagie. L’ultime recours en situation de survie extrême.



Une évidence s’imposa à moi. Quand les rescapés avaient entamé leur terrible jeûne, une fois les derniers vivres épuisés, ils avaient été confronté à un choix atroce : une mort lente et douloureuse, ou bien… ça. Certains avaient dû choisir de se sacrifier pour prolonger la vie des autres. Qu’espéraient-ils ? L’arrivée de secours, qui de toute façon n’étaient jamais venus ?



Détournant le regard du cadavre, je réajustai mon sac à dos en frissonnant, puis me glissai hors du sas. Dés le seuil franchi, un fumet pestilentiel me sauta au visage, des odeurs d’excréments et d’urine. Essayant de filtrer ma respiration avec la manche de mon pull, des larmes acides brouillant ma vue, j’avançai prudemment dans cette atmosphère fétide.


Le couloir débouchait sur un lieu de vie assez vaste et abondamment éclairé. Un des murs était occupé par un évier en inox et quelques éléments de cuisine. Dans un coin de la pièce traînait une paillasse moisie, recouverte d’un monceau de couvertures. Seul un « plic, ploc » discret rompait le silence de mort régnant dans le bunker. Le goutte-à-goutte d’une canalisation crevée, sous l’évier, recueilli religieusement dans un seau en plastique.


Puis je vis Eva Clarinsky. Une poupée de chiffon et d’os, recroquevillée sur le sol de béton brut. À force de volonté et de courage, elle avait réussi à ramper jusqu’à sa cibi.




- 22 -



Je m’agenouillai à ses côtés, n’osant même pas l’effleurer. Sous la peau translucide, un réseau des veines bleues striait son front pâle et ses mâchoires émaciées. Ses yeux, enfoncés profondément sous l’arc orbital, ne semblaient jamais devoir se rouvrir. Un tel état de décharnement défiait le sens commun. Je crus qu’elle était morte, avant de remarquer le frémissement qui agitait sa cage thoracique. Elle respirait encore…



Espérant ne pas avoir à la secouer pour la tirer de l’inconscience, je me penchai sur cette pauvre chose. Les émotions qui tourbillonnaient en moi – soulagement, espoir, pitié, peur – firent exploser le barrage des larmes. Quelques gouttes salées atterrirent sur son visage diaphane. Je les balayai maladroitement. Eva Clarinsky ouvrit soudain de grands yeux effrayés.



J’avais suivi une formation aux premiers secours, dans une autre vie. Rien cependant qui m’ait préparé à une situation aussi critique. J’allais devoir improviser. Un début de panique monta en moi, que je refrénai aussitôt. Je devais à tout prix rester calme, méthodique, détaché. Pas question de perdre mon sang-froid, il en allait de la survie de cette fille !


Je découvris que l’abri possédait un dortoir avec des lits superposés. Prenant mon courage à deux mains, je passai mes bras sous le corps d’Eva et la déplaçai sans effort jusqu’au plus proche matelas. Combien pouvait-elle peser ? C’était sans importance pour l’instant. Je sortis plusieurs kits de réhydratation de mon sac à dos et fixai une poche de soluté au montant du lit. Puis j’entrepris de poser une intraveineuse sur le poignet filiforme d’Eva. Pas évident, sur un sujet n’ayant plus que la peau sur les os.


Deux heures plus tard, elle commençait à aller mieux, respirant avec moins de difficultés. Dès qu’Eva retrouva assez de force et de lucidité, je substituai des bouillons et des soupes aux perfusions, puis passai aux concentrés énergisants. Il lui fallut quatre jours de soins continus avant de pouvoir se nourrir et se lever seule.


Durant ces dizaines d’heures passées à la veiller, Eva me détailla les épreuves qu’elle avait traversées. Malgré les torrents de larmes accompagnant le flot de ses souvenirs, cela semblait la soulager. J’écoutais donc avec attention, sans émettre le moindre commentaire.


Ce qu’elle me confia était fragmentaire, décousu et souvent insoutenable. Son récit se grava à jamais dans ma mémoire.




- 23 -



Eva était infirmière puéricultrice. Elle avait vingt-six ans quand elle avait rencontré Piotr Clarinsky, un jeune docteur Ukrainien venu faire sa spécialisation en France. Ils s’étaient mariés deux ans plus tard, après que Piotr eut décroché un poste d’obstétricien à l’hôpital Albert Chenevier, dans le service de néo-natalité d’Eva. Ils avaient acheté un appartement à Créteil, projetaient d’avoir deux enfants, passaient parfois des vacances dans la famille de Piotr, à Odessa, sur les bords de la mer noire.


Le samedi du grand cataclysme, ils étaient chez eux, profitant d’un jour de repos. Comme la plupart de leurs concitoyens, ils avaient suivi en direct l’incroyable accélération du conflit. Quand Sarkozy avait annoncé les fameux tirs de missiles balistiques, le couple était en route pour l’hôpital. Ils rejoignaient la cellule de crise chargée de gérer le flux continu de blessés, de cardiaques, de personnes en état de choc qui encombraient les services. La plupart de ces patients se rendaient à pied à l’hôpital, les voies de circulation étant saturées par une nuée de Franciliens cherchant désespérément à fuir Paris.


Les Clarinsky aidaient à préparer l’abri antiatomique quand une déflagration titanesque avait désintégré toutes les vitres de l’hôpital. Réagissant d’instinct, Piotr avait verrouillé le sas juste avant le déferlement de la vague de feu radioactive. Eva s’était aussitôt jetée sur la porte blindée, déchirée à l’idée d’abandonner ses collègues et ses patientes à une mort certaine.



Il y avait cinq personnes dans l’abri avec Eva et Piotr. Robert, chef du service de cardiologie, Fabrice, un ambulancier urgentiste, deux aides-soignantes – Mathilde et Estelle – et enfin Louis, l’ouvrier d’entretien. Les rescapés avaient tout d’abord espéré l’arrivée des secours en quelques heures. Puis en quelques jours. Une semaine était passée. Le chef de service avait complètement pété les plombs, se murant dans un silence renfrogné, ne participant à aucun de leurs conciliabules.


Louis s’était imposé comme un leader naturel, prenant peu à peu l’ascendant sur la petite troupe. Sous son impulsion, ils avaient inventorié leurs réserves de nourriture et d’eau potable. Même en se rationnant, ils n’avaient pas de quoi tenir quatre mois… Ils avaient donc strictement contingenté leurs vivres, épargné l’eau, limité leurs efforts quotidiens afin de tenir jusqu’à ce que les secours les trouvent. Fabrice avait remis en état de marche une vieille cibi et ils s’étaient relayés pour tenter de capter des réponses à leurs SOS. Il y avait eu de nombreuses crises de nerf, quelques bagarres, mais Louis avait toujours maintenu le cap, insufflant l’espoir en toutes circonstances, gardant pour lui ses propres baisses de moral.


Cependant, avec les privations, leur vitalité décroissait inexorablement. Une résignation générale s’empara peu à peu des rescapés. Personne ne l’évoquait à haute voix, mais chacun apprivoisait déjà l’idée de la mort délivrance. Il ne leur restait plus qu’une semaine de vivres quand Louis les avait réunis, leur annonçant qu’il comptait tenter sa chance à l’extérieur. Les secours ne venant pas à eux, ils devaient à tout prix chercher de l’assistance hors de l’abri. Deux volontaires avaient insisté pour l’accompagner, Mathilde, l’une des aides-soignantes et Fabrice.


Piotr avait tenté de raisonner le petit groupe.



En guise de protection antiradiation, ils disposaient en tout et pour tout de trois loques déchirées, aux masques défaillants. Officiellement, ces vestiges n’avaient pas été remplacés pour cause de restrictions budgétaires. Ils avaient rafistolé trous et déchirures avec les moyens du bord, puis s’en étaient allé, refermant le sas après un dernier adieu. Tous le savaient, il s’agissait là d’un suicide en bonne et due forme, maquillé en mission de la dernière chance.


Et effectivement, ils ne les avaient jamais revus… Les quatre survivants s’étaient malgré tout raccrochés à l’illusoire sauvetage. Ils avaient divisé leurs portions jusqu’au ridicule, épargnant le plus possible leurs maigres réserves. Les journées passèrent, interminables. Robert persistait à être imbuvable, Piotr prenait sur lui, les femmes tentaient d’apaiser les tensions incessantes, le plus souvent sans succès.


Quand ils se levèrent le matin du 24 décembre 2016, il ne restait plus rien de comestible dans l’abri. Durant la nuit, les quelques restes de nourriture avaient disparu. Les rescapés s’étaient regardés en silence, n’ayant même pas la force de se quereller pour un larcin qui ne changeait de toute façon rien à l’affaire. Puis ils étaient retournés à leurs matelas, tentant d’occulter la faim en sommeillant.


Après six jours de privations, Piotr avait émis l’idée d’un suicide collectif. Le médecin avait mis de côté quelques doses d’anesthésique, apte à tuer sans souffrances inutiles. Robert avait alors relevé la tête, le regardant d’un air mauvais.



L’ukrainien l’avait dévisagé avec un rictus de dégoût. Puis il avait jeté un regard douloureux à Eva, prostrée sur un sommier déchiré. Eva, sa femme aimante, qui endurait ce calvaire sans la moindre plainte. Il s’était alors approché de Robert, lequel avait levé des poings peu assurés. Piotr avait esquissé un geste d’apaisement, avant de lui chuchoter quelque chose à l’oreille. Les deux hommes s’étaient éloignés pour un bref conciliabule. À leur retour, Piotr avait parlé aux deux femmes de ce qu’il envisageait.



Piotr avait fini par s’incliner, ignorant la moue narquoise du chef de service. Eva fut chargée de tirer au sort un de leurs quatre prénoms, inscrits sur des bouts de papier. Quand elle déplia le petit rectangle blanc pris au hasard, elle devint plus pâle encore. Tous comprirent lequel d’entre eux venait d’être désigné par le destin. Eva supplia son mari de la laisser se sacrifier à sa place. Il la prit dans ses bras, la serrant longuement contre lui, pleurant avec elle. Mais rien ne put faire faiblir sa détermination.


Ils eurent de quoi se nourrir quelques semaines de plus. La mort dans l’âme, Eva reprit des forces, respectant la promesse que lui avait finalement arrachée Piotr avant de se sacrifier.


Peu de temps avant qu’ils n’épuisent cette effroyable pitance, Robert révéla son vrai visage. En pleine nuit, il se glissa dans le lit d’Eva, la muselant d’une main sur la bouche tout en appliquant un couteau sur sa gorge. Sûr de son emprise, il lui murmurait des obscénités au creux de l’oreille tout en la pelotant. Robert fit l’erreur fatale de baisser sa garde. C’était exactement ce qu’attendait Eva. Elle lui trancha la gorge avec la lame qu’il lui avait réservée. Contrairement à ce que Robert avait espéré depuis tant de semaines, ce fut son sang qu’il répandit sur elle, et non son foutre.


Estelle l’aida à tirer le cadavre dans le sas de l’abri. Elles le dévêtirent, puis l’installèrent dans le bac à douche. Eva s’était toujours doutée que ce salaud était à l’origine du geste de son mari. Elle se chargea de la basse besogne avec une froide efficacité. Et cette fois, elle eut beaucoup moins de scrupules à se nourrir de chair humaine.


Quelques semaines s’écoulèrent. Leurs réserves d’eau potable baissaient de façon alarmante et il ne leur resta bientôt plus de « Petit Robert » à consommer. Le moral d’Estelle déclinait chaque jour un peu plus. L’abri fut le témoin de plusieurs crises de nerf, d’heures passées à verser des larmes. Hantée par les affres de nouvelles privations, l’aide-soignante tenta plusieurs fois de se taillader les veines. Puis, le 22 février 2017, après cinq mois et demi de cauchemar, Eva se réveilla seule au petit matin. Une lettre était posée près de son lit. Estelle avait quitté l’abri dans la nuit, laissant la radioactivité accomplir ce qu’elle-même n’avait pu se résoudre à faire.


Eva était restée assommée, amorphe, tournant en rond au rythme de ses idées noires. Jouant négligemment avec le couteau de Robert, elle avait pensé à Piotr, ainsi qu’à chacun des rescapés ayant partagé son sort durant ces longs mois. Robert ayant balancé l’anesthésique dans la cuvette des toilettes, elle n’avait même plus la possibilité de partir proprement. Elle avait approché la lame de sa gorge, puis l’avait reposée sur la table. Le dernier souhait de son mari était qu’elle survive, coûte que coûte. Elle allait faire tout ce qui était en son pouvoir pour respecter sa mémoire. C’est alors qu’elle avait enregistré son ultime SOS.


Afin de ne pas manquer le cibiste providentiel, elle s’était installée dans la pièce commune. Et elle avait attendu de connaître le fin mot de l’histoire, quel qu’il soit.




- 24 -



J’entourai les maigres épaules d’Eva d’un bras protecteur, avec l’intention de l’aider à marcher.



Eva ne manquait pas de caractère. Je m’esclaffais, la laissant agir à sa guise.


L’avoir tiré des griffes de la mort avait créé des liens entre nous à une vitesse incroyable. Je soupçonnais pourtant Eva de forcer son exubérance. Pourquoi ? Pour se sentir plus intensément en vie. Et, peut-être aussi, pour chasser les fantômes qui la hantaient. Plus d’une fois, j’avais surpris sur ses traits le masque amer d’une tristesse infinie. De mon côté, ne flirtais-je pas inconsciemment avec elle pour masquer le malaise que m’inspirait son effrayante maigreur ?


Toujours est-il que j’avais beaucoup de mal à lui laisser faire quoi que ce soit par elle-même, me retenant sans cesse de me précipiter pour l’aider. Eva me paraissait aussi fragile qu’une sculpture de verre. Et j’avais trop besoin de rompre ma terrible solitude pour la laisser se briser.


Cela faisait une semaine à présent qu’elle reprenait des forces. Pourtant, elle me semblait toujours aussi squelettique. Je savais que ce n’étais qu’une impression. Les nutriments hautement caloriques dont je la gavais la remplumaient à vue d’œil. Il lui faudrait cependant plusieurs mois pour retrouver sa silhouette d’antan – fort agréable à regarder, m’avait-elle confié.


Pour l’heure, il était temps de quitter ce bunker nauséabond. Je lui exposai donc mon plan, sachant par avance que cela n’allait pas lui plaire.



Il n’y avait que six kilomètres à faire, mais Eva n’avait pas la condition physique nécessaire pour s’accrocher à moi tandis qu’on slalomerait à travers un océan de bagnoles carbonisées, sur un mini quad instable. Je l’aidai à enfiler sa combinaison, vérifiai encore une fois mon sac à dos puis m’équipai à mon tour. Eva ne jeta pas un regard au cadavre de son ex-tortionnaire en traversant le sas pour quitter l’abri. Mais une fois dans les couloirs décrépis de l’hôpital, je sentis qu’elle flanchait. J’imaginais sans peine ce qu’elle devait ressentir en voyant l’état de ces locaux, autrefois familiers et chaleureux. J’esquissai un geste de réconfort ; elle me fit simplement signe de continuer.


Je fus plus qu’heureux de retrouver la lumière du jour. Mon fidèle carrosse nous attendait et démarra sans renâcler. Je poussai un soupir : bien que je n’en aie rien dit à Eva, je craignais que les radiations ne l’aient déjà endommagé. Je m’installai au guidon, puis invitai Eva à grimper. Après une courte hésitation, elle s’assit derrière moi. J’avais gardé à la main un gros rouleau d’adhésif et la scotchai littéralement à moi, fixant ses cuisses aux miennes par plusieurs tours de bande argentée. Elle se colla contre mon dos et je nous ligotai ensemble au niveau du buste. Je suppose que nous devions former un duo parfaitement ridicule, sur cet engin lilliputien…


Prenant un maximum de précautions, roulant le plus souvent au pas, nous nous mîmes en route. Cette allure d’escargot ne nous laissait rien ignorer des squelettes grimaçants jonchant les rues, ni des cadavres prisonniers de l’interminable cimetière automobile qu’était devenue la chaussée. Je sentis Eva se raidir contre moi, à la limite de ses forces, tremblant de façon quasi incontrôlable. Je me félicitai de l’avoir arrimée solidement. Il nous fallut environ une heure pour rejoindre les décombres de ma villa. Après nous être désolidarisé, je pris Eva sur mon dos et nous descendîmes les marches du puits d’accès menant à l’abri. Son nouveau chez-elle.


C’est seulement à ce moment-là que je la considérai comme définitivement hors de danger…




- Épilogue -



Un an s’est écoulé depuis ce sauvetage de la dernière chance. Le souvenir d’Elodie et Manon reste douloureusement présent dans ma mémoire. Comme l’est, j’imagine, celui de Piotr pour Eva. Grâce aux équipements sportifs de l’abri – qu’Eva utilise quotidiennement – et à l’étonnante épicerie des Keller, elle a récupéré à une vitesse fulgurante. C’est à présent une jeune femme magnifique – elle n’avait pas le moins du monde exagéré, concernant sa silhouette avantageuse.


Nous passons beaucoup de temps dans la serre hydroponique. C’est, je suppose, ce qu’il y a de plus proche de la vie telle qu’elle était avant le cataclysme. C’est aussi dans ce lieu magique que nous avons fait l’amour pour la première fois, sous les lampes solaires, avec pour seuls témoins les plantes gorgées de sucs. Ce rapprochement entre Eva et moi était en définitive inévitable. En quelque sorte, une réponse de la nature à la destruction effroyable qui a secoué le monde. Une façon pour elle d’indiquer que le temps de reconstruire est venu.


Avec elle à mes côtés, les semaines s’enfuient à une vitesse folle. Elle ne m’a encore rien dit, mais je sais qu’elle est en retard de deux mois sur son cycle. J’ai hâte de voir son ventre s’arrondir, ses seins prendre de l’ampleur, lourds et pesants au creux de mes mains. Quand viendra le temps, je lui fais confiance pour m’expliquer les gestes à accomplir. Après tout, mettre des bébés au monde, c’est son métier !


Nous avons longuement discuté des conséquences de ce conflit mondial. Eva soutient que la théorie de l’hiver nucléaire n’est qu’une vaste fumisterie, une fiction imaginée par des organisations pacifistes, dans le contexte de la guerre froide, au début des années 80. Je dois admettre que les températures extérieures confirment ce qu’elle avance. Il semblerait donc que Yann Keller ait été aveuglé par son pessimisme.


Toujours d’après mon égérie, nous devrions être en mesure de mener une vie normale hors de l’abri d’ici quatre à cinq ans, à condition de s’éloigner suffisamment des grandes villes, transformées pour quelques siècles en nécropoles radioactives.


D’ici là, nous allons nous préparer à réinvestir la planète. La survie hors de l’abri ne sera pas facile, les premiers temps. Mais elle sera possible. Finalement, c’est tout ce qui compte…




– Fin –





(*) L’énigme du récit :


Du repos des humains, implacable ennemie,

J’ai rendu mille amants envieux de mon sort,

Je me repais de sang et je trouve la vie,

Dans les bras de celui qui recherche ma mort.


Il s’agit d’une énigme célèbre, que l’on doit à Nicolas Boileau.

La réponse ? UNE PUCE, bien sûr !


(Remarque : le second vers de l’énigme s’explique par la sexualité exubérante de la puce, que j’ai découverte dans le cycle « Les Fourmis » de Bernard Werber)




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Erotisme torride

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n° 13527Couplemelangiste14/10/09
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Auteur : Couplemelangiste      Série : Fragments amoureux d'une libertine - 03 / 05

Résumé du chapitre précédent : Après le stratagème de l’orgasme volé et dévastateur dans le jacuzzi, Tiphaine continue de tendre ses filets autour de Charles.



Alors que j’arrive bonne dernière ce matin au petit-déjeuner pour faire mon effet, je laisse bien constater à tout le monde que je suis d’une humeur étrange. De fait, j’ai dormi comme un loir et si je suis en retard, c’est que j’ai eu un mal fou à me tirer des bras de Morphée. J’ai les yeux brillants (de collyre) comme si j’avais pleuré. Julia et ma mère me posent quelques questions concernant ma santé. J’y réponds de façon évasive en fixant Charles bien droit dans les yeux d’un air étrange. Il pique du nez dans son assiette aussitôt en chipotant ses céréales. Il est pâle et semble avoir mal dormi. Pauvre chéri. Je m’en veux un peu de mon stratagème.


Daniel et mon père se sont abstenus de poser des questions, sachant qu’ils n’aimeraient peut-être pas connaître la réponse à un problème de femme. Ils ont simplement pris l’air idiot des hommes dans ces cas-là. Pour parfaire le rôle, je n’ai pas touché à la corbeille de croissants – alors que je suis affamée – et me suis contentée d’un café noir et sans sucre, en regardant Charles méchamment de temps à autre. À la fin, comme on me proposait de rester au chalet, j’ai feint d’aller un peu mieux. Et je me suis fendue d’un rictus qui a pu passer pour un sourire.


Nous sommes partis skier tous les deux, comme hier. Dans les œufs, je ne lui adresse pas la parole autrement que pour le strict nécessaire et sans le regarder. Il fait des tentatives amicales qui s’écrasent lamentablement contre le mur de silence que je lui oppose. Ce n’est qu’à l’heure du déjeuner que je lui adresse enfin la parole directement :


– Tu comprendras bien, Charles, qu’après ce qui s’est passé hier soir, je suis très fâchée !

– Oui, je sais… J’ai été complètement stupide, mais je te trouvais tellement belle que je n’ai pas pu m’en empêcher. Et j’ai cru un moment que tu étais éveillée !


Je ne fais même pas mine de l’écouter.


– Je suis d’autant plus fâchée que toi aussi, pour tout te dire, tu ne m’étais pas indifférent. Je me disais même que peut-être tous les deux, nous aurions pu prendre le temps de nous connaître mieux, et qui sait…

– Ah bon ?


Il a dit ça avec une minuscule lueur d’espoir dans les yeux.


– Mais c’est trop tard maintenant. Tu as tout gâché, dis-je en soupirant. Tu m’as énormément déçue. Pire que ça, tu m’as dégoûtée.

– Je suis vraiment désolé, Tiphaine, que faut-il faire pour que tu me pardonnes ?


Je laisse passer de longues secondes sans lui répondre, les yeux fixés sur le glacier derrière lui. Puis je le regarde droit dans les yeux.


– Amène-moi en boîte ce soir, aux Caves, je te dirai alors ce que j’attends de toi.


Il paraît surpris et rassuré à la fois.


– D’accord, dit-il, soulagé.

– Mais je te préviens : tu feras exactement ce que je veux que tu fasses, et sans discuter.

– Je…


Je le coupe aussitôt.


– Sommes-nous bien d’accord ?

– Euh… Oui, sans doute.

– Non, il n’y a pas de doute, Charles. Tu m’a demandé ce qu’il fallait faire pour te faire pardonner et je te le dis. Avons-nous un pacte, oui ou non ? Si c’est non, je serai obligée de rentrer au chalet encore plus contrariée que ce matin, et forcée de répondre aux questions qu’on ne manquera pas de me poser. Si c’est oui, nous ne parlerons plus de cette malheureuse histoire.

– C’est oui ! Je te le promets. Ne t’inquiète pas.

– C’est pour toi que je m’inquiète, Charles.


La paix enfin scellée, je peux reprendre mon rôle principal. Nous nous sommes amusés comme des fous pour le reste de la journée. Et j’ai même invité un petit groupe de surfeurs suédois rencontrés sur les pistes à nous rejoindre en boîte ce soir. Il y a dans ce tas de grands nordiques blonds, une petite mignonne qui s’appelle Olga et j’ai bien vu que Charles avait un gros ticket avec elle.


Mais ces gaudrioles ne sont qu’un en-cas, pensais-je en me déchaussant devant le chalet. Le plat principal, c’est quand même Daniel Trent… J’ai pu me rendre compte hier soir que ce n’était pas joué d’avance en observant la scène passionnée avec sa femme. Que pourrais-je bien apporter à un homme comme lui qu’une femme comme Julia ne lui donne déjà ? Hum… Pas facile. Je pourrais toujours m’entraîner à la pipe profonde, mais pour ça je manque de sparing partner. Et si je peux toujours essayer de me dégourdir sur la queue de Charles, il boxe dans une catégorie qui risque fort de disloquer ma mâchoire avant même qu’il atteigne ma gorge et ce serait seulement alors pour mourir d’étouffement, les voies aériennes très très encombrées ! De plus, je ne suis pas sûre qu’il faille se risquer sur un terrain où la comparaison ne serait pas à mon avantage… Julia a placé la barre haut.


Exit donc la gorge profonde… Que je me promets quand même d’ajouter à mon futur répertoire. Il me faut réfléchir à autre chose !



XXX



Si j’aime la viande des Grisons, les pommes de terre et le fromage séparément, le rituel de la raclette au restaurant où nous sommes tous allés dîner ce soir m’ennuie profondément, mais je m’y prête de bon cœur à coups de vin blanc. Julia est sublime, ce soir. Cela devrait me mettre de mauvaise humeur, mais je la trouve fondamentalement sympathique. Contrairement à ce que j’avais pu penser, elle n’essaye pas de m’écraser de son élégance ou de sa classe, mais s’applique à me mettre en valeur chaque fois qu’elle le peut. À croire presque qu’elle a une idée derrière la tête.


Elle a frappé à la porte de ma chambre tout à l’heure pendant que je me maquillais devant la glace. En passant la tête, je lui ai demandé quelques secondes de patience, rapport que j’étais à poil.


– J’ai une petite faveur à te demander, glisse-t-elle à voix basse, me disant de prendre mon temps, mais en regardant autour d’elle si personne ne vient.

– J’en ai pour un instant.


Je me vote illico des félicitations pour avoir emporté mes petites folies et j’enfile rapidement un string en fine dentelle noire presque transparent et brodé à la ceinture d’un liseré de petites roses rouges. J’ai aussi le soutien-gorge assorti. Je lui ouvre.


– Pardonne ma tenue, mais j’ai eu l’impression que tu étais pressée d’entrer.

– Non, non, aucun problème, entre femmes tu penses bien… Je voulais juste te demander une petite faveur.

– Oui ?

– Savoir si je pouvais utiliser ta terrasse pour m’en griller une petite en cachette.

– Et attraper la mort en même temps ? Il fait un froid polaire !

– Oui, mais c’est le seul endroit où mon fils et mon mari ne penseront pas à me chercher. Ils détestent que je fume.

– Assis-toi, je ferme à clé, il y a un cendrier sur la commode.


Elle s’assied au pied de mon lit, les jambes repliées sous elle, pendant que je continue de me maquiller devant la glace. Elle allume sa cigarette en me remerciant et se lance ensuite dans une espèce de monologue qui n’engage qu’elle, sachant très bien que mon travail minutieux demande une concentration de tous les instants.


– Daniel a beaucoup fumé à l’époque, mais comme tous les fumeurs repentis il ne supporte plus l’odeur du tabac. Alors je me cache comme une gamine. Tu es très belle, Tiphaine ! Nous fumions pas mal d’herbe aussi à l’époque quand nous vivions en Afrique.

– Ça, j’aime bien, dis-je en riant à la glace. Mais seulement s’il y a un bel homme à côté de moi. Ça me rend toute chose.

– C’est pour ça que je fumais toujours avec Daniel, répond-elle en me faisant un clin d’œil en riant. Ce string est ravissant !

– Merci.


Je ne peux tout de même pas lui retourner le compliment pour celui que je l’ai vue ôter si élégamment la veille. Ni lui dire que visiblement elle n’a pas besoin de Marie-Jeanne pour s’envoyer en l’air… Pour la tester un peu, je lance :


– Si on a l’occasion, on pourrait peut-être s’en fumer un petit, toutes les deux, avant la fin du séjour ?

– Quand tu veux ! me répond-elle en souriant. Comment fait-on pour les hommes ?

– Si on est toutes les deux, on n’en a peut-être pas besoin.


J’ai lancé ça au hasard.


– On pourrait effectivement se tenir chaud, dit-elle en me regardant dans les yeux d’un sourire coquin.


Je manque de me crever l’œil avec mon crayon. C’est infernal cette famille, ils ne pensent qu’à ça !


– Est-ce qu’on peut amener son petit copain mécanique ? lui dis-je essayant de voir jusqu’où je peux aller.

– C’est une bonne idée, on comparera nos outils.


On passe les dix minutes suivantes à plaisanter sur le même ton, mais j’avoue qu’à la fin je ne sais pas si elle est sérieuse ou non. Je suis en train de finir de m’habiller, lorsqu’elle sort en coup de vent en me disant de ne pas bouger. Elle revient trois minutes plus tard avec un collier ravisant.


– Tiens, je te le prête. Je crois qu’il ira à ravir avec ce que tu portes.


Sans même me demander mon avis, elle me l’agrafe par derrière dans le cou.


– Il est magnifique, lui dis-je un peu interloquée, mais j’aurai trop peur de le perdre.

– C’est ce que je dis tout le temps à Daniel. C’est lui qui me l’a offert. Ce sont des émeraudes de Colombie… Mais il dit que cela ne sert à rien d’avoir des bijoux si c’est pour les laisser au coffre.

– Il a sans doute raison mais là, Julia, je ne peux vraiment pas accepter.

– Si. Regarde comme tu es belle avec. Et en plus il adore que je le porte. Ça le rend très amoureux.

– J’imagine que c’est pour ça qu’il te l’a offert, non ?

– Hum… Je ne suis pas persuadée que ce bijou m’était destiné à l’origine.

– Pourquoi dis-tu ça ?

– Pour rien…


Je la regarde dans les yeux.


– Une maîtresse ?

– Hum…

– Tu te fais sans doute des idées. Vous formez un couple magnifique et il a l’air très amoureux de toi !

– Oui, mais ça ne l’empêche pas d’aller voir ailleurs de temps à autre. Et je crois que ce collier était un cadeau de rupture.


Je dois bien avouer que si la nouvelle m’attriste un peu pour Julia, elle m’envoie quand même un frisson de plaisir dans l’échine.


– Mais c’est avec toi qu’il est marié ! Et puis, s’il t’offre un bijou magnifique à chacune de ses petites escapades…

– Oui tu as raison. Tu es gentille !


Elle me plante un petit bisou chaud humide sur la commissure des lèvres avant de sortir.



XXX



Il est étonnant de voir comment les manies et les petites habitudes se prennent vite. L’être humain se trouve toujours des repères ou des règles, qui lui rendent la vie un peu moins peureuse, un peu mieux ordonnée. Il en est ainsi de la position que chacun prend à table dans un groupe donné. Cette échelle gastronomique, pour aussi réductrice qu’elle soit, est aussi l’exemple en plus petit d’un comportement plus général. Les convives au début partagés pour des raisons de convivialité ou de convenance, les affinités se créent ou non, mais la place attribuée à table – ou dans la vie – reste souvent la même. Et voudrait-on bouleverser le plan de table pour éviter les postillons de l’oncle Albert ou les commérages incessants de tante Gabrielle, que ce serait au détriment d’un autre convive satisfait de la sienne et qui n’a pas du tout envie de se faire glavioter dans l’assiette ou de périr d’ennui.


Dans la vie, on reste souvent là où on est (naît ?). Au mieux on arrive à chuinter le voisin pour s’adresser plus loin à un autre. Mais il faut parler plus fort et cela trouble l’ordre établi. Il arrive aussi que cette définition de territorialité se fasse de façon plus naturelle, plus harmonieuse. Et c’est le cas avec les Trent. Ainsi, depuis le premier soir, chacun retrouve la même place avec plaisir. Julia est assise en face de mon père, ma mère fait face à Daniel, et j’ai Charles devant moi. Mais je suis aussi assise à côté de Daniel qui a passé le dîner à me faire des compliments. « Je suis tellement si… Je suis tellement ça… » Sous prétexte d’un fou rire partagé avec le reste des convives, il m’a passé un bras autour du cou pour le laisser là, un petit peu plus longtemps que nécessaire. Étrangement cela n’a pas eu l’air de déplaire à Julia qui m’envoie des regards énigmatiques de l’autre côté de la table. Pas de doute, le collier fait de l’effet… Sa hanche et sa cuisse sont restées gluées contre moi tout le dîner. À aucun moment, je n’ai fait mine de me soustraire à la douce chaleur qu’elles me procurent.


Plusieurs fois pendant le repas, et sous le prétexte d’attraper un morceau de fromage ou une tranche de jambon de pays, je me suis frottée plus fort contre lui, le regardant droit dans les yeux en m’excusant d’empiéter ainsi sur son territoire et en maudissant ces tables immenses où l’on ne peut jamais rien atteindre sans avoir des bras à rallonge. Mis à part pour le vin, qu’un gentleman ne laisse jamais une femme se servir seule, il n’a pas proposé une fois de m’aider, alors qu’il est très empressé auprès de ma mère et de Julia. À croire que plus le sel est loin, plus ça lui fait plaisir, et je vois à son air qu’il se réjouit bien de sa petite goujaterie calculatrice.


Ça tombe bien, moi aussi ! Comme d’habitude, mes parents ne se rendent compte de rien… Et Daddy est aux anges de voir que tout le monde s’entend si bien.



XXX



On n’est pas aux « Caves » depuis vingt minutes que les Suédoises débarquent sans leurs mecs. En bons vikings qui se respectent, ils ont préféré rester s’envoyer des bières au Pub. Nous communiquons en Anglais que je parle couramment et Charles aussi. Elles sont trois et elles viennent s’asseoir avec nous. Si les deux autres font un peu hommasses, Olga est elle très mignonne. Une blonde aux yeux verts. D’autorité je la place à côté de Charles. Il me regarde d’un air un petit peu interrogateur. Je lui fait un clin d’œil. Et lui demande en français – qu’elles ne comprennent pas – si elle ne lui plaît pas ?


– Ben… Non… Enfin si, elle est mignonne, mais…


Je le fais taire en lui demandant de commander à boire. Nous passons les deux heures suivantes à danser et à boire et à tomber deux bouteilles d’Absolut, « Made in Stockholm ! ».


Elle le mange du regard…


Je profite d’un moment où nous sommes seuls tous les deux à la table pour lui demander ce qu’il attend. Visiblement elle en meurt d’envie. Il m’avoue droit dans les yeux et l’alcool aidant que c’est moi qu’il a envie d’embrasser. Je fais mine de m’approcher de son visage, mais au lieu de rejoindre ses lèvres, je lui dépose un petit bisou dans le cou en lui susurrant à l’oreille :


– Tu sais bien que ce n’est plus possible, après ce qui s’est passé hier soir.

– Tu m’as dit que j’étais pardonné.

– Cela ne veut pas dire pour autant que je veuille sortir avec toi.

– Tu m’as dit que je te plaisais !

– Oui, mais c’était avant le pelotage. Depuis, je me suis fait une autre idée de ta personnalité. Mais je pourrais peut-être réviser mon jugement !

– Que faut-il que je fasse ?

– J’ai vu que tu étais très en forme hier, dis-je en lui mordillant le lobe de l’oreille. Tu avais très envie de moi, non ? Je te plais tant que ça ?

– Euh… Oui !

– Tu vas ramener Olga au chalet.

– Quoi ?

– Et tu vas terminer avec elle ce que tu as commencé hier soir avec moi. Tu vas la baiser dans le jacuzzi, devant moi !

– Tu es complètement folle. Je ne peux pas faire ça, d’ailleurs elle n’acceptera jamais.

– Ça, ce n’est pas mon problème, mais le tien. Rappelle-toi qu’il y a un pacte entre nous.


Mes lèvres se sont refermées en même temps sur sa peau à la base du cou. Et je lui laisse les traces d’une petite morsure en me reculant.

Il a compris que je ne plaisantais pas et il me regarde soudain d’un air différent, presque impressionné.


– Tu avais tout manigancé hier soir, hein ? C’est ça !

– De quoi parles-tu ? dis-je en prenant un air très innocent.

– Tu sais très bien de quoi je parle !

– Pas du tout ! Bon, je vais m’occuper de ses deux copines, pendant que tu te places… À tout à l’heure !


Je le laisse stupéfait, son verre à la main, et je rejoins les trois filles qui dansent. En me penchant vers son oreille à cause de la musique, j’explique à Olga que Charles m’a dit qu’il la trouvait très belle et très sympa… Elle est ravie de l’aveu et un peu surprise aussi, parce qu’elle pensait qu’il y avait quelque chose entre nous. Je la rassure en riant : Charles n’est qu’un bon copain.


Elle n’attend même pas la fin du morceau pour nous planter là et aller le rejoindre sur le canapé. Je ne sais pas jusqu’où la petite Olga est capable d’aller, mais une chose est sûre : elle y va ! Ils ont l’air tellement occupés l’un avec l’autre lorsque nous revenons un moment plus tard que nous n’osons pas les déranger. Elle est en train de l’embrasser à pleine bouche, les yeux fermés. Dans la pénombre relative, je vois qu’elle a posé une main très haut sur sa cuisse, presque à la hauteur de la bosse conséquente qui déforme son jean.


Les deux autres Suédoises n’ont même pas l’air surpris. Elles m’expliquent en riant qu’Olga leur a parlé de Charles toute la soirée et que c’est elle qui leur a demandé de les accompagner. Elles me disent aussi que maintenant que l’affaire semble bien emmanchée, elles retourneraient bien voir leurs copains au Pub, afin qu’ils ne soient pas ivres morts et inutilisables pour le reste de la nuit. Je leur dis de ne pas s’inquiéter et qu’on ramènera Olga plus tard. Elles me remercient de la soirée en me claquant de grosses bises sur les joues et se sauvent presque aussitôt sans même dire au revoir aux tourtereaux pour ne pas les déranger.


Charles a dû être à la hauteur, parce que lorsque je leur propose un moment plus tard entre deux galoches et sur le coup de deux heures du matin de se tirer d’ici pour aller faire un Jacuzzi au chalet, elle est la première partante : well…well…


– Tu es complètement folle, me lance-t-il, lorsque nous arrivons au chalet. Que vont dire les parents si on se fait surprendre ?

– Aucun risque… Va donc nous chercher à boire, lui dis-je en riant pendant que j’entraîne Olga par la main jusqu’au rez-de-chaussée.


Elle me dit qu’elle n’a pas de maillot. Je lui réponds que moi non plus, mais que ce n’est pas très grave. Avec la vapeur qui se dégage dans le jacuzzi, on ne voit pas grand-chose de toute façon. Nous éclatons de rire toutes les deux en nous déshabillant dans le petit vestiaire. Ce n’est qu’une fois nue que je peux constater qu’elle est vraiment jolie. Comme souvent les filles du Nord, elle n’est pas très pudique et cela ne la dérange pas de se balader nue devant moi. Elle a un corps musclé de nageuse avec des seins assez lourds, mais qui semblent taillés dans un bloc de marbre opalescent strié de fines lignes bleues qui courent sous la surface. Son sexe est habillé d’une courte toison lisse et blonde comme les blés et dont la transparence masque à peine des lèvres un peu charnues d’un rose diaphane. Elle porte un piercing au nombril et une petite rose tatouée à l’aine.


Je la sens assez délurée. Elle m’explique qu’en Suède elle fait souvent du naturisme avec ses amis. Olga a vingt ans, elle travaille dans une boîte d’informatique à Stockholm, elle adore skier et elle est venue s’éclater à Courchevel avec une bande de copains.


Quand Charles nous rejoint un moment plus tard, portant le même bermuda que la veille, il est estomaqué de constater que nous flottons nues dans le bassin, les seins et le sexe à fleur d’eau et que nous discutons en anglais comme deux vieilles copines. Nous lui demandons où il compte aller vêtu ainsi. Visiblement il ne fait pas du naturisme, lui… M’ayant foudroyé d’un regard assassin, il s’exécute de mauvaise grâce et en se retournant pour un strip-tease involontaire d’ours disgracieux, offrant quand même le spectacle de son dos large et de ses fesses musclées. Comme à un spectacle de Chippendales, nous l’encourageons de sifflements admiratifs et de rires énervés.


Je ne pense pas qu’il soit du genre à nous envoyer son bermuda après l’avoir fait tourner une dizaine de fois autour d’un doigt dans une pose équivoque.


Comme moi hier soir – feintant sa réaction – j’ai vu Olga marquer le coup avec des yeux ronds en admirant sa plastique d’athlète. Waouh ! Elle doit se dire qu’elle a touché le gros lot ce soir en boîte… Mais c’est seulement quand il se retourne, un peu stupide, cassé en deux et une main en coupe devant son sexe, qu’elle comprend enfin à quel point !


Et moi aussi. J’en regrette presque de l’avoir invitée, cette chérie… Loin de masquer quoi que ce soit, cette main de taille respectable donne aussitôt, aux presque débutantes que nous sommes, une idée assez précise quant à l’ampleur du phénomène encore tout ratatiné de la honte que je lui inflige depuis hier soir. Même sa flaccidité est triomphante ! Je suis presque aussi troublée qu’Olga, dont les traits du visage s’allument d’une inquiétude curieuse qui suggère qu’elle se demande maintenant si elle n’a pas eu les yeux un peu plus gros que le ventre…


En preuve de solidarité féminine, je compatis à son émotion. Pour ma part, je suis assez satisfaite d’être là ce soir en lever de rideau, après avoir raté le premier acte la veille… Si je sais que la pièce ne m’est plus initialement dédiée, je me console en me disant que je pourrai toujours souffler un encouragement ou deux, ou aller serrer la main de l’artiste dans sa loge après le spectacle. En attendant c’est au rôle de directeur que je m’apprête ! Je me suis gardé la mise en scène dans la distribution de cette ravissante scénette libertine.


Il est entré dans l’eau pour nous rejoindre, mettant fin provisoirement à son supplice d’homme objet. La température est subitement montée de 10 degrés. En frôlant exprès son corps encore froid, je le laisse s’installer à côté d’elle et je me pose en face d’eux, de l’autre côté du jacuzzi. De cette position, j’aurai une vision parfaite de leurs ébats sans les déranger, et aussi de ses regards.


Moi non plus, je ne lui cache rien de mon corps, ni mes seins qui pointent, ni mon sexe nu qui s’enfonce et remonte doucement hors de l’eau au gré des petits remous. De temps à autre, j’écarte un peu les jambes. Je constate maintenant que les regards furieux qu’il me lançait se sont mués en une admiration muette mêlée de convoitise. J’ai baissé tout à l’heure le variateur d’intensité de la lumière de la pièce au minimum, mais j’ai allumé les petits projecteurs situés au fond du jacuzzi. Ils varient de tons pastels lentement et donnent l’impression de nager dans de la grenadine ou du sirop d’orange ou dans un bleu de méthylène bouillonnant. L’effet sur nos corps est saisissant de beauté et d’érotisme.


Au bout d’un petit moment à mariner dans ces lumières chaudes, et sans réelle autre progression qu’une conversation animée, des mains qui se cherchent sous l’eau et des regards coquins, je décide d’accélérer un peu le rythme de ces festivités qui s’enlisent. Je profite de ce que Charles me regarde au fond des yeux pour venir insérer une jambe entre les siennes. La plante de mon pied vient caresser l’intérieur de sa cuisse sous l’eau. En m’étirant un peu, j’arrive à l’aine et mes orteils viennent frotter contre ses bourses. Je m’arrête là, ne bougeant plus. Il me regarde d’un air étrange, pendant qu’Olga ne se doute de rien. Je le fixe d’un air aussi innocent qu’interrogateur. A-t-il envie que je continue ? C’est son corps qui me donne la réponse en venant s’appuyer un peu plus sur mon pied. Je commence à lui masser doucement l’entrejambe, en lui faisant signe de s’occuper d’Olga. Comme il n’obéit pas tout de suite, j’interromps la caresse…


Il a compris. Comme avec moi hier soir, il commence à lui masser le cou d’un bras passé autour d’elle. Je l’encourage en activant un peu la caresse de mes orteils sur ses coucougnettes. Olga se laisse faire en soupirant d’aise. Elle se rapproche encore de lui. Il se penche sur elle pour l’embrasser et ses bras se referment autour de son torse puissant. Leurs langues s’accueillent avec satisfaction.


Je m’enfonce un petit peu plus vers lui et mon pied remonte gentiment vers sa queue. Je le lisse de la plante du pied, je l’étire doucement pendant que leur baiser se fait plus violent, plus passionné. Je le sens grossir maintenant sous nos actions conjuguées. Ils se désembouchent au bout d’un long moment, essoufflés. Mais ce n’est qu’un répit, je le sais. Ils veulent aller plus loin. Olga, le teint tout chamboulé d’excitation, me regarde un peu interrogative. Vais-je rester là longtemps à tenir la chandelle ?


Mais c’est ce que je fais en ce moment, ma chérie, tenir la chandelle ! Et le cierge que je roule sous mon pied ne fond pas, mais durcit au contraire. Il est même tendu comme un arc !


J’ai les yeux mi-clos et je vois qu’elle lui dit quelque chose à l’oreille en me montrant. Il lui dit d’un ton incertain que ma présence n’est pas gênante et de ne pas s’inquiéter. Je l’entends lui dire que c’est eux qui pourraient me gêner ! Et Charles de lui répondre en ricanant que ça l’étonnerait… Elle n’a pas l’air très convaincu, mais elle se laisse faire avec des petits gémissements ravis quand il commence à lui lécher le bout des seins.


Je ne sais pas pourquoi, mais quand j’ai croisé son regard sur les pistes cet après-midi, j’ai tout de suite su que la petite Olga n’avait pas froid aux yeux. Et si l’on sait, comme me l’ont raconté ses copines, que son petit copain l’attend au pub avec les autres, on se rend compte même que c’est une vraie petite salope !


Ou en tout cas un couple libéré. Au clin d’œil qu’il vient de me faire avant de fondre sur elle, j’ai compris que toute honte désormais bue, Charles est maintenant entré mon jeu. « Queue qui bande n’a plus de conscience. » C’est bien connu, même par une oie blanche comme moi. Il aurait bien tort de se priver, quand même, avec deux femmes autour de lui prêtes à tout. Enfin, à presque tout, pour ce qui me concerne. C’est surtout elle qui va prendre ce soir. Et elle va s’en souvenir, la Suédoise, du Géant Vert.


Je le récompense en ouvrant encore plus le compas de mes jambes et en appuyant un peu plus sur le champignon. En réponse à la sollicitation, je ressens une cambrure sous le pied. Charles, c’est un peu comme une voiture de sport. Il réagit au quart de tour. Un cheval cabré… Et Olga n’est pas la dernière à en profiter. Il lui malaxe maintenant les seins sans ménagement. Et ce n’est plus des soupirs qu’elle lâche, mais de vrais petits gémissements de chatte en chaleur. Elle se reprend de temps à autre en me regardant au travers des fumerolles épaisses de vapeurs colorées, mais comme je ne bouge pas elle semble désormais faire contre mauvaise fortune bon gré et admettre que je ferai partie du décor de son plaisir.


Au petit cri de surprise ravi qu’elle a poussé, je sais que les doigts de Charles viennent de s’emparer de son sexe. La tonalité en a été différente et je l’ai vue poser sa main sur la sienne, mais sans la retirer. Elle tente bien de résister un petit peu pour la forme, mais elle sait que la lutte est vaine et après quelques temps, elle se laisse soudain aller à la caresse en cambrant les fesses et en écartant largement les cuisses. Sa petite chatte blonde est presque hors de l’eau et je peux voir les doigts de Charles se forger un passage entre ses lèvres et s’enfoncer en elle. Il la branle doucement maintenant.


Je me suis tenue à carreau jusqu’à maintenant, ne cherchant même pas la proximité d’un des jets d’eau. Mais là, j’avoue que ça commence à me chauffer sérieusement entre les cuisses. J’attrape le pied de Charles sous l’eau et je viens le poser bien à plat sur ma chatte nue. Il me regarde sans cesser de la caresser. J’écarte mes cuisses pour mieux le sentir contre moi. Je tiens son pied serré entre mes deux mains et je le frotte d’un petit mouvement circulaire contre ma vulve.


Olga ne voit rien de tout cela. Elle se laisse doigter avec de petites contractions des hanches et en gémissant sans arrêt. Mon regard profondément planté dans celui de Charles lui envoie des messages subliminaux : vas-y, montre-moi, branle-la bien, touche-moi en même temps !


Je lui fais signe que je veux maintenant qu’il la lèche. Il hésite un peu. Je retire mon pied et repousse le sien. Il ressort les doigts de son sexe et j’entends Olga pousser un long soupir de frustration. Elle ne devait pas être loin de jouir, cette coquine…


Se redressant de tout son corps, il la soulève d’un seul geste athlétique. Elle paraît toute menue dans ses bras puissants. Il l’assoit hors de l’eau sur la marche la plus haute du jacuzzi. Curieuse, elle se laisse faire en minaudant, prenant appui derrière elle sur ses bras tendus. Il lui écarte les cuisses et seuls ses pieds reposent encore dans l’eau. Sa chatte est complètement ouverte et dégouline d’eau. À genou dans l’eau, beaucoup plus bas qu’elle, il commence à la picorer doucement. D’abord l’intérieur des cuisses. Papillonnant de l’une à l’autre, frottant ses joues lisses à la peau de bébé contre ses chairs les plus intimes.


Le front barré d’une ride soucieuse, elle suit la progression de cette bouche qui va l’atteindre, la tête penchée vers l’avant. Elle fait penser à une agnelle innocente qui sait qu’elle va se faire bouffer par le loup, mais qui est hypnotisée par ce qu’il va lui faire. C’est elle au bout d’un moment qui n’en peut plus d’attendre, et s’offre encore plus à la caresse en se laissant tomber vers l’arrière. Son dos et sa tête reposent maintenant sur le sol, les cheveux étalés autour d’elle. Elle a un bras passé en travers du visage cachant ses yeux, et l’autre main posée sur son mont de Vénus.


Elle ne veut pas voir la bête qui va la dévorer. Avec son corps allongé en surplomb de nous et ses jambes reposant plus bas, les chevilles dans l’eau, son sexe juteux comme une pêche mûre est juste devant la bouche de Charles. Sans un remous, je m’approche dans son dos. Je sais qu’elle ne peut pas me voir. Je me colle contre le dos de Charles et je l’enlace de mes bras, en lui agaçant la pointe des seins. Je lui mordille le cou en frottant mon pubis lisse contre le bas de son dos, et je pousse sa tête en avant pour qu’il s’empare d’elle. En même temps, je tords légèrement un doigt de la main qu’il a essayé de faufiler derrière lui entre nos deux corps.


– Pas moi, elle !


La musique joue « The more I get, the more I want… »


Je me rends compte très vite que Charles manque un peu de métier. Il dérape un peu de la langue dans les virages pour atteindre des endroits qui ne sont plus d’aucun intérêt maintenant que la chaudière est bien en chauffe. Il n’a pas encore bien compris qu’au stade où elle en est, il faut rester là, dans ce périmètre sacré et ne plus en sortir. Fureter dans les parages, comme un chien truffier… Aller et venir, gratter et repartir… Agrandir la crevasse d’une langue profonde et surtout bien brosser le petit joyau encapuchonné dans sa gangue qui enfle presque douloureusement.


On peut se faire aider si nécessaire, et je pense que c’est nécessaire. Lui, ce n’est pas comme Bruce, qui est le Victor Hugo du cunnilingus, le Lamartine de la minette, le Prévert du broutage de touffe. Charles, il faut le dégrossir de la langue si on veut en faire quelque chose plus tard. Et le mieux, c’est encore de lui montrer tout de suite comment il faut faire…


Je lui dis de se reculer un peu. Il me regarde comme si j’étais une folle. Il me le dit aussi. Mais il sait bien que c’est moi qui décide. Passant une main sous son corps entre ses cuisses écartées, je lui attrape les bourses par en dessous et je commence à les faire rouler doucement en les flattant. C’est la première fois que je le touche avec ma main. Je vois qu’il apprécie le traitement et je profite de ma prise pour le tirer un petit peu en arrière fermement. Je ne sais pas si Olga s’est rendue compte de quelque chose lorsque ma langue remplace celle de Charles, mais elle a tout de suite recommencé à gémir d’une tonalité plus rauque.


J’adore lécher une femme ! Je n’ai pas une expérience d’enfer, mais l’année dernière, je suis partie pendant deux mois en Provence, chez les grands-parents d’une copine, pour réviser mes examens avec elle.

Nous dormions dans le même lit et, comme nous étions vierges toutes les deux, nous passions de longs moments à discuter du moment fatidique où un sexe d’homme s’enfoncerait en nous. Après quelques soirées faites de rires énervés et d’attouchements furtifs dans le noir, j’ai été réveillée une nuit par des petits gémissements étouffés. Axel était en train de se masturber à côté de moi, une main posée sur ma hanche. Sans bouger pendant un moment je suis restée à l’écouter se donner du plaisir. En moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, ma chatte s’est toute inondée d’excitation. L’air de rien, j’ai rapproché mon corps du sien et la main qui était sur ma hanche s’est presque retrouvée à l’orée de mon sexe. Sans un mot, dans le noir relatif de cette nuit de pleine lune, et n’en pouvant plus de l’écouter soupirer à côté de moi, c’est moi qui avais pris sa main pour la poser sur ma chatte trempée.


Surprise, elle avait eu comme un mouvement de recul, mais je l’avais gardée contre moi en lui tenant fermement le poignet, et tout naturellement au bout de quelques secondes hésitantes, ses doigts étaient venus danser sur moi la même sarabande que celle de l’autre main qui s’occupait d’elle. Nous n’avions plus beaucoup révisé ensuite, le reste du séjour s’était égrené d’après-midi en nuits torrides à la découverte réciproque de nos jeunes corps. Nous disions aux curieux qui nous questionnaient sur nos chances à l’examen que nous avions surtout privilégié l’oral…


Je n’ai pas eu d’autres expériences de ce genre depuis, mais aux gémissements d’Olga maintenant, je me rends bien compte que le broutage de motte, c’est comme le vélo, ça ne s’oublie pas. Son goût est délicieux. Pour maladroits qu’ils soient, les travaux d’approche de Charles ont eu quelques résultats probants et j’en goûte maintenant cette évidence à la saveur marine. Elle ne s’est rendue compte de rien.

Je remonte d’un coup de langue un petit filament de mouille qui perlait de ses lèvres pour s’égarer lentement vers le périnée et j’entame un doux travail sur la cible mouvante de son clitoris.


Charles tout contre moi me regarde faire. Et je ne sais pas si son regard un peu flou est dû à mes efforts sur Olga ou à la main que j’ai entourée autour de sa queue sous l’eau et que je fais coulisser doucement de haut en bas pour le garder présentable. Il n’en revient toujours pas de me voir fouiller de la langue et du mufle cet abricot qui lui était destiné…


C’est à peine si j’arrive à faire le tour de ce colosse que je sens tressauter dans ma main. Jamais je n’ai tenu une queue aussi grosse. J’ai pourtant eu l’occasion d’en empoigner quelques-unes depuis mes années de lycée. J’alterne les coups de langues sur le bourgeon d’amour d’Olga et les caresses profondes aussi loin que ma langue peut pénétrer son vagin. Je descends aussi jusqu’à ses fesses et après un petit mouvement de recul du bassin en arrière, elle se laisser aussi aller à cette caresse très intime. Je badigeonne sa petite rosette de salive et je tends la langue en pointe pour la perforer de petits coups secs. Elle semble apprécier cet hommage et ses gémissements maintenant ressemblent à une sorte de sanglot continu et cristallin…


Après cela, je sais que je n’aurai pas à lécher Olga trop longtemps. Non pas que cela me dérange, bien au contraire ! Mais parce que je sens aux contractions de plus en plus rapides de sa chatte sur ma langue qu’elle n’est plus très loin de succomber. Je la libère sur un dernier passage de langue appuyé et me mettant en arrière d’un mouvement aussi souple que discret, je laisse à Charles le soin de terminer ce bel ouvrage. Il ne se le fait pas dire deux fois, et la façon dont il lui tombe dessus, la langue en avant, fait plaisir à voir. J’accélère un peu la caresse sur sa queue pour le féliciter et même la bouche pleine d’Olga, il ne peut s’empêcher un rugissement de plaisir.


Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle a l’orgasme bruyant ! Ses jambes sont remontées en l’air d’un coup et son bassin s’est animé d’une houle terrible, pendant qu’elle couine comme un rat. J’en ai rythmé la puissance tout du long en mouvements fluides et rapides sur la queue de Charles et je le sens dur comme du fer.


Quand elle se redresse, encore toute perturbée de plaisir, j’ai regagné sagement ma place à l’autre bout du Jacuzzi. Mais elle n’en a plus rien à faire que je sois là ou pas. Son orgasme l’a déchaînée, et tant pis pour moi si j’ai voulu rester comme une imbécile à les regarder baiser. Ce sont ses yeux brillants d’une lueur étrange qui me disent ça, et c’est elle maintenant qui se jette sur cette queue que je viens à peine d’abandonner à regret. Elle sait bien que je la vois. Je ne m’en cache même plus. Et loin de la déranger je crois que cela l’excite plus encore, cette allumette suédoise…


Elle l’a fait asseoir là où elle se trouvait un peu plus tôt. Et c’est elle qui s’est mise à genou entre ses cuisses maintenant. Elle a l’air d’hésiter un instant devant l’ampleur de la tache que je lui ai préparée, mais elle se rue soudain sur sa bite des deux mains, des deux seins, de la bouche. De ses joues, de son cou, de ses cheveux, elle le frotte partout ! Elle essaye de l’avaler, mais sa mâchoire cale sitôt le gland avalé. Elle s’y reprend aussitôt, pas bégueule. Elle progresse d’un quart de la longueur de cette queue énorme qui lui distend les joues, mais elle cale à nouveau avec un petit haut-le-cœur, et le recrache. Pour se faire pardonner, elle le lape comme un sucre d’orge, elle le tapote contre ses joues, elle fait pénitence en se flagellant le visage de sa queue. Elle lui crache dessus.


Ses mains aussi ne sont pas inactives, elle lui masse les couilles, le branlotte, le mastègue et ne serait-ce la taille hors norme de ce braquemart qu’elle n’arrive pas encore à enfourner décemment dans sa bouche, on se rend compte qu’elle sait vraiment y faire, la fille du froid. Faut dire qu’il fait nuit tellement souvent là-bas qu’ils ont le temps de s’entraîner. Ils doivent passer leur vie au pieu, les Suédois !


Elle s’y est reprise encore une fois, en s’aidant de la main. Il s’enfonce doucement dans sa bouche et je vois très bien à quel moment son gland dépasse le fond de ses joues. Elle essaye de déglutir sans y arriver mais sans le cracher. Je vois un long filet de bave couler de sa bouche et dégouliner le long de la hampe épaisse.


Charles est comme tétanisé. Elle commence des va-et-vient des lèvres en lui massant les couilles. Sa langue trouve enfin sa place autour de cette queue qui déforme son espace habituel. Elle apprend à s’enrouler autour de cette masse, à l’épaissir encore. À la titiller de l’intérieur.


Charles n’arrête pas de râler de plaisir. Il est encore plus beau dans cet état. Elle n’arrive toujours pas à déglutir et ce sont des flots de salive qui inondent sa bite. Jamais il n’a été autant lubrifié, le Charles. Il n’en revient pas des sécrétions de sa pipeuse, mais ça l’excite encore plus et il lui force la bouche de quelques coups de reins bien ajustés qui font trembler ses joues. Elle le reçoit en râlant d’excitation. Le spectacle est d’un érotisme torride et je me caresse comme une folle en les regardant, sans même me cacher. Mais ce qui m’excite le plus dans cette pipe sauvage, c’est que pendant tout ce temps, ses yeux n’ont pas quittés les miens.


Elle me fait signe d’approcher. Avec un délicieux accent, elle me demande si moi aussi je veux le sucer. Je lui dis que je préfère les regarder, mais je m’approche quand même à les toucher, ils sont magnifiques.


– Je préfère ça, me dit cette gourmande, sans cesser de le lécher. Si tu le léchais comme tu l’as fait avec moi tout à l’heure, il ne tiendrait pas longtemps dans ta bouche et j’ai d’autres intentions maintenant…


Quand je vous disais que c’était une petite coquine, Olga ! J’en ai un petit sursaut de honte délicieuse, mais moins que Charles quand même, qui se fait soudain l’impression d’être la proie non plus d’une femme, mais de deux. Nous éclatons de rire toutes les deux. Sa dureté en prend presque un coup et je suis obligée de le remotiver de la voix :


– Allons, Charles, ce n’est pas le moment de nous laisser tomber !


Elle replonge sur lui, ravie de sa blague. Au bout de quelques instants, la virilité presque vacillante reprend du poil de la bête. Elle l’inonde encore de salive.


– Il va me baiser maintenant ! me dit-elle d’un ton transformé… Ne bouge pas !


Il est toujours assis sur les marches et elle vient se positionner au-dessus de son sexe en lui tournant le dos. Ses cuisses ouvertes de chaque côté de ses jambes, il a le spectacle de son cul ouvert devant les yeux. Elle descend doucement vers lui et je sais qu’elle a choisi cette position pour que je puisse voir sa queue énorme s’enfoncer dans sa chatte par en dessous.


Elle l’a attrapé d’une main entre ses cuisses et en le branlant doucement elle place le gland à l’entrée de ses lymphes. Elle promène un moment le museau mafflu contre ses lèvres intimes avant de s’y empaler doucement. Le spectacle de ce pied-de-biche forçant le linteau de sa chatte est tout simplement fascinant. Ses grandes lèvres se distendent complètement sous cet assaut énorme avant de céder à l’énormité qui les force dans un bruit humide de tourbière. Je peux voir son gland tout luisant de salive s’enfouir doucement en elle.


Elle le fait rentrer un petit peu, puis le ressort presque complètement pour laisser à sa chatte le temps de s’habituer à cette rectitude épaisse qui la fouille avant de s’enfoncer toujours plus loin en elle. Chaque mouvement la perfore un peu plus.


– Il est énorme ! dit-elle comme pour elle même, dans une espèce de soupir rauque, le visage barré d’une concentration intense. Jamais je n’ai été écartelée ainsi. J’ai l’impression d’être transpercée, complètement remplie. C’est délicieux.


Ses commentaires me mettent dans tous mes états. Et moi aussi, je l’encourage de la voix :


– Vas-y, ma chérie… Lime le bien. Enfonce bien à fond sa bite dans ta chatte. Oui… Comme ça… Vas-y !


Je la flatte comme une pouliche de concours et j’encourage aussi le jockey qui la monte.


– Bourre la bien, Charles ! Montre-moi comment tu la défonces. Donne-lui du plaisir ! Tu vois bien qu’elle n’attend que ça.


Même si je ne fais que les leur chuchoter à l’oreille en leur transmettant aussi mon désir, je me surprends moi-même des phrases que je leur adresse tellement elles sont crues. Je me pensais une jeune fille à peu près romantique et je me découvre ce soir ordurière et salace. Jamais je crois n’avoir parlé ainsi, à part peut-être dans mes fantasmes.


L’alcool dont nous avons tous abusé doit y être pour beaucoup, mais je n’ai même pas honte. C’est plutôt ce constat qui me flétrit ! Mais quand je prononce ces phrases, elles semblent perdre de leur trivialité et procéder plus d’une inspiration sensuelle destinée à accroître encore notre plaisir. D’ailleurs, ni lui ni elle ne semble s’en choquer, pour au contraire accéder fiévreusement à tous mes désirs.


Mes désirs ? Je ne sais plus ce qu’ils sont. Moi aussi, j’ai envie de cette queue en moi. Moi aussi, j’ai envie qu’il me prenne de toute sa force. Et je sais que mon sexe, même pour cette première, l’accueillerait sans trop broncher ! Mais je sais aussi que ce ne sera pas ce soir. Et tout simplement parce que je n’ai jamais imaginé que la perte de ma virginité se ferait comme ça, en trio. C’est un moment trop important pour le partager avec une presque étrangère.


Pour le reste, j’ai envie de le sucer, de boire son sperme, de m’en éclabousser !


Je suis dans un d’état d’excitation extrême, dans lequel j’ai sublimé l’envie de simplement jouir. J’ai l’impression de flotter dans une sorte d’orgasme doux et permanent dont les vagues – à l’instar d’une jouissance normale – ne me renversent pas complètement, mais me noient dans un océan de plaisir incessant.


Tout d’un coup, jugeant sans doute que son vagin s’est assez distendu de plaisir pour accueillir cette monstrueuse intromission, elle se laisse retomber sur lui de tout son poids en s’empalant jusqu’à la garde dans un grand gémissement de bête couverte. Je peux voir ses jambes trembler de l’effort quasi surhumain qu’elles viennent d’accomplir pour s’écarter le plus possible. Elle commence à mouvoir son bassin doucement d’avant en arrière. Elle mouille comme une folle et je peux voir sa liqueur d’amour dégouliner sur cette colonne de chair chaque fois qu’elle se retire un peu.


Elle a avancé une main pour se caresser le clitoris en même temps, mais la position est difficile presque sans appui et elle est obligée bientôt d’abandonner cette caresse. Au regard qu’elle me lance, je comprends sa frustration et comme je suis près d’eux à les toucher, je n’ai qu’à avancer ma bouche pour répondre à son appel muet.


Leurs sexes jouent sous mes yeux une sérénade de piston et de bruits mouillés auxquels se mêlent les gémissements aigus d’Olga et ses halètements plus mesurés. Je n’ai qu’à tendre la langue pour m’empare de son bourgeon. Il a un autre goût maintenant que la saveur de l’homme s’y est mêlée. Le goût presque iodé s’est renforcé d’une touche de musc que je trouve agréable.


Elle a presque cessé ses mouvements du bassin, pour mieux s’offrir à ma caresse et c’est Charles qui la pistonne maintenant. Ma langue descend pour le lécher un peu lui aussi et je lui masse doucement le scrotum avec une main en coupe. Je sens ses boules rouler sous la mince pellicule de peau, elles sont dures comme du bois et enflées. Je crois bien qu’il ne durera pas longtemps, si on le laisse continuer à ce rythme. Je profite d’une expulsion accidentelle de son vagin pour le happer au passage et m’enivrer de leur deux goûts.


– Attendez un peu, leur soufflé-je, d’une voix cassée de désir, que je ne reconnais pas.


J’arrive presque à l’avaler complètement au premier essai. Jamais je n’ai sucé une queue aussi grosse. Je ne sais pas vraiment comment j’ai fait, mais je l’ai fait rentrer dans ma bouche, d’un geste décidé en la tenant des deux mains pour m’aider. Je me penche de toute ma gorge sur elle en arrondissant les lèvres et je la fais coulisser. Je la sens palpiter à l’intérieur de mes joues. Je la nettoie de toute cette mouille qui me rend folle. Je la lustre de la langue, la rince de ma propre salive. Je la branle dans ma bouche à deux mains en râlant du plaisir que je donne.


Charles lui aussi gémit au traitement que je lui fais subir. Ils me regardent faire tous les deux comme tétanisés. Elle a remplacé sa queue par deux doigts dans son vagin et je les sens s’agiter à toute allure dans sa caverne avec des bruits mouillés. Je la lèche, elle aussi un peu, avant de renfourner le mandrin dans son fourreau bouillant.


– Allez-y maintenant… Fais-la jouir Charles, elle n’en peut plus, cette petite chienne.


Elle s’est presque allongée sur son torse en gémissant d’un plaisir anticipé et il la ramone à toute vitesse. Cette chevauchée ne dure pas longtemps. Je vois Olga tout d’un coup se redresser et se bloquer net. Elle se met à jouir comme une folle sur cette queue superbe enfoncée jusqu’aux contreforts de son vagin. Elle ne bouge plus, laissant ses muscles internes se contracter en pulsions fortes qui éjectent de l’air pris dans son vagin en petits bruits mouillés de plaisir.


Je savais que Charles ne tiendrait pas longtemps non plus après ça… Il s’est retiré d’elle presque aussitôt dans un mouvement rapide et elle se saisit aussitôt de lui pour le branler… Il s’exonère dans un long râle de plaisir et je vois sa queue cracher des torrents de sperme en spasmes longs dont les premières gerbes viennent s’écraser sur le ventre d’Olga et jusque sur ses seins en une pluie épaisse et opaline.


Comme pour me faire partager un plaisir auquel je les ai amenés tous les deux, elle dirige sa queue vers moi et ses dernières giclées de plaisir viennent ruisseler sur mes lèvres et dans mon cou. Je le goûte à même ma peau d’une langue curieuse.


Je les quitte peu après. En m’endormant un peu plus tard, je réalise que je n’ai même pas joui.





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n° 13528Couplemelangiste18/10/09
Debriefing et rebondissement sensuel...
critères:   fh jeunes copains vacances hmast nopéné -vacances
13848 caractères      
Auteur : Couplemelangiste      Série : Fragments amoureux d'une libertine - 04 / 09

C’est Charles qui est un peu pâlot au petit-déjeuner ce matin. Je lui fais un petit bisou dans le cou en passant derrière lui à la table. Il fait une gueule d’enfer.

Les autres sont déjà partis skier, vu l’heure tardive à laquelle nous nous sommes levés. Faisant comme si de rien n’était, je lui beurre une tartine qu’il accepte de mauvaise grâce et sans me regarder.

Je lui demande s’il a mal dormi ? Et cela suffit à ouvrir les vannes de sa mauvaise humeur. Il m’accuse de l’avoir manipulé, d’être une « voyeuse » et une « sale allumeuse.»



Il est estomaqué de ma réponse.



L’aveu le laisse sur le cul, pantois !


Pour lui vraisemblablement un pucelage, c’est quelque chose dont une femme normalement constituée, se débarrasse rapidement entre quatorze et dix sept ans, un peu comme un chewing-gum collé sous la semelle.

Il ne comprend pas bien ce qui me retient de franchir le cap.

Mais ce n’est pas seulement ça qui le chiffonne : pour lui une vierge c’est forcément quelqu’un qui n’a aucune expérience du sexe.

Une oie blanche.

S’il savait le pauvre, la somme d’expériences qu’une femme peut avoir avant d’être formellement déflorée… Et sans doute n’a-t-il jamais entendu parler du vieux dicton très en usage chez les jeunes filles au Moyen-Orient qui affirme que : « Souris qui a deux trous n’est jamais prise ! »


Comme souvent les hommes dans ces cas-là, il décide de rationaliser avec sa bite.



Il me regarde perplexe et je sens les questions qui se bousculent dans sa tête… Il va pour dire quelque chose, mais il se ravise au dernier moment.



Il grommelle quelque chose d’inintelligible en buvant son café, mais il admet que c’est effectivement ce qu’il voulait dire.


Le mâle est tellement prévisible : Il veut simplement être rassuré sur la qualité de sa prestation virile, sur sa gymnastique pénissienne.



Oui, parce que je me suis rendu compte, en voyant le plaisir que prenait Olga, que le moment était sans doute venu de me décider et non, parce que, mis à part ta queue d’âne, je ne te trouve pas assez sensuel et surtout bien trop timoré.


Il me regarde avec des yeux ronds, profondément vexé de cet aveu qui heurte sa virilité, dévalorise la qualité de son érection, la met plus bas que terre.


Mais je continue…



Il l’admet en grommelant aussi quelques dénégations…



Celui qui deviendra mon premier amant devra accepter beaucoup plus de moi qu’un simple coup de langue, ou un réceptacle pour fourrer son engin. Je veux un homme qui comprenne que les pulsions de ma sexualité peuvent être aussi étranges et complexes que les siennes…

Ce n’est pas un simple amant que je recherche, mais un complice qui m’aidera à assouvir mes fantasmes les plus fous en assouvissant aussi les siens. Pas quelqu’un qui me juge parce que je ne me suis pas allongée simplement en ouvrant les cuisses pour recevoir son truc comme Olga.


Je l’ai planté sur cette tirade pour aller prendre une douche et j’ai eu le temps de noter en passant qu’il réfléchissait sérieusement à ce que je venais de lui confier.




------------------------------




Julia s’est tordu la cheville cet après-midi sur les pistes. Elle a quand même pu rentrer sur un ski, nous arrivons au chalet alors que le docteur s’en va.



Un ou deux jours de repos, la cheville bien strappée, suffiront à la remettre d’aplomb.

Elle est allongée sur un canapé du salon avec un coussin sous sa cheville bandée et nous l’entourons tous de notre sollicitude.



Nous avons passé un moment à rire de nos plaisanteries. Charles aussi ! Il m’a regardé tout le temps d’un air de sincère connivence. Je crois qu’il commence à m’apprécier pour ce que je suis vraiment.

Et il me plaît de plus en plus…

Il s’est excusé ce matin après notre première descente dans la poudreuse. Je lui ai répondu que je ne lui en demandais pas tant, mais simplement d’admettre que je pouvais être différente et qu’à partir de là, il pouvait décider s’il aimait bien ce qu’il voyait, ou pas… Il m’a pris dans ses bras pour me claquer deux grosses bises tièdes sur mes joues froides.

Je juge quand même qu’il lui faudra une ou deux autres leçons avant d’être au point.

J’ai des projets pour lui…

À court et à long terme.

D’abord, il y a la grande soirée de vendredi.

Une petite centaine de personnes…Tu parles d’un bordel !


Ce sont surtout des amis des parents, mais j’ai quand même réussi à placer ma guest-list et j’ai une petite bande de copains qui arrivent pour l’occasion, dont ma copine Axel et son cousin Guillaume… Bruce ne sait pas encore s’il pourra se libérer, mais j’avoue que les léchouilles parisiennes ne me manquent pas beaucoup en ce moment.


Merde alors ! je suis en vacances, après tout…


Ensuite, il s’avère que le grand Charles doit venir dans quelques semaines poursuivre ses études à Paris. Il serait trop bête de le lâcher d’ici là. Il a des arguments convaincants.




------------------------------




Ce matin, je suis restée avec Julia sous prétexte de lui tenir compagnie. Charles voulait rester aussi, mais je l’ai viré… Il boudait bien un peu, mais il est parti skier avec les autres après la petite séance coquine que je lui ai fait vivre dans sa chambre pour le consoler. Rien d’extraordinaire, mais assez pour maintenir la hauteur de ses sentiments à mon encontre.

Il est très empressé depuis notre petite explication de la veille. Je le laisse me tripoter un peu chaque fois qu’il en a l’occasion, mais je ne réponds pas à ses caresses, et le fait cesser d’un regard.


Je suis rentrée dans sa chambre qui n’est pas très loin de la mienne, et j’ai refermé à clé derrière moi. Je l’ai pris au débotté, avant qu’il n’enfile son jean. Sans un mot, je suis venue m’agenouiller devant lui et je lui ai demandé s’il voulait bien se caresser devant moi ?

S’il a eu l’air étonné, il ne lui a pas fallu plus longtemps que ça, pour baisser son caleçon à quelques centimètres de mon visage.


Il a commencé un petit va-et-vient timide sur son sexe en me regardant, mais je sens bien que ce que je lui demande heurte sa pudeur naturelle. Il a un peu de mal à se concentrer.



La réaction est plus probante. Je lui demande d’une voix caressante s’il aime ce que je lui fais ? Je pose sa main sur les miennes pour qu’il me guide. Je m’étonne de sa grosseur, je le flatte…

Il ne faut pas longtemps pour le faire passer de sa mollesse tranquille à une semi-bandaison prometteuse, puis à une rigidité que j’estime satisfaisante.



Sa main a remplacé les miennes autour de son imposante colonne de chair et il commence à se branler en me regardant. Je le regarde faire, je m’instruis. Je lui pose des questions qui n’attendent peu ou pas de réponse.



J’arrache mon tee-shirt et me mets torse nu pour l’encourager et me masse les seins devant lui. Il veut approcher son sexe, mais je lui dis de continuer sans me toucher.

Il ne lui faut pas plus de trois minutes pour éjaculer de longs jaillissements crémeux dont les gouttes viennent se rejoindre entre mes seins pour descendre en fines rigoles vers mon nombril.

Je n’ai pas pu m’empêcher de récupérer sur ma langue la dernière goutte qui perlait à son méat une fois son plaisir consommé.


Alors que sa queue est encore toute agitée de pulsions incontrôlables, je suis repartie sans un mot dans ma chambre sans même remettre mon tee-shirt ni même m’essuyer de sa semence qui colle à mon torse…


Je n’ai croisé personne. Mais il a été littéralement pétrifié à l’idée que l’on puisse me surprendre sortant de sa chambre dans cet état…


Avant de prendre une douche, je me suis caressée debout comme lui tout à l’heure, en regardant mes seins souillés de son plaisir dans la glace de la salle de bains et en étalant son sperme sur ma peau, je me suis léché les doigts en jouissant.




------------------------------




J’ai eu une longue conversation avec Axel sur mon portable… Elle est tout excitée de me rejoindre à «Courch’» pour le week-end.

Incidemment je lui demande si elle a des nouvelles de Bruce. À la minuscule seconde d’hésitation, je sais qu’elle en a eu !

Il l’a appelé la veille. Il s’ennuyait, ils se sont fait un Italien dans son quartier. Il lui a parlé de moi tout le dîner…

Bien sûr !

Je la connais si bien, mon Axel chérie !


Suite à l’échauffement de nos jeux printaniers, elle s’était fait dépuceler le même été par un «sublime » écuyer italien de son club hippique, qui lui avait aussi pris le petit le même soir…


Il n’avait pas fait dans le détail, ce hussard transalpin… Deux pucelages dans la soirée.

À sa décharge - si je puis m’exprimer ainsi - j’avais eu l’occasion de me rendre compte en tripotant la belle Axel, que lorsqu’un de mes doigts s’aventurait de ce côté-là, son petit froncé ne faisait jamais la grimace.


Depuis cette formation accélérée, il ne fallait pas lui en promettre et elle se rattrapait des années de disette…

Je la connaissais assez pourtant pour savoir que si elle avait un petit faible pour Bruce, (et que c’était réciproque), elle ne ferait rien sans m’en avoir parlé avant. Mais ça ne voulait pas dire qu’elle n’avait pas envie de faire…


Je lui demande s’il lui a parlé de nos histoires de cul et comme elle me dit que non, je lui en raconte une ou deux, qui je le sais, vont lui plaire. Elle écoute sans un mot, et sans doute déjà humide. Lorsque j’ai terminé, la gourmande demande quelques précisions sur sa façon de lécher.

Je lui réponds qu’elle n’a qu’à aller vérifier par elle même…


Re-silence. Mais elle est toujours là, bien sûr.


Elle veut savoir si cela ne me dérange pas ?

Je la rassure : les copines, c’est fait pour ça, aussi…


Fine mouche, elle me dit que ce feu vert sur mon mec cache quelque chose. Je ne la démens pas.



Elle me renvoie les mêmes avec deux doigt en plus.

Axel, elle est poète, et Bruce va morfler !

Je raccroche avec l’impression du devoir accompli. J’adore rendre service aux gens que j’aime bien…




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n° 13529Natacha Torride18/10/09
Orage mécanique
critères:  policier
9934 caractères
Auteur : Natacha Torride

Il pleut. J’aime bien travailler sous les voitures avec une averse constante en guise de musique. Ils ont annoncé une tempête pour ce soir à la météo. Pas que chez nous d’ailleurs. Je n’ai pas peur du vent et de la pluie. Je leur trouve des vertus apaisantes. Ça commence à souffler sous la tôle ondulée. Des sifflements longs traversent l’air. J’ai soif. Je fais glisser le chariot, j’en ai fini avec les roues de la 206.


Et je la vois. Je ne vois qu’elle.


Elle vient de rentrer sa caisse.


La maîtresse de mon mari me fait l’honneur d’une visite. Sait-elle seulement qui je suis ? Je la regarde sortir de l’habitacle, déplier son grand corps et tendre son chemisier beige sur sa poitrine presque absente. Ses cheveux tristes sont teints en rouge. Mornes et lisses, ils pleurent sur ses épaules minces. Cette teinte, elle l’a probablement choisie pour lui, qui apprécie tant les rousses.


Jules, mon patron, me lance :



T’inquiète, mon gars, je viens. Je finis mon lait fraise et je vais m’occuper de son châssis…


Avec l’index de ma main droite j’essuie mes commissures. Un coup d’œil dans le miroir ébréché fixé au mur du minuscule bureau, le temps de nettoyer mon visage avec une serviette éponge, d’enlever un peu de ce noir qui recouvre mes mains et j’entre en scène. Dans mon tee-shirt blanc un peu sale collé à mes seins menus, mais ronds et fermes, j’aborde la grande fille et lui demande ce que je peux faire pour son service.



Campée sur ses deux quilles interminables, elle me toise. Mains dans les poches de son pantalon noir. À pinces.


Incroyable comme elle est impeccable : elle a dû passer dix ans à repasser son futal pour obtenir un pli pareil sur chaque jambe. On dirait le mannequin en plastique d’une boutique de fringues.


Je la contourne, mine de rien, de m’intéresser à la voiture. Mes yeux se perdent sur sa croupe un peu large. Il y a quelque chose de carré dans la morphologie de cette fille. La chute de reins, je pense. N’empêche, le fessier de toute évidence est joli, un peu rempli. Une offense. Elle se tourne, penche vers moi son visage rond, une sorte de lune diaphane sans véritable grâce, plonge ses pupilles marron dans les miennes. Ensuite elle évalue mon buste, sans se presser.


Je suis mal à l’aise à cet instant parce que je lui trouve un air curieux. Ça me déstabilise. Surtout qu’elle se cambre et me jette à la figure une sorte de sourire amical auquel je ne puis répondre. Une insulte produirait sur moi pareil effet.


Du jeu à l’arrière…


Je vois, c’est sûrement ça qu’il vient sonder en fouillant tes dentelles mon bonhomme, ton jeu à l’arrière… Et puis toi, greluche, t’es venue reluquer de près celle qu’il n’a pas l’intention de quitter pour ton train bombé…



Je réponds :



Marcel, au garage, il travaille dur. Et c’est un ami. Il ne me dit jamais non. Quelqu’un de fiable. Ça fait mille ans au moins qu’il bosse pour Jules. Je crois qu’ils prendront leur retraite ensemble. Quand j’ai débuté ici, je venais tout juste de décrocher mon C.A.P. J’avais bien passé un baccalauréat l’année précédente, mais il était trop général et je rêvais de vie active. C’est comme ça que ça m’est venu l’idée du certificat d’apprentissage. Bref, j’ai bossé sans me soucier des heures.


Marcel était déjà dans la boîte. Il m’a appris mon métier. Ensemble, on a retapé des voitures, et on en a bousillé. Histoire de donner des leçons qui marquent à ses potes, ceux qui lui devaient du fric. Eh bien, à chaque fois, j’ai participé sans rechigner, et volontiers.


Avant qu’elle ne s’éloigne, rapidement je défais mon chignon pour qu’elle contemple ma toison auburn. Ma chevelure souple et épaisse épouse mon dos. Je sais le pouvoir de fascination de mes cheveux. Cela ne tient pas à la couleur, mais au volume. Je pourrais faire de la publicité pour les shampooings, tant ils sont beaux.


Une chance d’avoir ça, vu qu’avec mon boulot j’ai pas souvent l’occasion d’être féminine. Et c’est pas avec mon petit corps tout nerveux, si svelte, qu’on me verra demain en couverture des magazines ! J’ai rien d’une Marilyn, on ne m’attend pas chez Cosmo pour une séance photo !


Du revers de ma main que le cambouis a souillé, je ramène en arrière une mèche rebelle. Elle affiche une mine déconfite. Trente secondes. Après elle dégaine son téléphone portable.



Elle raccroche. Vient de donner rendez-vous à l’homme de ma vie. Celui qui rentre tard le soir à cause des heures supplémentaires. Celui que j’ai vu bécoter cette femme sur le parking d’un supermarché dans la voiture que je m’apprête à réparer. Ce jour-là, j’étais en panne de lait fraise…


Mes lèvres tombent sous l’estocade. Je bloque sur les siennes, pulpeuses. Bouche large pas maquillée. Dents blanches parfaites. Bouche évocatrice à souhait. Bouche ennemie approche mes lèvres, puis recule et triomphe ostensiblement.


Je pense : Maîtrise-toi, Feia ! Qu’elle en profite des deux heures, ce sont les dernières…


Doucement j’attrape les clefs qu’elle agite sous mon nez avant qu’elle n’aille lui présenter ses fesses. Rien ne transpire de mon visage. Je voile mes sentiments et plante un faux regard amène dans ses iris bruns.


Je ne voudrais pas les imaginer, c’est à devenir folle. Alors je cherche à me concentrer pour ne pas autoriser mes tripes à prendre le dessus.


Impossible. Je ne connais personne qui puisse se contrôler à ce point.


Des flashes traversent mon esprit. Ses lèvres charnues embrassent celles de mon mari. Il lui offre le baiser qu’elle espère. Oh, pas un contact fugace, non, un patin dans les règles de l’art, long, langoureux. Dans le genre de ceux qu’il me refuse. Il la tient dans ses bras et il la tripote. Et il la caresse avec amour. Et il respire son parfum. Tout ça dans notre vieille bagnole, une R18 grisâtre et solide que j’entretiens moi-même, celle qu’il conduit tous les jours, qu’on prend le dimanche pour aller promener ou voir des copains.


Heureusement, elle s’impatiente. L’appel du mâle… La carte grise posée sur l’établi, elle part. Je la mate. Sa démarche, pas élégante, mais aérienne, m’agace. Elle est réellement très grande. Un mètre quatre-vingt, facile. Elle est rapide, ses jambes happent le trottoir d’en face. Elle tourne et c’est fini.


La carte grise est posée sur l’établi. Elle est partie. J’ouvre le document. Coraline, elle s’appelle Coraline. On a le même âge, vingt-cinq ans. Elle va lui rouler une pelle comme on prend l’apéro. Et pour la suite des festivités, c’est clair que ça va être du repas trois étoiles…


Je vais chercher Marcel. Il est plus expert que moi. Pas besoin de lui expliquer, il a deviné. Méthodique, il prépare les outils, les pièces. Il va faire de la belle ouvrage… Il ne se pose pas beaucoup de questions, Marcel, c’est pas son style, les états d’âme. Et puis quand il a eu besoin, j’ai jamais hésité. On forme une bonne équipe.


Je chuchote, prends des gants aussi… Moi, je vais m’occuper de sa note. Ni TVA, ni facture… Je griffonne le prix de nos prestations sur une petite feuille quadrillée de carnet. Les détails n’apparaissent pas. Un total en euros qu’elle réglera en espèces, je le sais. Un tarif juste, sans exagération ni ristourne.


Depuis le bureau j’observe Marcel qui manipule le maître-cylindre comme personne. De ma vie je n’ai jamais autant aimé cette espèce de bocal à poissons et ses trois bouts de tuyaux…


Je refuse de penser qu’elle va revenir un peu défaite, les cheveux rouges légèrement ébouriffés. Heureuse aussi.


Sauf que c’est plus fort que moi.


La pluie redouble. Le vent fait tournoyer les gouttes. Les gouttes épaisses passent sous l’abri. Elles s’écrasent un peu partout. La pluie me gifle. Le tonnerre gronde et des éclairs d’acier transpercent le ciel si lourd. Je suis en colère. Mes poings serrés enferment ma rage contenue. Il l’embrasse. Les nœuds de ma gorge sont comme une corde dure. Il dégrafe le chemisier beige, mordille les seins juvéniles.


La corde encercle mon cou, serre et m’étouffe. Son sexe est dur. Il la saute. La pluie me rend dingue. Le vent aussi. Des gouttes de sueur coulent dans mon cou. Et il jouit comme un diable. Et elle jouit comme une folle. La corde n’en finit pas de juguler ma gorge.


Faut que je sorte ces images de ma tête, ce mauvais film. Desserrer l’entrave, projeter plus loin ma pensée, sur une route, si possible avec des virages.


Marcel a fini. Il pose sur mon épaule des doigts complices, rassurants.


Marcel s’en va.


Je la vois qui traverse, rapide, abritée sous un large et noir parapluie. Elle lutte contre le souffle violent qui soulève la toile. J’ai l’air calme, je le sais, presque avenante. Une pro du self-control.


Radine-toi, ma cliente, approche. Ma vieille bagnole vient d’abriter tes ébats, mais la tienne va devenir mon alliée qui dans les virages perdra bientôt l’usage de ses freins. Qui dans les danses sinueuses d’une départementale ne t’accordera pas le temps de te souvenir de ses baisers, de tes langueurs. Qui, je le souhaite, dans ses tonneaux, cabrioles aériennes, fracas de tôles, explosion de joie, feu d’artifice, ne te fera pas souffrir. Je ne te veux pas de mal. Mais que tu t’en ailles. Qu’il t’oublie.


Ce soir, je rentrerai la bouche en cœur. Je poserai, indulgente, une main tendre sur la R18 que j’aime tant.


Il ne voudra pas de moi. Pas grave. J’ai tout le temps devant nous.


Le sourire de la mécanicienne que tu n’as pas eu en acompte, j’accepte maintenant de te l’offrir, et on sera quittes.


Si j’avais mauvais esprit, je dirais que les bons comptes font les bons amis, mais je n’ai pas mauvais esprit.


Alors bonne route, Coraline…


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n° 13530OIOIO18/10/09
Une petite annonce plutôt originale
critères:   ff fplusag cérébral exhib photofilm confession nostalgie
7120 caractères
Auteur : OIOIO

C’était il y a quelques années… Jeune étudiante en médecine issue d’une famille modeste, je cumulais les petits boulots afin de faire face aux nombreuses dépenses qu’engendraient ma formation, jusqu’au jour où mon regard fut attiré par une annonce plutôt originale: "Vieille dame esseulée cherche jeune fille pour conversations joyeuses. Bonne rémunération."


Évidemment, trente secondes plus tard, je tentais crânement ma chance en appelant le numéro indiqué. Au bout du fil, une voix féminine dont le timbre révélait clairement une dame d’un certain âge, mais dont le phrasé et le débit montraient un esprit extrêmement affûté. Elle m’expliqua que sa meilleure amie était brusquement décédée il y a une quinzaine de jours, et que depuis leurs séances presque quotidiennes de conversations à bâtons rompus lui manquaient cruellement. Elle cherchait donc une jeune fille dont le verbe et l’imagination pourraient distiller un rayon de soleil pour égayer ses mornes journées.


Lorsque je lui demandai comment la convaincre que je pourrais être la personne qu’elle recherche, elle me répondit qu’il me suffisait de passer un test, à l’instant même, par téléphone. Elle me demanda de la faire vibrer (ce furent ses propres termes) en improvisant une histoire basée sur trois mots-clés: "chaleur", "bleu" et "sodomie". Ayant à peine pris le temps d’analyser ce qu’elle me demandait, j’ai commencé à improviser, mélangeant fantasmes et expériences personnelles, pour raconter l’initiation à la sodomie d’une jeune fille allongée sur un transat bleu, au bord d’une piscine. Visiblement mon récit a réussi à faire son effet à mon interlocutrice. De temps en temps, j’entendais sa respiration haletante dans le combiné. Et à la fin de mon récit, il se passa de longues secondes avant qu’elle ne reprenne la parole:



C’est ainsi que commença mon "petit boulot" d’étudiante de loin le plus agréable parmi tous ceux que j’ai eu l’occasion de pratiquer. Tous les soirs à l’heure de l’apéritif, je rejoignais ma vieille dame à son domicile pour improviser une histoire en fonction des mots-clés qu’elle me fournissait. Parfois elle me les dévoilait la veille en me demandant d’y attacher une importance particulière, mais la plupart du temps, je découvrais les trois ou quatre mots uniquement à mon arrivée. Les premiers jours, elle glissait toujours un terme explicitement sexuel pour bien me faire comprendre la saveur du récit qu’elle souhaitait entendre, mais très vite, elle me laissa plus de liberté sur les situations érotiques que je glissais dans mes histoires. Elle s’asseyait toujours sur le fauteuil en face du canapé où je prenais place, et me fixait d’un visage souriant que je prenais comme un encouragement silencieux. De temps en temps, je voyais ses joues s’empourprer dans les moments les plus crus de mes histoires, mais elle gardait toujours la maîtrise de soi, en restant parfaitement immobile, les jambes serrées et les mains délicatement posées sur un petit coussin de soie.


Au bout de quelques jours, elle se mit à me dévoiler quelques informations sur sa propre vie. Elle ne m’a jamais révélé son âge exact, mais par recoupements entre ses diverses anecdotes, j’ai pu deviner qu’elle avait dépassé les 90 ans. Il s’avère qu’elle était une ancienne photographe qui s’était spécialisée très tôt dans la photographie érotique. Séance après séance, elle m’autorisait à consulter les classeurs où elle conservait ses archives, dont les plus anciens clichés remontaient aux années 1930. J’avoue que c’était extrêmement troublant d’imaginer que des images aussi explicitement sexuelles pouvaient dater d’une époque aussi ancienne.


Tous les soirs, au moment de partir, elle me tendait une petite enveloppe qui contenait mon salaire de la journée. Au bout de quelques séances, j’ai réalisé que ce salaire était variable en fonction de l’intérêt qu’elle avait trouvé à l’histoire du jour, et très vite, j’ai pu optimiser ma rémunération en m’orientant systématiquement vers ses thèmes de prédilection qui tournaient autour des histoires de contrainte et de domination. Sa générosité était telle que j’ai pu abandonner mes autres emplois sans crainte pour mon budget. Un soir, elle glissa à l’intérieur de l’enveloppe un petit bristol avec ces quelques mots:


Je suis trop timide pour vous le demander de vive voix, mais sachez que j’ai gardé mon studio et une grande partie de mon matériel. Je serais ravie, si vous acceptiez de faire deux ou trois séances de poses pour moi.


J’avoue que ce soir-là, j’ai eu du mal à m’endormir, tournant et retournant la situation dans ma tête, essayant d’évaluer le risque de me laisser entraîner dans une spirale dangereuse. Finalement, au lieu de deux ou trois séances, je pense que j’ai dû en faire une bonne trentaine. Elle avait une manière incroyable de me mettre en confiance, commençant par me raconter une histoire qui justifiait le décor et les costumes qu’elle avait choisis ce jour-là. Tout en étant consciente de l’ascendant qu’elle avait pris sur moi, j’admirais la manière douce et subtile qu’elle utilisait pour arriver à ses fins. Ainsi, après des premières séances de photos plutôt pudiques, elle m’entraîna petit à petit dans des expériences de plus en plus intenses. J’étais complètement subjuguée par sa manière d’arriver à me faire entrer totalement dans une scène érotique uniquement par son discours. Et, je peux l’avouer sans honte aujourd’hui, je ne compte plus le nombre d’orgasmes que j’ai éprouvé devant son appareil photo, envoûtée par sa parole qui déclenchait les images les plus perverses dans mon imaginaire.


Mais comme toutes les expériences de la vie, celle-ci devait bien s’achever un jour. Un soir, arrivant à son domicile, je vis une épaisse enveloppe glissée dans la jointure de la porte d’entrée, avec une inscription manuscrite: "Pour OIOIO…"


Un peu fébrile, j’ai pris connaissance de son contenu qui refermait notamment une courte lettre:




Ma chère OIOIO,


Je ne t’ai jamais tutoyée durant toutes ses semaines, mais je le fais aujourd’hui car tu es devenue une amie sincère. Je sais que je vais partir très bientôt, et l’idée de t’imaginer assistant, impuissante et malheureuse, à mon déclin m’est tout simplement insupportable. J’ai donc pris la décision de déménager sans te prévenir pour ne pas te laisser le loisir de tenter de me faire changer d’avis. Tu as réchauffé mon triste hiver avec une vigueur que je ne concevais même pas. Je te laisse ces quelques étincelles qui te prouveront à jamais que notre rencontre n’était pas un rêve.


Bonne route à toi…



Derrière la page manuscrite, une bonne centaine de photos de moi, rigoureusement sélectionnées par son œil expert, depuis les plus artistiques jusqu’aux plus pornographiques. Pas un jour ne s’est écoulé depuis, sans que je n’aie adressé une pensée émue à cette vieille dame, intense compagne d’une brève saison. Et c’est en contemplant une fois de plus ses photographies somptueuses, que j’ai savouré l’idée de partager ce souvenir avec vous…



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n° 13531Féline21/10/09
Arrivée chaotique
critères:   grp vacances intermast entreseins fellation cunnilingu partouze -totalsexe
19956 caractères      
Auteur : Féline      Série : Vacances au soleil - 02 / 02

Je vous ai laissés alors que je dormais sur une plage pour récupérer d’une nuit très agitée sur le bateau.


J’ai juste eu le temps de déposer mes bagages dans la case que le club m’a allouée avant d’aller m’affaler sur le sable, club qui je m’en rendrais compte très vite, fourmille de gens ayant les mêmes envies de liberté que moi.


Je me réveille vers 11h30, encore groggy et pas tout à fait sûre d’où je me trouve. Le temps est magnifique et je décide d’aller faire un tour dans le village et de me renseigner sur les animations prévues pour ma période de villégiature.


Le village est composé de petites cases circulaires faisant office de chambre pour les vacanciers, délicatement disposées en bordure de plage sous des pins parasols y dispensant une ombre bienfaisante.


Au centre se trouve toute l’infrastructure, la piscine, le restaurant et tout l’espace loisir pour le plaisir et le bien-être de tout le monde.


Je me présente au comptoir d’accueil et prends connaissance des activités proposées et fais connaissance avec les différents organisateurs et les nouveaux arrivants à l’occasion de l’apéritif de présentation.


Je lie connaissance avec quelques personnes de l’assistance et notamment avec Benjamin et Sylvain, deux amis ayant gagné ce séjour à un concours de tarot et un couple dans la quarantaine, Alain et Luna.


Aussi c’est logiquement que nous décidons de rester ensemble pour le déjeuner qui suit et nous nous attablons dans une ambiance bon enfant.


Le repas terminé, nous nous donnons rendez-vous sur la plage plus tard dans l’après-midi.


Je fais un crochet par mon bungalow, le temps d’enfiler mon maillot, de prendre mon drap de bain et de rejoindre mes nouvelles connaissances.


Sur le chemin je rencontre Benjamin et Sylvain dont les yeux semblent fixés sur mes courbes sensuelles que leur dévoile mon maillot. Je souris légèrement, satisfaite de l’effet produit et, faisant comme si je n’avais rien remarqué, engage la conversation :



Tout en marchant vers la plage nous devisons gaiement :



Notre conversation s’arrête là car nous avons rejoint Luna sur la plage. Elle me sourit, m’invitant à installer ma serviette près d’elle tandis que les garçons prennent place de part et d’autre.



Nous profitons de ces instants d’intimité pour nous raconter et au fil de la conversation, j’apprends que Luna et Alain aiment les clubs car cela leur permet de rencontrer des femmes et des hommes libéraux et qui aiment s’amuser. Je ne lui cache rien de mes envies pour ces vacances et lui raconte ma nuit sur le bateau.


Au cours de mon récit, je la vois changer, d’abord imperceptiblement puis de plus en plus. Elle glisse la langue sur ses lèvres, ses yeux parcourent mon corps avec gourmandise… Je suis moi-même troublée à l’évocation de mes péripéties et suis très émue de la réaction de désir que je lis sur le visage de Luna :



Tout en continuant notre conversation, je roule mon maillot sur mes hanches afin d’offrir au soleil ma poitrine et mon ventre encore si clairs, et entame un massage avec ma crème solaire puis m’allonge sur le ventre et demande à Luna si elle veut bien m’en mettre sur le dos :



Seuls les bouts de ses doigts sont en contact avec ma peau et elle s’attarde à l’intérieur de mes cuisses, là où les jambes rejoignent mon sexe, et doucement frôle mon intimité de ses ongles. Je suis électrisée par cette sensation et ne peux m’empêcher de cambrer les reins pour qu’elle puisse glisser sur mon bourgeon gonflé.



Nous nous allongeons, continuant à deviser sur nos expériences respectives, augmentant notre excitation respective.



Le regard d’Alain glisse sur nos deux corps et en souriant il répond :



Et il court dans l’eau rejoindre Sylvain et Benjamin, pour, à n’en pas douter, les tenir informés de notre court échange.


L’après-midi glisse sur nous, et je rentre dans ma case en début de soirée, très excitée mais insatisfaite.


Je suis dans cet état où l’esprit est annihilé par le corps et où plus rien ne compte que le don de soi et le plaisir de l’autre.


Je me douche rapidement, évitant de me caresser même si l’envie est très forte, enfile des dessous très sexy, un string rouge en satin brodé, un soutien-gorge coordonné ne cachant que mes tétons déjà bien dressés, une jupe en voilages noirs avec une fente descendant de la hanche au bas de la jambe et laissant apparaître un peu plus à chaque mouvement et pour compléter le tout un caraco rouge en soie ajourée. Pour parfaire ma tenue, je me chausse d’escarpins à talons aiguilles. Un coup d’œil dans le miroir me permet de voir un ensemble terriblement sexy et qui, j’espère, plaira au petit groupe de l’après-midi.


Quelques coups frappés à la porte de ma chambre et Luna entre, avant même que je l’y invite. Sa tenue est stupéfiante, sa robe est en tulle et seule une bande de tissu couvre sa poitrine généreuse. L’ensemble est transparent et très troublant. Mon regard descend sur ses formes et force est de constater que le triangle de son string apparaît au regard.



Ce disant, ses lèvres s’approchent des miennes, les frôlent dans une caresse très sensuelle. Je glisse ma langue et force sa bouche, et nos lèvres à peine en contact, nous commençons le ballet de nos langues qui se lèchent et s’explorent. Mes mains entourent sa taille et la serrent pour que son corps se retrouve contre le mien. Imperceptiblement nous commençons un langoureux mouvement et glissons l’une contre l’autre. Je sens la pointe de ses seins gonfler et ne peux résister au plaisir d’aller les caresser tandis que ses mains viennent masser la rondeur de mes fesses.


Je fais glisser les bretelles de sa robe sur ses épaules afin de pouvoir admirer sa poitrine orgueilleuse.



Je butine de baisers son visage, son cou, soupèse de mes mains sa poitrine gonflée, pince ses tétons érigés, et avec la plus grande douceur aspire un sein dans ma bouche gourmande et titille son téton de mes dents.


Ses gémissements sont une musique à mes oreilles, je sens son excitation augmenter à chaque caresse que je lui procure, à chaque coup de langue passé. Elle est là debout devant moi, pleine de désir et du plaisir que je lui donne.


Doucement, je remonte sa robe lui glissant à l’oreille :



Nous sortons donc de ma case et rejoignons les autres déjà tous attablés. Notre arrivée ne passe pas inaperçue. D’une part car notre tenue provoque les regards lubriques de ces messieurs, pour notre plus grand plaisir, et d’autre part car notre excitation est perceptible.


Nous nous mettons à table et je me retrouve assise entre Alain et Sylvain et Luna entre Alain et Benjamin. Nous sommes donc au complet sur cette table ronde. Luna se penche sur son mari et chuchote à son oreille des mots que nous ne pouvons entendre mais que je devine au regard qu’il me jette.


Le repas se passe dans une ambiance agréable et chaleureuse et le dessert servi, nous nous attardons, buvant une bonne bouteille de vin et axant la conversation vers des sujets plus adultes :



Luna, un sourire aux lèvres et le regard gourmand ne me quittant pas, commence le récit de nos échanges depuis l’après-midi.


Sans vraiment m’en rendre compte, je mords ma lèvre inférieure, mon excitation augmente au fil de son récit.


Je sens une main se poser sur ma cuisse et commencer une légère ascension. Les doigts sont chauds et doux et ce contact m’électrise. Le seul souci, c’est que le plateau de la table sur laquelle nous avons dîné est en verre et que donc tout le monde peut voir cette main qui est celle d’Alain.


J’essaie de le repousser.



Puis se tournant vers moi :



Les yeux de Luna sont rivés sur la main d’Alain et son souffle se fait plus court.



Sa façon de parler n’appelle aucun commentaire et certainement pas de désobéissance et Luna se glisse donc sous la table et, féline, s’approche de moi.



Ma jupe se retrouve troussée et mon string humide à la vue de tous. Benjamin fait le tour de la table et s’installe derrière moi, faisant glisser ses mains sur mon épaule et allant à la limite de mes seins.


Au travers du plateau de verre, Luna progresse invariablement vers mon antre brûlant. Ses dents écartent mon string, dévoilant mon pubis et mon bourgeon dressé aux regards de nos trois admirateurs. Alain en profite pour aller le taquiner du bout de l’index. Sa façon de le masser, pour l’instant d’après le frôler, m’arrache des gémissements de plaisir.



Il retire son doigt de mon clitoris, le fait glisser le long de ma chatte et, à mon grand regret, arrête là sa caresse. Luna lâche mon string et vient quelques instants frotter sa bouche au travers du fin tissu pour s’écarter à son tour.


Benjamin me retire mon caraco et Luna ma jupe. Me voilà en dessous très sexy, avec des escarpins à talons aiguilles, offerte aux regards de tous.


Alain attrape ma main et la pose sur son entrejambe. Son pantalon est déformé par la bosse que fait son sexe et il m’ordonne sans quitter mon regard :



Sylvain voyant ma main aller et venir sur la bosse du pantalon en toile d’Alain, m’attrape mon autre main et la pose à son tour sur son sexe tendu sous le tissu de son pantalon. Benjamin, quant à lui, a sorti sa queue et commence une lente masturbation tout en glissant une main dans mon soutien-gorge pour rouler entre ses doigts mon téton qui durcit sous la caresse.


Luna me caresse délicatement l’intérieur des cuisses avec la pointe de sa langue, puis invariablement, se dirige vers mon bouton avide de ses caresses. Je gémis de plaisir et ma respiration s’accélère. Quand je sens l’humidité chaude de sa bouche frôler mon clitoris, un tremblement de plaisir m’envahit. Sa langue se fait insidieuse et sa façon de l’agiter de plus en plus vite me rend folle de désir. Quand elle aspire mon bouton dans sa bouche et le fait tourner au gré de son envie pour mieux le laisser s’échapper et le branler de sa langue agile, je suis au bord de l’explosion, mais Alain qui s’est nommé maître es-cérémonie de la soirée la repousse :



Benjamin, déjà très excité par tout ce qui vient de se passer et par la masturbation qu’il se fait, s’assoie à ma place pour se mettre au niveau de la bouche de Luna. Je me glisse à mon tour sous la table, écarte les jambes de Luna et m’allonge sous elle pour que ma bouche épouse son sexe et que mes mains puissent explorer son corps. Je caresse son ventre et son pubis qui, contrairement au mien, est très fourni en poils. Mes doigts pénètrent dans cette forêt à la recherche de son intimité. Puis mes mains remontent le long de son corps pour englober ses seins et taquiner ses tétons.


Sa réaction ne se fait pas attendre et, du bassin, elle commence à onduler et son sexe soyeux se frotte sur mes lèvres. Les trois garçons sont très excités à la vue de nos caresses et Benjamin en profite pour approcher son dard des lèvres de Luna.



Comme un déclic, Luna, à l’évocation que vient de faire Alain, ouvre la bouche et glisse la queue tendue dans la chaleur de sa bouche. Son mouvement est si lent que chacun de nous peut admirer la manière avec laquelle elle absorbe le membre bandé.


De cette façon elle commence des va-et-vient avec une lenteur consommée qui met la patience de Benjamin à rude épreuve.



Cette vision explose mes sens et je dévoile de mes mains la chatte de Luna et commence à la masturber de ma bouche et de mes doigts. Son bassin oscille au rythme de la fellation qu’elle prodigue à Benjamin et je sens couler sur mon visage son plaisir. Son bouton est sorti de sa gaine protectrice et s’offre à ma langue experte. Je l’agite en tout sens, l’attrape entre mes dents pendant que mes doigts pilonnent sa chatte dégoulinante. Je veux qu’elle hurle son orgasme et au moment où les contractions de son vagin s’intensifient sur mes doigts, je vais appliquer mon autre main sur ses fesses et de mes doigts les écartent pour pénétrer son cul.


Benjamin lui attrape les seins et les malaxe dans ses grosses mains ce qui génère un nouveau spasme de plaisir de la part de Luna. Elle est maintenant déchaînée et le rythme de ces va-et-vient qu’elle impose à Benjamin arrive à bout de sa résistance. Dans un cri de plaisir il éjacule longuement dans sa bouche, la traitant de salope, de pute, d’allumeuse, de gouine et bien d’autres mots qui la portent au sommet du plaisir.


Tout à coup elle se raidit, se contracte, hurle son plaisir que je recueille dans ma bouche gourmande.


Sylvain et Alain me sortent de sous la table :



Je m’allonge sur le dos, Alain m’écarte les jambes tandis que Sylvain me présente sa braguette à hauteur de bouche. Me voilà offerte au plaisir de ces messieurs et aux regards de Luna et Benjamin qui ont repris place autour de la table et je me rends compte que cette situation m’excite énormément.


Alain passe sa main entre mon string et ma chatte, tirant sur la ficelle. Je suis trempée et il ne manque pas d’en avertir tout le monde.



Il glisse un doigt dans ma chatte, en masse l’entrée tout doucement et, le sourire aux lèvres, commence à butiner mon sexe de baisers et de léchouilles sans jamais toucher mon bouton qui pourtant est gonflé et très sensible.


J’attends impatiemment que sa bouche et sa langue entrent en contact avec ce petit bout de chair qui me donne tant de plaisir.


Sylvain caresse mes seins, les effleurant de la paume de ses mains tandis que j’engage les miennes et ma bouche vers cette bosse qui augure un sexe de bonne taille. Je glisse la fermeture éclair pour me rendre compte qu’il a une queue magnifique, épaisse comme je les aime, assez longue pour mes mains et un gland humide et violacé signe d’une excitation bien entamée.


Je prends sa colonne de chair dans ma main et commence un doux va-et-vient, libérant son gland pour le recouvrir l’instant d’après, soupesant ses couilles dans mon autre main. Je le branle avec délice et lentement approche ma bouche. Mes lèvres s’entrouvrent pour laisser ma langue explorer ce corps défendu. Son gland est doux et très sensible, chaque coup de langue lui soutire un gémissement.


Son bassin vient au-devant de ma bouche, faisant coulisser sa queue dans ma main qui continue ses va-et-vient. Je l’aspire et commence de douces caresses de ma langue que j’enroule et déroule autour de son désir. Je sens chaque relief de ce dard puissant et le suce inlassablement. Je laisse glisser mes doigts de ses couilles à la rondeur de ses fesses. Je sens sa queue durcir encore et j’accentue la pression et le branle vigoureusement entre mes lèvres. Je l’embouche de plus en plus profondément et agite sa queue au fond de ma gorge. Je sens son dard palpiter, prêt à décharger son nectar. Je fais rouler ses couilles au creux de ma main, lui caresse l’intérieur des cuisses. Il se tétanise et je sens les jets chauds et puissants de son foutre envahir ma gorge.


Alain aspire mon bourgeon entre ses dents, le fait rouler sous sa langue, le titille, le lèche, le mordille, le tète… Mon bassin est pris d’une vie propre et va au-devant de ses caresses à un rythme effréné. Le plaisir arrive par vague et mon orgasme explose mes sens.


Alain me soulève et m’empale sur sa queue dressée.



Je lèche mes doigts, les faisant aller et venir dans ma bouche, simulacre d’une fellation torride, me cambre et glisse mes mains pour englober mes seins et les pétrir à quelques centimètres de sa bouche. Je me sens salope et assume avec plaisir. Luna s’est assise à côté de nous et se masturbe en nous regardant. Ses longs doigts manucurés massent son clitoris, ses regards et sa façon de passer la langue sur ses lèvres en regardant son époux finissent de l’achever. Il attrape mes fesses et m’imprime un rythme qui me rend dingue. Je m’empale sur lui avec violence et accélère le glissement de mon puits le long de sa queue prête à exploser.


Luna a le regard qui dérive, signe de l’approche de l’orgasme, Benjamin dont le membre a retrouvé une certaine vigueur la pénètre et la pilonne avec force. Sous les assauts d’Alain, je m’électrise à nouveau et hurle mon plaisir. Les contractions de mon ventre se font violentes et Alain est pris de tremblements lorsqu’enfin son foutre envahit ma matrice.


Luna jouit à son tour pour la seconde fois de la soirée, repousse Benjamin et, se rapprochant de lui, englobe sa bite entre ses seins et se met à le branler avec force. Le membre apparait et disparait à une vitesse phénoménale, le gland est soumis à un frottement rapide et la vue de ces seins caressant sa queue ont vite raison de l’endurance de Benjamin et quelques frottements plus tard, il éjacule en longues giclées sur le doux visage de Luna.


Repus et épuisés nous restons une bonne partie de la nuit sur place à discuter la tête dans les étoiles, et cette soirée formidable et tellement torride nous décide à nous retrouver pour d’autres jeux…





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Erotisme torride

Tendre Amour

Bon Scénario

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n° 13532Sextylo21/10/09
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